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Travail

Selon les époques et les cultures, le travail est vu comme un châtiment de Dieu, une activité indigne d'un citoyen libre, la voie privilégiée pour accomplir la volonté du Créateur ou la meilleure façon de gagner sa vie.

Travail

Selon les époques et les cultures, le travail est vu comme un châtiment de Dieu, une activité indigne d'un citoyen libre, la voie privilégiée pour accomplir la volonté du Créateur ou la meilleure façon de gagner sa vie. Dans la société canadienne contemporaine, c'est autour du travail que s'organisent les autres activités sociales. Ce point de vue est cependant remis en question depuis quelques décennies en raison des changements d'ordre technologique (voir TECHNOLOGIE), économique, social et culturel. Tout cela laisse supposer que le « travail » est au seuil d'une ère nouvelle.

Le travail dans la société rurale préindustrielle

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le Canada est une SOCIÉTÉ RURALE traditionnelle dans laquelle le travail est directement lié à la production des produits essentiels. Les objectifs et les circonstances de la production agricole s'insèrent dans la vie sociale de chacun et dans l'organisation générale de la société. Les travailleurs indépendants (agriculteurs, artisans) sont souvent propriétaires de leur entreprise, organisent le travail à leur guise et vendent eux-mêmes leurs produits. La plus grande partie de la production sert à la consommation et le reste est vendu dans les villes et les villages avoisinants.

Malgré le caractère indépendant et la nature de son travail (deux éléments qui le distinguent du travailleur d'atelier ou d'usine), l'agriculteur traditionnel accomplit tout de même un labeur exigeant avec des instruments rudimentaires. En outre, le fruit de son travail dépend largement des caprices du climat. Il est souvent aussi plus dépendant des commerçants et des prêteurs locaux, quand il veut notamment acquérir terres et animaux, que le travailleur de la ville l'est de son employeur. Afin de trouver l'argent nécessaire pour couvrir leurs dépenses agricoles, beaucoup d'agriculteurs se font travailleurs saisonniers.

Comme son économie repose sur l'exploitation des ressources naturelles, le Canada fournit la mère patrie en matières premières, plutôt que de produire des biens manufacturés. Le travail n'est pas plus facile dans les autres industries qu'en agriculture. La TRAITE DES FOURRURES du temps de la colonie exige beaucoup d'endurance. Les portages sont jalonnés par les tombes des VOYAGEURS qui ont expiré sous le poids de leur charge. L'abattage du bois attire les jeunes, les paysans et les immigrants, mais c'est un travail saisonnier et qui exige une grande endurance physique (voir BOIS, HISTOIRE DU COMMERCE DU). Les bûcherons logent dans des cabanes rudimentaires, passent de grandes journées à l'oeuvre et sont mal nourris (ce n'est qu'après 1850 qu'on leur sert des haricots, du boeuf frais, du bacon et du lard salé). Au printemps, le travail est dangereux et exige une grande habileté. Les draveurs travaillent 16 heures par jour, souvent plongés dans l'eau glacée jusqu'à la ceinture. C'est l'époque où les billes équarries rassemblées en trains de bois guidés par les « cageux » descendent l'Outaouais et le Saint-Laurent jusqu'à Québec, un voyage qui dure deux mois.

La pêche est une autre activité saisonnière exigeant beaucoup de temps et soumise aux caprices du climat et à la disponibilité du poisson. Les revenus varient selon la demande, et, pour survivre, les pêcheurs doivent aussi se faire agriculteurs ou bûcherons (voir PÊCHE, HISTOIRE DE LA).

Du côté de l'industrie secondaire, c'est le règne des artisans indépendants, producteurs de biens et services marchands, qu'il s'agisse des menuiseries, des maisons de cardage, des scieries, des minoteries, des brasseries, des distilleries, des tanneries ou des fonderies. Le travail s'effectue généralement dans de petits ateliers employant trois ou quatre hommes : le propriétaire, qui est aussi le maître artisan, un ou deux compagnons et quelques apprentis. Les relations entre le patron et le salarié sont de nature paternaliste, en particulier dans le régime de l'APPRENTISSAGE . Durant trois à dix ans, l'apprenti est lié par un contrat qui fait pratiquement de son maître un père. Il ne peut pas s'absenter sans sa permission, ne peut pas se marier et doit faire serment de ne pas divulguer les secrets du métier. En retour, le maître doit le nourrir, le loger et le former convenablement.

Cependant, le régime de l'apprentissage devient une forme de travail obligé et non plus seulement un programme de formation artisanale assorti d'une orientation morale et intellectuelle. Le maître accumule les profits, accroît ses exigences et prend de plus en plus d'apprentis pour accomplir le travail salissant et souvent moins formateur, pendant que l'apprenti ne connaît que la tyrannie de ses obligations et voit avec amertume son maître négliger ou carrément oublier ses engagements.

Les artisans qualifiés, qui composent environ 10 p. 100 de la main-d'oeuvre urbaine avant le XXe siècle, forment une aristocratie de travailleurs bien payés dont le statut social n'est pas loin de celui de la classe moyenne. Un artisan gagne deux fois plus qu'un journalier et quatre fois plus qu'un domestique. Les moins biens rémunérés sont les femmes (voir FEMMES DANS LA POPULATION ACTIVE) et les enfants, et un travailleur sur cinq vit dans une indigence extrême.

Une culture ouvrière est déjà visible dans l'INDUSTRIE DE LA CHAUSSURE, dans l'INDUSTRIE TEXTILE , chez les « cageux » et chez ceux qui sont affectés, sur une base saisonnière, à la construction des chemins de fer ou des canaux (habituellement des IRLANDAIS ou d'autres immigrants) nécessaires au transport des ressources vers les villes portuaires, d'où elles sont exportées. Les conditions de travail sont dures, et la semaine de travail, longue. Les salaires sont bas et souvent versés sous forme de coupons échangeables uniquement dans les magasins de la compagnie, où les prix sont invariablement gonflés. Les entrepreneurs disparaissent souvent sans payer les travailleurs, qui doivent fréquemment verser des loyers exorbitants pour des logements misérables dont l'insalubrité cause des ÉPIDÉMIES de choléra, de fièvre et d'autres maladies.

Travail et révolution industrielle

Au Canada, comme ailleurs en Occident, l'avènement de l'ÉCONOMIE de marché au XIXe siècle, en même temps que l'industrialisation, transforme radicalement la nature du travail pour la majorité des gens. Le travail perd ainsi sa valeur intrinsèque et devient un moyen de gagner sa vie, un bien à acheter et à vendre comme d'autres marchandises. L'évolution de la société élimine progressivement la relation directe entre l'effort de production du travailleur et la consommation de biens et de services.

Tandis que l'économie rurale du Canada, fondée sur l'autarcie, se transforme en économie industrielle caractérisée par un réseau de production et d'échanges de plus en plus complexe et évolué, les entreprises de production se transforment elles aussi, le nombre d'emplois augmente, les conditions de travail et l'organisation du travail changent, et le travail acquiert ainsi un nouveau sens par rapport aux autres réalités de la vie.

Au milieu du XIXe siècle, à la faveur de l'expansion des moyens de TRANSPORT (CANAUX, CHEMIN DE FER) et de l'avènement de la machine à vapeur, les premières usines et les premières grandes entreprises font leur apparition dans les centres urbains. Si les premières usines du verre, du vêtement et de la construction navale font leur apparition en Nouvelle-Écosse, l'industrie du tabac, du textile, de la fonderie et du matériel ferroviaire se concentre rapidement en Ontario et au Québec (à Montréal, à Hamilton et à Toronto). Les manufactures ont rapidement besoin de main-d'oeuvre non qualifiée (en particulier pour les équipes de construction) et d'ouvriers qualifiés (charpentiers, maçons, tailleurs, fondeurs et travailleurs du cuir).

À l'époque, les entreprises traditionnelles, c'est-à-dire les petits magasins, les bureaux, les ateliers et les manufactures (les entreprises où plusieurs artisans et apprentis font encore un travail manuel), sont encore nombreuses. Les travailleurs y contrôlent passablement leurs activités, y compris leurs conditions de travail, les prix des biens et des services et l'embauche de leurs apprentis. Les relations entre l'employeur et le salarié restent très personnelles, et la production continue de reposer sur les commandes.

Le travail dans la société contemporaine

La création d'usines et d'entreprises de plus en plus grandes et concentrées est marquée par une mécanisation et une automatisation intensives qui allègent de beaucoup le travail physique. Cependant, les ouvriers souffrent encore aujourd'hui d'une aération déficiente, de la chaleur et du bruit excessifs, de la poussière, de la POLLUTION, toxic gas, acids de l'air, des gaz toxiques, des acides et des substances radioactives (voir MALADIES PROFESSIONNELLES). En outre, malgré sa diversité, la plupart du temps, le travail comprend des tâches répétitives, insignifiantes, étroites et cloisonnées qui demandent peu d'habileté et de formation et n'entraînent pas de grandes responsabilités. Ces conditions génèrent l'ennui, le stress et un sentiment d'inutilité. Les manoeuvres spécialisés qui ont acquis un certain savoir-faire dans un contexte spécifique considèrent généralement cette compétence comme sans valeur s'ils changent de travail.

Quel que soit le milieu de travail, une petite entreprise paternaliste ou une grande entreprise bureaucratique et impersonnelle, la plupart des travailleurs doivent se conformer aux ordres et aux objectifs de travail qui leur sont dictés, aux méthodes, aux cadences et même aux comportements qui n'ont qu'un lien indirect avec le travail lui-même.

Travailler à son compte (par exemple, dans une PETITE ENTREPRISE) est depuis toujours une façon attrayante d'échapper aux problèmes des salariés, mais les joies de cette évasion sont généralement illusoires. Pour beaucoup, le rêve se solde par une faillite. Pour les autres, minoritaires, il demande de longues heures de travail acharné et fatigant, et il réserve de nombreuses désillusions. Cependant, dans les périodes où persiste un taux de chômage élevé, le nombre de travailleurs autonomes tend à augmenter, non pas par choix, mais plutôt par nécessité. Les sondages récents indiquent que ces travailleurs ne représentent pas plus de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre.

Nouvelle organisation du travail

Le patronat est pris au piège du progrès technologique ultrarapide et des modifications constantes du marché qui lui demandent de s'adapter à l'évolution des produits et des services. Les employeurs doivent se lier plus étroitement aux employés. Comme autrefois, les patrons recherchent des solutions dans de nouvelles formes d'organisation du travail destinées à en humaniser les conditions et à permettre aux travailleurs de participer davantage à la gestion. Aujourd'hui, ces nouvelles formes sont axées sur les tâches des travailleurs, y compris les programmes de la qualité de la vie dans l'entreprise conçus pour combler le besoin d'une plus grande autonomie, de créativité et de convivialité. Les tâches sont élargies et les équipes de travailleurs bénéficient, par exemple, d'une valorisation du travail, d'une rotation des postes de travail et font partie d'équipes de travail autonomes et de cercles de contrôle de la qualité.

D'autres mesures consistent à bannir l'horloge de pointage, à adopter des horaires flexibles et la semaine de travail comprimée, à favoriser le télétravail et à concevoir des programmes (programmes de suggestions, comités consultatifs mixtes) sur la productivité, la sécurité sociale, la santé et la sécurité au travail pour accroître la participation du travailleur et l'intéresser davantage à son travail. On met aussi à l'essai la participation aux bénéfices et d'autres formes de participation financière. Le but visé est d'associer davantage le travailleur à l'entreprise et d'accroître sa motivation et son rendement. Ces nouvelles formes d'organisation se sont répandues au cours des 20 dernières années, mais leur efficacité dans les entreprises et leurs avantages pour le travailleur ne sont pas encore évidents. En somme, le salariat demeure.

Enfin, on assiste à la création de nouvelles modalités d'emploi rendant la situation du travailleur généralement précaire, soit le travail à temps partiel, à la pige, à forfait, temporaire et le travail partagé. De 1975 à 1993, les emplois à temps partiel ont augmenté de 120 p. 100 comparativement à une augmentation de 25 p. 100 des emplois à temps plein. Un travailleur sur quatre travaille à temps partiel et cette proportion est à la hausse. Un travailleur sur 12 est engagé à forfait ou a un emploi précaire. Ces nouvelles modalités permettent de tirer profit des besoins de certaines catégories de travailleurs (mères au travail, étudiants, personnes handicapées, aînés) pour répondre aux besoins de l'entreprise (coût du travail moindre et plus grande souplesse dans la production) et des gouvernements (réduction du chômage par le partage des emplois entre plus de travailleurs).

La préoccupation actuelle à l'égard des conditions de travail s'inscrit dans une nouvelle perspective des divers aspects du travail, à savoir l'organisation du travail, les relations interpersonnelles, la santé et la sécurité. On porte moins attention au concept purement fonctionnel du travail, et en revanche, on reconnaît plus que l'activité professionnelle d'un salarié a également un impact sur sa qualité de vie ailleurs qu'au travail.

La jeunesse au travail

De 1953 à 1984, le nombre de jeunes de moins de 25 ans au sein de la population active passe de 1,3 million à 2,8 millions, mais en 1987, ce nombre chute à 2,3 millions. Cependant, à cause de leur manque d'expérience, d'ancienneté et de formation, les jeunes sont les premiers congédiés lorsque les temps sont difficiles. C'est ainsi qu'ils connaissent un taux de CHÔMAGE disproportionné (17,7 p. 100 en 1993, soit 50 p. 100 de plus que la moyenne). Ils détiennent aussi le plus haut taux de mobilité professionnelle, souvent involontairement. Ceux qui changent d'emploi volontairement (les plus instruits, les célibataires et les jeunes mariés sans enfant) le font habituellement pour acquérir de l'expérience. Beaucoup, néanmoins, en changeant d'emploi, expriment leur insatisfaction devant les formes modernes du travail, tant pour ses aspects intrinsèques que pour ses conditions matérielles.

Beaucoup de jeunes, enfants d'une société plus libérale, tendent à défier les formes traditionnelles d'autorité en milieu de travail. Mieux instruits que leurs aînés et habitués à un niveau de vie élevé, ils recherchent un travail exigeant et enrichissant qui fait appel au savoir-faire acquis dans le cadre de leur formation. Cependant, vu les conditions économiques récentes, il devient de plus en plus difficile de réaliser ces aspirations.

Le travail, l'éducation et la formation

Il n'y a pas si longtemps, la formation (généralement limitée) reçue à l'école suffisait pour toute sa carrière. On entrait jeune dans la population active, après un apprentissage qui, souvent, avait commencé dans la famille et se continuait au travail. Aujourd'hui, puisque la société exige une formation scolaire générale et variée et étant donné le grand besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée, un diplôme est essentiel, et les jeunes entrent invariablement dans la population active à un âge plus avancé.

Durant la prospérité des années 50 et des années 60, le diplôme est un passeport pour les emplois intéressants. Depuis 1970, et en particulier lorsque l'économie décline, le diplôme ne garantit plus d'emploi dans une catégorie professionnelle donnée. Le degré d'instruction sert souvent de prétexte à l'employeur pour faire une sélection plus rigoureuse et vérifier l'aptitude des candidats à s'adapter aux besoins de l'entreprise. Les jeunes arrivent maintenant sur le marché du travail dans des conditions plus difficiles qu'avant, et beaucoup d'entre eux doivent se contenter d'un travail occasionnel ou à temps partiel pour des périodes plus ou moins longues.

Au cours des dernières années, par exemple, 40 p. 100 des travailleurs à temps partiel sont des jeunes âgés de 15 à 24 ans. En outre, leur formation préalable ne leur garantit plus nécessairement de l'avancement professionnel. Il existe un décalage grandissant au plan éducatif et professionnel entre les pertes d'emploi et les débouchés. Le progrès technologique, la réorganisation du travail de bureau, le mouvement de l'emploi vers le secteur tertiaire, le chômage réel ou appréhendé, la possibilité ou l'attrait de la mobilité professionnelle ainsi que la recherche d'un niveau de vie plus élevé sont autant de motifs qui poussent de plus en plus d'adultes à vouloir se spécialiser au cours de leur vie professionnelle.

Cette formation supplémentaire est offerte par les établissements d'enseignement, mais les entreprises (surtout les plus grandes) offrent également une formation professionnelle à leurs salariés pour améliorer leur rendement. Habituellement, ces cours sont concis, portent sur une tâche ou une fonction professionnelle précise et traitent des besoins immédiats. Leur contenu est en grande partie dicté par la société, et ils sont généralement réservés aux cadres et aux professionnels plutôt qu'aux travailleurs non qualifiés.

Les femmes et le travail

L'une des transformations majeures que connaît le monde du travail, c'est le nombre croissant de femmes qui ont un emploi. Cette proportion est passée de 20 p. 100, en 1921, à 24 p. 100, en 1951, et à un sommet de 59 p. 100, en 1990. Cette progression rapide est principalement due à la croissance du nombre de femmes mariées au travail (11 p. 100 en 1951 et 53 p. 100 en 1987).

À la longue, le nombre croissant de femmes au travail devrait avoir des répercussions très importantes sur l'organisation du travail, mais jusqu'ici, les conséquences en sont limitées, et la structure des emplois féminins n'a guère changé. On trouve habituellement les femmes dans les emplois traditionnellement « féminins » (travail de bureau, vente, enseignement, services hospitaliers et industrie légère). Celles qui s'aventurent dans les bastions masculins sont encore victimes de discrimination. Le travail des femmes se caractérise habituellement par une semaine de travail plus longue que la moyenne, des quarts peu accommodants, l'absence de sécurité d'emploi et une discrimination systématique dans la rémunération et les avantages dans les emplois (majoritaires) non régis par une convention collective. Bien qu'elles soient habituellement plus instruites que les hommes, les femmes détiennent généralement des postes subalternes et sans avenir (voir FEMMES ET ÉDUCATION; FEMMES DANS LA POPULATION ACTIVE).

Le travail et la retraite

Parce que l'on vit de plus en plus longtemps, on accorde maintenant plus d'attention à la relation entre le travail et la qualité de vie après la retraite. Les conditions de travail ainsi que la nature et la rémunération du travail ont une portée décisive non seulement sur le niveau de vie du retraité (en particulier sur son revenu), mais aussi sur son état de santé mental et physique. Ces préoccupations s'intensifient depuis 20 ans en raison de la tendance vers la retraite anticipée. De 1983 à 1993, le nombre de personnes âgées de 55 à 64 ans qui quittent les rangs de la population active fait un bond de 114 p. 100. L'âge moyen de la retraite se situe maintenant aux environs de 62 ans. Bien que ni le fédéral ni le provincial ne fixent un âge officiel pour la retraite, en pratique, les travailleurs la prennent habituellement à 65 ans, comme le stipulent leur convention collective ou leurs conditions d'embauche.

Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette tendance, comme le désir d'une vie plus active hors du travail (davantage de loisirs et de voyages) et de plus de temps pour la famille, les revenus plus élevés qui permettent à plus de gens de prendre leur retraite avant 65 ans et les régimes de retraite publics universels et privés (voir PENSION). En outre, la concurrence sur le marché du travail, les compressions et les effets du changement technologique jouent contre l'embauche des travailleurs âgés. Pour certains, une retraite plus tôt est une façon fort efficace de réduire la population active. Pour d'autres, c'est une façon d'aider les jeunes à décrocher un emploi ou à le conserver. Les gouvernements et les entreprises implantent des programmes d'incitation à la retraite anticipée, les premiers pour combattre le chômage, et les secondes, pour réduire la main-d'oeuvre.

Toutefois, pour des raisons économiques et sociales, un nouveau mouvement se dessine contre la retraite obligatoire. Bien que le nombre de familles du troisième âge vivant sous le seuil de pauvreté ait beaucoup baissé au cours des 25 dernières années, tant chez les couples (de 40 p. 100 à 9 p. 100) que chez les célibataires (d'environ 70 p. 100 à moins de 50 p. 100), les mesures de sécurité sociale ne réussissent pas à assurer un degré suffisant de sécurité matérielle à la majorité des travailleurs et à leurs personnes à charge. Un grand nombre des retraités canadiens ont besoin du supplément de revenu garanti pour se maintenir au-dessus du seuil de PAUVRETÉ. De plus, l'augmentation de l'espérance de vie et le VIEILLISSEMENT rapide de la population, en raison de la retraite prochaine des baby boomers, font planer le spectre de caisses de retraite à sec. Du point de vue social, les retraités se trouvent isolés, marginalisés et dans l'insécurité. L'abolition de la retraite obligatoire au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et au Québec permet des retraites graduelles plus adaptées aux besoins, à la situation et aux espoirs de chacun.

Le travail et la technologie

L'application de la technologie de l'information reposant sur la microélectronique dans les communications (échange et transmission d'information), dans l'entreprise (appareils de traitement de texte) et dans le secteur industriel (robotique) révolutionne le travail (voir TÉLÉINFORMATIQUE; INFORMATIQUE ET SOCIÉTÉ; BUREAUTIQUE). Cette révolution aura-t-elle les mêmes conséquences que les deux révolutions précédentes (le régime de la grande industrie et la production de masse sur chaîne de montage), soit la croissance économique, la création d'emplois et la hausse du niveau de vie?

Les gains de productivité réalisés sous forme de volume et de structure de l'emploi se traduiront indubitablement par une réduction sensible des emplois de bureau et des emplois spécialisés de niveau inférieur dans le secteur tertiaire. Ce dernier est le secteur le plus important (qui regroupe plus de 60 p. 100 de la main-d'oeuvre du Canada) dans l'économie moderne et il est aussi le plus affecté par ces changements. Ces pertes ne seront probablement équilibrées qu'en partie par la création de nouveaux emplois spécialisés et professionnels dans les industries produisant et utilisant les nouvelles technologies.

La structure professionnelle en place depuis le tournant du siècle subira certes de profonds changements, mais il est fort improbable qu'il ne reste un jour au Canada, comme le suggèrent certains, que deux catégories de travailleurs, celle qui appuie sur le bouton et celle qui crée les programmes et la technologie. Les travailleurs des métiers traditionnels et les opérateurs seront probablement remplacés par des techniciens et des travailleurs spécialisés dans la maintenance, l'outillage, les technologies de l'information et l'électronique. L'avènement de l'ère informatique pourrait ainsi mener à une plus grande uniformité des compétences (voir SOCIÉTÉ D'INFORMATION).

La nature et l'organisation du travail seront aussi touchées. Dans le passé, le progrès technologique avait des effets contradictoires : réduction du nombre de travailleurs manuels et hausse des salaires, d'une part, et spécialisation des emplois et accroissement de la cadence et de la surveillance de la production, d'autre part. Les changements actuels auront également des effets contradictoires qui pourraient bien accentuer les tendances du passé. Les nouvelles technologies rendront possible l'élimination de beaucoup de tâches manuelles répétitives ou dangereuses et la création de nouvelles tâches, plus intellectuelles que physiques parce qu'elles seront reliées au contrôle, à la surveillance et à la maintenance de l'outillage automatisé. Cependant, cette technologie peut aussi bien accroître et rendre répétitives des tâches qui ne pouvaient pas être simplifiées et déclassées jusqu'à maintenant.

Il est aussi possible qu'il y ait resserrement de la surveillance des travailleurs (surveillance électronique), accélération de la cadence de travail, augmentation du sentiment d'isolement au travail en raison de la réduction du nombre d'échanges entre personnes et apparition de nouveaux problèmes de santé et de sécurité au travail (par exemple, conditions génératrices de stress, différents types de fatigues et de malaises physiques résultant de l'exposition aux radiations). Enfin, les nouvelles technologies pourraient mener à la création d'équipes de travail, à la décentralisation du travail en unités réduites, au télétravail (par exemple, à la maison), au recours accru aux contractuels ainsi qu'à des heures plus flexibles et moins nombreuses.

L'avenir du travail

Le travail est à la fois une activité utilitaire (qui confère un statut social et une autonomie personnelle) et une activité créatrice et libératrice par laquelle l'individu peut façonner et exprimer sa personnalité. Dans la société canadienne moderne, le travail est presque exclusivement envisagé sous son angle utilitaire. Peut-il aussi devenir une activité libre et créatrice, source d'épanouissement de soi-même?

Dans les sociétés comme la société canadienne, l'avenir du travail dépend surtout de la restructuration industrielle qui est en cours depuis plus d'une décennie. Ces transformations incluent la fermeture ou le déménagement des principales industries, comme celles de l'acier, des textiles, des produits chimiques et des appareils électriques (la désindustrialisation), qui ne sont plus concurrentielles en raison des nouvelles conditions du marché. La restructuration est également liée au développement de systèmes de production flexibles, dans lesquels toutes les dimensions de la production sont contrôlées par des moyens informatisés. Il devient alors possible de produire des lots plus limités et de mieux adapter les produits aux tendances du marché et aux goûts des consommateurs. On améliore aussi de beaucoup la qualité des produits. Pour certains, la spécialisation marque le retour de la production artisanale (apprentissage accru au travail et perfectionnement). Pour d'autres, elle mène à la détérioration des conditions de travail. Enfin, la restructuration implique que les emplois à temps plein et relativement bien payés dans l'industrie cèdent le pas à une économie au sein de laquelle la majorité des nouveaux services n'exigent que très peu d'études postsecondaires et de formation.

Jusqu'ici, les conséquences de la restructuration sont dans l'ensemble plutôt négatives pour la qualité de vie des travailleurs : hausse du taux de chômage et du sous-emploi, augmentation du travail à temps partiel et du travail temporaire, perte de la sécurité d'emploi, diminution des droits des travailleurs et de leur protection par suite de la « déréglementation ». Tout cela pourrait creuser un fossé grandissant entre, d'une part, un grand nombre de femmes et de jeunes occupant des postes à temps partiel et précaires, exigeant peu de compétences, instables et sans avenir, et de cols bleus licenciés de leur emploi relativement bien payé dans l'industrie et, d'autre part, un groupe privilégié de professionnels, de cadres et d'autres « travailleurs instruits » au service des compagnies modernes.

L'issue finale de ces transformations dépend de la façon dont la révolution microélectronique et la restructuration de l'industrie répondront aux désirs des travailleurs d'avoir des emplois stables, une meilleure qualité de vie au travail et une démocratie industrielle.

Cependant, nous faisons peut-être face à une transformation encore plus radicale. Beaucoup de gens pensent que nous entrons dans une ère marquant la disparition du travail. L'économie de marché en est arrivée au point où il n'est plus possible de procurer un emploi rémunéré à un nombre croissant de gens qui seront plus ou moins définitivement exclus du marché du travail. Il en résultera une aggravation des inégalités socioéconomiques et une plus grande polarisation de la société, ce qui entraînera des conséquences désastreuses pour le maintien de l'ordre social et des institutions démocratiques. Certains pensent qu'on résoudra ce problème en réévaluant les besoins sociaux, en établissant un équilibre entre les besoins sociaux et les besoins économiques auxquels on a accordé beaucoup d'importance dans le passé et en développant une économie sociale basée sur des principes différents de ceux de l'économie de marché qui ont mené la société jusqu'ici. Cela pourrait nous amener, entre autres choses, à redistribuer le travail rémunéré de façon plus équitable, à réduire la semaine de travail et à accorder plus de temps aux activités personnelles et sociales.

Voir aussi TRAVAILLEURS, HISTOIRE DES.

L'explosion du travail à temps partiel

Au rythme actuel, plus de la moitié des salariés travailleront à temps partiel d'ici l'an 2000. Cette explosion du travail à temps partiel est étroitement liée au travail des femmes. En 1993, 69 p. 100 des postes à temps partiel sont occupés par des femmes. Leur concentration dans les emplois précaires et dans le secteur tertiaire explique leur taux de chômage supérieur (en 1987, elles comptent pour 47,3 p. 100 des chômeurs, bien qu'elles ne forment que 40 p. 100 de la population active) et le fait qu'elles soient particulièrement menacées par la révolution microélectronique.

Diverses mesures législatives (par exemple, pour éviter la discrimination professionnelle ou favoriser les congés de maternité), adoptées par suite de pressions exercées par les mouvements de femmes et par les syndicats, améliorent la situation des salariées et encouragent plus de femmes à chercher un emploi rémunéré. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, en particulier pour l'équité salariale. L'idée que la femme puisse travailler hors du foyer est mieux acceptée aujourd'hui, mais les réflexes traditionnels n'ont pas entièrement disparu.

Le secteur tertiaire

Presque la moitié de la POPULATION ACTIVE expérimentée du Canada est maintenant concentrée dans les groupes professionnels non manuels, que l'on regroupe sous la dénomination de secteur tertiaire. Ce secteur comprend les employés de bureau, les techniciens et le personnel spécialisé, les administrateurs, les enseignants, les infirmières, les vendeurs et les commerçants. L'essor de ce secteur est le plus soutenu et imposant chez les employés de bureau, les administrateurs, le personnel spécialisé et les techniciens. On l'attribue à la croissance des entreprises, des activités des multinationales et de l'administration publique, à la complexité grandissante des opérations financières, à l'importance accrue de la commercialisation et au développement de la mise en circulation et du traitement de l'information.

Jusqu'aux années 20, le travail de bureau n'est pas aussi mécanisé et rationalisé que le travail manuel, mais depuis cette époque, et surtout depuis la Deuxième Guerre mondiale, le travail de bureau et de vente s'est progressivement mécanisé, spécialisé, déclassé et simplifié. Il s'effectue aujourd'hui en grande partie dans le monde impersonnel des grandes compagnies où il y a un fossé évident entre employés et superviseurs. Les emplois non manuels dits « professionnels » (administrateurs, personnel spécialisé et techniciens), qui offrent le travail le plus intéressant et qui auraient dû conserver une autonomie considérable, sont aussi touchés. Le concept même de profession change.

En effet, en raison du prestige rattaché à la pratique d'une profession au Canada, beaucoup de travailleurs non manuels (agents immobiliers, coiffeurs, etc.) en empruntent l'étiquette pour rehausser leur statut auprès du public et des gouvernements. La notion traditionnelle de profession est tellement étirée que les observateurs parlent de la « professionnalisation » de la main-d'oeuvre. En fait, les attributs de l'activité professionnelle associés aux professions traditionnelles de médecin, d'avocat, d'ingénieur et d'architecte (les connaissances et la compétence nécessaires pour exercer, la nature de l'activité, la nature de la relation entre le professionnel et son client, l'autonomie professionnelle) ont perdu une partie de leur lustre.

Depuis toujours, l'acquisition de connaissances spécialisées au moyen d'une longue formation constitue un élément essentiel de la profession. Toutefois, le degré moyen de formation des travailleurs et les exigences d'apprentissage et de formation de beaucoup d'emplois (comme celui de pilote d'avion) augmentent considérablement avec le progrès industriel et technique et ses corollaires (par exemple, l'instruction grandissante de la population et l'accroissement de la spécialisation professionnelle). Le concept de service n'est plus l'apanage des professions traditionnelles, et, du fait de l'évolution technologique, beaucoup de nouveaux services spécialisés sont devenus difficiles à offrir et à évaluer et aussi lourds de conséquences pour le client et pour la société que les services professionnels traditionnels.

Autrefois, la relation typique professionnel-client (modelée sur la profession médicale) était fondée sur la confidentialité, la dépendance du client, la responsabilité absolue du professionnel et le caractère unique et spécifique de chacune de ses décisions. Or, ces éléments ne sont plus une composante essentielle de la plupart des activités professionnelles. En effet, souvent le client n'est pas une personne, mais une entreprise, un groupe ou une institution, et la question de la confidentialité se pose alors dans un contexte différent. En outre, les professionnels sont maintenant souvent des salariés et ne sont plus seuls à décider ou à détenir des renseignements confidentiels.

Enfin, la notion d'autonomie professionnelle voulant que les praticiens travaillent à leur compte (seulement 10 p. 100 de ceux qui ont une formation professionnelle) est ébranlée par le nombre croissant de professionnels salariés (ingénieurs, médecins, avocats), dont un grand nombre travaillent pour des entreprises, des établissements ou des institutions. Ces derniers, personnel spécialisé ou techniciens, sont ainsi soumis à une organisation bureaucratique de leur travail. Leur autorité et leur autonomie professionnelle sont également réduites par leur soumission aux objectifs politiques (dans le secteur public) ou aux objectifs de rentabilité (dans le secteur privé) de leur employeur. Ces professionnels, dont le nombre et le rôle dans les organismes est en progression constante, voient leurs connaissances et leurs talents brimés par l'étroitesse de leur sphère d'activité. Il n'est donc pas surprenant que certains regroupements de médecins, d'ingénieurs, d'enseignants et d'infirmiers, aient abandonné leurs objectifs professionnels (et avec eux, au moins une partie de l'orientation de leur travail) et se soient syndiqués.

L'« atelier de misère »

La situation change dans le dernier tiers du XIXe siècle avec l'émergence d'une mentalité usinière voulant que la main-d'oeuvre soit considérée comme partie du coût de production. Pour minimiser leurs frais, les entreprises tentent de « rationaliser » la production en mettant fin à la liberté du petit atelier, en réglant étroitement les heures de travail et en accélérant le rythme de production. Elles abaissent aussi le degré de compétence en divisant entre plusieurs travailleurs des tâches, devenues donc moins spécialisées, qu'accomplissait auparavant un seul employé. Pour réduire encore les coûts tout en augmentant la productivité, elles remplacent progressivement une partie des ouvriers par des machines. Ce régime, qu'on trouve bientôt partout, est fondé sur la coordination, la surveillance et la discipline des ouvriers.

Les travailleurs sont soumis à des règlements stricts (il leur est interdit de parler, de quitter leur poste, d'être en retard) et à des sanctions (amendes, congédiements, mauvais traitements physiques) qui s'accompagnent, plus tard, de méthodes plus subtiles de persuasion, de manipulation et de motivation économique. Hommes, femmes et enfants travaillent pour un salaire de misère durant de longues heures et dans des conditions difficiles. L'« atelier de misère » (qui existe encore aujourd'hui), où l'on tire le maximum de travail des ouvriers pour un salaire minimal, particulièrement dans le cas du travail à la pièce, et où sont bafouées les règles élémentaires de santé et de confort, fait son apparition à cette époque, en particulier dans les industries textiles et alimentaires. Il est lié au travail à contrat et en sous-traitance que les ouvriers font à domicile.

Régime d'exploitation

Ce nouveau régime d'exploitation est décrit par la Commission royale sur les relations entre le capital et le travail au Canada (1889) : repas pris au poste de travail, sécurité d'emploi inexistante, protection insuffisante contre les courroies, les poulies et les machines à vapeur, absence d'indemnisation pour les victimes d'accidents, exiguïté et insalubrité des lieux, autoritarisme, utilisation répandue de la main-d'oeuvre infantile, chômage fréquent, insécurité matérielle permanente, conditions de logement et ambiantes insalubres.

Émergence des cols blancs

La concentration, la centralisation et la bureaucratisation des entreprises s'accélèrent après le tournant du siècle avec l'accroissement de la taille des entreprises et des administrations publiques. Le travail est davantage rationalisé et spécialisé. Il faut aux compagnies plus d'administrateurs, de cadres, d'intermédiaires et de commis de bureau. La révolution administrative entraîne deux changements majeurs au sein de la main-d'oeuvre : l'émergence des cols blancs et l'accès des femmes au salariat.

En outre, la mécanisation, le cloisonnement et la simplification accrus du travail exigent des travailleurs non qualifiés qu'on recrute chez les immigrants (MAIN-D'OEUVRE IMMIGRANTE) pour les emplois les plus désagréables, salissants, dangereux et mal payés. Nombre d'entre eux, considérés comme une main-d'oeuvre plus docile, se font HOMMES DE CHANTIERS et vont travailler à la construction des chemins de fer, des barrages hydroélectriques, des projets industriels, dans les mines ou dans les camps de bûcherons. Un bon nombre d'entre eux travaillent pour un bas salaire dans les mines de charbon de l'île de Vancouver ou en Alberta, pour répondre à la demande de charbon générée par la construction du chemin de fer transcontinental.

La ville fermée

La VILLE FERMÉE fait son apparition parallèlement à l'essor rapide des industries primaires (surtout minières) et secondaires (textile, pâtes et papiers, etc.). Dans ces nouvelles localités, qui poussent comme des champignons, le patronat a la mainmise non seulement sur le travail, mais aussi sur toutes les installations matérielles nécessaires à la vie des gens : logements, magasins, aqueducs et égouts, etc. Ces localités sont concentrées surtout en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique.

Le régime industriel

Le régime industriel, qui a pratiquement éliminé la production artisanale vers 1920, raffine alors ses modes de coordination, de supervision et de spécialisation du travail avec l'arrivée des techniques de la production de masse et l'organisation scientifique du travail (taylorisme). Cette méthode se caractérise par une division plus complexe du travail, fondée sur la séparation de la conceptualisation du travail (travail mental) et de son exécution (travail manuel), en assignant une tâche spécifique à chaque travailleur par un procédé de sélection précis, en simplifiant et en parcellisant les tâches, en réglant la cadence de la production, en donnant des incitatifs économiques (travail à la pièce, boni, etc.) qui lient la rémunération à l'effort et en accroissant le nombre de contremaîtres et de cadres.

Techniques de production en série

Les modes de production en série telle la chaîne de montage, introduite par Henry Ford dans l'INDUSTRIE DE L'AUTOMOBILE, renforcent les principes de précision, d'économie, de continuité, de vitesse et de répétition. L'objectif de ces nouvelles méthodes est de réduire au minimum la marge de manoeuvre réelle que les travailleurs industriels qualifiés ont conservée sur les différents aspects du travail (méthodes, normes, cadence), malgré les nouveaux principes de gestion.

Les ouvriers réagissent de diverses façons à ces nouvelles conditions de travail. Individuellement, ils s'adonnent au sabotage industriel, à l'insubordination, à l'absentéisme, à la mobilité professionnelle, au refus de travailler, et collectivement, ils ont recours à des manifestations (la GRÈVE GÉNÉRALE DE WINNIPEG et la MARCHE SUR OTTAWA durant la CRISE DES ANNÉES 30), au piquetage, à différentes formes de GRÈVES et surtout à la fondation de SYNDICATS OUVRIERS. Une loi fédérale de 1872 retire toute mention des associations ouvrières du code pénal, mais il faut attendre près de 30 ans avant qu'on adopte des lois fédérales pour protéger les travailleurs (comme l'Acte de conciliation de 1900 sur la conciliation volontaire et l'ARBITRAGE et la Loi des enquêtes en matière de différends industriels de 1907, au palier fédéral, qui touche les enquêtes sur les conflits industriels). Parmi les premières lois sur les conditions de travail, citons les lois sur les manufactures adoptées en 1884 en Ontario et en 1885 au Québec, celles sur les femmes et les enfants au travail adoptées au Québec en 1910 et celles concernant les accidents de travail adoptées en 1909 au Québec et en 1914 en Ontario.

La plupart de ces lois sont d'application difficile et souvent inopérantes en raison de l'insuffisance et de l'impuissance presque absolue des services de surveillance. Ce n'est qu'avec la reconnaissance des syndicats que le DROIT DU TRAVAIL se développe en un système de plus en plus complexe et que les lois du travail s'améliorent et s'élargissent. La législation sur la SÉCURITÉ SOCIALE prend également beaucoup d'ampleur après la guerre.