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Tapis, confection de

Le tapis au crochet se fait selon la technique suivante : à l'aide d'un crochet, on fait passer des boucles de fil ou des bandelettes de chiffon à travers les mailles d'un canevas à large trame, habituellement du jute.

Tapis, confection de

Le tapis au crochet se fait selon la technique suivante : à l'aide d'un crochet, on fait passer des boucles de fil ou des bandelettes de chiffon à travers les mailles d'un canevas à large trame, habituellement du jute. Ces boucles de différentes sortes de tissus aux couleurs variées forment à la longue un motif pictural, floral ou géométrique qui couvre tout le canevas et donne un tapis résistant.

Au milieu du XIXe siècle, quand les premiers tapis au crochet font leur apparition au Canada, les revêtements de plancher constituent un luxe. Les riches se paient parfois un tapis d'Orient importé ou un tapis commercial tissé sur métier. D'autres possèdent une catalogne qu'ils ont eux-mêmes confectionnée (ou fait confectionner); celle-ci est constituée d'une trame de bandelettes de tissu passées au travers de fils de chaîne en coton peu serrés. Le tapis au crochet permet de recouvrir à peu de frais les planchers froids et c'est sous cette forme que finissent les vieux vêtements.

Au Canada, il ne reste, du XIXe siècle, que très peu de vêtements de tous les jours. Les tissus sont alors trop précieux pour qu'on les gaspille et la plupart aboutissent dans les COURTEPOINTES ou sur les planchers (voir VÊTEMENT). Il est probable que la fabrication de tapis au crochet se développe simultanément, mais de manière indépendante, en plusieurs endroits : au Québec, dans les Maritimes et en Nouvelle-Angleterre. Le nombre de tapis confectionnés dans la moitié Est du continent est beaucoup plus important que dans l'Ouest, ce qui s'explique par le fait qu'au moment de la colonisation de l'Ouest canadien, les tapis s'obtiennent facilement dans les magasins.

Les tapis exclusivement canadiens les plus faciles à identifier sont ceux des missions Grenfell, à Terre-Neuve et au Labrador. L'origine des tapis Grenfell remonte à 1913. Cette année-là, le Dr Wilfrid GRENFELL industrialise la fabrication locale des tapis. On reproduit sur canevas de jute des motifs classiques (traîneaux à chiens, volées de canards, ours polaires), puis des femmes de la région crochètent les tapis. Dans les églises, on vend alors un grand nombre de ces tapis et on amasse ainsi de l'argent pour les missions médicales.

Les carpettes Grenfell sont encore fabriquées de nos jours, mais avec des tissus synthétiques teints par des procédés chimiques et non avec des fibres naturelles et des teintures végétales comme à l'origine. Toujours très bien faits, ils ressemblent presque à des tapisseries à l'aiguille. Les premiers tapis Grenfell ont comme couleurs prédominantes le brun et le vert. Ils contiennent beaucoup de fils de jute, aussi bien que des pièces de sous-vêtements et de bas recueillies sur le continent pour les missions.

La remarquable qualité d'exécution des tapis de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse, est également légendaire. Encouragée par la femme d'Alexander Graham Bell, qui rêve d'établir une industrie artisanale au Cap-Breton, Lillian Burke fonde l'industrie du tapis de Chéticamp.

Contrairement aux courtepointes, qui sont souvent conservées précieusement dans les familles et transmises d'une génération à l'autre, les vieux tapis au crochet ne possèdent ni histoire ni origine précises. Il est très rare d'en retrouver de très anciens dont le fabricant soit connu. Toutefois, une femme du nom d'Emily CARR atteint la célébrité grâce aux tapis qu'elle confectionne pour suppléer aux revenus de sa pension de famille.

Plusieurs tapis sont attribués au peintre Georges-Édouard Tremblay. Dans le cadre de la renaissance que l'ARTISANAT a connue au Québec, le motif de ces tapis a été copié sur les paysages de l'artiste par des femmes de la région qui travaillaient sous la direction de Tremblay, dans son atelier de Pointe-au-Pic. Ces tapis, souvent fabriqués avec du fil de coton épais, arborent un contour noir avec, au centre, une scène d'hiver.

En 1886, un ferblantier ambulant, Edward Sands Frost, met au point un jeu de plaques en zinc découpées qui lui permettent d'imprimer au pochoir, sur de la jute, des patrons de tapis en série (invention qui préfigure la peinture à numéros). D'autres entreprises envahissent aussi le marché : vers le milieu des années 1890, la compagnie Garrett de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, fabrique des patrons de tapis à l'image du Bluenose. En 1894, Wells and Richardson de Montréal publient des patrons dans sa collection Diamond Dye Rug Books (« Ne vendez pas vos chiffons aux chiffonniers; conservez-les plutôt pour fabriquer de beaux et utiles tapis et carpettes. »).

Vers 1905, Eaton vend par catalogue ses patrons Monarch. Au début du siècle, Hambly and Wilson, de Toronto, imprime aussi des patrons sur toile de jute.

Aujourd'hui, on fait encore des tapis selon des patrons, mais les plus beaux ont toujours été ceux que les femmes fabriquaient avec leurs propres chiffons et selon leur inspiration. Bon nombre d'anciens tapis crochetés au Canada sont étonnamment éloquents, évoquant le sens de l'économie, la personnalité et les préoccupations utilitaires de leurs créatrices, qui ont intégré à leurs oeuvres les vêtements de plusieurs générations et des étoffes chargées de souvenirs, bref, la trame même de leur existence.