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Réciprocité

La réciprocité consiste en un accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada. Il vise à diminuer mutuellement les droits de douane et les tarifs protecteurs imposés sur les marchandises échangées entre les deux pays. Mis en application de 1854 à 1948, cet accord a parfois fait l’objet de controverses des deux côtés de la frontière. En 1878, il est remplacé par la politique nationaleprotectionniste du Parti conservateur, qui consiste à percevoir des droits de douane sur les marchandises importées pour protéger les fabricants canadiens de la concurrence américaine. Un accord de réciprocité plus étroit est introduit en 1935 et élargi en 1938. Toutefois, il est suspendu en 1948 après la signature par les deux pays de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

Le premier traité (1854-1866)

Les diplomates britanniques ont tenté avant 1852 de négocier un accord de réciprocité à Washington, sans succès. Le premier grand défenseur de cet accord dans le Haut-Canada est le politicien et homme d’affaires William Merritt.

Le mouvement pour la réciprocité prend naissance entre 1846 et 1850 dans le Canada-Ouest (aujourd’hui l’Ontario) et dans les colonies maritimes, particulièrement au Nouveau-Brunswick. Il est initié par une querelle à propos du droit d’accès des pêcheurs américains dans les eaux côtières de l’Amérique du Nord britannique (ANB). Les deux gouvernements sont alors impatients de conclure une entente globale sur les questions de réciprocité et de pêche.

Le Traité de réciprocité est signé le 6 juin 1854 par lord Elgin, gouverneur général de l’ANB, et William Marcy, secrétaire d’État américain. Le Congrès américain le ratifie en août. Le traité doit demeurer en vigueur pendant dix ans, après quoi chacun des deux pays peut y mettre un terme suivant une année de préavis.

Le traité autorise les pêcheurs des États-Unis à pêcher dans les eaux côtières de l’ANB et accorde le même droit aux pêcheurs de l’ANB dans les eaux côtières des États-Unis au nord du 36e degré de latitude Nord. Il établit aussi le libre-échange pour un grand nombre de ressources naturelles. Après la signature du traité en 1854, le commerce entre les États-Unis et les colonies britanniques augmente rapidement. Cette croissance, toutefois, est due en grande partie à d’autres facteurs, tels que l’expansion spectaculaire des chemins de fer et les effets de la guerre de Sécession (1861-1865).

Toronto, La locomotive No 2 de l'Ontario, Simcoe and Huron Railroad

Abrogation et Confédération

Au début, le traité est bien perçu dans les deux pays. Éventuellement, des facteurs politiques et économiques contribuent à le rendre impopulaire. L’opposition de la part des deux pays se nourrit de la crainte que le traité mène à une absorption des colonies de l’ANB par les États-Unis. Les opposants canadiens redoutent en effet que leurs petites colonies soient englouties par les États-Unis, plus populeux et économiquement puissants.

Du côté américain, les opposants appréhendent qu’une absorption des colonies de l’ANB n’accroisse l’influence et le pouvoir des États du Nord.

Durant la guerre de Sécession, le Royaume-Uni soutient en catimini la lutte des États du Sud. À l’issue de la guerre, les politiciens du Nord, mécontents du Royaume-Uni en raison de cette collaboration, cherchent à mettre fin à la réciprocité avec les colonies britanniques. Ce désir, en plus des autres lacunes perçues du traité, pousse les États-Unis à abroger (annuler) le traité le 17 mars 1866.

La fin du traité ne fait que renforcer la cause de la Confédération en Amérique du Nord britannique, puisqu’on estime qu’un marché national élargi au Canada augmenterait les perspectives commerciales pour chaque colonie individuelle.

Nouvelles tentatives de négociation sur la réciprocité

Après la Confédération, les Canadiens désirent renouveler la réciprocité avec les États-Unis. Des leaders politiques, dont John A. MacdonaldGeorge Brown et Charles Tupper, font des « pèlerinages » à Washington, mais en vain. La déception est grande quand Macdonald ne réussit pas à obtenir de clauses de réciprocité intéressantes dans le Traité de Washington de 1871.

Au cours des années 1880, Erastus WimanRichard Cartwright et d’autres hommes d’affaires canadiens préconisent un arrangement de libre-échange à grande échelle, appelé « union commerciale » ou « réciprocité illimitée ». Cependant, ces propositions ont été rejetées lors de l’élection canadienne de 1891, notamment en raison des sentiments protectionnistes et probritanniques. En 1897, le premier ministrelibéralsir Wilfrid Laurier annonce qu’il n’y aura plus de « pèlerinages » à Washington.

Le gouvernement Laurier procède en 1911 à une dernière grande tentative de négociation sur la réciprocité. Cet accord de réciprocité prévoit le libre-échange de ressources naturelles et la réduction des droits de douane sur une gamme d’autres produits. Le Congrès américain ratifie l’accord, mais les Canadiens le refusent en délogeant les libéraux du pouvoir lors des élections générales du 21 septembre 1911.

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)

Fin de la réciprocité

Après 1911, la réciprocité joue un rôle secondaire dans les relations canado-américaines. En 1935, le gouvernement de Mackenzie King négocie un accord commercial. Celui-ci, toutefois, n’élimine pas autant de barrières commerciales que le traité de 1854.

En 1938 une nouvelle entente plus détaillée accorde d’autres concessions au Canada en plus de celles accordées en 1935. Cet accord est mis de côté en 1948, année où les deux pays signent l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT).

Renaissance du libre-échange

Dans les années 1980, le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney négocie l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, signé en 1988 par Mulroney et par le président des États-Unis, Ronald Reagan. À l’instar des traités de réciprocité précédents, il élimine plusieurs obstacles au commerce entre les deux pays.

Cet accord a été remplacé en 1994 par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.