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Pierre Dugua de Mons

Pierre Dugua de Mons (ou Du Gua de Monts), colonisateur, explorateur, traitant (né vers 1558 à Royan, France; mort le 22 février 1628 près de Fléac-sur-Seugne, France). Pierre Dugua de Mons a dirigé la fondation de Port Royal (aujourd’hui Annapolis Royal), en Acadie, et de Québec, au Québec, les deux premiers établissements français durables en Amérique du Nord. Dans une époque marquée par de vives tensions religieuses en Europe, peu de personnes engagées dans l’exploration et la colonisation française de l’Amérique du Nord sont aussi représentatives du contexte social, politique et religieux du début du 17e siècle. Samuel de Champlain et Mathieu Da Costa, des personnages beaucoup plus connus de cette période, étaient des employés de Dugua de Mons et travaillaient sous sa supervision. La renommée de Dugua de Mons a été éclipsée par celle de Samuel de Champlain notamment parce que celui-ci a beaucoup écrit au sujet de son œuvre, ce que de Mons n’a pas fait. En outre, dans certains de ses écrits, Samuel de Champlain s’est attribué lui-même le rôle de Dugua de Mons.

Pierre Dugua de Mons

Buste à l’effigie de Pierre Dugua de Mons à Québec.

Jeunesse

Pierre Dugua de Mons est probablement né dans la ville de Royan, sur la côte Ouest de la France. Royan est relativement proche du village de Brouage, lieu de naissance de son célèbre employé Samuel de Champlain.

Dugua de Mons naît au cœur de la tourmente de la Réforme et de la Contre-réforme en France. Durant la Réforme, certains Européens décident de quitter l’Église catholique pour devenir protestants. La Contre-réforme est une réaction à ce mouvement, alors que beaucoup combattent pour préserver la puissance de l’Église catholique. À la fin du 16e siècle, la France participe aux guerres de Religion, une série de conflits entre catholiques et protestants. Pendant ces guerres, Dugua de Mons combat au sein des forces royales d’Henri IV. Comme le roi avant sa conversion au catholicisme en 1593, Dugua de Mons est protestant (ou huguenot). En reconnaissance de son dévouement à la couronne durant le conflit, il reçoit une généreuse pension, le poste de gouverneur de la ville de Pons et le patronage royal. Après l’assassinat d’Henri IV en 1610, Dugua de Mons est banni de la cour royale par sa veuve, la reine Marie de Médicis. Toutefois, Samuel de Champlain continue de représenter ses intérêts à la cour.

Comme le roi Henri IV, qui s’est converti au catholicisme pour la préservation de la couronne, Dugua de Mons épouse une catholique, Judith Chesnel. Quand il se rend en Amérique du Nord, il amène avec lui des protestants et des catholiques.

Monople de traite en Acadie


Pierre Dugua de Mons se rend vraisemblablement en Amérique du Nord à la fin du 16e siècle. Toutefois, ce n’est qu’en 1603, quand le roi Henri IV lui accorde le monopole de la traite en Acadie, que son rôle devient important. L’Acadie est une colonie française qui s’étend sur une partie du Québec, des provinces maritimes et du Maine actuels. À l’époque, il est fréquent que l’État accorde des droits de traite exclusifs à des marchands afin de réduire ses dépenses et son exposition aux risques. La commission de Dugua de Mons lui confère un monopole sur toute la côte de l’Amérique du Nord entre l’actuelle Philadelphie et le Cap Breton. Outre la traite, Dugua de Mons est chargé de coloniser, peupler et cultiver le territoire aussi rapidement, efficacement et soigneusement que le temps et les circonstances le permettront. En vertu de cette commission, il fonde la Compagnie de Rouen, aussi connue sous le nom de Compagnie de Mons.

Avant que Dugua de Mons reçoive cette concession, les Français ont tenté de nouer des relations avec les Innus au poste de pêche de Tadoussac. Cependant, Dugua de Mons trouve le climat des côtes du fleuve Saint-Laurent trop rigoureux. Son intérêt se tourne plutôt vers le sud, dans les territoires des Abénakis et des Mi’kmaq, de plus en plus revendiqués par les Anglais. Durant les années de formation, de 1604 à 1607, son monopole se concentre dans la région de la baie de Fundy, plus précisément autour de la rivière Sainte-Croix, du fleuve Saint-Jean et des basses terres d’Annapolis

Île Sainte-Croix


Le premier établissement de Dugua de Mons est situé sur l’île Muttoneguis, dans la rivière Sainte-Croix, qui marque aujourd’hui la frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick. Dugua de Mons lui donne le nom d’île Sainte-Croix. Durant l’été 1604, il construit les bâtiments avec ses associés François Gravé Du Pont et Jean de Biencourt de Poutrincourt. C’est un échec incontestable. L’établissement étant situé sur une île, les colons ont difficilement accès aux ressources du territoire. Le premier hiver, 35 des 79 hommes de Dugua de Mons périssent du scorbut. De plus, les deux prêtres catholiques et le pasteur protestant que de Mons a amenés avec lui s’affrontent continuellement, exacerbant les tensions religieuses.

Port Royal


Après l’échec de son établissement de l’île Sainte-Croix, Dugua de Mons retourne en France afin de consolider ses intérêts financiers, tandis que ses associés et employés déménagent la petite colonie de l’autre côté de la baie de Fundy, au sein de la communauté mi’kmaq de Tewopsik (plus tard rebaptisée Port Royal). Un an auparavant, il a concédé le site à son associé Jean de Biencourt de Poutrincourt, apparemment sans consulter les chefs mi’kmaq ni tenir compte de leurs traditions juridiques.

Bien que peu profitable, l’établissement de Port Royal connaît plus de succès que celui de l’île Sainte-Croix. Le grand chef mi’kmaq Membertou tolère la délégation française, et l’accueille peut-être même avec bienveillance. L’avocat français Marc Lescarbot, un ami de Poutrincourt qui séjourne au poste durant l’hiver 1606-1607, y fonde le Théâtre de Neptune, le tout premier théâtre européen en Amérique du Nord. Les hommes de Port Royal fondent aussi un club social appelé l’Ordre de Bon Temps afin d’égayer leur séjour. Fait notable, les chefs mi’kmaq se joignent périodiquement à eux dans leurs activités.

Québec


À partir de 1609, Dugua de Mons joue un rôle moins important en Amérique du Nord. Deux ans auparavant, cédant aux pressions de marchands concurrents, le roi Henri IV a révoqué son monopole de traite. S’ajoutant aux pertes financières subies à Port Royal, la perte de son monopole amène Dugua de Mons à se tourner de nouveau vers le fleuve Saint-Laurent. En 1608, il envoie son employé Samuel de Champlain construire un nouveau poste sur le site de l’actuelle ville de Québec. Son associé Jean de Biencourt de Poutrincourt demeure à Port Royal jusqu’en 1613.

En 1610, le roi Henri IV est assassiné. À ce moment, Samuel de Champlain, à titre de lieutenant de Dugua de Mons, a établi une présence française à Québec. Avec quelques exceptions, la colonie française de Port Royal connaîtra une vie difficile, entrant dans un siècle marqué par les conflits et la négligence. À Québec, toutefois, Dugua de Mons demeure actif dans la traite nord-américaine au moins jusqu’en 1617.

Relations avec les peuples autochtones

Au début des années 1600, dans le but d’élargir le commerce des fourrures, la France tente de nouer des alliances avec les peuples autochtones et de pacifier les nations en guerre. Il est difficile de savoir avec quel succès Dugua de Mons s’acquitte de cette tâche, car il a peu écrit au sujet de ses voyages. Les historiens doivent s’en remettre aux écrits de son employé Samuel de Champlain et de l’avocat français Marc Lescarbot pour connaître sa vie, particulièrement en ce qui a trait à ses relations avec les peuples autochtones. Par exemple, au sujet d’une expédition dans ce qui est aujourd’hui l’État du Maine, Samuel de Champlain explique : « Le sieur de Mons m’avoit envoyé par devers eux pour les voir & leur pays aussi: & qu’il vouloit les tenir en amitié, & les mettre d’accord avec les Souriquois & Canadiens leurs ennemis: Et d’avantage qu’il desiroit habiter leur terre […]. »

Quant à lui, Marc Lescarbot affirme que Dugua de Mons et ses associés ont traité les autochtones avec humanité, et qu’ils étaient appréciés et respectés. Toutefois, on ne sait pas vraiment à quel point les autochtones et les diplomates européens pouvaient se comprendre mutuellement.

Néanmoins, en 1603 à Tadoussac, les Français contractent une alliance avec les Innus et leurs alliés. C’est la première fois qu’ils nouent une entente de ce genre avec un peuple autochtone. Lorsque Dugua de Mons obtient son monopole de traite, plus tard dans l’année, la relation avec les Innus est renforcée. Alors que dans les rencontres précédentes, on s’échangeait des délégués et des biens ou on prenait des otages, cette fois Dugua de Mons leur promet une aide militaire. Marc Lescarbot considère que de Dugua de Mons a joué un rôle important pour faire de Tadoussac un centre de commerce.

Rien n’indique clairement que des efforts diplomatiques ont pris place sur l’île Sainte-Croix ou à Port Royal, mais Dugua de Mons n’a jamais travaillé dans la région sans guides autochtones. Ses voyages le long de la côte atlantique ont été facilités par les chefs Etchemin Chkoudun et Oagimont. Bien que les noms des membres de la délégation Etchemin n’apparaissent pas dans les procès-verbaux, il est possible que Chkoudun et Oagimont aient participé au conseil de 1603 à titre d’alliés des Innus.

On ignore à quel point ces relations ont été développées directement par Dugua de Mons et ses subordonnés comme Samuel de Champlain. Toutefois, il importe de noter que les Etchemin et les Mi’kmaq étaient des alliés des Innus, et que la diplomatie entre ces groupes et les Français obéissait à des protocoles autochtones et non européens.

Comme ce sera le cas plus à l’ouest dans la période ultérieure de l’histoire de Nouvelle-France, la diplomatie française reste toujours limitée au réseau de ses alliés. Malgré leurs efforts, Dugua de Mons et ses associés ne parviennent jamais à établir des relations avec les ennemis des Wolastoqiyik, des Mi’kmaq et des Innus.

Postérité

Pierre Dugua de Mons a fondé les deux premiers établissements français durables en Amérique du Nord, Port Royal et Québec. Il a aussi employé des personnages historiques de premier plan comme Samuel de Champlain et Mathieu Da Costa. Champlain a cultivé des alliances avec des partenaires clés en Amérique du Nord, et Da Costa est généralement reconnu comme le premier Africain ayant participé à la colonisation du Canada. Il a travaillé comme interprète pour de Mons de 1608 à 1609.

Malgré son importance historique, la renommée de Dugua de Mons a été éclipsée par celle de Samuel de Champlain. Puisqu’il a peu écrit au sujet de son œuvre, les historiens ont dû s’en remettre aux Voyages de Champlain et à l’Histoire de la Nouvelle-France de Marc Lescarbot pour connaître la période. En outre, dans l’édition de 1632 des Voyages, quatre ans après la mort de Dugua de Mons, Samuel de Champlain s’est lui-même attribué le rôle de Mons. Dans les éditions précédentes, ce dernier était un personnage de premier plan.

L’héritage le plus durable de Dugua de Mons reste probablement les noms qu’il a choisis pour remplacer ceux utilisés par les Mi’kmaq et les Abénakis. En plus d’avoir rebaptisé l’île Muttoneguis île Sainte-Croix, il a renommé la rivière Wolastoq rivière Saint-Jean et le village de Tewopsik Port Royal.

Décès

Au milieu des années 1620, Pierre Dugua de Mons disparaît pratiquement de la scène de la traite en Amérique du Nord. Il meurt le 22 février 1628 près de sa maison, au château d’Ardennes, près de Fléac-sur-Seugne, en France. Il n’avait pas d’enfant.