Article

Anglais canadien

L’anglais est l’une des deux langues officielles du Canada. Selon le recensement canadien de 2016, l’anglais est la langue maternelle d’environ 19,5 millions de personnes, soit 57 % de la population, et c’est la première langue officielle de 26 millions de personnes, soit 75 % de la population canadienne.


(© Cerbi/Dreamstime)

L’anglais est la langue majoritaire dans tous les provinces et territoires canadiens à l’exception du Québec (dont la majorité de la population parle le français) et du Nunavut (dont la majorité de la population parle l’Inuktitut et l’Inuinnaqtun). Au Québec, l’anglais est la langue maternelle de 8,1 % de la population, et c’est la première langue officielle de 13,7 % de la population.

Au Québec, la proportion de locuteurs de langue anglaise (ou anglophones) est en net déclin depuis le 19e siècle, où elle en était à 25 %. Un taux de natalité plus élevé chez les locuteurs de langue française (ou francophones), et le départ de nombreux anglophones qui cherchent à améliorer leur situation économique dans d’autres provinces, réduit cette proportion à environ 14 % vers le milieu du 20e siècle. Dès les années 1970, la situation politique mène à un déclin encore plus rapide de ce nombre : en effet, le gouvernement provincial met en place des politiques linguistiques servant à protéger le français en restreignant l’usage de l’anglais dans le commerce, l’éducation et l’affichage, tant public que gouvernemental; dès lors, l’anglais n’a plus de statut officiel dans la province du Québec (voir Politiques linguistiques du Québec). C’est aussi à cette époque que plusieurs francophones se mettent à réclamer la séparation du Québec du reste du Canada. Beaucoup d’anglophones, en contrepartie, s’opposent aux politiques linguistiques et à la séparation. Plusieurs d’entre eux réagissent donc au conflit en quittant la province et, lorsqu’arrivent les années 1990, l’exode de près de 200 000 anglophones a déjà réduit d’un bon tiers la communauté anglophone de Montréal. Malgré cette baisse, l’anglais demeure la langue maternelle de près de 8 % des Québécois, et 44,5 % de la population dit savoir parler à la fois l’anglais et le français. Dans le Grand Montréal, là où réside maintenant la majorité des locuteurs de langue anglaise du Québec, l’anglais est la langue maternelle de 13,2 % de la population de la métropole (533 845 personnes).

Même là où l’anglais est la langue majoritaire, il coexiste souvent avec d’autres langues. À Toronto et à Vancouver, les taux élevés d’immigration issue de pays non anglophones ont réduit la proportion de locuteurs natifs de l’anglais à un peu plus de la moitié de la population métropolitaine. Rappelons aussi que les locuteurs natifs de l’anglais vivant au Canada n’ont pas tous l’anglais canadien pour langue maternelle; ils peuvent avoir immigré d’autres pays anglophones et parler, par conséquent, une autre variante de l’anglais. Dans l’exposé qui suit, l’« anglais canadien » désignera l’anglais parlé par des locuteurs ayant acquis des compétences équivalentes à celles d’un locuteur natif en grandissant surtout au Canada. (Voir aussi Langue française au CanadaLangues autochtones au CanadaLangues en usage au Canada.)

Histoire

L’existence même de l’anglais canadien a été déterminée par d’importants événements historiques, en particulier le Traité de Paris de 1763, qui met fin à la  guerre de Sept Ans et permet l’établissement d’anglophones dans la majorité de l’est du Canada; la Révolution américaine de 1775-1783, qui cause la première grande vague de migration anglophone au Canada; enfin, la Révolution industrielle en Angleterre, qui pousse encore plus d’anglophones à s’installer au Canada au 19e siècle. Ces événements, parmi d’autres, déterminent le modèle d’établissement anglophone au Canada, influençant en retour la manière dont il est parlé aujourd’hui.

Origines

L’anglais est parlé pour la première fois au Canada au cours du 17e siècle, au sein de communautés saisonnières de pêcheurs le long de la côte atlantique, entre autres sur l’île de Terre-Neuve, et dans des postes de traite des fourrures autour de la baie d’Hudson. Après que la Nouvelle-Écosse ait été cédée à l’Angleterre en conformité avec le Traité d’Utrecht, en 1713, des communautés anglophones permanentes sont fondées dans la province, comme Halifax, fondée en 1749. Après la déportation des Acadiens francophones ayant eu lieu dans les années 1750, des pionniers de la Nouvelle-Angleterre s’ajoutent à la population anglophone de la Nouvelle-Écosse. La victoire des Britanniques au terme de la guerre de Sept Ans permet l’établissement de nombreuses autres colonies anglophones dans le reste de l’est du Canada; la France cédera plus tard l’entièreté de son territoire canadien à l’Angleterre avec le Traité de Paris, en 1763.

Loyalistes de l’Empire-Uni

Près de vingt ans plus tard, après la Révolution américaine, environ 45 000 loyalistes restés fidèles à l’Angleterre pendant la guerre trouvent refuge au Canada, surtout en provenance des États du centre du littoral de l’Atlantique et de la Nouvelle-Angleterre. Leur arrivée en 1783-1784 représente la première vague importante de population anglophone là où se trouvent aujourd’hui l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. La plupart des loyalistes arrivés au Québec sont relocalisés plus à l’Ouest, soit en Ontario, afin d’éviter les conflits avec la population canadienne-française. L’immigration américaine se poursuit jusqu’au début du 19e siècle, accroissant la population de l’Ontario et colonisant la région des Cantons de l’Est, dans le sud du Québec, mais prend fin avec la guerre de 1812. À cette époque, la population d’environ 100 000 personnes de l’Ontario est surtout d’ancienne ascendance américaine et s’étend depuis Windsor jusqu’à CornwallToronto est fondée en 1793 sous le nom de York. Vers la fin du 18e siècle, de plus petites vagues d’immigration britannique arrivent au Canada, depuis le sud-est de l’Irlande et le sud-ouest de l’Angleterre jusqu’à Terre-Neuve, et depuis les Highlands d’Écosse jusqu’à certaines régions des Maritimes et l’est de l’Ontario; beaucoup de ces immigrants, toutefois, parlent irlandais ou gaélique plutôt qu’anglais lorsqu’ils arrivent au pays.

Colonisation britannique

La grande vague de colonisation anglophone suivante a lieu après la fin des guerres napoléoniennes, époque où l’Angleterre fait face à des problèmes de surpopulation et de retombées économiques et sociales liés à la Révolution industrielle qui poussent de nombreux Britanniques à émigrer. Des centaines de milliers d’entre eux vont vivre au Canada au début et vers le milieu du 19e siècle, achevant en quelque sorte la colonisation des régions centrales et orientales du pays, soit du sud de l’Ontario jusqu’à la côte Atlantique. La majorité de ces immigrants sont Irlandais : les nouveaux arrivants dans les régions frontalières de l’Ontario viennent surtout de l’Ulster, et ceux qui s’installent dans les camps de bûcherons ou les grandes villes du Québec et des Maritimes, du sud de l’Irlande. Les immigrants anglais représentent le second groupe en importance et les Écossais le troisième. En tant que plus grande ville du Canada, centre de son développement industriel et port d’entrée principal pour les immigrantsMontréal atteint une majorité de locuteurs anglophones dans les années 1850, avec une classe ouvrière nombreuse d’origine irlandaise et une classe marchande plus restreinte mais très influente d’origine écossaise; c’est d’ailleurs à cette dernière que l’on doit une grande partie du développement industriel et commercial du Canada.

Expansion vers l’Ouest

Les premières colonies anglophones dans l’ouest du Canada débutent aussi durant la première moitié du 19e siècle, telle que la colonie de la rivière Rouge au  Manitoba, fondée en 1811 par des fermiers écossais, ou encore les chercheurs d’or américains en Colombie-Britannique en 1858 (voir Ruée vers l’or du fleuve Fraser). On trouve aussi des postes de traite des fourrures dans l’Ouest à l’époque, de Winnipeg ( fort Garry, fondé en 1822) à Victoria (1843) en passant par Edmonton (1795). Toutefois, c’est la complétion du Chemin de fer Canadien Pacifique, en 1885, qui rend possible la plus grande partie de la colonisation anglophone de l’Ouest canadien. Tant de terres sont désormais disponibles qu’elles encouragent des millions d’immigrants à venir au Canada, et des Canadiens à déménager d’est en ouest.

Bien que d’importantes vagues de pionniers de l’Ouest viennent des États-Unis, de la Grande-Bretagne et d’Europe, le groupe dominant dans la plupart des colonies, tant du point de vue numérique que du point de vue social, sont des migrants nés au Canada, en Ontario. Saskatoon, par exemple, est fondée en 1883 par la Temperance Colonization Society, un groupe de méthodistes de  Toronto, et les Canadiens de l’Est dominent la première élite dans tout l’ouest du pays. Ainsi, les premiers maires d’Edmonton, de Saskatoon, de Regina et de Winnipeg sont tous nés en Ontario, tandis que celui de Calgary est originaire du Nouveau-Brunswick. Le premier à exercer la fonction de premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, et ceux des nouvelles provinces d’ Alberta et de Saskatchewan, sont aussi nés en Ontario. C’est donc l’anglais de l’Ontario qui sert de modèle à l’anglais parlé dans l’Ouest canadien malgré les origines diverses de sa population générale.

Anglais canadien moderne

L’immigration internationale récente au Canada, bien qu’elle soit constituée de groupes de population beaucoup plus importants qu’au cours des périodes précédentes, a eu un effet assez modeste sur le développement de l’anglais canadien, qui paraît avoir atteint un stade semblable à sa forme actuelle au moment de la Confédération canadienne en 1867. Avec une aussi vaste population de Canadiens natifs à laquelle se mêler, les enfants des immigrants d’aujourd’hui assimilent vite les caractéristiques linguistiques de l’anglais parlé au sein de leurs communautés adoptives. Néanmoins, l’anglais canadien, comme toutes les langues et tous les dialectes, ne cesse d’évoluer, et des changements mineurs sont perceptibles chez chaque nouvelle génération de locuteurs. Nous pouvons mesurer ces changements en comparant des données sur le langage d’aujourd’hui rassemblées dans des études récentes telles que le sondage Dialect Topography, de J. K. Chambers, dans le milieu des années 1990, ou encore les projets North American Regional Vocabulary Survey et Phonetics of Canadian English de C. Boberg, qui datent de la fin des années 1990 et du début des années 2000, à des sondages sur l’anglais canadien menés dans les années 1950 de H. B. Allen, W. S. Avis et R. J. Gregg, puis en 1972 (avec The Survey of Canadian English: A Report, de M. H. Scargill et H. J. Warkentyne).

Bien que les caractéristiques principales de l’anglais canadien demeurent assez stables, de nouveaux termes et de nouvelles manières d’expression font sans cesse leur apparition, tout comme des expressions plus vieilles tombent en désuétude et disparaissent. Quelques-uns de ces changements seront présentés dans les sections suivantes, aux côtés des caractéristiques stables de l’anglais canadien.

Un dialecte unique

On peut s’attendre à ce que l’histoire canadienne de la colonisation anglophone ait créé une variété hybride d’anglais, résultat d’un mélange de traits britanniques et américains. La langue d’aujourd’hui témoigne en effet de cela, en plus de présenter des particularités uniques à la langue canadienne. Cependant, dans le sens le plus général, l’anglais employé aujourd’hui par la plupart des Canadiens de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse est de toute évidence une variété d’anglais nord-américain, assez près de celui de l’ouest des États-Unis et de l’anglais américain dit régulier. Cette ressemblance est surtout vraie sur le plan de la grammaire (ou comment les mots et les phrases sont assemblés, ce que les linguistes nomment la morphologie et la syntaxe) et des aspects les plus systématiques de la prononciation (ce que les linguistes appellent la phonologie et la phonétique).

Plusieurs linguistes attribuent cette qualité nord-américaine à l’influence des loyalistes et des post-loyalistes, qui ont contribué dans une large mesure à former la population anglophone du Canada et ont ainsi instauré une origine commune avec l’anglais américain. Dans la plupart des régions, les enfants des colons anglais du 19e siècle et ceux venus après eux auraient adopté la variété locale d’anglais issue du parler des loyalistes du 18e siècle, qui se serait déplacée vers l’Ouest canadien lorsque des Ontariens viennent s’y installer à la fin du 19e siècle. Plusieurs caractéristiques principales de l’anglais canadien, toutefois, se retrouvent dans des dialectes régionaux amenés au Canada par des colons anglais originaires du nord et de l’ouest de l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande; leur présence dans la langue au Canada peut donc indiquer une combinaison de ces deux sources d’influence.

L’anglais de Terre-Neuve-et-Labrador, qui demeure une colonie britannique à part jusqu’en 1949, a toujours été considéré comme distinct de celui du reste du Canada, ses origines du sud-ouest de l’Angleterre et du sud-est de l’Irlande (surtout la région près de Waterford) se faisant ressentir de façon plus forte. Bien que de jeunes Terre-Neuviens semblent de plus en plus accorder leur manière de parler à l’anglais canadien standard, la langue parlée par la plupart des gens dans la capitale de St. John’s est marquée par une influence irlandaise prononcée qui la sépare de celle employée ailleurs au Canada. Le riche vocabulaire local de Terre-Neuve-et-Labrador a été répertorié dans le Dictionary of Newfoundland English qui contient plusieurs milliers de définitions (voir Dictionnaire).

Prononciation

L’anglais américain colonial amené au Canada par les loyalistes se développe au 17e siècle, soit avant l’avènement de plusieurs des changements, nés dans le sud-est de l’Angleterre, qui ont façonné l’anglais britannique moderne standard. De façon plus spécifique, la plupart du temps, l’anglais nord-américain moderne conserve le son [r] après les voyelles dans des mots tels que start ou north, et présente le même [a] court dans des mots tels que trap et bath plutôt que le [ah] allongé et prononcé plus à l’arrière de la bouche que l’on utilise aujourd’hui à Londres dans la prononciation de mots comme bathpast ou staff.

D’autres caractéristiques nord-américaines générales partagées par l’anglais canadien peuvent témoigner de l’influence plus récente du parler américain. Le son [t], lorsqu’il est présent après une voyelle accentuée au milieu d’un mot, comme dans citybetterOttawabattle ou party, est prononcé plutôt comme un [d], ce qui donne « siddy », « bedder », « Oddawa », « baddle » ou « pardy » (c’est ce que les linguistes appellent le « battement »). La prononciation des voyelles de mots comme newsstudent et Tuesday, qui se prononce plutôt comme celle de few en anglais britannique, est davantage celle de food aux États-Unis et au Canada, ce qui donne « nooze », « stoodent » et « toozeday » au lieu de « nyooze », « styoodent » et « tyoozeday », bien que certains Canadiens privilégient les variantes britanniques.


(Avec la permission de Courtesy Jimiticus.)

 

La fusion postérieure et le « Canadian Shift »

D’autres variantes phonologiques régionales différencient les formes d’anglais nord-américain. La plus importante est celle que les linguistes appellent le « low-back merger », ou fusion postérieure, soit l’indifférenciation des deux voyelles prononcées à l’arrière de la bouche : celles de mots comme lot comparées à celles de thought. En effet, elles sont différenciées en Angleterre et dans certaines régions de l’est des États-Unis. Au Canada, comme dans l’ouest des États-Unis, ces voyelles sont prononcées de la même façon. Ainsi, lot et thought riment, et les mots cot et caughtstock et stalkdon et dawn sont des homophones. On croit que cette fusion est la cause d’un phénomène phonétique connu comme le « Canadian Shift » (ou « variation canadienne »), un changement en cours dans l’anglais canadien moderne impliquant un abaissement et une rétraction des voyelles antérieures courtes dans des mots comme kitdress ou trap. Par exemple, head peut être prononcé un peu comme had dans d’autres dialectes, tandis que la voyelle de hat peut ressembler à celle de hot avec la prononciation de nombreux Américains (surtout ceux vivant de l’autre côté de la frontière de l’Ontario, à Buffalo ou à Détroit).

« Canadian Raising »

Une autre caractéristique unique à la prononciation de l’anglais canadien est appelée le « Canadian Raising », ou « montée canadienne ». Il s’agit d’un raccourcissement des diphtongues dans des mots tels que price ou mouth, faisant en sorte que la voyelle soit prononcée plus à l’avant de la bouche que dans d’autres dialectes. On appelle diphtongues les voyelles composées de deux émissions sonores distinctes; dans la voyelle de spy, par exemple, la première partie est prononcée comme la voyelle de spa et la deuxième comme la voyelle de see, ce qui donne [« spah-ee »]. Puisque la « montée canadienne » ne se manifeste que devant des consonnes non vocalisées comme [p], [t], [k], [f], [th] et [s], l’anglais canadien différencie les voyelles ouvertes et fermées dans des paires de mots comme type et tiewrite et ridespike et spyshout et loudsouth et sound, ou encore house et how. Bien que certains dialectes aux États-Unis tendent à fermer les voyelles de mots comme price, fermer les voyelles de mots comme house est plus typique du Canada.

Mots étrangers en a

L’anglais canadien a aussi une manière unique d’adapter ou de « domestiquer » les mots empruntés à d’autres langues dont les segments vocaliques comprennent la lettre a. Les locuteurs de l’anglais britannique emploient à différents degrés le [ah] de palm pour des mots comme avocadolava et saga, et le son [ae] de trap pour des mots tels que kebabmantra ou pasta, tandis que les Américains privilégient le son [ah] pour tous ces mots. Les Canadiens, au contraire, tendent à employer la prononciation [ae] pour chacun d’entre eux, quoique la jeune génération de Canadiens commence à prononcer la voyelle [ah], à l’américaine, dans certains mots tels que machomafia et taco. Dans la même veine, la plupart des Canadiens, comme les Britanniques, tendent à employer la prononciation de cost dans des mots comme Costa Rica là où les Américains le prononcent plutôt coast.

Prononciations britanniques

Bien que la plupart des aspects systématiques de la prononciation de l’anglais canadien suivent les règles nord-américaines, la prononciation de certains mots calque plutôt la norme britannique. Par exemple, les Canadiens prononcent le suffixe –ile dans des mots comme fertilefutilehostilemissile et mobile avec une voyelle pleine comme dans le mot profile tandis que la prononciation américaine fait rimer futile avec brutalhostile avec hostelmissile avec thistlemobile avec noble, etc. Pour la plupart des Canadiens, shone, soit shine conjugué au passé, rime avec gone, comme en anglais britannique, et non avec bone, comme c’est le cas aux États-Unis.

Vocabulaire

Mots américains ou mots britanniques?

L’anglais britannique et l’anglais américains ont mis au point des vocabulaires distincts pour désigner plusieurs aspects de la vie moderne, en particulier dans les domaines sémantiques du vêtement, de la nourriture et du transport. En général, les Canadiens suivent le modèle américain dans de tels cas; en effet, ils diront apartment (appartement) plutôt que flatdiaper (couche) plutôt que nappy, elevator (ascenseur) plutôt que liftflashlight (lampe de poche) plutôt que torchfreight car (wagon de marchandises) plutôt que goods wagonfries (frites) plutôt que chips (ce que l’on appelle chips ou croustilles au Canada est nommé crisps en Angleterre), pants (pantalons) plutôt que trouserssweater (chandail) plutôt que jumpertruck (camion) plutôt que lorry et wrench (clé, ici l’outil) plutôt que spanner. Les voitures canadiennes, comme celles des Américains, ont des hoods (capot), des fenders (aile), des mufflers (silencieux), des trunks (coffre), des turn signals (indicateur de direction) et des windshields (pare-brise) et non des bonnets, des wings, des silencers, des boots, des indicators ou des windscreens comme chez les Britanniques; elles roulent en outre grâce à du gas fourni par les gas stations (station service), et non grâce à du petrol trouvé dans des filling stations ou des petrol stations.

Il existe cependant quelques cas où la plupart des Canadiens privilégient l’appellation britannique : bill plutôt que check pour parler de la facture au restaurant; cutlery plutôt que silverware pour parler d’un ensemble de couteaux, de fourchettes et de cuillères; icing plutôt que frosting pour désigner le glaçage d’un gâteau; icing sugar plutôt que powdered sugar pour parler du sucre très fin que l’on saupoudre sur les desserts; tap plutôt que faucet pour le robinet et, enfin, zed plutôt que zee pour nommer la dernière lettre de l’alphabet.

Canadianismes

Les Canadiens ont aussi un petit lexique de mots qui leur sont propres, que l’on pourrait appeler des canadianismes. Lorsque l’on parle de canadianismes, il est important de faire la distinction entre les mots internationaux qui désignent des phénomènes surtout ou exclusivement canadiens et les mots propres aux Canadiens qui désignent au contraire des phénomènes internationaux.

La première catégorie de termes témoigne du caractère unique du Canada, non de l’anglais canadien. Il est aisé de penser à des choses typiques du Canada : une grande variété de flore et de faune qui se retrouve de façon exclusive, ou presque, au Canada, tels que l’oie, le geai ou le lynx canadiens; certaines particularités de la culture autochtone du Canada telles que la chasse au bison, le pemmican ou les totems; des artefacts historiques canadiens comme la couverture à points de la Baie d’Hudson, la charrette de la rivière Rouge ou la barge d’York; les inventions canadiennes comme les films IMAX, le kérosène, la pomme McIntosh, la barre  Nanaimo, la poutine, la vis Robertson ou encore la  motoneige; ou les institutions canadiennes que sont la Canadian Broadcasting Corporation, la Gendarmerie royale du Canada ou  l’Église unie du Canada. Tout ceci contribue à l’élaboration d’une identité culturelle canadienne et leurs désignations sont donc, en un sens, des mots canadiens d’une certaine manière; toutefois, si des gens vivant hors du Canada cherchent à les désigner, ils emploieront les mêmes mots que les Canadiens. De la même façon, les Canadiens utilisent par exemple des mots australiens tels que boomerangdidgeridookangourou ou koala, puisque ces mots font désormais partie de l’anglais international et non de l’anglais canadien ou australien de façon exclusive.

Ainsi, seuls les mots de la seconde catégorie, soit des mots employés par les Canadiens pour désigner quelque chose qui possède une autre appellation dans d’autres dialectes, sont de vrais canadianismes au sens linguistique. En voici quelques exemples : un petit appartement sans chambre à coucher fermée est appelé un bachelor au Canada mais un studio aux États-Unis et en Angleterre; une machine qui sert à conclure des opérations bancaires est une bank machine au Canada mais un ATM aux États-Unis et un cash dispenser en Angleterre; les structures fixées le long des toits pour recueillir l’eau de pluie est nommée eavestroughs dans plusieurs régions du Canada mais gutters aux États-Unis et en Angleterre; les années scolaires sont comptées grade one, grade two, etc. au Canada mais first grade, etc. aux États-Unis et year one, etc., en Angleterre; les crayons de couleur sont nommés pencil crayons au Canada, colored pencils aux États-Unis et colouring pencils en Angleterre; les cônes oranges qui servent à la gestion du trafic automobile pendant les constructions routières sont des pylons au Canada mais des traffic cones aux États-Unis et en Angleterre; un bonnet de laine porté l’hiver est une toque au Canada mais un beanie aux États-Unis et en Angleterre; enfin, une toilette publique est un washroom au Canada, un restoom aux États-Unis et un lavatory ou loo en Angleterre.

Toutefois, l’anglais canadien présente souvent des variations dans l’emploi de ces termes, les canadianismes rivalisant avec d’autres termes qui sont souvent les variantes américaines; c’est ce qui mène parfois au déclin de l’usage ou à la disparition de canadianismes. L’exemple le plus connu de ce phénomène est le mot chesterfield, qui désignait autrefois un fauteuil en anglais canadien standard, appelé couch aux États-Unis et sofa ou settee en Angleterre; aujourd’hui, si quelques Canadiens plus âgés continuent d’employer le mot chesterfield, la plupart des jeunes utiliseront couch.

Mots d’emprunt

Bien entendu, les Français et les Britanniques sont loin d’avoir été les premiers occupants de ce qui est aujourd’hui le Canada : pendant les milliers d’années précédant leur arrivée, le pays était déjà habité par une grande diversité de cultures autochtones possédant leurs propres langues. Lorsque les premiers colons européens arrivent au Canada, plusieurs des phénomènes qu’ils observent, en particulier ceux en lien avec l’environnement naturel, leur sont déjà familiers, de sorte qu’ils les désignent par des mots européens déjà existants : ainsi, bay (baie),  bear (ours), beaver (castor), birch (bouleau),  bisoncod (morue), deer (cerf), duck(canard),  eagle(aigle), fir(sapin), fox (renard), frost (givre),  glaciergrasshopper (criquet), gull (mouette), hail (grêle), hare (lièvre), ice (glace), lake (lac),  lobster(homard), loon (plongeon),maple (érable), marsh (marécage),  mosquito (moustique), mountain (montagne), owl (hibou),  pine (pin), poplar (peuplier),prairie,puffinriver (rivière),  salmon (saumon), seal(phoque ou otarie), sleet (grésil), slush (gadoue) et snow (neige) sont tous des mots européens, pour ne nommer que quelques-uns des milliers d’exemples. On donne même des noms européens à plusieurs phénomènes nouveaux, que l’on adapte pour qu’ils revêtent une nouvelle signification propre à l’Amérique du Nord; ainsi, le mot robin (merle) désigne des espèces d’oiseaux différentes en Amérique du Nord et en Europe.

Plusieurs termes liés à la culture autochtone, comme chief (chef), dogsled (traîneau à chiens), harpoon (harpon), peace pipe (calumet de la paix), snowshoe (raquette), sun dance (danse du soleil) et sweat lodge (suerie) sont aussi d’origine européenne. Il existe toutefois certains cas d’emprunts à des langues autochtones; plusieurs de ces mots se retrouvent dans le vocabulaire de l’anglais américain puisque les frontières internationales n’ont pas de signification dans le monde naturel qu’est celui des Autochtones. Parmi les mots autochtones intégrés à l’anglais nord-américain, on retrouve, entre autres,  caribou,chinook,chipmunk(tamia), huskyiglooinukshukkamik (type de bottes), kayakmoccasinmoose (orignal), mucky-muckmuklukmuskegpowwowraccoon(raton laveur), saskatoonskunk (mouffette), sockeyeteepeetobogganwapiti et wigwam. Bien sûr, la plupart de ces termes ne sont que peu utilisés dans le langage de tous les jours, et leur nombre est assez restreint si on le compare au vocabulaire très étendu emprunté aux langues européennes. La plus grande contribution des langues autochtones à l’anglais canadien ne se mesure pas en noms communs ou en termes du vocabulaire courant mais bien en noms de lieux, un fait auquel peu de Canadiens réfléchissent aujourd’hui : ainsi, les noms ManitobaMississaugaNiagaraNunavutOntarioOttawaQuébecSaskatchewanTorontoWinnipeg et Yukon, et le mot Canada lui-même, sont tous issus de langues autochtones.

Eh?

En parallèle avec la « montée » typique du Canada pour les voyelles de mots comme mouth, le stéréotype le plus répandu concernant l’anglais canadien est l’interjection eh, tel qu’ajouté à la fin d’une phrase comme pour demande à l’interlocuteur de confirmer s’il ou elle a bien compris ce qui a été dit. Par exemple, un Canadien demandera « The game starts in half an hour, eh? So we have to leave now » (La partie commence dans une demi-heure, eh? Vaut mieux partir tout de suite), ou encore « Put on your jacket, eh? It’s cold outside» (Mets ton manteau, eh? Il fait froid dehors), ou même « Let’s go have some lunch, eh? » (Sortons dîner, eh?). Comme la plupart des stéréotypes, toutefois, celui-ci est exagéré et tend à devenir obsolète; des études récentes suggèrent que, du moins parmi la jeune génération de locuteurs, l’emploi véritable du eh est beaucoup moins fréquent que ne le laisse supposer la popularité du stéréotype (voir Eh).

Orthographe

C’est surtout dans l’orthographe que l’anglais canadien présente un équilibre à mi-chemin entre les standards britannique et américain, témoignant de la conviction tenace chez plusieurs éducateurs canadiens, et chez d’autres autorités en matière de linguistique, selon laquelle l’anglais britannique serait plus correct que l’anglais américain. Ainsi, les Canadiens tendent à utiliser l’orthographe britannique en « -our » dans des mots comme colorlabor et vigor, et l’orthographe en « -re » dans centerfiber et theater. On trouve d’autres exemples de graphies britanniques privilégiées par les Canadiens, tel que cheque au lieu du check américain, grey au lieu de gray ou travelled au lieu de traveled. Il existe toutefois plusieurs incohérences : les Canadiens préfèrent le catalogue britannique au catalog américain mais pas le programme britannique au program américain, tandis que l’usage du defence britannique et du défense américain semble aléatoire. Même l’orthographe en « -our », qui semble être un usage distinctif et systématique, a ses exceptions; la plupart des Canadiens préfèrent par exemple odor et favorite à odour et favourite. De plus, certaines formes d’orthographe britanniques ne sont presque pas en usage au Canada, comme kerb pour curb ou tyre au lieu de tire, et certaines orthographes de mots plus recherchés influencées par d’autres langues comme analysecriticisepaediatrics et fœtus. Le développement des technologies tend à augmenter l’influence de l’orthographe américaine sur l’écriture de l’anglais canadien, puisque cette orthographe se répand à travers l’usage des correcteurs orthographiques américains dans des programmes de traitement de texte comme à travers l’abondance de textes en anglais américain sur Internet, des phénomènes auxquels sont surtout exposés les jeunes Canadiens.

Si certains Canadiens ont de très fortes opinions sur ces questions, recourant souvent à des exemples isolés et arbitraires d’orthographes britanniques pour en faire des preuves de l’indépendance culturelle du Canada face aux États-Unis, la plupart des linguistes s’accordent pour dire que l’une des caractéristiques principales de l’orthographe canadienne est l’absence de principes constants; l’alternance entre les formes américaines et britanniques varie selon le mot, le contexte, la publication, le genre, la région et le groupe social, témoignant ainsi du statut intermédiaire du Canada entre les deux principaux standards de l’anglais international. On peut en outre avancer que le fait de tolérer ces disparités dans l’orthographe reflète de façon plus fidèle la position du Canada moderne que ne le ferait une adhérence stricte aux standards britanniques. Il en résulte cependant que les écrivains, éditeurs et autres professionnels du langage canadiens sont à l’occasion confrontés à des choix complexes ou à des incertitudes dont sont en général épargnés leurs collègues américains ou anglais, ou du moins pas dans la même mesure.

Dictionnaires et guides stylistiques

Établir un standard pour l’orthographe, la prononciation et d’autres aspects de l’usage d’une langue est le travail des linguistes et des lexicographes, qui produisent pour ce faire des dictionnaires et des guides stylistiques. Si nombre de Canadiens consultent encore des ouvrages britanniques ou américains pour régler ces questions, l’anglais canadien possède maintenant ses propres publications sur les questions de langue afin de renforcer son statut en tant que dialecte unique et indépendant. Il existe deux dictionnaires généraux complets produits au Canada en entier : d’abord le Gage Canadian Dictionary puis le Canadian Oxford Dictionary, qui sert aujourd’hui d’outil de référence. En effet, le Gage Canadian a cessé d’être édité, mais il existe aujourd’hui plusieurs autres dictionnaires de poche canadiens, parmi lesquels le Nelson Winston Canadian Paperback Dictionary et le Collins Gem Canadian English Dictionary. Il existe aussi plusieurs guides stylistiques destinés aux professionnels canadiens du langage; les éditeurs canadiens, par exemple, peuvent consulter le Editing Canadian English tandis que les journalistes se servent plutôt du The Canadian Press Stylebook et les fonctionnaires du The Canadian Style, publié par les Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le Guide to Canadian English, de la Oxford University Press, est quant à lui destiné à un public plus large. En 1981, le Strathy Language Unit est créé dans le département d’anglais de l’Université Queen’s afin d’étudier l’usage courant de l’anglais canadien et d’en produire un guide; ses activités de recherche sur l’anglais canadien se poursuivent encore aujourd’hui.

Variations régionales

Exception faite de Terre-Neuve-et-Labrador, tel que mentionné plus haut, l’anglais canadien se distingue par sa relative absence de variations régionales; en effet, une forme d’anglais très semblable est parlée par la majorité de la population habitant le vaste territoire compris entre Victoria et Halifax. Si on le compare aux parlers d’Angleterre et de l’est des États-Unis, l’anglais canadien ne présente que des différences régionales subtiles qui tendent même à diminuer d’est en ouest. Dans les Maritimes, des variantes dialectales traditionnelles demeurent dans certaines enclaves telles que l’île du Cap-Breton, plusieurs régions à l’intérieur des terres de la Nouvelle-Écosse (dont le comté de Pictou) et sur l’Île-du-Prince-Édouard. L’anglais du Québec, pour sa part, se distingue par l’absence d’influence loyaliste et sa proximité avec le français. La vallée de l’Outaouais qui sépare le Québec de l’Ontario présente aussi un dialecte traditionnel distinctif qui se ressent des premières vagues d’immigration d’Irlandais et d’Écossais. Plus à l’Ouest, depuis le sud de l’Ontario jusqu’en Colombie-Britannique, on ne trouve que des différences subtiles, mises à part quelques exceptions comme au sein de certaines communautés religieuses des Prairies. Dans le Nord canadien, on trouve des sortes d’anglais distincts parlées par les différents peuples autochtones et qui témoignent de l’influence de leurs langues traditionnelles; cependant, la majorité de la population non autochtone de la région s’est formée de façon trop récente et présente une trop grande diversité pour avoir pu créer un dialecte régional au sens propre. Même dans l’est du Canada, les enclaves de dialecte traditionnel tendent à rétrécir, puisque la jeune génération se tourne plutôt vers l’anglais canadien standard. L’isolation qui permettait autrefois de maintenir ces enclaves dialectales est presque chose du passé.

Prononciations régionales

Si l’anglais canadien est en général homogène, des indicateurs régionaux importants peuvent être identifiés, même au sein de ce que l’on pourrait désigner comme étant de l’anglais canadien standard, dont la prononciation. Par exemple, la voyelle de mots comme start (qui se prononce comme barfar ou market) est prononcée plus à l’avant de la bouche par les Canadiens de l’Atlantique que par ceux vivant plus à l’Ouest, tandis que la « montée canadienne » cause des prononciations un peu différentes en Ontario et dans l’Ouest. Dans des mots comme doubthouse et mouth,la diphtongue employée par les Ontariens du Sud débute avec un son semblable à la voyelle de bet, tandis que les habitants des Prairies la débutent avec un son plutôt semblable à la voyelle de but . Dans les mots comme bagflag et tag, les Canadiens de l’Ouest tendent à employer une voyelle plus fermée, comme celle de vague, que ceux du centre ou de l’Est; ainsi, bag ressemble un peu à la première syllabe du mot bagelMontréal est le seul endroit à l’intérieur des terres du Canada où la distinction est faite en général entre les voyelles de, par exemple, trap et dress lorsqu’elles sont prononcées avant un [r] intervocalique, comme dans les mots arrow et errorbarrel et berry ou marry et merry. En effet, pour la plupart des Canadiens, la première syllabe de ces paires de mots est prononcée de la même façon dans les deux cas de manière à ce que la première syllabe de arrow soit prononcée air, celle de barrelbare, et celle de marrymare. À Montréal, comme dans l’est des États-Unis et en Angleterre, ces voyelles sont différenciées, ce qui fait que la voyelle du premier mot de chacune de ces paires est prononcée plutôt comme celle de trap que comme celle de dress.

Vocabulaire régional

Les différences régionales les plus marquées concernent toutefois le vocabulaire. L’un des mots qui varie le plus à travers le pays est celui employé pour désigner un chalet, une petite maison de campagne, en général près d’un lac, où les gens vont passer leurs fins de semaine d’été. On utilise le mot cabin dans l’Ouest et le mot cottage dans la majorité des régions de l’Est. Dans le nord-ouest de l’Ontario, il s’agit plutôt d’un camp, comme c’est le cas en général au Nouveau-Brunswick. Au Québec, on parle parfois même en anglais d’un chalet. (À Montréal, en effet, un cottage est une maison de ville à deux étages). Un autre mot typique de l’Ouest canadien est parkade, qui désigne un stationnement à plusieurs étages, que l’on appellerait un parking garage en Ontario. Les gens de l’Ouest appellent aussi runners leurs souliers de course là où les Ontariens parlent de running shoes et les Canadiens de l’Atlantique de sneakers, à l’américaine. Les élèves se préparant à prendre des notes dans les Maritimes sortent leurs scribblers (cahiers de notes) de leurs book bags (sacs d’école), tandis que la plupart des autres Canadiens utilisent des notebooks qu’ils rangent dans des backpacks. Hors des murs de l’école, les enfants de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec s’amusent sur un see-saw (bascule), ce qu’on appelle un teeter-totter ailleurs au Canada. Le terme générique pour une boisson gazeuse non alcoolisée sera un pop, comme aux États-Unis, un peu partout au Canada, exception faite du Québec et parfois du Manitoba où il s’agit plutôt d’un soft drink. Les garnitures pour pizza habituelles sont appelées deluxe dans l’Ouest, deluxe ou everything-on-it en Ontario, all-dressed au Québec et en Saskatchewan, et the works dans les provinces de l’Atlantique; on retrouve des variations régionales semblables en ce qui concerne les garnitures des hamburgers et des hot-dogs.

Il existe des dictionnaires entiers consacrés aux termes et aux expressions locales de plusieurs régions de l’est du Canada, tel que mentionné ci-haut par rapport à Terre-Neuve-et-Labrador, bien que plusieurs de ces termes spécialisés n’aient pas d’équivalent dans d’autres régions. Même dans des régions moins distinctives du Canada, toutefois, il est possible de trouver quelques mots uniques. L’Ontario, par exemple, offre la concession, soit une carte des terres agricoles, mot auquel sont reliés les termes concession line et concession road; les enfants ontariens commencent leur scolarité au junior kindergaten, qui est nommé de façon différente dans d’autres régions (preschool ou pre-K, par exemple). Dans les Prairies, un dugout est un réservoir excavé servant à recueillir la pluie ou le ruissellement printanier sur une ferme, et un bluff est un bosquet d’arbres, non une colline. En Saskatchewan, un pull muni d’un capuchon est appelé un bunnyhug, tandis que d’autres Canadiens préfèrent le terme hoodie. À Calgary, les passerelles piétonnières fermées reliant les deuxièmes étages de bâtiments adjacents au-dessus d’une rue sont nommées des plus-15s, tandis qu’ils sont appelés pedways à Edmonton et skywalks à Winnipeg; à Montréal, les piétons peuvent échapper à l’hiver canadien dans la underground city (ville souterraine).

L’anglais au Québec

En partie à cause de sa proximité avec le français, l’anglais du Québec est la variante d’anglais canadien la plus distincte sur le plan du vocabulaire courant. Plusieurs de ses spécificités lexicales sont des emprunts au français qu’on ne retrouve pas dans d’autres régions. Par exemple, les anglophones du Québec font référence à un petit marché de quartier comme étant un dépanneur (ou dep), parleront comme en français d’un stage (qui rime avec massage), appelleront terrasse la partie extérieure d’un restaurant et gastro une indigestion. D’autres mots d’anglais « québécois » existent dans d’autres formes d’anglais mais revêtent une signification particulière, influencée par le français, au Québec. Le verbe pass, par exemple, est souvent utilisé dans son sens français, ce qui fait que la question « When does your bus pass? » (Quand ton bus passe-t-il?) posée par un Montréalais serait formulée « When is it coming? » par un autre Canadien. Les écoliers à Montréal peuvent recevoir une note de « 7 on 10 » lors d’un examen, ce qui est un calque du français « 7 sur 10 », plutôt que « 7 out of 10 » que l’on retrouve ailleurs au Canada. Là où les Torontois chercheraient un loft ou un one-bedroom apartment près d’une subway station, les Montréalais chercheront un two- ou un three-and-a-half près d’une metro station; cette dernière représente une traduction directe de la nomenclature française pour décrire les appartements, où la salle de bains compte pour la moitié d’une pièce. Les Canadiens de l’Atlantique paient au checkout et les Ontariens, comme les Canadiens de l’Ouest, transigent avec le cashier, mais les Anglo-Québécois paient au cash, un calque direct de « la caisse », en français. (Voir aussi Anglo-Québécois.)

Variations sociales

Une autre conséquence du statut minoritaire de l’anglais à Montréal est que l’on retrouve chez ses locuteurs des variations ethniques beaucoup plus grandes que dans les villes où l’anglais est la langue dominante. Dans la plupart des grandes villes, même celles où l’on retrouve d’importantes communautés ethniques, les différences ethnolinguistiques tendent en effet à disparaître après une génération, à mesure que les enfants d’immigrants assimilent les particularités du parler local. À Montréal, en revanche, la prédominance du français isole les communautés ethniques du pouvoir d’assimilation de l’anglais canadien standard; les variations ethniques se retrouvent donc même chez les locuteurs de la génération née au Canada. C’est le cas entre autres des variations phonétiques associées aux gens d’ascendance anglaiseitalienne et  juive, soit trois des principales composantes ethniques de la communauté anglophone de Montréal. Dans d’autres villes canadiennes, les différences ethnolinguistiques tendent plutôt à distinguer l’anglais parlé par les Autochtones de celui parlé par les non-Autochtones.

La variation à travers les différents groupes ethniques n’est qu’une des nombreuses manières dont l’anglais canadien peut varier selon l’appartenance à des classes sociales différentes. Ce type de variation est étudié par les sociolinguistes qui examinent le lien entre langue et société, et de façon plus spécifique les liens de corrélation entre les variables linguistiques et les attributs sociaux tels que l’âge, le sexe et la classe sociale, le style de discours et le contexte d’expression. Des sondages de sociolinguistique urbains menés à Vancouver (par R. J. Gregg), à Toronto (par J. K. Chambers et S. Tagliamonte), à Ottawa (par H. B. Woods), à Montréal (par C. Boberg) et à St. John’s (par S. Clarke), se basant sur des études déjà menées dans des villes anglaises et américaines, sont parvenus aux mêmes types de conclusions pour ce qui est du Canada : les jeunes et les femmes tendent à être les pionniers de changements linguistiques tandis que les aînés et les hommes se contentent en général de suivre; les gens issus de la classe moyenne et les femmes préfèrent utiliser une variété de langage plus standard, tandis que ceux issus de la classe ouvrière et les hommes tendent à privilégier une langue plus non standardisée. Tous les locuteurs font preuve de variations stylistiques selon le contexte, avec certaines variantes comme talkingbest friend ou Toronto apparaissant plus souvent dans des situations plus formelles et devenant plutôt « talkin’ », « bessfrien » ou « Tronno » dans des contextes familiers. Ces motifs sociolinguistiques s’appliquent autant à l’anglais canadien qu’à d’autres dialectes et d’autres langues; il s’agit d’un moyen pour les individus ou les groupes d’afficher leur identité sociale et les relations qui les lient les uns aux autres.