Alphabétisme
L'alphabétisme se définit à la fois comme la capacité de lire et d'écrire son propre nom, et celle de lire et de comprendre des articles de journaux, de revues ou d'encyclopédies dont le niveau de complexité dépasse souvent le niveau d'acquisition moyen d'une dixième année scolaire. Ces définitions restent très larges de sorte qu'il est difficile de donner une estimation fiable du nombre d'analphabètes dans une société donnée. Ainsi, on ne peut comparer les données de différents auteurs qui prétendent d'un côté que l'analphabétisme a été éliminé dans l'ex-URSS et de l'autre que 28 % des Canadiens sont analphabètes.
Aucune enquête statistique nationale n'est menée au Canada avant la fin des années 1980 pour déterminer le taux d'alphabétisme de la population. Selon la première enquête du genre, effectuée en 1987 et commanditée par Southam News, on estime à 24 % le nombre d'analphabètes au pays. Depuis les années 1980, l'alphabétisme chez les adultes fait l'objet d'enquêtes à l'échelle internationale. En 1994, le Secrétariat national à l'alphabétisation, Ressources humaines et développement des compétences Canada et Statistique Canada entreprennent en collaboration avec l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et l'UNESCO une évaluation multilingue de l'alphabétisme adulte, qui est à nouveau menée en 2003. Selon l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes (EIAA), l'alphabétisme au Canada a peu évolué au cours des années antérieures.
Les résultats d'une enquête d'envergure de Statistique Canada sur l'alphabétisme ont été publiés en 1989. Cette enquête a évalué les capacités de lecture des adultes selon les quatre degrés ci-dessous; quoiqu'il existe des études plus récentes que celle-ci, il reste que les normes établies par cette enquête fournissent les paramètres selon lesquels l'alphabétisme est évalué.
Les Canadiens au niveau 1 (22 % des adultes) ont de la difficulté à lire de l'information écrite et n'ont que peu de compétences de base pour décoder ou utiliser un texte. En général, ils se définissent eux-mêmes comme des personnes ne sachant pas lire.
Les Canadiens au niveau 2 (26% des adultes) ne peuvent utiliser des textes que pour des besoins limités, comme trouver un mot familier dans un texte simple clairement présenté. Ils reconnaissent avoir de la difficulté à lire des écrits simples.
Les Canadiens au niveau 3 (33 % des adultes) peuvent lire des textes dans différentes situations pourvu que les tâches ne soient pas trop complexes. Bien qu'en général, ces personnes estiment ne pas avoir beaucoup de difficulté à lire, elles ont tendance à éviter les situations qui exigent une lecture. De nombreux pays considèrent que ce niveau constitue le seuil minimum à atteindre pour participer pleinement à la vie de la société.
Les Canadiens au niveau 4 out 5 (20 % des adultes) sont capables de lire la plupart des imprimés et écrits nécessaires dans la vie quotidienne. Il s'agit d'un groupe important et diversifié présentant un large éventail de capacités de lecture et de nombreuses stratégies pour aborder des textes écrits complexes. Ces personnes répondent à la plupart des exigences en matière de lecture et savent aborder les nouveaux défis de lecture.
Comme un certain nombre d'adultes interrogés en 1989 se situant aux niveaux d'alphabétisme inférieurs étaient des immigrants et ne connaissaient ni l'anglais ni le français écrit, les résultats ne constituent pas une mesure pertinente de l'alphabétisme pour ce groupe. Néanmoins, 3 % des adultes nés au Canada se situaient au niveau 1. Les textes utilisés pour les tests de l'enquête étaient des écrits que les adultes utilisent couramment dans la vie quotidienne : horaires d'autobus, manuels, petites annonces, etc. Il n'est pas facile, cependant, de déterminer à quel niveau doit se situer un adulte au Canada pour être en mesure de lire tous les écrits dont il a besoin dans toutes les situations où il doit lire.
Mesure de l'alphabétisme
Les organismes comme l'UNESCO considèrent que, dans une société industrielle, les personnes dont le niveau d'études est inférieur à une 5<sup>e</sup> année sont totalement analphabètes, et celles dont le niveau de scolarité est inférieur à une 9<sup>e</sup> année sont des analphabètes fonctionnels. Selon ces normes, près d'un Canadien sur six est un analphabète fonctionnel. La définition actuelle de l'alphabétisme utilisée dans les normes internationales est la capacité de lire et d'écrire dans une langue quelconque. Bien qu'en général, les femmes apprennent à lire plus vite et obtiennent de meilleurs résultats aux tests de lecture à l'école, la proportion d'analphabètes fonctionnels, calculée selon le plus haut niveau de scolarité atteint, est sensiblement la même chez les hommes (18 %) que chez les femmes (17,5 %).
Toutefois, le « plus haut niveau de scolarité atteint » reste une mesure indirecte et inadéquate du niveau d'alphabétisme. Tout d'abord, il n'est pas du tout certain qu'une personne ayant une 10e ou même une 11e année de scolarité puisse être considérée comme un alphabète fonctionnel dans une société hautement technologique; par ailleurs, les acquisitions personnelles varient considérablement après un même nombre d'années d'études - il n'est pas rare que des élèves de 8e année obtiennent de meilleurs résultats que des élèves de 10e année, ou que des élèves de 10e année obtiennent une moyenne inférieure à celle d'un élève de 8e année.
Par ailleurs, ces calculs ne tiennent pas compte de certains facteurs peut-être plus significatifs en ce qui a trait à la mobilité sociale, comme la classe sociale, l'origine ethnique et le sexe. Au XIXe siècle, au Canada, la majorité des immigrants irlandais catholiques savaient lire et écrire, mais occupaient les plus bas échelons économiques et sociaux. La situation était encore pire chez les femmes et les Noirs, sans égard à leur scolarité.
Le niveau d'alphabétisme est souvent associé à la situation professionnelle. Ainsi, on estime que, chez les personnes âgées de 15 ans et plus qui sont considérées comme des analphabètes fonctionnels, un tiers seulement ont un emploi. Chaque année de scolarité supplémentaire équivaut à une hausse de salaire d'environ 8 %. Par comparaison aux autres, les Canadiens dotés de bonnes capacités de lecture et d'écriture ont un revenu plus élevé, ont plus de chances de travailler à plein temps et risquent moins de se retrouver sans emploi; ils passent donc de plus courtes périodes au chômage. Qui plus est, ces capacités chez les employés contribuent à rendre les entreprises plus concurrentielles; elles accroissent aussi la productivité personnelle. Selon les normes internationales, une augmentation de 1 % des capacités de lecture et d'écriture équivaut à une hausse de 2,5 % de la productivité au travail, et de 1,5 % du produit intérieur brut par personne.
Au Canada, environ quatre adultes sur dix, soit 9 millions de personnes, sont considérés peu alphabétisés et les membres de ce groupe risquent deux fois plus d'être au chômage que les autres Canadiens. Seulement 15 % d'entre eux ont vraiment de la difficulté à comprendre des écrits, bien que 27 % d'entre eux n'aient que des capacités de lecture élémentaires. Actuellement, le nombre de personnes peu alphabétisées à Terre-Neuve et Labrador, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, au Québec et au Nunavut est supérieur à la moyenne nationale. La majorité des jeunes canadiens de 16 à 25 ans atteignent le niveau d'alphabétisme nécessaire pour fonctionner au quotidien dans la société moderne; toutefois, selon la région, de 18 % à 38 % des jeunes ne l'atteignent pas.
Valeur sociale de l'alphabétisme
Depuis le XIXe siècle, l'alphabétisme au Canada est considéré comme une « richesse » personnelle et sociale, bien que le sens précis du terme ne soit pas clair, et qu'il soit difficile de définir ce qu'une personne peut accomplir grâce à l'instruction et à l'alphabétisme. Malgré tout, nombreux sont ceux qui, même à un âge avancé, font de grands efforts pour apprendre à lire et à écrire, et des sociétés aux régimes politiques diamétralement opposés favorisent l'alphabétisation en offrant des programmes d'éducation populaire.
Au Canada, l'alphabétisation est surtout encouragée par les conseils scolaires, les bibliothèques et, dans une moindre mesure, par des organismes privés. L'enseignement public (voir ÉDUCATION) favorise et soutient l'alphabétisation. Dans le secteur privé, le Frontier College, fondé en 1899, a été le premier organisme canadien à recevoir, en 1977, une médaille de l'UNESCO pour le travail exemplaire accompli pour promouvoir l'alphabétisation. Les collèges canadiens sont responsables, dans une large mesure, de la mise en œuvre des programmes de base de l'ENSEIGNEMENT AUX ADULTES, y compris ceux conçus pour hausser le niveau d'alphabétisme.
Chaque année, le 27 janvier, le Canada célèbre la Journée de l'alphabétisation familiale. Cette journée, qui souligne l'importance de la lecture en famille, a été instaurée en 1999 par des entreprises du secteur privé. Des activités sur le thème de l'alphabétisation sont tenues ce jour-là aux quatre coins du Canada, dans les écoles et les bibliothèques publiques.
Tendances
En général, les Canadiens sont de plus en plus alphabétisés et instruits. Ainsi, depuis 1990, la proportion de Canadiens ayant terminé des études secondaires est en hausse, de même que le pourcentage de Canadiens détenant un certificat décerné par un collège ou une école de métiers ou un diplôme universitaire a aussi augmenté.
Bien que les Canadiens soient de nos jours de plus en plus instruits au sens absolu, on ne sait pas s'ils acquièrent les capacités de lecture nécessaires pour traiter des écrits de plus en plus complexes, car très peu d'études se sont penchées sur le niveau d'alphabétisme nécessaire pour permettre de jouer pleinement son rôle dans la société moderne. Savoir lire suppose trois conditions importantes : savoir raisonner, maîtriser la langue et connaître le code alphabétique.
La deuxième condition, maîtriser la langue, est particulièrement importante. Une grande partie du langage est constituée de connaissances codées. Ainsi, à mesure que le champ de connaissances s'étend, le langage nécessaire pour le décrire en fait autant. Par conséquent, il se peut que certaines personnes soient ou deviennent relativement analphabètes parce qu'elles ne sont pas au fait des nouvelles connaissances. Pour lire un texte et le comprendre, il faut posséder certaines connaissances. Or, si le domaine de la connaissance s'élargit plus rapidement que la capacité à l'assimiler, l'analphabétisme relatif ou fonctionnel risque fort d'augmenter.
Au cours des dernières années, les termes « alphabétisme visuel » et « alphabétisme informatique » sont devenus courants. Dans les deux cas, le mot alphabétisme fait référence au fait de bien connaître l'objet dont il est question - en l'occurrence, les écrans à affichage cathodique et les ordinateurs - et d'être capable de s'en servir.