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Site archéologique Mailhot-Curran

Variabilité des vases céramiques retrouvés sur le site Mailhot-Curran (avec la permission de la MRC du Haut-Saint-Laurent, photo Michel Gagné)
Exemple de fosse découverte à l'intérieur de l'enceinte d'une maison longue du site Mailhot-Curran (avec la permission de la MRC du Haut-Saint-Laurent, photo Michel Gagné)
Fouille de l'intérieur de la maison longue 1 du site Mailhot-Curran par l'équipe de fouilles de la MRC du Haut-Saint-Laurent (avec la permission de la MRC du Haut-Saint-Laurent, photo Michel Gagné)
Tamisage du terreau pour récupérer les petits objets lors d'un stage de l'École de fouilles de l'Université de Montréal sur le site Mailhot-Curran (avec la permission de la MRC du Haut-Saint-Laurent, photo Michel Gagné)

Site archéologique Mailhot-Curran

Le site Mailhot-Curran est un ancien village iroquoien qui se situe à l'intérieur des limites de la municipalité de Saint-Anicet, dans le Sud-ouest québécois, à environ 70 kilomètres en amont de Montréal. Le gisement est niché profondément dans l'arrière-pays sur un coteau d'origine glaciaire qui se déploie à quelque 8 kilomètres du fleuve SAINT-LAURENT. Contrairement aux autres sites villageois iroquoiens qui se trouvent généralement à moins de 150 mètres d'un cours d'eau, le point d'eau le plus près se situe à quelque 800 mètres.

La découverte du site Mailhot-Curran remonte à près de 20 ans à l'occasion d'un programme d'inventaire archéologique dirigé par l'archéologue Michel Gagné pour le compte de la MRC du Haut-Saint-Laurent et avec l'appui du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec. Plus tard, les fouilles se sont déroulées sur une période de 3 ans entre 1999 et 2001.

Le site, qui date d'environ 1500 de notre ère (pendant le Sylvicole supérieur) d'après la facture des vases céramiques, est relié à la présence des Iroquoiens du Saint-Laurent (voirAUTOCHTONES : FORÊTS DE L'EST), un groupe d'agriculteurs sédentaires qui peuple vraisemblablement la vallée du Saint-Laurent à partir du XIIIe siècle de notre ère. Jacques CARTIER en rencontre d'ailleurs les descendants à l'occasion de ses voyages (de 1534 à 1536) à STADACONÉ, l'actuelle ville de Québec et au village d'HOCHELAGA, sur l'île de Montréal. Ces derniers font partie de la grande famille linguistique et culturelle iroquoienne composée d'une dizaine de nations distinctes qui occupent principalement le Nord-Est américain à cette époque ainsi que le sud de l'Ontario et du Québec.

Ces peuples partagent des modes de vie et des traits culturels comparables. Entre autres, ils sont tous des cultivateurs sédentaires et habitent à longueur d'année au sein de villages qui se composent de MAISONS LONGUES partagées par plusieurs familles appartenant au même clan maternel. D'autres villages iroquoiens préhistoriques bien connus dans la région de St-Anicet sont les sites DROULERS-TSIIONHIAKWATHA et McDONALD.

Malgré l'état fragmentaire de la recherche, le site Mailhot-Curran présente un assemblage très varié composé de plus de 23 000 objets dont des fragments de vases en céramique, des pipes, des perles d'apparat et des rebuts de pâte. On retrouve aussi des restes osseux de mammifères et de poissons, des outils en os, des meules en pierre pour moudre les végétaux et des vestiges de plusieurs espèces de plantes cultivées, dont le MAÏS, le haricot et le TOURNESOL. Jusqu'ici le site a livré les restes d'une maison longue de très faible dimension, soit de seulement 13 mètres de longueur tandis qu'une maison longue typique de cette période fait le plus souvent 30 mètres de long. Une part importante du gisement archéologique démontre un très bon état de conservation et on estime que l'espace a pu accueillir 3 ou 4 maisons longues et abriter près de 100 individus.

L'importance du site Mailhot-Curran est reliée principalement à son appartenance à l'époque charnière qui marque la disparition des Iroquoiens du Saint-Laurent vers la fin du XVIe siècle. Comme le village est occupé peu de temps avant l'effondrement de cette population, le site pourrait s'avérer déterminant pour comprendre la suite des événements s'étant produits dans la vallée du Saint-Laurent à cette époque.

En effet, lorsqu'en 1603, Samuel de CHAMPLAIN parcourt la vallée du Saint-Laurent, il constate que le territoire n'est plus occupé par les groupes iroquoiens que Jacques Cartier a rencontrés quelques décennies plus tôt. Or, déjà à cette dernière période, les habitants d'Hochelaga avaient mentionné à Jacques Cartier l'existence de conflits entre les groupes iroquoiens qui habitent plus en amont de la région montréalaise. Cette constatation suggère que les relations dans ce secteur particulier de la vallée du Saint-Laurent se détériorent déjà considérablement à cette période. Ces événements troubles auraient pu inciter les communautés résidant dans la région de Saint-Anicet à délaisser les alentours du fleuve Saint-Laurent pour se réfugier plus à l'intérieur des terres, où l'on a d'ailleurs découvert le site Mailhot-Curran.

En fait, à part quelques bribes d'informations éparses, on connaît bien peu de choses sur le déroulement des événements entourant la disparition des Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent qui pourrait avoir eu lieu vers la deuxième moitié du XVIe siècle. En l'absence de références écrites, les archéologues ont privilégié trois grands modèles pour expliquer ce fait marquant. Ces modèles mettent l'accent sur l'impact des maladies transmises par les Européens, sur les guerres de conquête entreprises par des groupes extérieurs, principalement les IROQUOIS de la Confédération des Cinq-Nations et sur le contrôle des routes de traite avec les Européens. Encore aujourd'hui, les raisons de leur disparition suscitent toujours autant de questions parmi les spécialistes.

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