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Troupe 17 de la GRC

Le 16 septembre 1974, 32 femmes des quatre coins du Canada ont marqué l’histoire en prêtant serment pour devenir les premières agentes de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Celles qu’on nommera collectivement la troupe 17 ont ainsi créé les conditions gagnantes pour la reconnaissance de l’égalité hommes-femmes dans les fonctions d’application de la loi à l’échelle nationale. En 2023, environ 22 % des agents de la GRC sont des femmes.

GRC

Contexte

La tunique rouge et le chapeau Stetson qu’arborent les gendarmes canadiens sont des éléments emblématiques de longue date du pays. Pendant plus d’un siècle, l’image qui y est accolée est celle d’un homme. En effet, à la fondation de la Police à cheval du Nord-Ouest (P.C.N.-O.), prédécesseur de la GRC, seules les recrues masculines sont acceptées. Ce n’est qu’en 1974 que la GRC s’ouvre aux femmes.

Pourtant, la P.C.N.-O. et la GRC (créée en 1920) emploient déjà des femmes comme bénévoles ou employées bien avant cette date. Dans les détachements isolés, les femmes des gendarmes complètent en quelque sorte le travail de leur mari : elles donnent à manger aux prisonniers et s’occupent de tâches administratives sans rémunération. À partir des années 1890, la P.C.N.-O. embauche des gardiennes ou surveillantes de prison pour s’occuper des détenues. En fait notamment partie Klondike Kate (Katherine Ryan) qui, en février 1900, devient la première agente spéciale de la P.C.N.-O. dans les Territoires du Nord-Ouest, où elle s’occupe des détenues et dépiste les contrebandières d’or.

Au début des années 1900, la P.C.N.-O. embauche occasionnellement des femmes comme techniciennes en dactyloscopie et en laboratoire. La célèbre Frances McGill, diplômée de médecine en 1915, devient la première femme médecin légiste du Canada. À son poste de directrice du laboratoire provincial de la Saskatchewan, elle s’occupe des autopsies et de la préservation des preuves pour les forces de police et la GRC dans toute la province de 1922 à 1937. En 1943, elle devient directrice intérimaire du laboratoire judiciaire de la GRC. Après sa retraite en 1946, McGill est nommée chirurgienne honoraire de la GRC.

Premières recrues féminines

En 1970, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada recommande d’ouvrir le recrutement d’agents de la GRC aux femmes. Quatre ans plus tard, la GRC annonce qu’elle acceptera les candidatures de femmes aux fonctions typiques de la police : 292 femmes postuleront. À cette époque, les services municipaux d’un peu partout au Canada (Vancouver, Edmonton, Calgary, Toronto) embauchent déjà des femmes à titre d’agentes de police.

Le 16 septembre 1974, 32 femmes des quatre coins du Canada (la troupe 17, comme elles sont collectivement appelées) prêtent serment simultanément et deviennent les premières femmes agentes de la GRC. Les cérémonies, réparties un peu partout au pays, ont lieu exactement en même temps pour éviter de mettre la pression sur une seule femme qui aurait été la « première » recrue féminine. Les nouvelles cadettes, âgées de 19 à 29 ans, viennent de tout le Canada; toutes les provinces y sont représentées sauf l’Île-du-Prince-Édouard (aucune femme n’est recrutée au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest non plus). C’est un changement de carrière pour bon nombre d’entre elles, notamment des ex-enseignantes.

Leur formation, d’une durée de six mois, commence une semaine plus tard, le 23 septembre 1974. Cette formation se déroule dans un complexe tentaculaire de Regina, en Saskatchewan, surnommé le « dépôt », où sont appliqués les principes militaires (uniformes, marche au pas, exercices).

Formation

Un peu plus d’un siècle durant, la GRC n’avait qu’une seule norme de formation pour les hommes; la Gendarmerie veut alors maintenir cette norme avec de légères modifications seulement pour les femmes recrues. Sans aucune expérience en formation des femmes, la GRC demande l’aide de l’armée canadienne. La majore Doris Toole est détachée auprès de la GRC à titre d’agente de liaison pour faire le suivi de la formation donnée aux femmes. Elle avait acquis une grande expérience dans le domaine dans ses fonctions antérieures à la Base des Forces canadiennes Cornwallis en Nouvelle-Écosse (voir aussi Femmes dans les Forces armées canadiennes).

Les recrues masculines doivent soulever 125 livres pour réussir la formation, ce chiffre est ramené à 35 pour les femmes. Les autres aspects de la formation (armes à feu, autodéfense, techniques de sauvetage, combat au sol, pédagogie) restent en grande partie inchangés à quelques modifications mineures près.

Les changements les plus radicaux sont ceux apportés aux quartiers d’habitation. Les casernes du dépôt subissent en effet une transformation majeure : les urinoirs sont supprimés et les douches ouvertes sont remplacées par des cabines et des baignoires privées. Alors que les hommes vivent dans des chambres à aire ouverte pour 32 personnes, les femmes dorment dans des chambres de deux personnes pour plus d’intimité.

Uniformes

Les uniformes fournis aux cadettes diffèrent de ceux portés par les cadets. La troupe reçoit d’abord un treillis, un genre de salopette qui ressemble à un uniforme de mécanicien, tandis que les hommes portent un pantalon vert et une veste. Les femmes ont ensuite droit à des blousons blancs en polyester avec cravates et pantalons sans poches ni passants pour leur étui. Leur arme à feu, leurs munitions et leurs menottes sont plutôt rangées dans un sac en bandoulière. L’uniforme compte également des jupes de même que des escarpins noirs avec un talon d’un pouce. Elles portent un chapeau bleu foncé avec une bande jaune arborant l’écusson de la GRC, contrairement à la casquette des hommes. À la fin de la formation de la troupe 17, des passants et ceintures ont été ajoutés aux pantalons. L’emblématique tunique rouge a également été modifiée. Ce n’est qu’en 1990 que l’uniforme féminin est abandonné au profit d’un habillement uniforme pour tous les gendarmes.

Sensation dans les médias

En train de réécrire l’histoire, la troupe 17 est un vent de fraîcheur qui fait sensation dans les médias. La CBC retransmet en direct la cérémonie d’assermentation du quartier général de la GRC à Toronto, pendant laquelle le journaliste Bob Johnstone déclare : « La force aux mille hommes a maintenant aussi ses femmes. » La GRC accorde un « accès sans précédent » aux médias, selon Bonnie Reilly Schmidt, agente de la GRC de 1977 à 1987. « Des journalistes de tout le pays et du monde entier interviewent et photographient les femmes en train de faire du jogging, de soulever des poids, de nager, de marcher au pas et d’apprendre à tirer au revolver. » Les recrues font la une de nombreux journaux. Les journalistes ont également accès à un téléphone dans le dortoir de la troupe 17 et appellent fréquemment pour demander des interviews. Lorsque les recrues reçoivent leur diplôme le 3 mars 1975, les médias sont très présents; les Canadiens peuvent suivre la cérémonie de chez eux, elle qui est retransmise à la télévision par la CBC.

Incidence

Trente des 32 recrues initiales réussissent leur formation et sont affectées à des détachements de la GRC pour y exercer des fonctions policières (les deux autres membres de la troupe 17 sont affectées à des fonctions de soutien au sein de l’organisation). Beaucoup finissent par avoir de belles carrières, notamment Cheryl Joyce passe 30 ans dans la GRC. À son dernier poste de coordonnatrice nationale de la justice réparatrice, elle parcourt tout le pays, y compris 23 villages du Nunavut, pour enseigner aux gendarmes et aux aînés autochtones comment résoudre les conflits non criminels.

En 1981, les femmes sont autorisées à faire partie du Carrousel. C’est également dans les années 1980 que les femmes peuvent accéder pour la première fois au grade de caporal. Dans la décennie suivante, les femmes commencent à être désignées officières et nommées commandantes de détachement.

En 2006, la GRC nomme sa première femme commissaire, Bev Busson (née MacDonald), une diplômée de la troupe 17. Après sa formation, Busson est affectée à Salmon Arm, en Colombie-Britannique, et est promue 13 ans plus tard au grade de caporal. Elle gravit rapidement les échelons et est nommée première femme inspectrice en 1992 et première femme commissaire adjointe en 1998. En 2006, elle devient la première femme à diriger la GRC après avoir été nommée 21e commissaire. Busson passera trente ans dans la fonction publique et est assermentée au Sénat canadien en 2018.

La troupe 17 a créé les conditions gagnantes pour l’accès des futures générations de femmes aux forces de l’ordre nationales. En 2023, les femmes représentent environ le cinquième des 19 000 agents de la GRC et sont employées dans tout le pays. Comme leurs homologues masculins, ce sont des gendarmes qui enquêtent sur des crimes graves, font respecter le droit international et participent à des opérations de paix.