Le premier roman de Lucy Maud Montgomery, Anne of Green Gables (1908; trad. Anne, la maison aux pignons verts, 1986), est devenu un bestseller instantané et il est d’ailleurs resté en impression pendant plus d’un siècle. C’est ainsi que le personnage d’Anne Shirley est devenu une figure emblématique de la culture canadienne. L’ouvrage s’est vendu à environ 50 millions d’exemplaires et a été traduit en plus de 36 langues, dont le braille. De plus, il a été adapté plus de deux douzaines de fois sous toutes sortes de formes. Une comédie musicale d’abord produite en 1965 au Festival de Charlottetown détient le record du monde de la production musicale annuelle ayant été le plus longtemps à l’affiche. Pour sa part, la minisérie mettant en vedette Megan Follows, produite par la CBC en 1985 et lauréate de plusieurs prix, est l’émission de télévision la plus regardée de l’histoire du Canada. Chaque année, des milliers de touristes se rendent à l’Île-du-Prince-Édouard pour visiter les « lieux sacrés » associés au roman. La vente de produits dérivés d’Anne, comme les cadeaux-souvenirs et les poupées, est devenue une importante industrie artisanale de la région.
Contexte
Dans les années 1890, Lucy Maud Montgomery enseigne dans différentes écoles de village à l’Île-du-Prince-Édouard, mais elle gagne rapidement suffisamment bien sa vie grâce à son écriture. De 1898 à 1911, elle vit avec sa grand-mère à Cavendish et écrit des récits et des poèmes, qu’elle publie. En 1905, elle termine la rédaction d’Anne of Green Gables (1908; trad. Anne... La maison aux pignons verts, 1986), son premier roman. Elle s’inspire de classiques de la littérature pour enfants comme (trad. Les quatre filles du docteur March) et Alice in Wonderland (trad. Alice au pays des merveilles), ainsi que d’un fait divers lu dans le journal selon lequel un couple anglais qui s’était arrangé pour adopter un garçon avait plutôt reçu une fille. Son manuscrit est rejeté par tous les éditeurs auxquels elle l’envoie, alors elle le range dans une boîte à chapeaux jusqu’en 1907. Elle réessaie alors et l’éditeur de Boston L.C. Page accepte de publier l’histoire.
Cet épisode de The Secret Life of Canada se penche sur la vie de Lucy Maud Montgomery, créatrice bien connue de personnages comme Anne Shirley et Émilie de la Nouvelle Lune. Par contre, on en connaît beaucoup moins sur l’histoire même de l’autrice, qui a connu de nombreuses difficultés dans sa vie, particulièrement en matière de santé mentale.
Remarque: The Secret Life of Canada est animé et écrit par Falen Johnson et Leah Simone Bowen. Il s’agit d’un balado original offert en anglais seulement et produit par la CBC. Il n’est pas lié à L’Encyclopédie canadienne.
Résumé de l’histoire
Premier d’une série de huit romans, Anne... La maison aux pignons verts suit les aventures et mésaventures d’Anne Shirley, une orpheline précoce, intelligente et passionnée. À 11 ans, un orphelinat l’envoie chez Matthew et Marilla Cuthbert, un frère et une sœur qui s’attendent à recevoir un garçon qui est censé travailler sur leur ferme de Green Gables, dans la région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard. Anne passe de l’enfance à l’adolescence et trouve de quoi alimenter son imagination débordante à Green Gables, où elle gagne le cœur de Matthew et de Marilla, et à Avonlea, où elle s’attire l’affection des habitants.
Réception et popularité
Le roman se vend à plus de 19 000 exemplaires dans les cinq mois qui suivent sa publication, en juin 1908. Dix réimpressions ont lieu la première année. Le roman est largement acclamé par la critique, notamment par le poète canadien Bliss Carman et l’auteur américain Mark Twain, qui décrit Anne comme « l’enfant la plus charmante, touchante et attachante depuis l’immortelle Alice ». À la fin de la Première Guerre mondiale, Lucy Maud Montgomery est devenue un nom bien connu dans le monde anglophone.
Anne... La maison aux pignons verts a un attrait universel, comme en témoigne sa popularité dans d’autres cultures. En 1925, le roman a déjà été traduit en suédois, en hollandais, en polonais, en norvégien, en finlandais et en français. Les deux premières traductions françaises (1925 et 1964) sont publiées en Europe. C’est cependant la troisième, une traduction canadienne intitulée Anne... La maison aux pignons verts et publiée en 1986, qui résiste au passage du temps. La version anglaise est réimprimée tellement de fois que les plaques d’impression originales doivent être remplacées.
À l’extérieur du Canada, l’œuvre connaît un succès particulièrement marqué dans deux pays: la Pologne et le Japon. En Pologne, il est réédité sept fois entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale en plus d’être nommé quatrième roman le plus populaire en 1932 par un sondage du magazine Ruch Pedagogiczny (le troisième roman de la série, Anne of the Island [trad. Anne quitte son île], est même publié par l’armée polonaise en Palestine pendant la Deuxième Guerre mondiale). Au Japon, il trouve un écho chez l’importante population orpheline d’après-guerre et fait obligatoirement partie, à partir de 1952, du programme officiel des écoles publiques.
Anne... La maison aux pignons verts demeure en impression pendant plus d’un siècle et sa popularité ne faiblit pas. Mary Rubio, spécialiste de Lucy Maud Montgomery, décrit le roman comme « la plus durable des exportations littéraires canadiennes ». En 2003, un sondage de la BBC intitulé The Big Read le classeau 41erang des romans préférés des Britanniques, avant The Great Gatsby (trad. Gatsby le magnifique) de Scott Fitzgerald, Animal Farm (trad. La ferme des animaux) de George Orwell et A Christmas Carol (trad. Un chant de Noël) de Charles Dickens. En 2012, le roman décroche la 9eposition des meilleurs livres pour enfants selon le School Library Journal américain, tandis qu’un sondage mené auprès de lecteurs par CBC Books en 2014 nomme Anne Shirley le personnage fictif le plus emblématique du Canada.
Série de Anne… la maison aux pignons verts
Le deuxième roman de la série d’Anne, Anne of Avonlea (1909; trad. Anne d’Avonlea, 1988), suit la protagoniste à 16 ans lorsqu’elle obtient son premier poste d’enseignante à l’école d’Avonlea, une école à classe unique. Elle met alors de côté son rêve d’aller à l’université pour aider Marilla à Green Gables et se jure d’être une institutrice douce et progressiste pour ses élèves. Toutefois, ses idéaux sont rapidement ébranlés. Marilla, quant à elle, doit adopter les jumeaux orphelins d’un parent éloigné, ce qui plonge la ferme dans le chaos et les mésaventures. Malgré tout ce qui lui arrive, Anne trouve le temps de se mêler de la vie romantique des villageois d’Avonlea, et commence à voir Gilbert Blythe sous un nouveau jour.
Anne of the Island (1915; trad. Anne quitte son île, 1988), troisième roman de la série, suit Anne à Kingsport, en Nouvelle-Écosse , où elle fait des études de premier cycle à l’Université de Redmond. Elle y est courtisée par Roy Gardner, qui semble au premier abord correspondre à son idéal d’un homme sombre et taciturne, mais elle peine en même temps à comprendre ses sentiments pour Gilbert Blythe. En Nouvelle-Écosse, Anne se rend au village fictif de Bolingbroke. Elle visite la maison où elle est née, et où ses parents, Walter et Bertha Shirley, sont morts d’une fièvre quand elle avait trois mois.
Anne of Windy Poplars (1936; trad. Anne au Domaine des peupliers, 1989), est chronologiquement le quatrième livre de la série, mais le septième à être publié. Écrit pour combler l’écart entre le troisième livre et la suite, il comprend principalement des lettres entre Anne et son futur mari, Gilbert Blythe, alors étudiant en médecine à l’Université de Redmond. L’histoire ne se déroule plus principalement dans le village fictif d’Avonlea, mais à Summerside, où Anne est directrice de l’école secondaire. Dans ce village, elle rencontre de tout nouveaux personnages, dont les Pringle, « la famille royale » du village, qui cherchent à lui faire perdre son poste. Elle y fait aussi la connaissance de la directrice adjointe Katherine Brooke, qui mène une vie sans joie jusqu’à ce qu’Anne gagne le cœur de tout le monde grâce à sa chaleur et à son optimisme.
Anne’s House of Dreams (1917; trad. Anne dans sa maison de rêve, 1989) commence par le mariage d’Anne Shirley et de Gilbert Blythe, qui est devenu médecin. Ce nouveau chapitre dans la vie d’Anne lui fait quitter Green Gables et Avonlea pour les berges lointaines du port de Four Winds. Anne y trouve de nouvelles « âmes sœurs », comme elle les appelle: le capitaine Jim, miss Cornelia Bryant et Leslie Moore. La vie de cette dernière n’est qu’une suite de tragédies jusqu’à ce que son amitié avec Anne et Gilbert change tout. Dans ce roman, Anne en est à une nouvelle étape de sa vie, celle de la maternité, avec tous les triomphes et les tragédies qui s’y rattachent.
Le sixième volume de la série, Anne of Ingleside (1939; trad. Anne d’Ingleside, 1990), se déroule plusieurs années après le cinquième. Tout comme Anne au Domaine des peupliers, Anne d’Ingleside comble les écarts entre d’autres romans de la série. L’héroïne est maintenant mère de cinq enfants et enceinte d’un sixième. Malgré ses responsabilités grandissantes, elle demeure inébranlable: elle s’investit dans la vie amoureuse de ses proches, elle élève des enfants brillants et imaginatifs, et rend visite à ses vieux amis à Avonlea. Bien qu’il s’agisse du sixième volume de la série d’un point de vue chronologique, Anne d’Ingleside est le huitième livre à être publié. Il s’agit d’ailleurs du tout dernier ouvrage publié du vivant de Lucy Maud Montgomery.
Rainbow Valley (1919; trad. La vallée Arc-en-ciel, 1991) est le septième volume de la série. Il s’agit du premier roman dont l’intrigue vise principalement les enfants d’Anne, qui possèdent la même fougue que l’héroïne avait à leur âge. Ils se lient d’amitié avec les enfants de la famille Meredith, dont le père est le pasteur d’Ingleside, ils vivent diverses aventures et font toutes sortes de bêtises. Le récit se termine sur une allusion à ce qui suivra dans la série, au moment où les vents de la guerre commencent à souffler sur l’Europe.
Le dernier roman de la série,Rilla of Ingleside(1921, trad. Anne... Rilla d’Ingleside, 1992) se concentre sur la plus jeune fille d’Anne et Gilbert, Rilla, qui atteint l’âge adulte pendant la Première Guerre mondiale. Avec Aleta Dey (1919) de Francis Marion Beynon, Rilla d’Ingleside est l’un des seuls romans canadiens écrits du point de vue d’une femme durant la Première Guerre mondiale. Par conséquent, il est aussi l’un des seuls à mettre en lumière l’effort de guerre et le travail des femmes de l’époque (voir aussi La Première Guerre mondiale dans la littérature canadienne). Pendant que ses frères se battent en Europe, Rilla élève un orphelin de guerre et travaille avec ses sœurs pour la Croix-Rouge. La famille, tout comme le reste du pays, attend impatiemment des nouvelles du front. Anne remarque à quel point la guerre force les enfants à grandir trop rapidement.
The Blythes are Quoted est le dernier livre à mettre en scène le personnage d’Anne. Écrit à la toute fin de la vie de Lucy Maud Montgomery, en 1942, il est livré à ses éditeurs le matin même de sa mort. L’œuvre est un recueil de nouvelles, de poèmes attribués à Anne et à son fils Walter, et de portraits de personnages qui discutent de ces poèmes. D’ailleurs, la plupart des histoires n’incluent qu’Anne et sa famille, ce qui selon certains, est une stratégie pour attirer les fans de la série d’Anne. Une première version abrégée est publiée en 1974 sous le titre The Road to Yesterday. En 1999, le manuscrit complet de cette œuvre est découvert et paraît finalement dix ans plus tard, en 2009, sous le titre The Blythes are Quoted.
Hormis dans cette série, Anne et sa famille se trouvent aussi dans les collections de nouvelles Chronicles of Avonlea (1912; Chroniques d’Avonlea I, 1991) et Further Chronicles of Avonlea (1920; Chroniques d’Avonlea II, 1991).
Adaptations
Anne... La maison aux pignons verts est adapté plus de deux douzaines de fois, dont deux fois sous forme de films hollywoodiens (un film muet en 1919 et un film parlant en 1934) et deux fois comme miniséries par la BBC (en 1952 et en 1972). Don Harron, Norman Campbell et Phil Nimmons en font aussi une comédie musicale en 1956 pour la télévision de la CBC, une production reprise en 1958. En 1965, Don Harron, Norman Campbell et Mavor Moore transforment leur version télévisuelle en véritable comédie musicale de pleine durée pour le Festival de Charlottetown. Anne of Green Gables: TheMusicalTM est présentée pour la première fois le 27 juillet 1965 au Centre des arts de la Confédération de Charlottetown. Depuis, des représentations se tiennent tous les ans, ce qui lui permet de décrocher le record Guinness de la production musicale annuelle ayant été le plus longtemps à l’affiche au monde.
Cependant, l’adaptation la plus connue d’Anne... La maison aux pignons verts est la minisérie de 1985 réalisée par Kevin Sullivan et mettant en vedette Megan Follows, Colleen Dewhurst, Richard Farnsworth et Jonathan Crombie. Cette production télévisuelle de la CBC remporte neuf prix Gemini, un prix Emmy et un prix Peabody. Lors de sa première diffusion, elle devient la série dramatique la plus populaire de l’histoire canadienne. La première et la deuxième partie attirent respectivement 4,9 millions et 5,2 millions de téléspectateurs. Si on exclut les matchs de hockey, il s’agit de records dans l’histoire de la CBC. Suivant ce succès retentissant, trois suites sont créées, toutes réalisées par Kevin Sullivan: Anne of Green Gables: The Sequel (1986; Anne… La maison aux pignons verts: La Suite) et Anne of Green Gables: The Continuing Story (2000; Anne… La maison aux pignons verts: Les années de tourmentes), produites par la CBC avec la même distribution, et Anne of Green Gables: A New Beginning (2008; Anne… La maison aux pignons verts: Un nouveau départ), une production de la CTV mettant en vedette Barbara Hershey, qui incarne une Anne qui est alors d’âge mûr. (Les deux dernières adaptations de Kevin Sullivan s’éloignent complètement des intrigues des livres d’Anne, et n’empruntent à Lucy Maud Montgomery que ses personnages.)
Kevin Sullivan produit également une adaptation animée pour PBS, un télédiffuseur public américain, en 2000. Deux populaires dessins animés sont également créés au Japon, en 1979 et en 2010. PBS produit également trois téléfilms mettant en vedette Martin Sheen dans le rôle de Matthew Cuthbert: Anne of Green Gables (2016), Fire & Dew (2017) et The Good Stars (2017). En 2016, l’actrice Rachel McAdams assure la narration d’Anne of Green Gables pour le compte d’audible.com.
En 2017, la CBC lance Anne with an E (Anne avec un E), une série acclamée par la critique qui constitue une version un peu plus sombre du récit de Lucy Maud Montgomery. Elle met en vedette Amybeth McNulty, Geraldine James et R. H. Thomson, et est disponible à l’échelle internationale sur Netflix. Grâce à sa chanson thème de The Tragically Hip (Ahead by a Century) et l’ajout d’éléments de l’histoire touchant les communautés LGBTQ, noire et autochtone, la série élargit l’univers d’Avonlea et attire ainsi une nouvelle génération de téléspectateurs. Moira Walley-Beckett, créatrice de l’émission et lauréate de trois prix Emmy, confie à ce propos: « Le fait que le monde d’Avonlea créé par Lucy Maud Montgomery soit aussi blanc m’a toujours dérangée parce que ça ne reflète pas correctement la diversité du Canada d’hier et d’aujourd’hui. » Lors d’une entrevue en septembre 2019, elle explique que son plan, dès le début, était de « trouver une manière authentique et légitime de représenter la diversité nationale. »
Bien que la série divise les adeptes du roman original, elle est acclamée par la critique et remporte huit prix Écrans canadiens, dont celui de la meilleure série dramatique en 2018 et en 2019. En novembre 2019, on annonce que la série, diffusée durant trois saisons, sera annulée. Les fans réclament alors à Netflix une nouvelle saison en employant le mot-clic #RenewAnneWithAnE (#RenouvelezAnneAvecUnE) sur les réseaux sociaux.
Licences et litiges
Conformément au contrat que Lucy Maud Montgomery signe avec son éditeur, L.C. Page, elle doit produire deux suites à Anne of Green Gables (1908; trad. Anne... La maison aux pignons verts, 1986): Anne of Avonlea (1909; trad. Anne d’Avonlea, 1988) et Anne of the Island (1915; trad. Anne quitte son île, 1988). L’autrice tire peu de profit des ventes de ses premiers romans, en particulier de Anne…. La maison aux pignons verts. Les redevances qui lui sont assignées dans son premier contrat avec L.C. Page sont minimes, et les profits liés aux droits de réimpression et d’exploitation sous licence, y compris ceux des adaptations cinématographiques de 1919 et de 1934, reviennent en grande partie à l’éditeur.
En 1920, même si Lucy Maud Montgomery n’a pas renouvelé son contrat, L.C.Page publie un recueil de nouvelles qu’il avait en sa possession, Further Chronicles of Avonlea (1920; Chroniques d’Avonlea II, 1991). Une poursuite est alors intentée, ce qui met plus ou moins fin à sa relation professionnelle avec l’autrice. Il détient à ce moment-là les droits de ses six premiers livres (dont Anne of Green Gables). En 1917, Lucy Maud Montgomery se tourne vers la maison d’édition canadienne McClelland & Stewart et la maison d’édition américaine Frederick Stokes. La décennie suivante est marquée par une suite de poursuites et de contre-poursuites acharnées entre L.C. Page et l’écrivaine au sujet des droits et des redevances.
Dans les décennies qui suivent la mort de l’autrice, une industrie prospère basée sur la figure d’Anne se développe: les séries télévisées, les productions théâtrales et les produits (cadeaux-souvenirs, poupées, etc.) se multiplient, et la popularité des livres de Lucy Maud Montgomery est constante. Tous les droits de licence entourant Anne... La maison aux pignons verts sont aujourd’hui détenus conjointement par les héritiers de l’autrice et la province de l’Île-du-Prince-Édouard par l’intermédiaire de la Anne of Green Gables Licensing Authority Inc. Kate Macdonald Butler, petite-fille de l’écrivaine, agit à titre d’administratrice principale des droits de licence, de diffusion et de commercialisation d’Anne... La maison aux pignons verts. La franchise, très lucrative, fait l’objet de nombreux litiges au fil des ans.
En 1999, Kate Macdonald Butler et la bru de Lucy Maud Montgomery, Ruth Macdonald, annoncent publiquement qu’elles sont engagées depuis une dizaine d’années dans une bataille juridique contre le producteur et réalisateur Kevin Sullivan au sujet des redevances de la minisérie Anne... La maison aux pignons vertset de sa suite. Bien que la famille ait reçu 425 000$ pour les droits exclusifs de production de la minisérie et 100 000$ pour la suite de l’émission en 1986, elle n’a pas reçu 10% des profits, et n’a pas obtenu l’autorisation d’auditer les livres de la société de production Sullivan Entertainment, malgré plus de 40 tentatives.
Kevin Sullivan, pour sa part, répond que son entreprise n’a réalisé aucun profit de ces miniséries. Au début des années 1990, il poursuit d’ailleurs plusieurs stations de PBS aux États-Unis pour frais de diffusion impayés. Face à la condamnation publique des héritiers, il intente à leur endroit une poursuite en diffamation de 55 millions de dollars. En 2004, cette poursuite est toutefois rejetée par la Cour supérieure de l’Ontario en 2004. Dans son jugement, la juge décrit la tenue de livres de Sullivan Entertainment comme de la « comptabilité créative à son meilleur et à son pire, selon le point de vue adopté ».
En 2000, après une bataille juridique de cinq ans, la Cour supérieure de l’Ontario juge qu’une entreprise de Richmond Hill, en Ontario, a enfreint l’entente de licence conclue avec la succession de Lucy Maud Montgomery relativement à la production de marchandises liées à Anne... La maison aux pignons verts. On ordonne donc à l’entreprise de cesser la production et de payer à la succession et à la province de l’Île-du-Prince-Édouard plus d’un million de dollars en redevances et en dommages-intérêts.
Honneurs et hommages
Lucy Maud Montgomery et ses personnages connaissent une popularité jusqu’alors sans précédent dans le monde de la fiction canadienne. Après la mort de l’autrice, cette popularité continue de grandir. Le personnage d’Anne Shirley devient tellement emblématique d’une jeunesse bonne et indépendante qu’après avoir incarné le personnage-titre dans l’adaptation hollywoodienne de 1934, l’enfant vedette Dawn Evelyeen Paris change son nom de scène de Dawn O’Day à Anne Shirley. L’actrice connaît une carrière réussie sous ce nouveau nom, elle reçoit une nomination aux Oscars en 1938, et une étoile sur le Hollywood Walk of Fame en 1960.
De nombreuses institutions et organisations partout dans le monde doivent leur nom à Anne Shirley ou à Green Gables, dont la School of Green Gables, une école de soins infirmiers à Okayama, au Japon. Il en va de même pour une foule de salons de thé et de maisons de bord de mer aux quatre coins du monde. Postes Canada émet des timbres en l’honneur de Lucy Maud Montgomery et d’Anne... La maison aux pignons verts en 1975, puis de nouveau en 2008 pour marquer le centième anniversaire du roman. En 2016, la Banque du Canada inclut l’écrivaine sur la liste des douze candidates susceptibles de devenir la première femme canadienne à figurer seule sur un billet de banque canadien (voir Les femmes sur les billets de banquecanadiens).
Sites et monuments patrimoniaux
Lucy Maud Montgomery a toujours tenu à maintenir une séparation claire entre ses romans et sa vie, mais de nombreux sites touristiques et patrimoniaux associés à l’autrice et à son œuvre les ont rendus indissociables. Chaque année, des milliers de touristes se rendent à l’Île-du-Prince-Édouard pour visiter les « lieux sacrés » de l’écriture de l’œuvre et de son paysage imaginé. Le site de Green Gables, qui entoure la maison de l’autrice à Cavendish (Île-du-Prince-Édouard), ouvre ses portes en 1985. En 2004, le gouvernement fédéral le nomme lieu historique national.
En 1983, la Ville de Toronto nomme un parc situé près de la demeure torontoise de Lucy Maud Montgomery en son honneur. En 2017, la Heritage Foundation de Halton Hills rachète le presbytère de Norval (Ontario), où l’écrivaine a habité avec sa famille de 1926 à 1935. La fondation envisage de le transformer en musée.
Figure féministe
Au début des années 1970, des féministes de la deuxième vague, dont Margaret Atwood, commencent à célébrer le travail de Lucy Maud Montgomery. Selon elles, son œuvre dépasse largement le cadre de la littérature jeunesse. L’écrivaine, et plus particulièrement Anne Shirley, en viennent à être perçues comme des héroïnes féministes en avance sur leur époque, des figures d’un mouvement qui n’a pas encore de nom. En 2009, Jean Hannah Edelstein écrit dans The Guardian: « Ce n’est jamais indiqué expressément, mais Anne est décidément féministe, et être féministe au début du 20esiècle n’est pas chose facile. » Moira Walley-Beckett, productrice exécutive d’Anne with an E (Anne avec un E), l’adaptation de 2017, déclare à la CBC que « les enjeux qui touchent Anne sont des enjeux contemporains: le féminisme, les préjugés, l’intimidation et le désir d’appartenance ». En 2016, le magazine Slate nomme Anne Shirley « la sainte patronne des femmes marginalisées ».
Legs artistique et critique
Lucy Maud Montgomery souffre d’une grande anxiété artistique au début de sa carrière, puis tout au long de sa vie. Elle sent que son œuvre est perçue comme moins moderne et littéraire que celle de plusieurs de ses contemporains, une inquiétude qui n’est pas calmée par son immense succès international. Anne... La maison aux pignons verts ne cesse pourtant pas d’attirer l’attention des critiques et des universitaires. En 1985, la publication du premier journal intime de Lucy Maud Montgomery (révisé par Mary Rubio et Elizabeth Waterson) dévoile l’esprit mature, complexe et parfois troublé de l’autrice. Ces écrits permettent aussi d’interpréter son œuvre avec beaucoup plus de profondeur et d’analyser ses personnages de façon plus complexe.
En 1993, l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard fonde l’Institut L.M. Montgomery. Tous les deux ans, celui-ci accueille la International L.M. Montgomery Conference. L’événement attire des centaines d’universitaires et de fans des quatre coins du monde. Au fil des ans, il a donné lieu à la publication de nombreux essais, dissertations et recueils analysant le travail de Lucy Maud Montgomery. Les journaux manuscrits, les cahiers de notes et les manuscrits originaux de celle-ci, ainsi que des photos et divers objets personnels, sont conservés au L.M. Montgomery Research Centre de l’Université de Guelph.