Université Laval
L'Université Laval, à Québec, est la plus ancienne université catholique francophone en Amérique du Nord.
Les débuts
L'Université Laval est fondée le 8 décembre 1852 et ouvre ses portes en 1854. Reflet de la société coloniale, elle est l'œuvre de l'Église catholique, par l'entremise du SÉMINAIRE DE QUÉBEC, pour le fond, et du gouvernement britannique, par l'instrument d'une charte royale signée de la reine Victoria, pour la forme. Le Séminaire seul finance et dirige l'institution, d'ailleurs nommée en hommage au fondateur du séminaire, Mgr François DE LAVAL.
L'idée d'Université est celle d'une élite clérico-professionnelle dans une société traditionnelle et rurale : l'Université est une institution catholique au service de l'Église et de la société par la préparation surtout de la relève pour les grandes professions sociales de l'époque que sont la prêtrise, le droit et la médecine. L'enseignement est organisé, selon la tradition humaniste européenne de la formation de « l'honnête homme », en quatre facultés : théologie, droit, médecine et arts. Les étudiants arrivent des collèges classiques. À partir de 1863 et jusqu'à la création des CÉGEPS en 1967, une quinzaine de collèges sont affiliés à la Faculté des arts (le nombre varie dans le temps). Ces collèges dispensent un cours classique comprenant les humanités, les sciences et la philosophie. Après huit années d'études secondaires dans l'un de ces collèges, l'élève reçoit un diplôme de baccalauréat ès arts qui lui ouvre les portes de l'Université.
Le bâtiment principal de l'Université, construit en 1855-1856 par Charles Baillairgé, reflète, lui aussi, la société traditionaliste de l'époque; de style néoclassique, il est érigé dans l'enceinte du Séminaire, à l'ombre du clocher de la cathédrale Notre-Dame, à l'intérieur des murs du Vieux-Québec. En 1902, l'Université Laval compte 308 étudiants.
En 1878, la Succursale de l'Université Laval à Montréal ouvre ses portes ; petit à petit, elle acquiert son autonomie et, en 1920, elle devient l'actuelle UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL.
Le XXe siècle
À partir du début du XXe siècle, tout comme la Province, l'Université Laval évolue lentement vers la modernité. Brisant avec la tradition classique, elle introduit l'enseignement supérieur technique afin d'appuyer l'économie traditionnelle, basée sur l'exploitation des ressources premières. De plus en plus d'emphase est mise sur la formation de la main d'œuvre. La Première Guerre mondiale provoque l'enseignement des sciences et des technologies. Leur enseignement et celui des sciences sociales forment les chercheurs, les techniciens, les hommes d'affaires et les administrateurs nécessaires à une économie commerciale et industrielle. Jusqu'en 1920, l'enseignement est la seule mission de l'Université. Par la suite, celle-ci s'embarque dans la recherche comme base de l'enseignement et comme moteur du développement économique et social. Avec la recherche en sciences et en sciences sociales, les attaches européennes se délient; l'Université embrasse l'Amérique.
Le changement s'accélère après la Deuxième Guerre mondiale. La diversification de l'enseignement, l'introduction de la recherche et la croissance de la population étudiante, reflet d'un meilleur accès à l'éducation, nécessitent une expansion physique qui bouscule les traditions. Dès 1925, l'Université commence à sortir du Vieux-Québec. En 1948, déménageant à Sainte-Foy dans un mouvement vers la banlieue à l'américaine, elle construit une cité universitaire qui constitue la plus importante manifestation d'architecture moderniste au Québec. Les changements dépassent les moyens financiers du Séminaire de Québec; l'Université cherche des subventions gouvernementales et, en 1920 et en 1948, sollicite des souscriptions publiques. Pour justifier ces appels, l'Université souligne sa contribution à la société. Lors de son centenaire, en 1952, l'Université Laval compte 4000 étudiants.
À partir des années 1960, l'Université se détache graduellement de la tutelle du Séminaire de Québec et évolue vers une institution laïque et publique. Cette évolution reflète l'esprit de la RÉVOLUTION TRANQUILLE au Québec, à laquelle contribuent particulièrement professeurs et diplômés de la Faculté des sciences sociales du Père Georges-Henri LÉVESQUE. La démocratisation de l'accès au savoir fait croître la population étudiante. Les femmes surtout, cherchant la formation supérieure qui leur ouvrira les portes du marché et du pouvoir, mais aussi des personnes obligées dans la nouvelle économie de se recycler et de se perfectionner régulièrement, viennent gonfler les rangs.
En enseignement et en recherche, la mondialisation exige des changements afin de permettre aux diplômés de trouver leur place dans un marché à l'échelle planétaire. De plus en plus dépendante financièrement du gouvernement d'abord, du secteur privé ensuite, l'Université justifie son existence en démontrant sa rentabilité pour la société; à l'enseignement et à la recherche, elle ajoute explicitement une troisième mission, jusque-là implicite, le service à la société. Par exemple, l'Université encourage ses chercheurs à tenir davantage compte des besoins de la société et du milieu et à se rapprocher de ses partenaires socio-économiques de la région de Québec, y voyant marchés pour exploiter les résultats de la recherche, débouchés pour les étudiants, financement accru, etc.
La constitution, l'administration et les structures de l'Université cherchent à marcher de pair avec ces changements; l'administration devient de plus en plus complexe, bureaucratisée, professionnelle. En 1968, une longue série de réformes est lancée. Entre autres, l'Université remplace la charte royale par une constitution adoptée par l'Assemblée nationale le 8 décembre 1970. Enfin, en 1991, voulant s'ouvrir davantage à la société, l'Université se dote d'un conseil d'administration dans lequel des représentants de la société sont majoritaires. Un peu plus d'un siècle et demi après son établissement, l'Université Laval compte maintenant près de 45 000 étudiants.
Défis
Bien que l'idée de l'Université Laval ait évolué au fil des années, celle-ci reste constante en répondant aux attentes d'une société sans cesse en évolution. Elle est à la fois un miroir de la société et un moteur de son développement; un arbre enraciné dans la société et une tour d'ivoire qui garde ses distances par rapport à elle L'Université tente constamment de maintenir un équilibre délicat entre l'appartenance (miroir et enracinement), qui lui permet de comprendre la société de l'intérieur, et l'autonomie (tour d'ivoire) qui lui permet de l'analyser de l'extérieur. Entre ces deux pôles passe un courant d'interaction de sorte que l'Université est influencée par la société et l'influence à son tour. Cette relation est souvent inconfortable, car les partenaires évoluent à des rythmes propres, mais ils échangent dans un environnement commun.