Si un jour | l'Encyclopédie Canadienne

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Si un jour

L’opération « Si un jour » a été une simulation de l’occupation de la ville de Winnipeg, au Manitoba, le 19 février 1942, durant la Deuxième Guerre mondiale. La force d’occupation nazie était représentée par des volontaires de la Young Men’s Section du Winnipeg Board of Trade. L’opération « Si un jour » avait pour but de démontrer ce à quoi ressemblerait la vie sous l’occupation nazie. Par conséquent, elle a également servi à encourager les gens à acheter des obligations de guerre (aussi appelés Emprunts de la Victoire), ce qui a généré des millions de dollars pour l’effort de guerre. L’opération « Si un jour » a également servi d’exercice militaire impliquant environ 3 500 personnes, le plus important exercice de l’histoire de la ville à ce jour.

Bonds or Bondage (Les obligations ou la servitude)

Obligations de guerre ou Emprunts de la Victoire

Les obligations de guerre, obligations de la Victoire, ou Emprunts de la Victoire, sont tous des noms désignant des titres de créance émis par les gouvernements afin de lever des fonds pour l’effort de guerre sans augmenter les impôts. L’idée de base est que les particuliers achètent des obligations sous différentes coupures qui arriveront à échéance dans 2,5, 6, ou 14 ans. Dix collectes d’obligations ont lieu au Canada durant la Deuxième Guerre mondiale, et elles connaissent toutes un grand succès. La popularité des obligations est en partie due à ses appels au patriotisme, mais également due au fait qu’elles sont des investissements à faible risque avec des taux de rendement garantis.

Planification de l’opération « Si un jour »

L’opération « Si un jour » fait partie du deuxième volet de la campagne des Emprunts de la Victoire durant la Deuxième Guerre mondiale. Les efforts précédents ont impliqué des événements publics comme des concerts et des rassemblements, et l’usage de thèmes et de matériel promotionnel, tels que des affiches, développés par le Bureau fédéral.

Pour ce deuxième volet, la branche du Manitoba du Comité national des finances de guerre décide d’essayer quelque chose de différent. Son objectif est de recueillir 45 millions de dollars (environ 800 millions de dollars en 2023, après ajustement de l’inflation). En collaboration avec John Draper Perrin, le chef du comité des obligations de guerre du Grand Winnipeg, ils ont l’idée de créer la simulation de l’invasion et de l’occupation de Winnipeg et de ses environs, qui servira également d’exercice militaire. Le nom vient de la question concernant ce qui arriverait si les nazis n’étaient pas vaincus en Europe.

La bataille de Winnipeg

Bien que l’exercice ait été annoncé dans les journaux locaux, de nombreuses personnes sont tout de même surprises lorsqu’il commence. Le 18 février, des avions peints de l’insigne de l’armée de l’air allemande sont aperçus volants à basse altitude au-dessus des villes situées au nord du lac Winnipeg. Plus tard cette nuit-là, la ville de Selkirk reçoit l’ordre de couper le courant lorsque des explosions sont entendues, simulant un raid aérien par des bombardiers allemands.

Le lendemain matin, la ville de Winnipeg est réveillée par une attaque à la fois aérienne et terrestre. Les sirènes de raids aériens retentissent à 6 heures du matin alors que les avions de l’ARC imitent les bombardements en piqués de chasseurs-bombardiers de la Luftwaffe. À sept heures du matin, les sirènes sonnent le « blackout ». Les citoyens éteignent leurs lumières et les lampadaires des rues sont éteints, ce qui rappelle les « blackouts » au Royaume-Uni durant la bataille d’Angleterre. Les stations de radio diffusent des messages d’urgence avertissant les citoyens du raid et les encourageant à observer le « blackout ».

Au même moment, des réguliers et des soldats de la réserve de l’armée canadienne mettent en scène la défense de Winnipeg et des régions environnantes, incluant les communautés de Brandon, de Selkirk, et de Flin Flon. Bien que ce soit une invasion simulée, les « nazis » utilisent de l’équipement militaire réel, portant des fusils fonctionnels, et vêtus d’uniformes d’apparence authentique. Le réalisme est d’une importance vitale pour encourager les Manitobains à faire des dons pour l’effort de guerre. La force de défense comprend des unités d’infanterie et d’artillerie qui sont positionnées en anneau à environ 5 km à l’extérieur de la ville. Les soldats tirent à blanc de l’artillerie et des obus antiaériens comme s’il s’agissait d’une véritable bataille. De la dynamite et de la poussière de charbon sont utilisées pour simuler les dommages causés par les bombardiers, tandis que des briques et d’autres débris sont éparpillés sur les ponts pour suggérer leur destruction. Des unités d’ambulances militaires sont dépêchées pour recueillir les soldats qui prétendent être blessés.

Alors que les envahisseurs se dirigent vers le centre de la ville, les stations de radio commencent à diffuser des messages en allemand. À 9 h 30, Winnipeg est tombée, et est maintenant occupée et gouvernée par les « nazis » pour le reste de la journée. Dans une proclamation lue devant l’hôtel de ville, la ville est renommée Himmlerstadt.

Arrestation à Winnipeg City Hall, en 1942

Occupation

L’occupation de Winnipeg vise à démontrer ce à quoi la vie ressemblerait sous le régime nazi. Le bruit des tireurs d’élite et des tirs antiaériens continue tout au long de la journée. Le premier ministre de la province, John Bracken, et sept de ses ministres sont arrêtés, tout comme le maire, John Queen. Ils sont ensuite conduits à un camp d’internement à Lower Fort Garry.

De faux nazis érigent des barricades, renomment les rues, tiennent des barrages routiers, et effectuent des patrouilles. Ils prennent également d’assaut les transports en commun, demandant les cartes d’identité des usagers. Ils s’infiltrent dans les écoles publiques, et arrêtent l’un des directeurs, insistant sur le fait que seules les « vérités nazies » peuvent être enseignées. Les églises sont fermées, et les propriétaires de certains cafés remboursent la monnaie en reichsmarks au lieu de dollars canadiens.

L’édition du matin du journal The Winnipeg Tribune est remplacée par une édition d’un journal de quatre pages en langue allemande, le Das Winnipeger Lugenblatt, qui inclut une proclamation rédigée en 10 points détaillant les nouvelles règles de la loi martiale. Des livres, qui ont déjà été choisis parce que trop usés et destinés à être détruits, sont brûlés devant la Carnegie Library de Winnipeg, une simulation des cérémonies de livres brûlés que font les nazis partout en Europe.

En-tête du Winnipeg Tribune le 19 février 1942

Impact

À 17 h 30, heure locale, les organisateurs et les groupes participants marchent le long de l’avenue Portage de Winnipeg, invitant les gens à acheter des obligations de guerre. Les prisonniers sont libérés et se joignent à la marche, brandissant des bannières sur lesquelles on peut lire « it must not happen here » (ça ne doit pas arriver ici). Il est estimé que 3 millions de dollars d’obligations de guerre ont été achetés ce jour-là. À la fin de la deuxième campagne nationale de financement de la guerre, le Manitoba dépasse son objectif de 45 millions de dollars. L’armée acquiert un entraînement précieux en matière de guerre urbaine, et l’exercice fait la une des journaux à l’échelle internationale.