Parmi les éléments qui constituent la quintessence du Canada, le bûcheron occupe une place prépondérante. Son image, réelle ou imaginaire, appartient au folklore de notre pays : il se tient là, vêtu d'une veste à carreaux rouges et noirs, le pied juché sur une souche. Une hache est posée sur le sol à ses côtés, et l'immensité de la forêt qu'il lui reste à couper s'étend en arrière‑plan, loin derrière lui. Des légions d'hommes et de femmes (en effet, des « bûcheronnes » ont pris la relève en temps de guerre) ont alimenté le commerce du bois, l'une des industries fondatrices du Canada.
De nos souvenirs plus récents, toutefois, un personnage différent émerge de la forêt. Le planteur d'arbres pourrait bien correspondre au nouveau bûcheron — sur les plans de la force et de l'endurance. Grâce à plus d'un siècle d'évolution des politiques environnementales, la préservation des forêts du Canada revêt autant d'importance aujourd'hui que leur exploitation. La plantation d'arbres est un aspect essentiel de leur maintien : chaque année, des milliers de jeunes Canadiens réalisent un parcours ardu au sein de régions éloignées, afin de replanter des milliers d'arbres.
Les ressources qu'ils contribuent à protéger sont immenses. En effet, le Canada compte plus de 300 millions d'hectares (ha) de forêts. Cette superficie correspond à près du double de la taille du Mexique, de même qu'à 10 % de la couverture forestière et à 30 % de la forêt boréale à l'échelle planétaire. Bien qu'il domine les exportations de bois d'œuvre résineux, de papier journal et de pâte de bois, le Canada récolte annuellement moins de 0,2 % de sa forêt. Si cette superficie semble restreinte, elle totalise pourtant quelque 600 000 ha, et si on abat maintenant les arbres à la machine, il faut les replanter à la main, une gaule à la fois.
De toute évidence, le Canada n'a pas toujours maintenu un engagement aussi sérieux envers le reboisement. « Nous détruisons les forêts du Canada jusqu'à l'imprudence », a écrit John A. Macdonald en 1871, « et nous ne pourrons guère les remplacer ». Malgré cette déclaration accablante du premier ministre de l'époque, il a fallu du temps pour modifier les pratiques forestières. Pendant les années 1980, le gouvernement fédéral a lancé une campagne pour renforcer la gestion forestière durable. L'un de ses objectifs consistait à doubler, au minimum, la surface replantée sur une base annuelle. Aujourd'hui, le reboisement constitue un élément indéniable et permanent des pratiques forestières canadiennes.
Au cours de l'été 2013, le photojournaliste et ex‑planteur Luc Forsyth a entrepris de documenter la plantation d'arbres dans le Nord de l'Alberta. Ses photos, présentées ici et dans cette exposition, enrichissent la mythologie forestière du Canada. Le bûcheron n'est plus le seul ambassadeur des bois de notre pays. Des femmes et des hommes malpropres, mais persévérants s'unissent maintenant à lui dans le but de renouveler nos forêts.