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Au Canada, la tendance à l'urbanisation remonte bien avant la Confédération et se poursuit toujours à un rythme rapide.

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Au Canada, une grande ville constitue, au sens large et général, une agglomération urbaine. Les dimensions de cette dernière, son assise économique, son caractère social et son mode d'administration peuvent différer selon la province ou le territoire, car le GOUVERNEMENT MUNICIPAL reçoit son pouvoir de l'Assemblée législative provinciale. Comme les conditions requises pour qu'une agglomération puisse recevoir le titre de ville diffèrent d'une province à l'autre, il est plus simple d'examiner le processus d'URBANISATION, c'est-à-dire l'implantation et l'expansion des caractéristiques de la vie urbaine.

Au Canada, la tendance à l'urbanisation remonte bien avant la Confédération et se poursuit toujours à un rythme rapide. Aujourd'hui, plus de 80 % de la population canadienne vit dans des régions urbaines : petites ou grandes villes, villages, agglomérations non constituées comptant plus de 1 000 habitants ou zones périphériques.

Évolution jusqu'en 1920

Les grands empires aux métropoles dynamiques telles que Paris et Londres se sont étendus en établissant des avant-postes coloniaux. C'est dans le cadre de ce vaste phénomène que naissent les premières petites villes canadiennes, qui servent en quelque sorte d'agents des métropoles. Sur le plan économique, ces villes exploitent les principales ressources de la colonie. Sur le plan culturel, elles lui transmettent le mode de vie urbain de la métropole. Sur le plan militaire et administratif, elles procurent les moyens d'occuper et de conserver le territoire de la colonie.

Les petites villes des colonies servent généralement de lieux d'entreposage des matières premières de leur région (fourrures, poisson, minerai, blé, etc.). Ces matières sont par la suite expédiées vers la métropole, qui les transforme avant de les distribuer sous forme de produits manufacturés. Les petites villes des colonies françaises et britanniques ouvrent la voie au peuplement de l'ensemble du territoire et constituent une zone pionnière urbaine. Toutefois, la croissance et la prospérité de ces petites villes dépendent du potentiel de l'arrière-pays.

Au début, les petites villes canalisent le développement de leur région et rassemblent une grande partie de la population de la colonie. La décentralisation s'amorce au moment où les petites villes, malgré une croissance rapide, regroupent une proportion moindre de la population générale. Pendant cette deuxième phase, de nouveaux centres secondaires, plus petits et encore isolés, acquièrent, du fait de l'absence de chemin de fer, une autonomie relative, puisque la principale ville de la région ne dispose pas encore des moyens nécessaires pour s'imposer dans l'arrière-pays sous tous les aspects de la vie. Cette décentralisation cesse lorsque de petites villes coloniales telles que QUÉBEC, MONTRÉAL, TORONTO et HALIFAX deviennent de grands centres urbains.

Les petites villes coloniales, principalement reliées à leur métropole à l'étranger et tournées vers elle, n'ont pas de liens étroits avec les autres petites villes coloniales, même dans leur propre région. La création de liens au sein des régions et entre ces dernières marque la fin de la phase coloniale et le début d'une ère commerciale, où les petites villes produisent des biens et services non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour toute la région.

En 1851 déjà, les neuf principales villes -- Montréal, Québec, SAINT-JEAN, Toronto, Halifax, HAMILTON, KINGSTON, OTTAWA et LONDON -- se sont transformées en centres de commerce dynamiques et ont acquis une hégémonie considérable sur le vaste arrière-pays.

C'est entre 1851 et 1921 qu'apparaît la grande ville canadienne moderne, mais la plupart des changements qui surviennent pendant les 30 premières années de cette période sont relativement mineurs. Toronto supplante Québec et devient la deuxième ville du Canada après Montréal. Plusieurs petites villes manufacturières du sud de l'Ontario (GUELPH, ST. CATHARINES, BRANTFORD, BELLEVILLE) atteignent une population de presque 10 000 habitants, formant ainsi un deuxième niveau urbain.

Cependant, dans les années 1880, les deux plus grandes villes du Canada, Montréal et Toronto, commencent déjà à distancer leurs plus proches rivales. Tout aussi spectaculaire est la croissance rapide des grandes villes de l'Ouest, en premier lieu WINNIPEG et VANCOUVER, suivies des deux autres jeunes géantes, CALGARY et EDMONTON. Cet essor amorce le déclin relatif de Québec et de Kingston au centre du Canada, ainsi que celui de Saint-Jean et d'Halifax dans les provinces de l'Atlantique.

La croissance rapide ou la stagnation des milieux urbains est liée, dans une certaine mesure, au dynamisme des ÉLITES locales. L'élite commerciale de Winnipeg joue un rôle primordial dans la transformation de cette dernière en agglomération métropolitaine, alors que les dirigeants locaux de nombreuses villes de la région de l'Atlantique ne se montrent pas à la hauteur en périodes cruciales. Ce sont toutefois les caprices des marchés internationaux des matières premières et les décisions des gouvernements et des sociétés, facteurs qui échappent à l'influence de chaque ville, qui jouent un rôle décisif.

Les événements politiques sur la scène internationale stimulent la croissance des exportations montréalaises et aident Toronto à surpasser Montréal dans l'utilisation des voies commerciales américaines. Les politiques du gouvernement fédéral sur les tarifs et les chemins de fer renforcent la croissance des industries manufacturières dans les grandes villes du centre et, parallèlement, affaiblissent l'industrie dans les Maritimes. Le CANADIEN PACIFIQUE, en décidant de faire passer sa ligne principale par Winnipeg, crée plusieurs nouvelles localités, y compris Vancouver.

Le changement technologique joue aussi un grand rôle. La préférence accordée au fer et à la vapeur au détriment du bois et de la voile affaiblit les grands chantiers navals de Québec et de Saint-Jean. L'axe économique se déplace alors de la région de l'Atlantique vers l'intérieur du pays.

Dans leur évolution vers le statut d'agglomération urbaine, la plupart des grandes villes canadiennes franchissent plusieurs étapes : elles sont d'abord des entrepôts coloniaux; ensuite, de petites villes commerciales; puis de grandes villes à la fois commerciales et industrielles; enfin, de grandes agglomérations urbaines diversifiées. Même si les grandes villes n'ont évidemment pas toutes suivi systématiquement la même évolution, on peut cependant déceler des périodes distinctes dans l'urbanisation au Canada. Chaque période façonne dans une grande mesure les petites et les grandes villes, indépendamment de la taille de ces dernières, de leur rôle et de leur emplacement dans une région donnée.

La grande ville contemporaine

À partir de 1920, les grandes villes canadiennes entament une phase dominée par la technologie de l'automobile et du camion. Cette phase se caractérise par une économie axée sur les services plutôt que sur l'industrie et est marquée par une décentralisation spectaculaire de la population et des activités. Néanmoins, comme l'urbanisation est cumulative, la ville construite avant 1920 constitue maintenant le cœur de la grande agglomération urbaine moderne, qui s'étale.

Le plan des rues permet en général de distinguer très clairement les nouveaux aménagements des anciens. Ainsi, les rues quadrillées des noyaux urbains contrastent avec les rues curvilignes des banlieues environnantes plus récentes. Bon nombre des tensions dans les grandes villes contemporaines résultent de la difficile coexistence des quartiers bâtis avant et après la Deuxième Guerre mondiale. Le passage à une activité économique axée sur les services plutôt que sur l'industrie se traduit par une transformation des genres d'immeubles. Les tours de bureaux repoussent les usines vers les terrains moins coûteux à la périphérie des centres urbains.

Les réseaux de transport (rues, routes express et lignes de transport en commun) sont essentiels au fonctionnement des grandes villes modernes et occupent souvent de 25 % à 30 % du territoire urbain. Les logements en utilisent un pourcentage légèrement plus élevé; viennent ensuite les industries et les immeubles de bureaux. Ces utilisations du sol constituent un étalement urbain horizontal qui accapare de plus en plus de terres agricoles, tandis que le centre-ville s'étire à la verticale, les gratte-ciel permettant un usage beaucoup plus intense du territoire à des fins commerciales et résidentielles.

Banlieue

La banlieue correspond généralement à la nouvelle partie d'une grande ville. À Toronto, à Vancouver, à Montréal ou à Halifax, les banlieues de 1910 sont maintenant absorbées dans le centre-ville, tandis que les secteurs suburbains ajoutés dans les années 20 font aujourd'hui partie de la ville même. L'aménagement des banlieues connaît un profond changement peu après 1945. E.P. TAYLOR prend 2000 acres (809,4 ha) de terres agricoles aux abords de Toronto et crée une nouvelle ville appelée Don Mills qui, par son étendue, son plan et son caractère distinct, transforme l'aménagement des banlieues.

Chacun des quatre quartiers de Don Mills est constitué autour d'une école. Le réseau de rues curvilignes vise à décourager la circulation de transit tout en permettant aux voies d'épouser la topographie. Les maisons d'un étage et demi, à façade large tournée vers la rue, occupent de grands terrains. La densité résidentielle (25 maisons par ha) n'équivaut qu'à la moitié de la densité habituelle. Chaque quartier comprend des aires bien distinctes.

Une partie du terrain est destinée à un centre commercial, et les habitations unifamiliales sont séparées des immeubles à logements, des bureaux et des industries. La conception de Don Mills remporte un tel succès financier et social que le Canada suit ce modèle jusqu'à la fin des années 70.

Rénovation urbaine

Après 1945, tous les ordres de gouvernement (fédéral, provincial et municipal) lancent des programmes de rénovation urbaine afin d'améliorer les conditions de vie dans les centres-villes (voir RÉFORMES URBAINES). La plupart des autorités politiques et des urbanistes estiment alors que la rénovation urbaine, axée sur l'expropriation de maisons et d'entreprises, le dégagement de terrains, ainsi que la construction de nouveaux logements (souvent publics), revitaliserait la périphérie du centre-ville et rendrait ces logements plus acceptables pour les personnes qui migrent vers les banlieues.

Or, les programmes massifs de rénovation urbaine se heurtent à une vive résistance des familles ouvrières déplacées. En effet, les propriétaires frappés d'expropriation ne reçoivent pas une indemnisation suffisante pour acheter ailleurs une maison semblable. Les locataires se plaignent de leur déracinement et de la destruction de bonnes habitations. De petites entreprises sont détruites.

La principale opposition à la rénovation urbaine émane de personnes qui voient leur collectivité autrement que les urbanistes et les autorités politiques. Ces personnes déclarent haut et fort que le programme de rénovation urbaine est malavisé, puisque les taudis des grandes villes américaines ne se retrouvent pas dans les villes canadiennes et que les trois paliers de gouvernement ne font que remplacer des quartiers viables par des jungles de béton.

Les controverses concernant les programmes publics de rénovation urbaine perdurent jusqu'à la fin des années 60, lorsque, à la suite d'un tollé à Vancouver, à Winnipeg et à Toronto, le gouvernement fédéral accepte enfin de cesser le financement de ce programme. Depuis lors, des tentatives plus modestes de revitalisation urbaine portent sur le meilleur éclairage des rues, les parcs de quartiers, les trottoirs décoratifs et les centres communautaires.

Les autorités publiques ne sont pas seules responsables de la rénovation urbaine. Les promoteurs immobiliers du secteur privé réagissent à la forte augmentation des besoins de logement des jeunes générations en construisant de grands immeubles d'habitation, d'ordinaire sur l'emplacement de jolies maisons du XIXe siècle démolies après un autre remaniement du zonage par les conseils municipaux. Des groupes de préservation des quartiers se forment et mènent, dans chaque grande ville canadienne, une lutte constante contre les promoteurs et les autorités municipales (voir MOUVEMENTS POPULAIRES URBAINS ; POLITIQUE MUNICIPALE).

Vers le milieu des années 70, la construction massive d'appartements prend fin, surtout pour des raisons économiques. Les grandes villes s'engagent alors dans des politiques visant à renforcer plutôt qu'à éliminer les collectivités des centres-villes.

Paysage urbain

L'image de la plupart des grandes villes canadiennes se définit par leur centre-ville, où les hautes tours de bureaux remplacent maintenant les cheminées industrielles. Les édifices sont habituellement de modèle semblable, ce qui démontre que les sociétés d'aménagement figurent parmi les plus grandes entreprises de propriété canadienne. Le site naturel de la plupart des grandes villes canadiennes revêt maintenant une importance secondaire par rapport au centre-ville et, dans bien des cas, est même difficile à reconnaître.

La croissance phénoménale des grandes villes depuis la Deuxième Guerre mondiale a détruit une grande partie du patrimoine urbain canadien. Des efforts politiques considérables sont déployés pour protéger les derniers bâtiments du XIXe siècle contre les ravages de la seconde moitié du XXe siècle.

Vers la fin des années 70, les autorités urbaines, les promoteurs et le public sont prêts à admettre que l'on pourrait construire des immeubles plus intéressants et concevoir des paysages urbains plus attrayants. La plupart des grandes villes entreprennent alors des mesures pour améliorer leur centre-ville et arrivent ainsi à lui donner un visage moins morne, sans pour autant lui redonner une dimension humaine.

Vers la fin des années 80, la nouvelle conception du paysage urbain met l'accent sur l'interdépendance du milieu naturel et du milieu bâti. Sous l'influence du mouvement écologique, la population et les décideurs entament des discussions sur l'écologie urbaine et envisagent des façons nouvelles et innovatrices de planifier le milieu bâti. Ils s'entendent pour relancer la planification du milieu urbain selon des modèles de développement durable axés sur la préservation de nombreux aspects du milieu naturel. Les progrès vers la viabilité urbaine sont lents, mais l'écologie urbaine, tout comme le patrimoine urbain, sera manifestement une question importante dans la prochaine décennie.

Contexte social et diversité

Jusqu'en 1945, la croissance de la plupart des grandes villes canadiennes est attribuable à l'afflux d'immigrants de l'Europe du Nord-Ouest. Depuis les années 50, l'immigration présente cependant des sources bien plus diversifiées. Si en 1957, 95 % des immigrants arrivent de l'Europe ou des États-Unis, la proportion d'immigrants de ces régions a beaucoup décliné en 2006. En effet, de 2001 à 2006, 83,9 % des immigrants étaient nés ailleurs qu'en Europe. Ainsi, en 2006, les minorités visibles constituent 42,9 % des 5,1 millions d'habitants de la région de Toronto. Leur arrivée apporte aux grandes villes canadiennes un enrichissement inestimable, mais coïncide avec des pressions accrues sur l'emploi et la prestation de services publics, ce qui entraîne d'inévitables tensions et problèmes sociaux.

De telles tendances montrent que les grandes villes canadiennes sont un milieu diversifié et régi par une dynamique complexe. Pour survivre, elles ne cessent de se redéfinir. Comprendre leur dynamique représente un défi constant.