Enfance et formation
Abraham « Abe » Okpik naît dans la région du delta du Mackenzie, dans les Territoires du Nord-Ouest, non loin d’Aklavik le 12 janvier 1929. Son homonyme, Auktalik, est un des derniers angakkuit (chamans) possédant un pouvoir spécial de guérison. Bien que Abraham Okpik soit éduqué selon l’Église anglicane, il reçoit aussi une éducation traditionnelle des Inuits. Il chasse et trappe. Il sait utiliser le traîneau à chiens et bâtir un igloo.
En 1937, à l’âge de huit ans, il est envoyé à un pensionnat indien. D’abord, Abraham Okpik a des difficultés à s’adapter, car c’est sa première expérience en tant qu’élève et de plus, il ne connaît pas l’anglais qui est la langue d’enseignement. Malgré ces défis, il se démarque comme un élève talentueux. Il est un lecteur avide, il apprend l’anglais et il saute la deuxième, la quatrième et la cinquième années. Au printemps 1941, son père le retire de l’école pour qu’il aide sa famille à faire du trappage.
Après avoir quitté l’école, il vit de la chasse. En 1942, il est blessé à la jambe en conduisant son traîneau à chiens pour amener de la viande de caribou pour l’hiver. Bien que son handicap soit permanent, il continue à chasser et à trapper.
Dans les années 1950, lui et ses frères aident à construire le réseau d’alerte avancé (réseau DEW) qui constitue un système de stations de radars dans les régions arctiques du Canada pour protéger l’Amérique du Nord des attaques ennemies pendant la Guerre froide. La construction et l’exploitation de la ligne contribuent au développement économique de la région arctique, mais en même temps l’économie de subsistance des Inuits et l’environnement sont endommagés de façon durable. Le gouvernement canadien et les Inuits font des efforts d’assainissement du territoire endommagé. Les travaux sont terminés en mars 2014.
Abraham Okpik reçoit un diagnostic de tuberculeuse osseuse en 1945 et il passe trois ans à l’hôpital pour se rétablir. On lui diagnostique la tuberculeuse une deuxième fois en 1957. Il se rétablit après avoir passé 18 mois dans un hôpital à Aklavik, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Carrière en politique
En 1959, Abraham Okpik commence à travailler pour le gouvernement de John Diefenbaker comme traducteur. À cette époque, il apprend le système d’écriture syllabique qu’on utilise dans les régions arctiques de l’Est. Il traduit aussi des livres de l’anglais vers l’inuktitut, qui comptent parmi les premières publications en langue inuite.
Vers les années 1960, il habite à Frobisher Bay (aujourd’hui la ville d’Iqaluit), où il travaille comme directeur du centre de réhabilitation à Apex. Ce centre accueille des patients avec des maladies et des blessures pour la période de leur rétablissement. Il fonctionne aussi comme un centre communautaire où les gens peuvent socialiser et où les travailleurs inuits trouvent un refuge temporaire.
En 1965, Abraham Okpik est administrateur du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (maintenant, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada). Il est aussi nommé au Conseil des Territoires du Nord-Ouest (maintenant, l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest) en octobre de la même année. Il est le premier Inuk à siéger au Conseil. Son rôle est de siéger à titre de représentant des Inuits de l’Arctique de l’Est qui, à son avis, manquent de représentation au niveau politique. À la suite de ses efforts, en juillet 1966, des agents des circonscriptions électorales du gouvernement fédéral divisent le Territoire du Nord en trois régions séparées, qui ont chacune leurs représentants. Pendant le temps quand il travaille pour le gouvernement territorial, Abraham Okpik travaille aussi comme traducteur et conseiller pour d’autres membres élus du Conseil.
Abraham Okpik aide à organiser et diriger différents programmes gouvernementaux dans l’Arctique dans les années 1960, mais il est plus connu pour son implication dans le Projet Nom de famille, initiative du Conseil consistant à enregistrer les Inuits sous des noms de famille.
Projet Nom de famille
À partir des années 1940, le gouvernement fédéral utilise des numéros de disque pour identifier les Inuits. Ces numéros de disque donnent de l’information sur l’identité et la résidence des Inuits. Au milieu des années 1960, le Conseil des Territoires du Nord-Ouest décide de remplacer ces numéros par des noms de famille. Cette entreprise est connue sous le nom Projet Nom de famille. Bien que les noms de famille ne fassent pas partie de la culture inuite, le gouvernement croit que c’est une manière plus humaine et efficace d’enregistrer les Inuits que de leur donner un numéro de disque. Le Conseil choisit Abraham Okpik pour diriger le projet.
De 1970 à 1971, il visite différentes communautés dans les Territoires du Nord-Ouest, dans le Nunavut et dans le Nunavik dans le nord du Québec. Sa connaissance de l’anglais et des dialectes inuktituts l’aide à communiquer avec différentes communautés dans l’Arctique. À chaque endroit qu’il visite, il explique le but du projet Nom de famille et il prend note des noms de famille que les Inuits choisissent. Il collabore aussi avec un linguiste et essaie d’utiliser une orthographe normalisée le plus possible. Certains Inuits ne sont pas contents du travail d’Abraham Okpik, car il parle surtout aux hommes et permet à des membres de la famille de choisir un nom de famille pour les membres qui ne sont pas présents à ce moment-là. Malgré ce mécontentement initial, aucun effort considérable n’est fait pour arrêter le projet depuis son début.
Langue inuite
Quand le projet Nom de famille se termine en 1971, Abraham Okpik et sa famille déménagent dans l’Arctique de l’Est. Là-bas, il devient directeur d’école, la résidence Ukiivik. Il commence aussi à enseigner l’inuktitut au secondaire. Accordant une grande attention à la promotion de la langue inuite, il collabore avec l’Institut culturel inuit (ICI) pour créer un nouveau système d’écriture simplifié, avec quarante-cinq lettres. Malgré la résistance à ce changement, l’ICI adopte cette forme de syllabaire en 1974. On l’utilise depuis.
Commission Berger
En 1974, Abraham Okpik travaille comme interprète pour le juge Thomas Berger au cours de l’enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie. L’année suivante, la Canadian Broadcasting Corporation l’engage comme l’un des cinq représentants linguistiques pour faire un rapport sur les audiences du pipeline de la vallée du Mackenzie et sur les événements entourant la construction du pipeline.
Parfois, expliquer la portée et l’ampleur du projet à la population inuite présente un défi pour Abraham Okpik. C’est difficile, par exemple, d’expliquer le concept de « trillions de pieds cubes » de gaz. Il dit : « Quand vous pensez à des trillions, imaginez six grues du Canada et peut-être six caribous, et essayez de compter toutes les plumes et tous les poils sur leur corps, si vous avez le temps! Vous ne serez jamais capable de vous approcher du nombre. Un trillion c’est vraiment énorme! » Abraham Okpik fait de son mieux pour expliquer aux Inuits tous les détails du projet, y compris l’argent investi dans la construction.
En avril 1977, la commission prépare son rapport concluant que c’est faisable de construire un pipeline à partir du delta du Mackenzie en traversant la vallée du Mackenzie jusqu’en Alberta. Cependant, il recommande un moratoire de 10 ans pour une nouvelle étude et le règlement des revendications territoriales des Autochtones. Finalement, la construction est mise en suspens.
Vie ultérieure et décès
En 1979, Abraham Okpik retourne à Iqaluit où il passe le reste de sa vie. Il y travaille comme un membre élu du Conseil municipal et comme bénévole dans plusieurs organisations et comités. Il décède le 10 juillet 1997 à Iqaluit.
Honneurs et distinctions
Abraham Okpik devient membre de l’Ordre du Canada le 15 décembre 1976 pour ses réalisations dans le cadre du Projet Nom de famille et aussi pour son travail dans la Commission Berger.
Le complexe Abe Okpik à Apex, Iqaluit, lui doit son nom.
Importance
Abe Okpik est connu surtout pour son travail pour la Commission Berger et pour le Projet Nom de famille. Il joue des rôles importants dans les deux projets, mais il fait aussi des contributions importantes aux langues inuites et au développement des communautés du Nord. En travaillant pour le gouvernement fédéral, le Conseil territorial ou des organisations locales, il cherche à protéger et à promouvoir la culture inuite.