Les archéologues et les naturalistes sont depuis longtemps fascinés par les amas de COQUILLAGES (aussi connus sous les noms d'amas coquilliers et de tertres de coquillages), en raison de leur grand potentiel à fournir de l'information sur les adaptations et les cultures humaines. Les premières études se sont concentrées sur les køkkenmøddinger (les déchets de cuisine) mésolithiques dans le nord de l'Europe, cependant, des études similaires étaient déjà en cours au Canada vers la fin du XIXe siècle.
L'expression « amas de coquillages » fait référence à un tas d'ordures composé principalement (50 p. cent et plus) de coquilles de MOLLUSQUES et d'autres animaux à carapace, tels les ÉCHINODERMES et les ARTHROPODES. Auparavant, l'expression était communément utilisée pour désigner un type de site archéologique, mais elle est principalement employée dans nos jours en référence à un type d'aménagement archéologique. Les amas de coquillages sont donc des aménagements qui se retrouvent sur certains sites archéologiques (mais pas tous) contenant des coquillages, avec d'autres types de dépôts tels les couches de sol naturelles, les sols modifiés de façon anthropique, les sols d'habitation (souvent les vestiges des maisons construites et habitées par les gens qui accumulaient les amas de coquillages), les foyers, les aménagements mortuaires, etc. Les sites archéologiques qui contiennent des amas de coquillages représentent, pour les archéologues, des casse-têtes stratigraphiques et ZOOARCHÉOLOGIQUES intrigants, complexes et imposants.
Développement et occurrences des amas de coquillages
Les amas de coquillages se développent là où les populations humaines, que ce soit des chasseurs-cueilleurs, des horticulteurs, des agriculteurs ou des industriels, récoltent de larges quantités de crustacés, les écaillent et en transforment la chair pour la consommation et/ou les utilisent comme matières premières, laissant de grandes quantités de débris de coquillages sur leurs sites d'habitation et de transformation. Les amas de coquillages sont un phénomène archéologique mondial qu'on retrouve le plus souvent sur les sites situés proches des rivages marins et constitués de restes de mollusques marins. Néanmoins, on retrouve également à plusieurs endroits des amas de coquillages composés de restes de mollusques d'eau douce, dans des milieux riverains situés à l'intérieur des terres.
Auparavant, les amas de coquillages étaient considérés comme caractéristiques des périodes mésolithique et néolithique qui suivirent la dernière glaciation, il y a de cela de 10 000 à 12 000 ans. On sait maintenant qu'ils couvrent un intervalle qui s'étend du début du Paléolithique supérieur (il y a environ 160 000 ans) jusqu'à la période récente. Les plus anciens amas de coquillages connus furent trouvés dans des grottes situées près de rives en Afrique du Sud. Leur accumulation est contemporaine à l'émergence d'humains modernes aux niveaux anatomique et du comportement (Homo sapiens sapiens), à partir de populations hominiennes archaïques.
Les amas de coquillages au Canada
Au Canada, les amas de coquillages préhistoriques (datant de la période de pré-contact) se retrouvent le plus souvent sur des sites situés sur les côtes atlantique et pacifique. Ils furent accumulés par des chasseurs-cueilleurs autochtones adaptés à des écosystèmes littoraux à productivité élevée. Le long de la côte Ouest de la Colombie-Britannique et dans les régions adjacentes, le niveau de la mer se stabilisa il y a environ de 5000 à 6000 ans, et de larges populations de mollusques intertidaux se développèrent et furent exploitées par des populations humaines denses et sédentaires. Par conséquent, les sites archéologique très étendus et mesurant plusieurs mètres de profondeur, composés d'amas de coquillages et de sols de maisons, sont communs dans le registre archéologique couvrant les derniers 5000 ans jusqu'à la période historique. Des exemples incluent le site de Marpole Midden (aussi connu sous le nom de Great Fraser Midden), les sites de Glenrose Cannery et de St. Mungo Cannery, tous deux situés sur les basses-terres continentales de la Colombie-Britannique, le site de Namu sur la côte centrale et, au nord, le site de Boardwalk au port de Prince Rupert. Certains des sites de la Colombie-Britannique qui contiennent des coquillages sont stratifiés par-dessus des dépôts archéologiques antérieurs. Le site de Namu, par exemple, renferme du matériel culturel datant d'aussi loin que 10 000 ans.
Sur la côte atlantique, les amas de coquillages se retrouvent principalement sur les rives des Provinces maritimes où le niveau de la mer continue toujours de s'élever, souvent rapidement. Par conséquent, les amas de coquillages datant d'environ 2000 ans et plus, y sont rarement préservés et il est probable que plusieurs de ces sites, incluant ceux de la période récente, aient été complètement détruits. Les sites avec des amas de coquillages sont relativement petits et font normalement moins d'un mètre de profondeur. Cela est peut-être dû au fait que les autochtones y vivaient en plus petits groupes et étaient moins sédentaires que leurs homologues de la côte Ouest. Des groupes de sites contenant des coquillages ont été trouvés au port de Port Joli, sur la rive sud de la Nouvelle-Écosse, et dans la région de Quoddy au sud du Nouveau-Brunswick. Les sites de Port Joli sont inhabituels car ils ne sont pas situés sur les rives modernes et ne s'érodent donc pas activement. Par contre, tous les sites coquilliers de la région de Quoddy ont été sujets à l'érosion côtière. Le plus connu est le site de l'île Ministers, situé près de ST. ANDREWS, mais le site de Weir sur les îles Bliss est le mieux préservé.
Les amas principalement constitués de mollusques d'eau douce sont relativement rares au Canada, mais, à plus loin au sud, de larges amas de mollusque d'eau douce se retrouvent au centre et au sud-est des États-Unis. Néanmoins, la présence de quelques-uns de ces amas fut signalée à l'intérieur de la Colombie-Britannique, et au sud des Prairies et de l'Ontario. Le plus vaste est l'amas de coquilles de MOULES associé au TUMULUS DU SERPENT du lac Rice en Ontario, qui date d'environ 2000 ans.
L'importance archéologique des amas de coquillages
L'étude des amas de coquillages contribue de cinq façons significatives au développement de l'histoire archéologique au Canada. D'abord, lorsque les populations anciennes accumulaient de tels amas, elles produisaient des sites archéologiques stratifiés, améliorant ainsi la séparation entre les composantes culturelles, dans des contextes où il est peu probable que cela se produise normalement. Deuxièmement, les amas de coquillages permettent et améliorent aussi la préservation d'une variété de matières organiques (coquillages, ossements, charbon) se prêtant bien à la datation au carbone 14. Pris ensemble, ces deux facteurs permettent aux archéologues de produire des séquences historico-culturelles plus raffinées et datées de façon plus certaine qu'il ne serait autrement possible.
Troisièmement, les carbonates de calcium dans les coquillages font en sorte que les amas sont des environnements sédimentaires préservant des vestiges organiques (les restes de nourriture, les outils et les objets artistiques ou ornementaux composés d'ossements, de dents, d'andouiller et de coquillages, ainsi que les restes humains osseux) rarement conservés dans les sols généralement acides qui caractérisent la majeure partie du pays. Ces découvertes contribuent à une meilleure compréhension des technologies du passé, des modes de vie et des comportements symboliques et spirituels. Quatrièmement et relié de près au point précédent, les applications de la zooarchéologie quantitative, les analyses de croissance et les analyses isotopiques du carbone et de l'azote stables effectuées sur les restes organiques récupérés dans les amas de coquillages permettent aux archéologues de reconstituer de façon plus complète l'écologie humaine des populations anciennes, incluant l'alimentation, les pratiques de subsistance, les mouvements saisonniers et les schèmes d'établissement. Finalement, les ossements d'espèces aujourd'hui éteintes et d'autres espèces dont les aires de répartition géographiques ont fluctué au fil du temps sont couramment préservés dans les amas de coquillages; ces découvertes contribuent à la compréhension des changements biogéographiques. De plus, des techniques telles la sclérochronologie (l'étude des variations physiques et chimiques dans les tissus durs d'accrétion) et les analyses des isotopes d'oxygène sont de plus en plus souvent appliquées aux restes de mollusques provenant d'amas de coquillages, dans le contexte d'études de changements climatiques et environnementaux à long-terme.