Sir Frederic (également écrit Frederick) Bowker Terrington Carter, premier ministre de Terre-Neuve de 1865 à 1878, avocat, homme politique et juge (né le 12 février 1819 à St John’s, Terre-Neuve; décédé le 1er mars 1900 à St John’s).
À leur retour de la Conférence de Québec en 1864, Frederic (également écrit Frederick) Bowker Terrington Carter et son collègue de Terre-Neuve Ambrose Shea sont convaincus que Terre-Neuve doit rejoindre la Confédération. Frederic Bowker Terrington Carter devient premier ministre de Terre-Neuve en 1865, mais évite sagement de transformer les élections de cette année-là en plébiscite sur l’adhésion à la Confédération. Son parti est battu en 1869 lorsqu’il promet de faire entrer Terre-Neuve dans la Confédération.
Jeunesse et début de carrière
Les Bowker émigrent du Devon, dans le sud-ouest de l’Angleterre, vers 1750 et se font une place parmi les commerçants de Ferryland, sur la presqu’île Avalon de Terre-Neuve, et, à St. John’s, le grand-père de Frederic Bowker Terrington Carter, William Carter, est juge de la Cour de vice-amirauté de Terre-Neuve. Son père, Peter Weston Carter, et son oncle, Robert Carter, sont magistrats, à St John’s et Ferryland respectivement. Il fait des études de droit à St John’s en compagnie de Bryan Robinson, à qui il succède à la Cour suprême de Terre-Neuve après le départ en retraite de ce dernier. En 1842, alors qu’il rentre d’une année d’étude du droit en Angleterre, Frederic Bowker Terrington Carter est admis au barreau de Terre-Neuve. En 1846, il épouse Eliza Walters Bayley, qui lui donne 11 enfants.
Carrière politique
Seul candidat de la circonscription électorale de la baie de la Trinité, Frederic Carter est élu à l’Assemblée législative de Terre-Neuve en 1855. Son oncle Robert est élu représentant de la baie de Bonavista cette même année (il l’avait déjà été de 1842 à 1852). Frederic Carter siège jusqu’à sa nomination comme juge en 1878. De 1865 à 1870, puis de 1874 à 1878, il est premier ministre et procureur général. Pendant son premier mandat à l’Assemblée législative, Frederic Bowker Terrington Carter, alors dans l’opposition, présente à plusieurs reprises un projet de loi visant à interdire à des fonctionnaires de siéger à l’Assemblée législative. Surnommé « la purge de Carter », il est rejeté par une majorité libérale qui recourt au favoritisme dans certaines nominations afin de garantir le respect de la ligne du parti. En 1861, les conservateurs, conduits par un proche de Frederic Carter, Hugh William Hoyles, remportent la majorité à l’Assemblée législative. Frederic Carter devient président de la Chambre des communes et son oncle Robert occupe le poste de secrétaire aux Colonies au Conseil exécutif (Cabinet) de Hugh William Hoyles. L’année suivante, la nouvelle majorité adopte le projet de loi de Frederic Carter.
Confédération
Le premier ministre Hugh William Hoyles envoie Frederic Carter, anglican et conservateur, et Ambrose Shea, catholique et libéral, à la Conférence de Québec en octobre 1864. Tous deux reviennent convaincus que la place de Terre-Neuve est au sein de la Confédération. Les délégués de Terre-Neuve ne participent pas à la Conférence de Charlottetown en septembre de la même année. Lors de la Conférence de Québec, ils ne sont présents qu’en qualité d’observateurs et ne sont pas habilités à prendre des engagements au nom du gouvernement de Terre-Neuve. Séduits par les atouts de la Confédération, ils signent les résolutions adoptées à la Conférence de Québec afin de démontrer leur appui individuel. Lors des banquets organisés après la Conférence de Québec, Frederic Carter déclare qu’une union politique nord-américaine plus large pourrait, en mettant fin à l’isolement de la colonie, renforcer et diversifier son économie et affranchir son discours politique des querelles partisanes. De retour à l’Assemblée législative de St. John’s, Frederic Carter explique l’enthousiasme que suscite chez lui le projet de Confédération, mais celui-ci n’est pas partagé.
Frederic Carter succède à Hugh William Hoyles en 1865, après avoir fait le choix judicieux d’éviter le sujet de la Confédération lors des élections de 1865, conduisant ainsi les conservateurs à la victoire. Le 1er juillet 1867, lorsque naît le Canada, ni Terre-Neuve ni l’Île-du-Prince-Édouard ne rejoignent la Confédération.
Avant les élections de 1869, Frederic Carter obtient l’approbation de l’Assemblée législative de Terre-Neuve et du gouvernement canadien sur les conditions d’une éventuelle adhésion de la province à la Confédération, qu’il présente ensuite à l’électorat comme une version améliorée de celles négociées à la Conférence de Québec. Les élections de Terre-Neuve ont normalement lieu à la fin de la saison de la pêche, mais les conservateurs pressent Frederic Carter de les avancer au printemps, avant que les leaders politiques hostiles à la Confédération n’aient le temps de mettre en place une opposition efficace. Il refuse, décidé à laisser les électeurs libres de leur choix. Les opposants à la Confédération, dirigés par Charles James Fox Bennett, gagnent 21 sièges sur 30. Frederic Carter conserve son siège de Burin, qu’il détient depuis 1865, d’une très courte majorité (dans des conditions, semble-t-il, à la limite de la légalité).
Voir également Terre-Neuve-et-Labrador et la Confédération.
Années suivantes
Alors qu’il est premier ministre, Frederic Carter distribue proportionnellement les postes et les fonds publics entre les trois principaux groupes religieux de la colonie (catholiques, anglicans et méthodistes), et garantit le financement public d’écoles confessionnelles pour chacun d’entre eux. Son gouvernement adopte également une législation qui réduit considérablement les aides versées aux personnes valides, ce qui est un motif de satisfaction pour la plupart des commerçants, mais une très mauvaise nouvelle pour les plus démunis.
Londres reconnaît également certains droits de la colonie sur « la côte française ». En vertu du traité de Versailles (1783), les Français ont des droits d’exploitation des ressources halieutiques de la zone littorale située entre le cap St. John, sur la côte nord-est de l’île, et le cap Ray, au sud-ouest. Le gouvernement de Terre-Neuve est lié par ces traités impériaux, mais, en 1877, Frederic Carter est autorisé à désigner des magistrats pour faire appliquer la législation terre-neuvienne sur la côte française. Pendant qu’il fait partie de l’opposition en 1871, il conteste les dispositions du traité de Washington négocié entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, qui donnent aux Américains l’accès aux pêcheries côtières de Terre-Neuve (voir Histoire de la pêche commerciale). De retour au pouvoir, il crée des primes afin de subventionner les pêcheurs terre-neuviens et de les rendre compétitifs face aux Américains.
En 1878, Frederic Carter est nommé à la Cour suprême de Terre-Neuve, puis est élevé au rang de Chevalier Commandeur de l’Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. Il devient juge en chef en 1880, prenant la succession de Hugh William Hoyles. Il part en retraite en 1898 et décède deux ans plus tard.
Héritage
Frederic Bowker Terrington Carter ne parvient pas à faire entrer Terre-Neuve dans la Confédération, notamment parce qu’il refuse de manipuler le processus électoral à son avantage. En ouvrant son cabinet à des dirigeants catholiques de l’opposition libérale et en veillant à une répartition équitable des postes administratifs entre les principaux courants du christianisme, il réduit la place des divisions religieuses sur la scène politique. Néanmoins, son soutien aux écoles confessionnelles plutôt qu’aux écoles publiques contribue à renforcer les identités religieuses, sources de division et de suspicion mutuelle dans la colonie.