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Vancouver Special

Grâce à plusieurs innovations permettant la production de masse de logements abordables et accessibles, le style « Vancouver Special » prend forme entre 1965 et 1985. Cette forme d’architecture est unique à Vancouver, où elle est omniprésente.

En effet, avec un total de plus de dix mille unités, il y a davantage de Vancouver Specials que de tout autre type de logement dans la ville de Vancouver. Ces maisons marquent un changement pour le Vancouver industriel de l’après-guerre, quand de nouveaux immigrants commencent à s’installer près des rues Hastings et Burrard au centre-ville.

Histoire

Conséquence de l’explosion du nombre d’immigrants dans les années 1960, ces maisons continuent d’être construites dans leur forme originale au milieu des années 1980. Les Vancouver Specials sont avant tout une réponse vernaculaire/populaire aux règlements municipaux stricts et aux règlementations d’apparence extérieure des bâtiments, et surtout à l’adoption d’un règlement de zonage stipulant que le calcul de la superficie maximale en pieds carrés d’une maison n’est pas obligé d’inclure le sous-sol. Ainsi, les constructeurs peuvent consacrer à la maison davantage d’espace comparé aux autres modèles utilisés à l’époque, construisant sur des fondations peu profondes et élevant ce qui aurait été le sous-sol au niveau du sol. Parfois décrites comme des maisons de style ranch à deux étages orientées en direction de la rue, les maisons sont techniquement dépourvues de sous-sol, ce qui les rend faciles à planifier, concevoir, construire et rendre utilisable. De plus, étant donné leur toiture inclinée, de plus petits treillis sont employés, et cette économie de matériel entraîne une réduction des coûts de construction.

Les Vancouver Specials se démarquent par leur constance, le modèle le plus commun étant une maison faite entièrement en stuc hormis la façade du rez-de-chaussée, qui est en brique ou avec un placage de pierre. Certaines maisons ont des murs en bois (la façade présente une configuration légèrement différente), et le stuc est peinturé de la même couleur que le bois. Entre ces deux matériaux, on trouve le plus souvent une bordure de balcon en fer ou en aluminium. Des lampes semblables à celles que l’on plaçait autrefois sur les calèches sont placées près des coins supérieurs des fenêtres du salon au deuxième étage. Des statues de gardes (souvent des lions) sont souvent placées près de la porte principale ou des escaliers. Même si ces maisons évoquent un style popularisé dans les basses-terres continentales au début des années 1940, le Special a plutôt pris forme entre 1965 et 1985 grâce aux innovations dans la production massive de logements abordables et accessibles. C’est l’une des principales formes d’architecture qui soit unique à Vancouver.

Concept

Les Vancouver Specials sont conçus avant tout pour utiliser efficacement l’espace disponible; les constructeurs calculent donc la distance optimale entre deux maisons (et le trottoir) afin de pouvoir maximiser l’espace habitable dans un lot standard de 10 mètres. Dans des conditions idéales, la construction d’un Vancouver Special prend environ trois semaines. Le permis pour ce genre de maison, très populaire parmi les ingénieurs municipaux, est facile à obtenir et ne coûte que la modique somme de 65 $. Des voisinages modulaires commencent à émerger au sud et à l’est de la ville et les bâtiments prolifèrent au centre-ville. Après la construction d’un ou deux Specials sur une rue, la ville s’empresse généralement d’autoriser la construction de nouveaux bâtiments. Grâce à leur prix relativement bas, ces maisons deviennent rapidement populaires auprès des familles d’immigrants d’origines portugaise, grecque et italienne qui s’installent dans l’est de la ville, et plus tard avec les nouveaux arrivants originaires de Chine et d’Asie du sud. Les prototypes comptent parmi les derniers exemples de logements abordables à être construits à Vancouver, avec 35 $ par pied carré; une aubaine, si on les compare aux prix de l’immobilier aujourd’hui.

L’emplacement de la porte d’entrée est habituellement la principale variante de ces maisons; parfois à gauche, parfois à droite, ou même situé sur un côté pour un lot en coin. D’une hauteur de deux étages à niveau (et parfois un peu plus bas) avec un toit incliné partant de l’arrière, ces maisons présentent un salon au deuxième étage placé au centre, au-dessus de la porte d’entrée du premier étage. Les pentes du toit sont réduites, quoique certaines versions soient séparées à la ligne de crête afin de permettre le placement de lanterneaux au milieu de la maison. La plupart des parois vitrées du salon sont découpées de l’avant, avec des hautes fenêtres sur la façade supérieure, le plus souvent pour délimiter l’espace de travail ou la chambre à coucher, encadrant ainsi les glissières du salon. Ces fenêtres sont aussi placées au-dessus de celles du salon. Les balcons séparent le deuxième étage du premier sur toute la largeur du bâtiment, et des cheminées couvertes par un placage en brique ou en pierre se trouvent sur les murs de côté. Presque toutes les fenêtres sont en aluminium et la plupart sont coulissantes, bien que des stores soient aussi utilisés pour les petites fenêtres ou pour celles qui sont fixes, placées juste au-dessus ou juste en dessous. Les portes d’entrée sont soit des doubles portes gravées ou une seule porte lambrissée encadrée par des lampes. Le premier étage comprend une salle familiale à côté de l’entrée, munie de son propre escalier. Derrière la salle familiale, parfois avec une alcôve servant de cuisinette, se trouvent un certain nombre de chambres, une salle de bain complète, une arrière-cuisine et une porte donnant sur le garage. Le deuxième étage est inspiré par le piano nobile (« étage noble/bel étage ») italien et donc traditionnellement l’un des étages principaux de la maison, incluant un salon vers l’avant du domicile avec un boudoir, ainsi qu’une petite salle à manger avec la cuisine et l’espace petit-déjeuner juste en arrière, donnant sur le balcon. De l’autre côté, un escalier mène au centre de la maison, avec des chambres à l’arrière.

Étant donné que la structure de la maison représentait alors une anomalie par rapport aux restrictions de zonage, plusieurs résidents adeptes de la vie en extérieur se plaignent de ces maisons « monstres », dont ils n’apprécient guère la nature utilitaire. Les raisons de ces plaintes sont nombreuses : le contraste esthétique avec le reste du quartier, le fait que les bâtiments cachent le soleil et l’homogénéité de leur style. Ces plaintes finissent d’ailleurs par forcer la ville à revenir à ses anciens règlements de zonage en 1986, mais des Vancouver Specials continuent d’être construits dans certains quartiers pendant les années 1990 grâce à la popularité de leur apparence carrée. Dans plusieurs quartiers de Surrey, Richmond et d’autres municipalités des basses-terres continentales, on peut encore trouver un grand nombre de Vancouver Specials.

Types notables de Vancouver Specials

Certaines variations du modèle traditionnel de Vancouver Special connaissent une résurgence au début des années 2000, ce qui donne naissance à une version modifiée du Vancouver Special, permettant de réinventer le mode de vie de la classe ouvrière de Vancouver.

Strathcona Specials. Il existe seulement 51 Strathcona Specials, à qui leurs admirateurs ont conféré le surnom affectueux de « Joe Wai Specials », en l’honneur du célèbre architecte vancouvérois Joe Wai. Ils sont tous construits dans l’est de Vancouver au milieu des années 1970, une période de troubles sociaux et politiques pendant laquelle des fonctionnaires gouvernementaux saisissent des propriétés afin de construire une autoroute en plein centre de Strathcona. Joe Wai « remercie le quartier pour son inspiration, pour ses toits recourbés de style asiatique et pour sa flexibilité du niveau du sol, conséquence d’un terrain parsemé de petites collines ».

The New Vancouver Special. La Vancouver League for Studies in Architecture and the Environment organise une compétition visant à créer un nouveau modèle de Vancouver Special. Le gagnant est le modèle réalisé en 1985 par l’architecte Stuart Howard. Se démarquant par son usage de la masse verticale et par ses toits abrupts ainsi que son extension jumelée en arrière, cette proposition veut offrir « la même densité, avec une apparence plus plaisante ». Le seul exemple du modèle de Howard se trouve au 4360 West 11th, à Point Grey.

The Lakewood Residence. Ce projet de rénovation a valu à sa créatrice, l’architecte vancouvéroise Stephanie Robb, le Lieutenant Governor of British Columbia’s Innovation Award for Architecture. Conçu en l’an 2000, ce modèle vise à créer des lofts spacieux en ôtant les murs intérieurs et en ornant la résidence de grandes portes de terrasse ouvrant sur un jardin spacieux. Pour l’intérieur, on note l’utilisation très contemporaine de briques et de poutres exposées, ainsi que la présence de puits de lumière.