Roméo Saganash, avocat, homme politique, défenseur des droits autochtones (né le 28 octobre 1962 à Waswanipi, une collectivité crie située au sud-est de la baie James, au centre du Québec). Roméo Saganash est le premier député autochtone du Québec et le premier Cri à recevoir un diplôme de premier cycle en droit. Il est selon toute vraisemblance le premier dirigeant autochtone canadien à se porter candidat à la direction d’un parti politique d’importance. Au cours des 20 dernières années, Roméo Saganash a représenté les Cris dans le cadre de nombreux forums nationaux et internationaux portant sur des questions autochtones. Pendant 23 ans, il contribue aux efforts menant à la négociation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, une résolution qui fournit un cadre pour la mise en œuvre des droits issus des traités entre les Premières nations et le gouvernement du Canada et pour l’acquittement d’autres obligations en vertu d’accords internationaux. Roméo Saganash consacre sa carrière entière au soutien des droits économiques, environnementaux, juridiques et constitutionnels des peuples autochtones au Canada, plus particulièrement les Cris de la région de la baie James.
Jeunesse
Roméo Saganash est le 13e d’une famille de 14 enfants. Ses parents sont Mary et William Saganash. Le couple adopte également trois enfants. Élevés dans la tradition crie, les enfants Saganash sont plus tard dispersés en Ontario et au Québec, forcés de fréquenter des pensionnats. Le frère de Roméo, Johnnish (« Johnny »), est le premier à partir. On l’envoie à Moose Factory (Ontario), en 1954. Il y meurt de la fièvre rhumatismale un an plus tard. Le gouvernement fédéral n’informe pas ses parents de la mort de Johnny, pas plus qu’il n’émet de certificat de décès. La famille ne trouve l’emplacement de la tombe de Johnny – une tombe anonyme située non loin du pensionnat de Moose Factory – que 40 ans plus tard, grâce aux efforts d’Emma Saganash, une des sœurs de Roméo, devenue journaliste.
Roméo Saganash est quant à lui âgé de sept ans lorsqu’il est envoyé au pensionnat à La Tuque. Là-bas, il vit avec une famille anglicane anglophone. Il demeure à La Tuque pendant 10 ans, terminant ses études secondaires en français. Roméo Saganash parle couramment le cri, l’anglais et le français. Plusieurs décennies plus tard, en 2013, il racontera les douloureuses expériences vécues au pensionnat dans le cadre des audiences de la Commission vérité et réconciliation à Montréal.
Formation et carrière politique
Roméo Saganash fonde le Cree National Youth Council en 1985. Il est alors âgé de 23 ans. Il s’implique dans le développement économique de sa région, travaillant en collaboration avec des entreprises comme CreeCo Inc. (Cree Regional Economic Enterprises Company Incorporated) et la Société Eeyou de la Baie-James.
C’est lorsqu’il prend part à un comité lors de l’anniversaire de la Convention de la baie James de 1975 qu’il se découvre un intérêt pour le droit. Roméo Saganash obtient son baccalauréat en droit en 1989 de l’Université du Québec à Montréal, devenant ainsi la première personne crie de la province à obtenir un tel diplôme.
Entre 1990 et 1993, Roméo Saganash agit comme grand chef adjoint du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) de la baie James. Plus tard, de 1995 à 2011, il sera directeur des relations québécoises et internationales pour le Conseil. Il préside le Comité consultatif sur l’environnement de la baie James de 1997 à 2000.
LE SAVIEZ-VOUS?
Roméo Saganash participe aux négociations qui mènent à la signature de la Paix des Braves, un accord conclu le 7 février 2002 entre le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris. Ce document prévoit un partage des recettes issues des activités d’exploitation minière, de développement hydroélectrique et de foresterie menées sur les terres ancestrales des Cris du Québec jusqu’en 2052.
Carrière parlementaire
En 2011, Roméo Saganash est élu député néo-démocrate pour Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou dans le nord du Québec, la deuxième plus grande circonscription fédérale après le Nunavut. Il profite alors du soutien personnel de Thomas Mulcair, qui deviendra plus tard le chef du parti. Thomas Mulcair décrit Roméo Saganash comme un « candidat très important », à titre de personne crie d’influence dans une circonscription comptant de nombreux électeurs autochtones.
En septembre 2011, Roméo Saganash annonce son intention de se présenter à la direction du NPD au palier fédéral, pour succéder à l’ancien chef Jack Layton, emporté par un cancer le mois précédent. Cela fait de lui, selon toute vraisemblance, le premier dirigeant autochtone canadien à se porter candidat à la direction d’un parti politique d’importance. Il retire toutefois sa candidature en février 2012, apparemment en raison de maladie dans sa famille et d’un manque de confiance quant à sa campagne. Le mois suivant, il annonce son appui à Thomas Mulcair comme chef du NPD fédéral.
En octobre 2012, Roméo Saganash prend un congé de maladie pour traiter son alcoolisme. Cela fait suite à son expulsion pour cause d’ébriété d’un vol d’Air Canada Jazz de Montréal à Val-d’Or. Selon lui, la mort de son ami et mentor Jack Layton et les profondes cicatrices de son enfance difficile vécue dans le système de pensionnats indiens sont à l’origine de sa dépendance. À la fin de son traitement en novembre 2012, Roméo Saganash reprend ses fonctions juste à temps pour le début de la première session parlementaire en 2013.
Roméo Saganash est réélu pour un second mandat à l’élection fédérale de 2015. Il annonce cependant qu’il ne briguera pas un troisième mandat à l’élection de 2019.
Roméo Saganash agit à titre de porte-parole du NPD en matière d’énergie, de ressources naturelles et de développement international, ainsi que de porte-parole adjoint pour les affaires autochtones intergouvernementales. Il est actuellement le porte-parole du NPD pour la réconciliation et pour l’Agence canadienne de développement économique du Nord.
Le 21 avril 2016, Roméo Saganash présente un projet de loi d’initiative parlementaire visant à garantir la conformité des lois canadiennes avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2007 et pleinement appuyée par le Canada sans qualifications en 2016. La déclaration réaffirme les droits des peuples autochtones en tant que droits de la personne, y compris leur droit à l’autodétermination et leur droit au maintien et au renforcement de leurs propres institutions politiques, juridiques, économiques, sociales et culturelles. Roméo Naganash écrit dans The Tyee en 2016 que la déclaration « incarne les droits les plus importants pour lesquels nos ancêtres ont lutté pendant si longtemps ». En juillet 2018, le projet de loi est adopté à la Chambre des communes; le Sénat devrait l’examiner sous peu.
En mai 2018, une motion coparrainée par Roméo Saganash et le député néo-démocrate Charlie Angus demande à la Conférence des évêques catholiques du Canada d’exhorter le pape François à présenter des excuses au nom de l’Église catholique pour le rôle qu’elle a joué dans les pensionnats indiens. La motion est adoptée à 269 contre 10 voix lors d’un vote à la Chambre des communes.
Prix et distinctions
Prix d’excellence (ensemble de la carrière), Université du Québec à Montréal, pour son rôle dans la promotion des droits des Cris et des peuples autochtones dans cette province (2003).