Mettant en vedette une interprétation magistrale de Rachel Mwanza, qui grandit dans la rue, et une approche réaliste magique du réalisateur Kim Nguyen, Rebelle rayonne à de nombreux festivals de cinéma, en plus d’être sélectionné aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère. Le film remporte notamment dix trophées aux prix Écrans canadiens (auparavant nommés les Génie) et huit aux prix Jutra, dont ceux du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario, de la meilleure actrice et du meilleur acteur de soutien.
Synopsis
À l’âge de 14 ans, Komona (Rachel Mwanza) raconte à l’enfant qu’elle porte comment elle a été kidnappée par des rebelles quand elle avait 12 ans, et comment elle a été forcée à tuer ses parents avant de devoir s’entraîner pour le combat contre l’armée du gouvernement. Après avoir été violée et forcée à travailler dans les mines de coltan, une exploitation qui finance les mouvements rebelles, Komona boit une sève d’arbre hallucinogène et voit ses parents décédés, qui l’avertissent d’une embuscade. Seule survivante d’une violente attaque, elle est ensuite emmenée par le seigneur de guerre Grand Tigre Royal (Mizinga Mwinga), qui la surnomme sa « sorcière de guerre ». Deux ans plus tard, enceinte et révoltée, Komona trouve le courage de quitter le camp de rebelles avec un autre enfant soldat, Magicien (Serge Kanyinda), un jeune de 15 ans qui est déterminé à l’épouser et à fonder une famille avec elle et son enfant.
Analyse
Un film à la fois profondément choquant et troublant sans pour autant tomber dans le sentimentalisme ou le sensationnalisme, Rebelle se balance entre le réalisme cru de son sujet et le réalisme magique que Kim Nguyen ajoute à l’histoire. Celle-ci est d’ailleurs divisée en chapitres et structurée sur trois actes, comme une tragédie grecque. Filmé à la façon d’un documentaire, caméra à la main, le film est cimenté par des interprétations authentiques et brutes, livrées par des acteurs pour la plupart non professionnels.
Démarche
Pour son film, Kim Nguyen s’inspire de l’histoire vraie de Johnny et Luther Htoo, deux frères jumeaux de neuf ans qui commandent l’Armée de Dieu, milice en Birmanie, à la fin des années 1990, et qui auraient, selon leurs fidèles, des pouvoirs surnaturels. Le réalisateur consacre plus de dix ans à l’écriture du scénario et voyage au Burundi pour rencontrer d’anciens enfants soldats dans le cadre de ses recherches. Il envisage d’abord de tourner le film au Kenya et au Cameroun, mais choisit finalement la République démocratique du Congo (RDC) après avoir été témoin, à Kinshasa, d’une scène particulière : un soldat armé d’un AK-47 dirigeant la circulation à l’aide d’un sabre lumineux de Luke Skywalker de marque Fisher-Price. « Il y a des idiosyncrasies qu’on ne peut prévoir », dit Kim Nguyen. « D’une certaine manière, on recherche des endroits qui vont nous forcer à réécrire l’histoire du film, et c’était le cas de Kinshasa. L’endroit a nourri le film considérablement. »
Rebelle est entièrement tourné à la RDC, où l’équipe se déplace souvent accompagnée d’un convoi armé, qui assure sa sécurité. La plupart des participants congolais en sont à leur première expérience au cinéma. Après avoir auditionné quelque 3000 jeunes, le réalisateur tombe enfin sur Rachel Mwanza, qui avait figuré dans un documentaire belge sur les enfants de la rue de Kinshasa. L’adolescente de 14 ans, abandonnée par ses parents lorsqu’elle était enfant, obtient le rôle de Komona. À noter également que Kim Nguyen tourne le film de façon chronologique, sans partager le script avec les acteurs. Il leur explique leurs scènes la journée même pour capturer l’incertitude et la peur dans leur jeu.
Réception et critiques
La première du film se tient au Festival international du film de Berlin, où il est reçu avec une pluie d’éloges. Le magazine Variety encense Kim Nguyen pour la maturité, le panache et la précision de son film, tandis que le Hollywood Reporter qualifie Rebelle de véritable référence et de triomphe pour le réalisateur. Ty Burr, pour le journal Boston Globe,fait remarquer qu’un film sur une culture du tiers monde réalisé par un Occidental peut susciter beaucoup de problèmes (par exemple l’exploitation d’une calamité qui afflige une autre nation à des fins dramatiques de divertissement), mais que Kim Nguyen s’en tire parfaitement indemne par sa démarche intimiste, et en guidant Rachel Mwanza vers une interprétation simple, profonde et bouleversante.
En 2012, Rebelle fait la liste des dix meilleurs films canadiens de l’année au Festival international du film de Toronto, est nommé « meilleur film canadien de l’année » par le Vancouver Film Critics Circle et figure dans la liste des cinq meilleurs films en langue étrangère de l’année du National Board of Review, des États-Unis. La production reçoit également le prix Luc-Perreault/La Presse pour le meilleur film québécois, remis par l’Association québécoise des critiques de cinéma, et obtient le score impressionnant de 95 % sur le site Rotten Tomatoes.
Distinctions
Rachel Mwanza est la toute première femme africaine à remporter le prix de la meilleure actrice au Festival international du film de Berlin, un honneur qu’elle remporte également au festival du film de Tribeca, aux prix Écrans canadiens et aux prix Jutra. Après le succès du film, Rachel Mwanza s’inscrit à l’école et prend des leçons de français à Kinshasa, en plus de fonder un organisme qui vient en aide aux enfants des rues de sa ville en leur apprenant des métiers spécialisés.
Rebelle reçoit une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, le troisième film québécois en trois ans, après Incendies,de Denis Villeneuve (2010), et Monsieur Lazhar,de Philippe Falardeau (2011), et une nomination aux Independent Spirit Awards dans la catégorie du meilleur film international. Au Canada, le film met la main sur dix trophées aux prix Écrans canadiens et huit aux prix Jutra, dont ceux du meilleur film, de la meilleure réalisation, du meilleur scénario, de la meilleure actrice et du meilleur acteur de soutien.
Prix
Prix Écrans canadiens (2013)
- Meilleur film (Pierre Even, Marie-Claude Poulin)
- Meilleure réalisation (Kim Nguyen)
- Meilleur scénario (Kim Nguyen)
- Interprétation féminine dans un premier rôle (Rachel Mwanza)
- Interprétation masculine dans un rôle de soutien (Serge Kanyinda)
- Meilleure direction artistique (Josée Arsenault, Emmanuel Frechette)
- Meilleure direction de la photographie (Nicolas Bolduc)
- Meilleur montage (Richard Comeau)
- Meilleur son d’ensemble (Daniel Bisson, Bernard Gariépy Strobl, Claude La Haye)
- Meilleur montage sonore (Jean-François B. Sauvé, Simon Meilleur, Martin Pinsonnault, Claire Pochon)
Prix Jutra (2013)
- Meilleur film (Pierre Even, Marie-Claude Poulin)
- Meilleure réalisation (Kim Nguyen)
- Meilleur scénario (Kim Nguyen)
- Meilleure actrice (Rachel Mwanza)
- Meilleur acteur de soutien (Serge Kanyinda)
- Meilleure direction de la photographie (Nicolas Bolduc)
- Meilleur montage (Richard Comeau)
- Meilleur son d’ensemble (Daniel Bisson, Bernard Gariépy Strobol, Claude La Haye)
Autres
- Prize of the Ecumenical Jury, Special Mention, Festival international du film de Berlin (2012)
- Silver Berlin Bear, meilleure actrice (Rachel Mwanza), Festival international du film de Berlin 2012)
- Meilleur film, festival du film de Tribeca (2012)
- Meilleure actrice (Rachel Mwanza), festival du film de Tribeca (2012)
- Prix du public, Cambridge Film Festival (2012)
- Prix New Visions, Sitges – Catalonian International Film Festival (2012)
- Golden Frog, meilleure direction de la photographie (Nicolas Bolduc), International Film Festival of the Art of Cinematography Camerimage (2012)
- Production Design Craft, direction artistique (Emmanuel Frechette), Guilde canadienne des réalisateurs (2013)
- Meilleur film, Vancouver Film Critics Circle (2013)
- Meilleure actrice dans un film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2013)
- Meilleur acteur de soutien dans un film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2013)