Plantes, sélection des
La sélection des plantes est une science appliquée, dans laquelle la connaissance de la GÉNÉTIQUE, de la pathologie, de la physiologie des plantes, des STATISTIQUES, et de la BIOLOGIE MOLÉCULAIRE, est utilisée afin de modifier les espèces végétales et les adapter aux préférences ou aux besoins des humains. Bien que la sélection des plantes existe depuis l'époque de leur domestication par l'humain, ses principes sous-jacents ont seulement été compris au début du XXe siècle. Suite à la découverte des lois de la génétique et grâce aux progrès qu'a connus cette science, le croisement des plantes est apparu comme le moyen de modifier les fréquences des populations de gènes qui influencent les caractéristiques importantes des plantes. Les nouvelles techniques du GÉNIE GÉNÉTIQUE et de la BIOTECHNOLOGIE fournissent de formidables outils pour sélectionner les végétaux.
Méthodes
La plupart des programmes de sélection des plantes commencent par la création de nouveaux génotypes (combinaisons génétiques) au moyen de l'hybridation ou de la mutagenèse, et se terminent par l'évaluation et la sélection de quelques combinaisons supérieures. Bien que les étapes fondamentales soient les mêmes, les détails des programmes varient considérablement selon la longévité des espèces, leur mode primaire de reproduction et la structure génétique des variétés qui sont destinées à la production commerciale. Pour la plupart des CULTURES économiquement importantes au Canada, la production d'une nouvelle variété peut prendre entre 10 et 15 ans.
Avec l'avènement du génie génétique, il est maintenant possible de transférer des gènes à partir d'espèces non apparentées, afin d'introduire des traits désirables qui ne se retrouvent pas dans les espèces cultivées. Par exemple, le « riz doré » a été génétiquement modifié pour biosynthétiser les précurseurs de la bêtacarotène (provitamine A), en insérant des gènes de la jonquille et de l'Erwinia uredovora, une bactérie des sols d'origine naturelle. Certaines espèces de maïs, de coton et de POMME DE TERRE ont été modifiées afin d'exprimer un gène isolé du Bacillus thuringiensis (Bt), et de produire une protéine qui tue les larves d'insectes invasifs. Les producteurs cultivent des espèces Bt au lieu de vaporiser des insecticides pour contrôler les INSECTES NUISIBLES. La majorité des espèces de CANOLA cultivées dans l'Ouest canadien ont été génétiquement modifiées afin de résister à certains herbicides. L'utilisation de ces herbicides a réduit la quantité de produits chimiques nécessaire au contrôle des mauvaises herbes dans les champs de canola.
Les espèces autofécondées comprennent le BLÉ, l'AVOINE, l'ORGE, le LIN, le TABAC, la TOMATE, le POIS, l'arachide et le riz. Ces espèces ont habituellement des fleurs « parfaites », c'est-à-dire que leur stigmate est fécondé avec du pollen produit dans la même fleur. L'autofécondation mène à des taux élevés de consanguinité. Les variétés commerciales cultivées sont normalement hautement consanguines, de sorte que leurs descendants ont essentiellement le même génotype.
Chez les espèces autofécondantes, les sélectionneurs doivent forcer l'hybridation entre des plantes de variétés différentes. L'hybridation (croisement) s'accomplit habituellement en retirant manuellement les anthères des fleurs du parent femelle désigné pour y transférer du pollen mûr du parent mâle désigné. La graine hybride qui en résulte porte l'information génétique des caractères des deux parents.
Généralement, l'hybridation est suivie de six à huit générations d'autofécondation, qui produisent une population de nombreuses plantes génétiquement distinctes, chacune étant capable de produire des descendants génétiquement uniformes. La sélection des traits désirables prend généralement place à travers les générations consanguines. Les plantes des premières générations ont généralement un taux élevé de traits héritables, alors que dans les générations suivantes, l'expression de ces traits est fortement influencée par l'environnement. Les nouveaux génotypes doivent être testés en divers endroits pendant plusieurs années et évalués selon les caractères liés à la productivité, à leur possibilité de transformation et de conservation, et à leur valeur marchande. Les caractères relatifs à l'environnement et à la santé sont aussi pris en considération. Des nombreux nouveaux génotypes évalués dans chaque population, seuls quelques-uns (et parfois aucun) possèdent les caractères obligatoires d'une nouvelle variété.
Les espèces à fécondation croisée comprennent le maïs, le SEIGLE, le brome, la fléole des prés, la LUZERNE et le TRÈFLE. Les variétés commerciales sont habituellement des mélanges de génotypes. De nouveaux génotypes peuvent survenir naturellement par fécondation croisée de différents génotypes d'une variété commerciale ou de génotypes de variétés différentes qui ont poussé ensemble. Chez les espèces vivaces, on peut évaluer des plantes selon leur propre performance, la performance moyenne de clones provenant de celles-ci, ou la performance moyenne des descendants produits par fécondation croisée ou autofécondation forcée. On peut former une nouvelle variété par combinaison de plantes sélectionnées, soit en mélangeant leurs graines et en laissant la nouvelle variété se multiplier elle-même par fécondation croisée, soit en mélangeant des graines des parents chaque fois qu'une nouvelle plantation est nécessaire. Cette dernière méthode s'utilise seulement si une certaine forme de multiplication végétative peut maintenir les parents comme source de graines.
Espèces à reproduction asexuée
Quelques espèces annuelles et nombre d'espèces vivaces peuvent se reproduire de façon asexuée à partir de tissu végétatif comme les tiges, les tiges modifiées (rhizomes, tubercules, tiges souterraines bulbeuses et bulbes), les feuilles et les racines, et, chez certaines espèces, par la production de graines apomictiques (indépendantes de toute fécondation).
Chez les espèces qui se reproduisent aussi sexuellement, on peut générer une variation génétique par hybridation. Chez les espèces où la production de graines est difficile, de nouveaux génotypes peuvent apparaître naturellement sous forme de « sports » (mutations spontanées) ou peuvent être créés à l'aide d'agents mutagènes (p. ex. l'irradiation ou les produits chimiques mutagènes). La sélection de nouveaux génotypes chez les espèces qui se reproduisent asexuellement est semblable à celle des autres espèces, sauf qu'il est possible de maintenir tout génotype supérieur par clonage.
Variétés hybrides
Les variétés commerciales de maïs (blé d'Inde) et de nombreux légumes et fleurs de jardin sont des plantes hautement homogènes produites par le croisement de deux lignées ou plus qui sont consanguines. Cette technique n'est économiquement possible que si le prix des graines est bas comparativement à la valeur de la culture, ou que si l'on peut minimiser le prix de production de graines hybrides par un système qui combine la stérilité génétique mâle avec la restauration de la fécondité. Habituellement, les graines hybrides donnent des plantes plus vigoureuses que celles produites par des lignées consanguines, un phénomène génétique appelé « vigueur hybride ».
La biotechnologie a permis récemment de développer des systèmes producteurs de graines hybrides sur des plantes femelles porteuses d'un gène de stérilité mâle. Celles-ci résistent également à un herbicide spécifique. L'application d'un herbicide élimine toutes les plantes mâles, assurant ainsi que seulement les graines produites par les femelles sont récoltées. De telles techniques ont déjà été appliquées au canola et vont permettre d'augmenter le nombre d'espèces pour lesquelles il est rentable de produire des semences hybrides.
Rétrocroisement
Le rétrocroisement sert à transférer un ou quelques gènes désirables d'un parent donneur à un parent récepteur autrement acceptable. Il nécessite un croisement répété de nouveaux hybrides avec le parent désirable « récurrent », et la sélection du gène désiré du parent donneur. Le rétrocroissement est le principal moyen qu'on a trouvé pour accroître et maintenir la résistance des céréales (voirCULTURES DE CÉRÉALES) à la rouille et aux autres parasites.
Applications de la génomique à la sélection des plantes
La génomique est l'étude des séquences d'ADN, dont les gènes structuraux, les séquences régulatrices, et les segments d'ADN non-codants, dans les chromosomes d'un organisme. La compréhension des gènes qui influencent les traits désirables peut potentiellement augmenter l'efficacité de la sélection. Des progrès récents en biologie moléculaire ont rendu possible l'acquisition d'une vaste connaissance sur le génome des plantes. Le séquençage complet des génomes du riz et de Arabidopsis thaliana (l'arabette de Thalius) a permis l'identification de gènes de plantes qui sont reliés à l'expression de certains traits économiquement importants. Pour les cultures sur lesquelles il n'existe pas d'information sur la séquence des génomes, les expériences de cartographie génétique sont maintenant chose courante. Elles sont utilisées pour identifier les régions de chromosomes qui contiennent un ou des gènes qui maximisent l'expression d'un trait désirable.
La sélection assistée par marqueurs moléculaires (SAMM) est une technologie complémentaire qui est souvent utilisée conjointement avec les méthodes conventionnelles de sélection génétique. Elle est basée sur la visualisation de petits fragment d'ADN qui sont soit génétiquement reliés à l'expression d'un trait, ou qui sont eux-mêmes les gènes. Une fois qu'une empreinte ou un gène a été identifié, un sélectionneur de plantes peut utiliser des techniques moléculaires pour sélectionner seulement les plantes qui possèdent l'allèle désirable de ce gène. Bien que les traits contrôlés par un seul gène ont reçu beaucoup d'attention, l'utilisation de la SAMM a permis de faire des progrès pour la sélection de traits provenant de gènes multiples.
Applications de la sélection des plantes
La sélection des plantes est utilisée pour améliorer la productivité, la qualité, et la résistance des cultures agricoles aux maladies. De sévères épidémies de rouille et d'autres maladies fongiques des plantes sont maintenant rares parce que les sélectionneurs et les pathologistes ont réussi à incorporer une résistance génétique stable dans les nouvelles espèces cultivées. Par exemple, la qualité des pâtes de blé durum a été modifiée afin de les adapter au exigences variables des marchés d'exportation. La qualité boulangère du blé a aussi été adaptée aux méthodes de cuisson continues. De même, on a augmenté les concentrations d'enzymes dans l'orge pour réponde aux besoins des nouvelles techniques de brassage.
La sélection des plantes a joué un rôle important dans la modification des espèces de céréales (p. ex. le maïs, le tournesol et le soja) de sorte qu'on peut maintenant les cultiver sur une plus grande superficie au Canada. L'habileté du blé d'hiver à survivre aux durs hivers dans les prairies a été améliorée, permettant ainsi la production de cette céréale avec des dommages minimaux. La mise en valeur du colza, un produit d'exportation important, est une réussite remarquable des sélectionneurs de plantes canadiens en collaboration avec des chimistes, des pathologistes et des agronomes. La teneur en acides gras des graines de lin à été modifiée afin qu'elles produisent une huile plus saine pour la consommation humaine. La résistance et la persistance de nombreux fourrages vivaces ont été améliorées par la sélection. La luzerne racinée dans un sol en état de fluage en constitue un bon exemple. De plus, les efforts pour diminuer la teneur en alcaloïdes de l'alpiste des Canaries, la teneur en coumarine du mélilot blanc et jaune ainsi que les taux des agents de la luzerne qui causent des ballonnements ont tous été couronnés de succès. La sélection des cultures spécifiquement pour la production de biocombustibles écologiques est aussi une réalité.
En horticulture, la sélection des plantes a amélioré efficacement la productivité et la qualité de certains FRUITS (p. ex. les fraises et les pommes) et LÉGUMES. Les cerisiers nains ont été obtenus par sélection. Les caractéristiques désirables des variétés européennes de framboises et de raisins ont été combinées avec la résistance d'espèces canadiennes indigènes. La résistance à l'hiver et l'adaptation à une brève période de végétation sont des caractéristiques importantes des plantes d'ornement et des fruits. Des améliorations notables de ces caractéristiques ont été obtenues chez les pommiers sauvages, les PEUPLIERS, les lilas, les ROSIERS, les GÉNÉVRIERS et les SAULES en floraison.
Les techniques de sélection des plantes ont aussi amélioré la qualité de cuisson et de découpage en frites des pommes de terre et permis de créer des variétés mieux adaptées aux brèves périodes de végétation. Grâce à l'amélioration de sa qualité et de sa maturation, le MAÏS SUCRÉ a désormais sa place dans les jardins potagers du pays tout entier. Des tomates et des CONCOMBRES hybrides donnent aux producteurs privés et commerciaux des plantes plus vigoureuses.
Organismes
Les premières sélections de plantes ont été effectuées par des particuliers, comme passe-temps à la ferme ou comme loisir horticole. Actuellement, la plupart des sélections de plantes sont l'oeuvre d'organismes privés ou gouvernementaux. AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA a des stations de recherche dans chaque province et a instauré des programmes de sélection pour les cultures de céréales, les graines oléagineuses, les fourrages, le tabac, les légumes, les fleurs, les fruits et les arbustes d'ornement. Le gouvernement fédéral a aussi des programmes de sélection relatifs aux brise-vent et aux espèces d'arbres commerciales. La sélection des plantes s'effectue dans des départements ou des écoles d'agriculture de plusieurs universités canadiennes, au sein de groupes de recherche qui sont en partie financés par des ministères d'agriculture provinciaux, des coopératives agricoles et des entreprises de semences.
Un réseau de comités a traditionnellement cordonné et réglementé le développement et l'approbation des nouvelles espèces cultivées. Les membres des comités partagent leur expertise dans les domaines de la sélection des plantes, des maladies et de la qualité des semences. Ils examinent les demandes relatives à l'exploitation de céréales, de variétés candidates, de graines oléagineuses et de graines de légumineuses, puis ils émettent des recommandations. Il existe un système similaire d'évaluation et d'approbation pour les fourrages et certaines cultures horticoles.