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Isabella Preston

Isabella Preston, spécialiste de l’hybridation des plantes, horticultrice, écrivaine et fonctionnaire (née le 4 septembre 1881 à Lancaster, en Angleterre; décédée le 31 janvier 1965 à Georgetown, en Ontario). Tout au long de sa carrière dans le domaine à prédominance masculine qu’est l’horticulture, Isabella Preston produit environ 200 plantes hybrides ornementales adaptées au climat canadien. Elle est surtout connue pour son lys « George C. Creelman ».

Rose « Orinda »
La rose Orinda est mise au point par l’horticultrice Isabella Preston (Canada, 1922). Photo prise au Jardin botanique de Montréal, 16 juin 2014. (photo de Nadiatalent/Wikimedia CC)

Jeunesse et éducation

Isabella Preston voit le jour en 1881 à Lancaster, en Angleterre. C’est la cadette d’une famille de cinq enfants. Son père est un orfèvre et marchand de quincaillerie. Les parents d’Isabella Preston, de fervents jardiniers, lui transmettent leur passion. Elle déclarera plus tard être « née avec le pouce vert ». Enfant, elle contribue à l’entretien du potager de sa famille et de son propre parterre de fleurs. À l’âge de huit ans, Isabella Preston est envoyée au pensionnat à Liverpool. Elle y étudie notamment les arts ménagers et le piano. Elle obtient son diplôme à l’âge de 18 ans, puis rentre à la maison.

À la mort de son père, trois ans plus tard, la jeune femme demeure auprès de sa mère et de sa sœur, assumant la responsabilité des tâches ménagères, y compris le jardinage. L’évolution des tendances dans les jardins anglais au tournant du siècle – auxquels on incorpore de plus en plus de plantes du monde entier, dont la Chine et l’Amérique du Sud – a une grande influence sur le travail d’Isabella Preston. Cette nouvelle variété donne aux phytogénéticiens de l’époque un éventail plus large de plantes avec lesquelles travailler. En 1906, à l’âge de 25 ans, Isabella Preston suit un cours d’un an au Swanley Agricultural College.

Émigration au Canada

En 1912, au décès de sa mère, Isabella Preston suit les traces de sa sœur Margaret en se réinstallant au Canada. Margaret, ayant accepté un poste d’enseignante de musique à Guelph, en Ontario, encourage sa sœur à venir la retrouver. Le premier emploi qu’occupe Isabella Preston à Guelph l’amène à cueillir des prunes, des pêches et des framboises sur une ferme fruitière. La jeune femme est déterminée à faire carrière dans l’horticulture, malgré le fait que les femmes de l’époque sont encouragées à ne faire du jardinage qu’à titre récréatif, pour profiter des bienfaits de l’exercice physique et pour créer de jolis bouquets de fleurs. En 1912, à l’âge de 31 ans, Isabella Preston entre au Collège d’agriculture de l’Ontario (plus tard, l’Université de Guelph), refusant d’écouter ses amis, qui le lui déconseillent.

Collège d’agriculture de l’Ontario

En 1913, Isabella Preston abandonne ses études pour aller travailler avec le professeur J.W. Crow au Collège d’agriculture de l’Ontario. Le Pr Crow l’embauche au départ pour réaliser un essai de culture de fraises sur des collines. Cependant, ses tâches ne tardent pas à s’élargir : au bout d’un certain temps, elle est également en charge de l’entretien de la serre et de la supervision des potagers.

C’est dans le cadre de son travail pour le Pr Crow qu’Isabella Preston découvre le monde de la phytogénétique. Elle observe le professeur tandis qu’il exécute l’hybridation artificielle en émasculant, puis en pollinisant les fleurs de poiriers nains. (En hybridation des plantes, le terme « émasculation » fait référence au retrait des étamines – organes reproducteurs mâles – d’une fleur. Une telle pratique empêche l’autofécondation de la plante.) En plus de son travail pratique aux côtés du Pr Crow, Isabella Preston approfondit sa connaissance de l’hybridation des plantes en lisant « tous les livres de la bibliothèque » portant sur la phytogénétique.

Pendant la Première Guerre mondiale, les phytogénéticiens concentrent leurs efforts sur les fruits et les légumes. Le gouvernement, par l’intermédiaire de campagnes, exhorte les propriétaires fonciers et les agriculteurs à accroître leur production afin de nourrir les soldats; cela crée le besoin d’accélérer la maturation des fruits et de produire des récoltes plus abondantes. Isabella Preston cultive à cette époque des fruits à maturation rapide plus résistants aux insectes et aux maladies. En 1916, elle est la première femme à pratiquer professionnellement l’hybridation des plantes au Canada.

Hybridation de plantes ornementales

Restreinte au travail avec les fruits et les légumes dans le contexte de l’effort de guerre au Collège de l’agriculture de l’Ontario, la préférence d’Isabella Preston demeure cependant les plantes ornementales. Elle commence à cultiver une variété de bulbes de lys dans le but de produire des graines pour différents hybrides. Entre 1914 et 1917, Isabella Preston croise ainsi plusieurs centaines de lys au Collège d’agriculture de l’Ontario. Elle est influencée par le travail réalisé par E.H. Wilson, qui découvre en Chine en 1903 le lys royal, une variété de lys robuste et attrayante qui suscite beaucoup d’intérêt chez les jardiniers.

En 1916, Isabella Preston se hisse à l’avant-garde dans le domaine de l’hybridation des plantes grâce à un croisement judicieux de lys royal et de Lilium sargentiae produisant le célèbre lys trompette « George C. Creelman ». Officiellement nommée Lilium x imperiale (et également connue sous le nom de Lilium x princeps), cette plante produit de grandes fleurs blanches parfumées, peut atteindre une hauteur de 1,8 m (6 pi) et fleurit plus tard que les autres variétés de sa famille. Et surtout, c’est une plante suffisamment robuste pour le climat canadien. Isabella Preston perd la totalité de ses jeunes plants de lys à l’hiver 1917-1918, particulièrement rude. Elle poursuit toutefois son travail sur la plante hybride, perfectionnant son lys George C. Creelman, qui devient en 1919 le premier lys hybride adapté au climat canadien.

Lys George C. Creelman

Ainsi nommé en l’honneur du président du Collège d’agriculture de l’Ontario, le lys Creelman connaît une grande popularité et vaut à Isabella Preston un prix du mérite de la Royal Horticultural Society en 1934. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la demande pour les plantes ornementales est forte. Les phytogénéticiens s’appuient sur le lys Creelman pour créer d’autres plantes hybrides. De plus, des gens de partout – et même d’Europe et d’Australie – s’arrachent cette variété spéciale. Pourtant, malgré sa grande popularité, le lys Creelman disparaît pour ainsi dire du monde du jardinage canadien dans les années 1940.
Alex Henderson, conservateur aux jardins botaniques royaux de Burlington, en Ontario, est à la recherche du lys Creelman depuis 2007. Il croit avoir redécouvert le lys lorsqu’un collègue de l’Université de Guelph lui montre un bulbe compatible. Cependant, son expérimentation et sa recherche minutieuse dans les notes d’Isabella Preston lui permettent de conclure que le lys en question est un cultivar de qualité inférieure. Alex Henderson poursuit ses recherches, espérant retrouver le cultivar de lys Creelman d’origine.

La Ferme expérimentale centrale
Photo aérienne de la Ferme expérimentale centrale (avec la permission d’Agriculture et Agroalimentaire Canada).

Ferme expérimentale centrale

En 1920, Isabella Preston rejoint la division horticole de la Ferme expérimentale centrale (FEC) à Ottawa, sous la supervision de William T. Macoun. Dans les années qui suivent la Première Guerre mondiale, environ la moitié des plantes ornementales importées des États-Unis et d’Europe ne conviennent pas au climat canadien. William T. Macoun est alors à la recherche d’un phytogénéticien ambitieux et expérimenté pour mettre au point des hybrides mieux adaptés au Canada, y compris des plantes pouvant résister aux hivers des prairies nordiques. Isabella Preston, déterminée à résoudre ce casse-tête, devient la première employée de la FEC à se spécialiser en phytogénétique des plantes ornementales.

Isabella Preston est initialement embauchée comme journalière à la ferme, en raison des politiques discriminatoires contre les femmes qui existent alors dans la fonction publique. En pratique, toutefois, elle entame immédiatement son travail expérimental et, au bout de deux ans, elle est officiellement nommée spécialiste de l’horticulture ornementale. Elle décroche même le poste d’horticulteur du Dominion, un accomplissement de taille dans un monde d’hommes. Isabella Preston crée plus de 200 hybrides, concentrant ses efforts sur les roses, les lilas, les iris, les ancolies, les pommiers et les lys. Ses plantes hybrides résistent aux maladies et sont adaptées aux régions géographiques du Canada, conformément au mandat confié à la FEC, qui consiste à produire des plantes pouvant résister aux rigoureux hivers des prairies nordiques.

Parmi les hybrides les plus remarquables produits par Isabella Preston figurent le pommier Rosybloom et l’iris de Sibérie. Isabella Preston s’inspire de différents thèmes pour baptiser ses plantes : le nom de sténographes de la société d’horticulture pour ses lys rouge foncé; les lacs canadiens pour ses pommiers; les fleuves canadiens pour ses iris de Sibérie; les peuples autochtones pour ses roses. Isabella Preston donne naissance au premier lilas à floraison tardive adapté au climat canadien. En 2005, Agriculture et Agroalimentaire Canada fonde la collection Preston de lilas du patrimoine à la Ferme expérimentale centrale, afin de souligner la contribution apportée par l’horticultrice à son domaine. Bon nombre des lilas hybrides d’Isabella Preston sont également cultivés au jardin de lilas Katie Osborne des jardins botaniques royaux de Burlington, en Ontario.

Vallon des lilas
Arboretum. Le vallon des lilas aux Jardins botaniques royaux à Hamilton, en Ontario (photo d’Ann Milovsoroff).

Isabella Preston, toujours prête à transmettre ses connaissances aux jardiniers amateurs et professionnels, dirige régulièrement des visites guidées des jardins ornementaux de la Ferme expérimentale centrale. En 1922, elle prodigue même des conseils au premier ministre William Lyon Mackenzie King, qui cherche alors à améliorer l’aménagement paysager de son domaine Kingsmere dans le parc de la Gatineau au Québec. Isabella Preston est l’auteure de nombreux articles portant sur l’horticulture, ainsi que de Garden Lilies (1929), le premier ouvrage sur la culture du lys au Canada. Elle contribue également à la mise en place de la North American Lily Society. Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Isabella Preston agit à titre de conseillère pour l’ Aviation royale canadienne, à qui elle recommande différentes plantes utiles pour le camouflage des hangars d’aviation.

Dans les années 1940, Isabella Preston est reconnue par ses collègues comme la « doyenne de l’hybridation des plantes ». Elle figure dans différentes publications, dont Canadian Home and Gardens et Chatelaine. Isabella Preston prend sa retraite de la Ferme expérimentale centrale en 1946. Après avoir tenté brièvement de se réinstaller en Angleterre, l’horticultrice déménage à Georgetown, en Ontario, où elle entretient un superbe jardin ornemental et poursuit son travail de conseillère pour la Ferme expérimentale centrale.

Prix et distinctions

Si Isabella Preston est surtout reconnue, en horticulture, pour ses lilas hybrides, presque tous les programmes d’hybridation qu’elle met sur pied lui valent des prix et une reconnaissance de son milieu. La North American Lily Society crée le trophée Isabella Preston en 1956 en reconnaissance des contributions apportées par l’horticultrice au domaine. Isabella Preston est également faite membre à vie de la Canadian Iris Society et de la Massachusetts Horticultural Society.

  • Médaille commémorative Veitch, Royal Horticultural Society, Londres (1938)
  • Médaille Jackson Dawson, Massachusetts Horticultural Society (1947)
  • Lytell Cup, comité des lys, Royal Horticultural Society (1950)
  • Prix commémoratif E.H. Wilson, North American Lily Society (1961)