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Régiment

Le régiment est une unité militaire composée d’escadrons, de batteries ou de compagnies. Il est souvent divisé en bataillons pour les opérations militaires. Un régiment ne comptant qu’un bataillon peut regrouper de 300 à 1000 individus.

Royal Canadian Regiment, 1907

Régiment

Au Canada, le terme « régiment » a une signification complexe. Les régiments d’infanterie sont des organisations administratives mères qui lèvent un ou plusieurs bataillons pour les besoins du service actif. Les régiments blindés ont généralement la taille d’un bataillon, bien qu’ils puissent rassembler à la fois des éléments des forces régulières, des réservistes et du personnel administratif. Au sein de l’artillerie, on organise les batteries en régiments, mais on a l’habitude d’employer le terme régiment pour désigner l’ensemble de l’artillerie. Les régiments du génie et des communications ont aussi la taille d’un bataillon.

Les régiments blindés et les régiments d’infanterie sont le centre de la fierté de leurs membres et favorisent entre ceux-ci d’étroites relations « familiales ». Pour l’artillerie, comme pour les autres, c’est le service, plus que le régiment lui-même, qui constitue traditionnellement le cœur de la famille. Dans la pratique, au Canada, la « vie » d’un régiment se mesure au nombre d’années d’existence ininterrompue, même si l’identité d’unités dissoutes (de même que leurs coutumes et leurs titres de gloire) est perpétuée par d’autres régiments avec qui elles partagent un lien clairement établi. C’est surtout ce degré d’ancienneté qui détermine l’ordre de préséance des régiments blindés et d’infanterie.

Origine européenne

En Europe médiévale, l’organisation principale levée pour livrer bataille est la compagnie. Au 16e siècle, on en vient à regrouper les compagnies en régiments, sous le commandement d’un seul officier supérieur responsable du recrutement, de l’entraînement et de l’administration. Les régiments ne tardent pas à adopter chacun leur emblème et leurs coutumes et à forger un véritable esprit de corps. Sur les champs de bataille, on les appelle bataillons. À l’époque, ce terme et celui de régiment sont interchangeables. Plus tard, la France révolutionnaire organise en permanence chacun de ses régiments en trois bataillons. Cette pratique s’est depuis largement répandue sans pour autant devenir universelle.

Nouvelle-France

Très tôt, les colons français du Canada mettent sur pied une milice (voir Histoire des Forces armées au Canada), qui compte une compagnie par paroisse. Quand le besoin s’en fait sentir, ces compagnies s’unissent pour former un bataillon. Le régiment de Carignan-Salières, le premier à servir au Canada, arrive en 1665, mais la quasi-totalité de ses soldats retourne en France au bout de trois ans. Jusqu’à la guerre de Sept Ans, la milice et les troupes de la Marine, l’infanterie régulière présente dans la colonie, sont responsables de la défense. Il faut attendre jusqu’en 1755, à la veille de la guerre, pour voir revenir l’armée régulière française. Des bataillons issus de huit régiments arrivent alors à Louisbourg et à Québec.

Début du règne britannique

La guerre amène également l’armée régulière britannique au Canada, cantonnée auparavant en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. Après la Conquête de la Nouvelle-France, les Britanniques conservent et améliorent la milice organisée par les Français en y ajoutant des particularités propres à leur patrimoine militaire. Lorsque les Américains, en pleine révolution, attaquent Québec en 1775, la garnison ne compte que deux faibles bataillons de l’armée régulière britannique, deux bataillons mixtes de la milice et les Royal Highland Emigrants. Ces derniers, qui regroupent éventuellement deux bataillons, sont une unité britannique recrutée spécialement en Grande-Bretagne pour servir à plein temps en Amérique du Nord. Ils constituent le premier d’une série de régiments coloniaux réguliers ou sédentaires.

En raison de la Révolution américaine, des membres de régiments loyalistes s’établissent au Haut-Canada et au Nouveau-Brunswick. C’est ainsi que des unités telles que les Butler’s Rangers, établis à Niagara, fournissent à la milice, au cours des années suivantes, des chefs expérimentés. À mesure que se multiplient les difficultés entre la Grande-Bretagne et la France révolutionnaire, les autorités ont à nouveau recours aux régiments sédentaires. De 1793 à 1802, le Royal Nova Scotia Regiment, les Royal Canadian Volunteers et les Queen’s Rangers sont respectivement affectés en permanence en Nouvelle-Écosse, au Bas-Canada et au Haut-Canada.

19e siècle

La guerre de 1812 est menée, du côté britannique, par des régiments réguliers, certains régiments sédentaires et la milice. À cette époque, la milice du Haut-Canada et du Bas-Canada est organisée en régiments en fonction des comtés. Le nombre de régiments par comté dépend de la population de ce dernier. Il ne se révèle pas pratique d’appeler sous les drapeaux pour de longues périodes tous les habitants d’une région. On se contente plutôt, au Bas-Canada, de former en bataillons hors rang des éléments de la milice. Dans le Haut-Canada, on se contente d’instruire et d’équiper les « compagnies de flanc » (c’est ainsi que l’on désigne les deux compagnies d’élite d’un bataillon régulier, qui en regroupe 10). Le Battalion of Incorporated Militia, qui s’est illustré au cours de plusieurs batailles, est réellement un régiment canadien permanent composé de volontaires provenant de ces compagnies de flanc.

Les lois de milice de 1846 et de 1855 changent considérablement la structure des régiments canadiens. L’existence d’un grand nombre des plus anciens régiments canadiens actuels commence officiellement au moment de la mise sur pied, en vertu de ces lois, d’unités volontaires. Quelques unités officieuses existant déjà à cette époque acquièrent un statut officiel. Par exemple, les York Dragoons, qui font partie du West York Militia Regiment depuis 1822, sont officiellement constitués en 1847 sous le nom de 1st Toronto Independent Troop of Cavalry, qui deviendra plus tard les Governor General’s Horse Guards. L’histoire du Régiment Royal de l’artillerie canadienne remonte directement à des batteries de campagne formées en 1855.

Au début, les unités de cavalerie et d’infanterie, formées de volontaires, sont structurées en troupes et en compagnies. Toutefois, durant les années 1860, les menaces de guerre avec les États-Unis et les tentatives d’invasion des fenians illustrent la nécessité d’unités plus nombreuses. Le 1st Battalion, Volunteer Militia Rifles of Canada, est formé en 1859. Il existe encore aujourd’hui sous le nom de Canadian Grenadier Guards. Au moment de la Confédération, les Forces armées sont regroupées en bataillons de ce genre. Avec la Loi de milice de 1868, le système canadien est étendu aux Maritimes et absorbe les régiments de volontaires déjà sur place.

Ce n’est que plus tard que l’armée régulière canadienne voit le jour. Les premières unités permanentes, les écoles d’artillerie formées en 1871, existent toujours à titre de batteries de la Royal Canadian Horse Artillery. Trois compagnies de l’Infantry School Corps, constituées en 1883, donnent naissance au Royal Canadian Regiment. Le Cavalry School Corps, également formé en 1883, est à l’origine du Royal Canadian Dragoons. Pendant la guerre des Boers, le Royal Canadian Regiment forme deux nouveaux bataillons. Alors que le deuxième bataillon est envoyé outre-mer, le troisième part pour Halifax pour prendre la relève des troupes britanniques. À la fin de la guerre, les deux unités sont dissoutes. Plusieurs bataillons des Canadian Mounted Rifles sont également formés à cette occasion et sont dissous à leur retour. À même ses fonds personnels, Donald Smith, lord Strathcona, lève le Lord Strathcona’s Horse pour servir en Afrique du Sud. Plus tard, cette unité continuera à exister dans les forces régulières sous le nom de Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians).



20e siècle

En 1900, bien que la plupart ne comptent plus qu’un seul bataillon, tous les bataillons d’infanterie de la milice sont rebaptisés et acquièrent le nom de régiments. La structure mise sur pied pour la Première Guerre mondiale est très différente. Le Corps expéditionnaire canadien est composé de bataillons d’infanterie, de batteries d’artillerie et d’autres armes et services. Les régiments de milice ne servent qu’au recrutement et, dans bien des cas, plus d’un bataillon est levé par ces derniers pour le service outre-mer. Il existe toutefois quelques exceptions, comme le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, composé surtout d’anciens soldats britanniques installés au Canada. Ce dernier combat pendant un an dans l’armée britannique avant de se joindre au Corps canadien en France. D’autres unités ne seront pas intégrées au Corps. La Canadian Cavalry Brigade, composée des Royal Canadian Dragoons, du Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians), du Fort Garry Horse et de la Royal Canadian Horse Artillery, combat durant toute la guerre aux côtés de l’armée britannique. (Le Royal Newfoundland Regiment combat également avec les Britanniques, car Terre-Neuve ne fait pas partie du Canada à l’époque.)

Après la guerre, le Canada dissout les unités du Corps expéditionnaire, mais décide que les régiments en place perpétueront les bataillons ayant servi au cours de la guerre auxquels ils sont le plus étroitement associés, afin de préserver leurs titres de gloire sur les champs de bataille. À la même époque, les numéros attribués aux régiments sont remplacés par des noms. Deux nouveaux régiments s’ajoutent aux effectifs permanents : le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI) et le Royal 22e Régiment, unité francophone s’étant distinguée en tant que bataillon du Corps expéditionnaire. Plus tard, une réorganisation des effectifs de réserve change les rôles de plusieurs régiments. Six régiments d’infanterie deviennent des régiments de chars, alors que d’autres sont transformés en régiments de mitrailleuses, attribution autrefois réservée à des unités différentes. En général, les unités de cavalerie sont converties en régiments blindés (de chars ou d’automitrailleuses).

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’armée mobilise les effectifs actifs des régiments existants. Des unités individuelles participent aux combats de la bataille de Hong Kong jusqu’au nord-ouest de l’Europe. Des batteries d’artillerie, jusque-là formées en brigades à des fins tactiques, sont définitivement regroupées en régiments. Une unité canado-américaine unique en son genre, la First Special Service Force, est formée et organisée selon les structures régimentaires américaines.

Au cours des années 1950, les effectifs de la force régulière augmentent considérablement à cause de la participation canadienne à la guerre de Corée et à l’OTAN. À partir de bataillons d’infanterie supplémentaires, on forme un nouveau régiment, The Canadian Guards, et l’on ajoute des composantes de la force régulière à deux régiments de réserve déjà en place, The Queen’s Own Rifles of Canada et The Black Watch (Royal Highland Regiment) of Canada. D’autres régiments de réserve, comme The Loyal Edmonton Regiment (4th Bataillon, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry) sont transformés en bataillons de réserve au sein des régiments restants de l’infanterie régulière. De nouveaux régiments d’artillerie et un régiment de transmissions sont constitués. Deux régiments blindés de réserve, le 8 th Canadian Hussars (Princess Louise’s) et The Fort Garry Horse, recrutent également des effectifs réguliers.

Au cours des années 1960, les restrictions imposées au budget de défense et la diminution de la main-d’œuvre entraînent la réduction des effectifs de l’armée de terre à l’intérieur des Forces armées canadiennes unifiées. Les Canadian Guards disparaissent, tout comme les éléments réguliers de certaines autres unités. Afin d’accroître la proportion des francophones dans les forces armées, deux nouveaux régiments réguliers sont formés : le 12e Régiment blindé du Canada et le 5e Régiment d’artillerie légère du Canada. On crée aussi le Régiment aéroporté du Canada, aujourd’hui défunt.

Structure actuelle

En 1968, les forces canadiennes de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation sont unifiées par le ministre de la Défense nationalePaul Hellyer. Son but est de créer des unités terrestres, aériennes et maritimes uniformes et simplifiées au sein de Forces armées canadiennes plus efficaces. Cette décision est reçue avec résistance et dédain par beaucoup de régiments, qui y voient une tentative, au nom de l’efficacité, d’effacer l’histoire, les traditions et l’identité des fiers régiments, qui ont permis d’unir des milliers de soldats. L’uniforme terne que doivent porter toutes les unités est méprisé par beaucoup et en fin de compte rejeté lorsque la valeur des identités régimentaires est remise en place dans les années 1970 et 1980.

Les régiments de l’armée canadienne (AC), tant de la Force régulière que de la Force de réserve, font partie de quatre commandements géographiques, créés en 2013 à partir de quatre anciens secteurs de la Force terrestre. La 5e Division canadienne (Halifax) couvre les quatre provinces de l’Atlantique. La 2e Division canadienne (Montréal) couvre le Québec. La 4e Division canadienne (Toronto) couvre la majeure partie de l’Ontario, tandis que la 3e Division canadienne (Edmonton) couvre les quatre provinces de l’Ouest et une partie du nord-ouest de l’Ontario. 

2e division canadienne (Montréal)

3e division canadienne (Edmonton)

4e division canadienne (Toronto)

5e division canadienne (Halifax)

5 GBMC

34 GBC

35 GBC

GS 2 Div CA

CI 2 Div CA

BFC Valcartier

2 GPRC

1 GBMC

38 GBC

39 GBC

41 GBC

GS 3 Div CA

BFC Edmonton

BFC Shilo

BFC Suffield

CI 3 Div CA

1 et 4 GPRC

2 GBMC

31 GBC

32 GBC

33 GBC

GS 4 Div CA

BFC Petawawa

BFC Kingston

CI 4 Div CA

3 GPRC

BACC

36 GBC

37 GBC

GS 5 Div CA

BFC Gagetown

CI 5 Div CA

5 GPRC

 

 

(Note : GBMC = Groupe-brigade mécanisé du Canada; GBC = Groupe-brigade du Canada; BACC = Brigade d’appui au combat du Canad ; GS = Groupe de soutien; Div CA = Division canadienne; CI = Centre d’instruction; GPRC = Groupe de patrouille des Rangers canadiens.)La Force régulière de l’armée canadienne compte actuellement trois régiments de blindés, quatre d’artillerie (dont un spécialisé), quatre de génie (dont un spécialisé), un de transmissions, un de renseignement et trois d’infanterie. Chaque régiment d’infanterie compte trois bataillons. Au niveau tactique, un régiment blindé ou un bataillon d’infanterie forme le noyau d’un groupement tactique, qui est la base moderne de l’organisation du combat de l’armée. Un groupement tactique comprend également des unités d’artillerie, de reconnaissance, de génie et d’autres unités spécialisées. Le régiment blindé ou le bataillon d’infanterie qui constitue le noyau du groupement tactique fournit habituellement son commandant. 

Un autre régiment, le Régiment d’opérations spéciales du Canada (ROSC), formé en 2006, ne fait pas partie de l’armée, mais appartient au Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada. 

Dans la Force de réserve de l’armée canadienne, il existe un grand nombre de régiments de blindés, d’artillerie, de génie, de transmissions et d’infanterie d’un océan à l’autre. Bien qu’appelés régiments, ils sont formés autour d’un petit noyau de 100 à 250 soldats.

De 2001 à 2014, chacun des régiments permanents procède à une rotation de ses bataillons pour servir en Afghanistan, y compris dans le cadre des opérations Apollo, Anaconda, Athéna et Archer, entre autres missions clés de combat et d’appui. Les bataillons régimentaires apportent aussi une contribution canadienne majeure à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) à Kaboul.

Bien que de nouvelles formations et des modifications techniques refaçonnent la nature du régiment, la valeur universelle d’une identité de groupe, riche en histoire et en reconnaissance, sur laquelle se fonde l’esprit de corps des soldats, s’avère aussi précieuse que durable. Les régiments du Canada continuent de constituer l’identité de base du soldat de l’armée moderne.