Arcade Fire est un groupe de musique rock indie éclectique aux accents baroques et pop. Originaire de Montréal, il est surtout connu pour son grand nombre de musiciens, son instrumentation presque orchestrale, ses paroles portant sur des thèmes sérieux, sa sonorité hymnique mais iconoclaste et ses montées dramatiques aboutissant à des moments cathartiques. L’album qui lui permet de percer, Funeral (2004), est considéré par plusieurs comme l’un des meilleurs albums rock du 21e siècle. Son troisième album, The Suburbs (2010), remporte un prix Juno, un Grammy ainsi que le prix de musique Polaris. Ses prestations théâtrales et exubérantes rendent populaires les tournées d’Arcade Fire et contribuent à la renommée mondiale du groupe. Celui-ci reçoit des nominations pour neuf Grammy et pour plus de deux douzaines de prix Juno. Il remporte notamment deux fois le prix du compositeur de l’année et trois fois les prix de l’album alternatif de l’année et de l’album de l’année.
Premières années
Edwin (Win) Farnham Butler III (chant et guitare) est le petit-fils d’Alvino Rey, chef d’orchestre de l’époque swing et pionnier de la guitare électrique à pédale. Il est élevé suivant les préceptes de la religion mormone dans la banlieue de Houston, au Texas, par son père géologue et sa mère, musicienne classique. Arrivé à Montréal en 2000, il obtient un diplôme en sciences religieuses à l’Université McGill, puis fonde Arcade Fire en 2001, avec son ami d’internat Josh Deu (guitare, chant). Le nom du groupe vient d’une histoire que Butler a entendue dans son enfance selon laquelle un incendie aurait détruit une salle d’arcade et tué tous les enfants qui s’y trouvaient.
Régine Chassagne (chant, instruments variés) est une Francophone née de parents immigrants haïtiens et une diplômée en communication. Alors qu’elle étudie le chant jazz à l’Université McGill, elle joue dans un ensemble de musique médiévale. C’est lors d’une prestation dans une galerie d’art qu’elle rencontre Edwin Butler, son futur petit ami. Elle devient peu de temps après le troisième membre du groupe. Ils sont rejoints par le frère de Win, Will (instruments variés), Myles Broscoe (basse, guitare), Gregus Davenport (cor), Tim Kyle (instruments variés), Dane Mills (guitare, batterie), Richard Reed Parry (instruments variés), Brendan Reed (batterie, percussions, chant) et Liza Rey (harpe).
Arcade Fire EP (2002)
Le super 45 tours (EP) éponyme que le groupe sort en indépendant regroupe sept pistes. Il est enregistré à la ferme de la famille Butler, dans le Maine, durant l’été 2002, puis est diffusé en ligne et interprété lors d’une série de concerts l’année suivante.
Cet EP dévoile déjà un peu la suite des événements : Win Butler et Chassagne au chant, des paroles qui s’inspirent du malaise des banlieues et de l’angoisse post-adolescente, et un son éclectique qui incorpore des cors, des claviers, des banjos et un ensemble unique de percussions en plus de la guitare, la basse et la batterie. Cet EP inclut également « No Cars Go », qui fut plus tard réenregistré pour le deuxième album d’Arcade Fire, Neon Bible (2007).
Deu quitte Arcade Fire en 2003 pour travailler en cinéma et en arts visuels, mais continue de s’impliquer dans le groupe. Il conçoit les produits promotionnels du groupe, produit quelques-unes de ses vidéos musicales et monte à l’occasion sur scène. Des tensions entre d’autres membres du groupe se traduisent par un renouvellement du personnel. Le groupe se constitue alors autour du noyau formé par les deux Butler, Chassagne (qui épouse Win en 2003), Parry, Tim Kingsbury (basse, guitare, clavier) et Howard Bilerman (batterie, guitare). Le groupe est alors prêt à effectuer sa percée.
Funeral (2004)
Le grand-père des frères Butler, la grand-mère de Chassagne et la tante de Parry meurent à quelques mois d’intervalle entre fin 2003 et début 2004 et ces décès inspirent le titre du premier véritable album du groupe. Le groupe enregistre et produit en grande partie cet album dans le studio Hotel2Tango de Montréal, où Bilerman est ingénieur. Arcade Fire signe un contrat avec l’étiquette américaine indépendante Merge Records (qui restera l’étiquette du groupe) pour la production de Funeral, qui recueille l’enthousiasme général de la critique à sa sortie, en septembre 2004.
Funeral, dont le succès est surtout dû au bouche-à-oreille, n’a pas d’impact commercial immédiat : l’album n’atteint que la 123e place au classement Billboard 200 américain. Après une progression lente mais régulière, il obtient finalement la certification platine au Canada en novembre 2005 grâce à plus de 100 000 exemplaires vendus. C’est en octobre 2011 qu’il est certifié or aux États-Unis, après la vente de plus de 500 000 exemplaires.
Funeral – dont les thèmes embrassent, selon Rolling Stone, la perte, l’amour, la maturité forcée et l’espoir fragile de la nouvelle génération – s’appuie sur un son grandiose qui incorpore des éléments de l’art rock, du pop de chambre, de la chorale, de la chanson québécoise et du post-punk. L’album est comparé aux œuvres de David Bowie, des Talking Heads, de Roxy Music et de British Sea Power. En fait, Bowie et David Byrne deviennent des admirateurs déclarés et se joignent même au groupe lors de certains spectacles. Funeral est nommé album alternatif de l’année aux Junos de 2005 et meilleur album alternatif aux Grammys. L’album regroupe cinq simples – « Neighborhood #1 (Tunnels) », « Neighborhood #2 (Laika) », « Neighborhood #3 (Power Out) », « Rebellion (Lies) » et « Wake Up » – et vaut à Arcade Fire le Juno du compositeur de l’année en 2006 et deux nominations pour la vidéo de l’année.
Arcade Fire contribue à la popularité de Funeral en organisant de nombreux concerts dans toute l’Amérique du Nord et à l’étranger. Ils assurent la première partie de plusieurs spectacles de U2, qui place « Wake Up » en intro de chacun de leurs concerts durant leur tournée Vertigo (Bono dira plus tard que la musique d’Arcade Fire, qui « touchait à tous les thèmes et à toutes les idées, rendait tout le reste assez insipide » [trad. libre]). Les prestations sur scène des musiciens d’Arcade Fire durant leur tournée deviennent vite légendaires. Rivalisant d’audace, ils échangent leurs instruments, se servent du matériel de scène et d’eux-mêmes comme instruments de percussion et vont même jusqu’à défiler parmi les spectateurs et à sortir de la salle tout en jouant.
Le groupe fait une pause dans ses tournées en avril 2005 et enregistre le simple « Cold Wind », qui sera utilisé par la chaîne de télévision HBO pour sa série Six Feet Under et vaudra au groupe une nomination aux Grammys de 2006. À la fin des années 2000, Funeral est cité comme l’un des meilleurs albums de la décennie par, entre autres, NME, Rolling Stone, Mojo et Spin et il apparaît aussi sur un plus grand nombre de listes des « top 10 de la décennie » que n’importe quel autre album, à l’exception de Kid A de Radiohead (2000).
Neon Bible (2007)
Arcade Fire achète une vieille église à Farnham, au Québec, qui sera convertie en studio pour enregistrer la plus grande partie de l’album Neon Bible dont ils assurent eux-mêmes la production en 2007. C’est le premier album sur lequel apparaît le batteur Jeremy Gara (qui remplace Bilerman) et la violoniste Sarah Neufeld, tous les deux à plein temps. Conçu à l’origine comme un album plus épuré que Funeral, il se caractérise par des arrangements denses (trois d’entre eux fournis par Owen Pallett, un fréquent collaborateur) et l’utilisation d’instruments aussi éclectiques que la vielle à roue, l’orgue, l’accordéon et la mandoline. Le producteur britannique Nick Launay (Midnight Oil, Gang of Four) est engagé pour mixer l’album, qui inclut « Keep The Car Running », la majestueuse « Intervention », « Black Mirror » et « No Cars Go », autant de morceaux où l’influence de Bruce Springsteen est flagrante.
Avec ses sonorités American Gothic – soulignées sur scène par les costumes ascétiques, style amish, des musiciens – et ses thèmes sombres post-11 septembre, Neon Bible contribue à établir le sérieux de l’univers musical d’Arcade Fire et cimente leur réputation de tout premier groupe de rock indépendant. L’album débute en tête des ventes au Canada et en seconde position aux États-Unis et au Royaume-Uni. En 2008, alors qu’il est certifié album d’or au Canada après la vente de 50 000 exemplaires, il est nommé album alternatif de l’année aux Juno et reçoit une nomination pour un Grammy dans la même catégorie. Arcade Fire soigne sa popularité mondiale en effectuant des tournées dans 19 pays et en occupant le devant de l’affiche lors de nombreux festivals de musique. Dans le même temps, NME et Slate les qualifient de plus grand groupe de rock au monde.
The Suburbs (2010)
Arcade Fire coproduit avec Markus Dravs (Coldplay, Mumford & Sons) The Suburbs, le troisième album du groupe, riche, profond et évocateur. Win Butler décrit le son de l’album comme un mélange de Depeche Mode et de Neil Young. Album concept basé sur l’enfance des frères Butler dans le quartier Woodlands, en banlieue de Houston, il inclut les simples « The Suburbs/Month of May », « We Used to Wait », « Ready to Start », « City with No Children », « Speaking in Tongues » et « Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) ».
The Suburbs est un succès commercial immédiat. Il devient numéro un des ventes au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Irlande, en Norvège et au Portugal juste après sa sortie en août 2010. La critique l’acclame de manière quasi unanime et il est consacré double platine au Canada, platine au Royaume-Uni et or aux États-Unis. Arcade Fire gagne quatre prix Juno et le prix de musique Polaris pour The Suburbs. Leur renommée fait encore un bond en avant lorsqu’ils se produisent lors de la cérémonie des Grammy de 2011 et y remportent le prix de l’album de l’année.
L’album inspire le court-métrage Scenes from the Suburbs (2011), réalisé par Spike Jonze avec un scénario coécrit par Jonze, Win et Will Butler.
Reflektor (2013)
Arcade Fire s’aventure dans une autre direction sur son quatrième album, Reflektor, en adoptant des mélodies plus fluides et plus entraînantes. Le groupe coproduit l’album avec Dravs, mais s’adjoint également les services de l’ancien leader de LCD Soundsystem, James Murphy, pour la production. L’expérience de Murphy en musique de danse électronique se reconnaît sur l’ensemble du double album qui s’inspire également des rythmes haïtiens et d’Orfeu Negro (1959), un film musical brésilien récipiendaire d’un Oscar. La pochette de l’album, qui montre la sculpture « Orphée et Eurydice » d’Auguste Rodin, fait également référence au mythe grec d’Orphée, un musicien magique incapable de secourir sa femme du royaume des Enfers.
Arcade Fire est toujours sur la lancée acquise avec la sortie de The Suburbs lorsque Reflektor se place en tête des ventes au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni à sa sortie en octobre 2013. Les critiques, bien que généralement positives, sont cette fois plus mitigées. Du côté des conquis, Zoe Camp de Pitchfork le considère comme « audacieux et risqué, mais d’une bonne manière » tandis que Brad Wheeler, du Globe and Mail, explique que l’album « marque l’évolution la plus radicale d’Arcade Fire […] un mélange géant et entraînant de vaudou, de Bowie languissant et de thèmes lyriques et spirituels ». Les magazines Rolling Stone, NME et Pitchfork placent Reflektor à la 5e, 7e et 10e position, respectivement, de leur classement des 50 meilleurs albums de 2013.
L’album s’attire cependant les plus mauvaises critiques dont le groupe ait jamais fait l’objet depuis ses débuts. De nombreux spécialistes le qualifient en effet de complaisant, lourd et prétentieux. (Le groupe aura du mal à se défendre du dernier qualificatif lorsqu’en novembre 2013, il publie un code vestimentaire obligatoire « vêtements de cérémonie ou costume » à observer par tous ceux qui viennent assister à ses concerts.) Dans une critique pour le Washington Post, Chris Richards qualifie Reflektor de « massacre » et le considère comme « vide ». Il affirme notamment que « l’album est condescendant et insatisfaisant, encore et encore, pendant 76 minutes insupportables ».
Reflektor est sélectionné pour le prix de musique Polaris et reçoit une nomination pour le Grammy du meilleur album alternatif. Le clip vidéo de « We Exist » reçoit une nomination pour la meilleure vidéo et remporte le prix MuchMusic Video pour le meilleur vidéoclip rock/alternatif. Reflektor est sélectionné pour six prix Juno et remporte les prix d’album alternatif de l’année et d’album de l’année. En 2014, il se place au 88e rang du classement des 100 meilleurs albums de la décennie selon Pitchfork.
Le dernier morceau de Reflektor, « Supersymmetry », est d’abord écrit pour Her (2013), un film de Spike Jonze. Une version différente du morceau accompagne le générique de fin du film. Will Butler et Owen Pallett reçoivent une nomination chacun aux Oscars pour la composition de la bande originale du film.
Everything Now (2017)
Sorti le 28 juillet 2017, Everything Now s’insère dans la progression stylistique du groupe qui, depuis Reflecktor, évolue vers des rythmes dansants portés par de l’électronique dominé par le synthétiseur et les percussions. Les paroles de l’album reflètent les angoisses de Win Butler par rapport à l’impact de la technologie numérique, des médias sociaux et de la consommation de masse futile sur les émotions et la santé psychologique et spirituelle des gens. Produit par le groupe en collaboration avec Thomas Bangalter de Daft Punk et Steve Mackey de Pulp et coproduit par un collaborateur régulier, Markus Dravs, Everything Now se hisse à la première place du classement des ventes au Royaume-Uni et atteint la première place au Canada et aux États-Unis au cours du premier mois suivant sa sortie.
Everything Now, tout comme Reflektor, reçoit des critiques mitigées. Le magazine Independent considère qu’il est « l’album le plus entraînant et joyeux du groupe à ce jour » et NME le qualifie d’« inspirant, mordant et sublime ». Les deux périodiques lui attribuent cinq étoiles. Will Hermes, du Rolling Stone, donne quant à lui quatre étoiles sur cinq à l’album pour s’être « concentré sur notre malaise existentiel moderne tout en s’inspirant de styles pop dansants plus concis ». Finalement, Eric Renner Brown d’Entertainment Weekly dit de l’album qu’il est « musicalement stimulant » malgré la « faiblesse de ses paroles ».
L’album s’attire cependant plus de critiques négatives, voire acerbes, que Reflektor.
Dans sa critique pour Pitchfork, Jeremy D. Larson lui attribue une note de 5,6/10 et remarque que « dans Everything Now, Arcade Fire ne nous sauve pas de l’ennui, il ne fait que se plaindre de notre comportement. L’état d’esprit réflectif et les critiques boiteuses submergent le groove de l’album. Les chansons sur la société sont remplies de clichés et les chansons d’amour sont ennuyantes. » Il ajoute que « les chansons fades et sans joie ne transcendent pas la critique sociale, mais y succombent ». Isaac Feldberg, du Boston Globe, écrit quant à lui qu’« Everything Now ne conserve presque rien des paroles poignantes et de la catharsis envoûtante des débuts d’Arcade Fire. Le groupe a plutôt amplifié ses expérimentations sonores qui, bien souvent, sont un échec et a doublé sa critique sociale prétentieuse mais banale ("Infinite content, infinite content, we’re infinitely content", qui signifie "contenu infini, contenu infini, nous nous en contentons à l’infini", est le refrain agaçant de non pas une, mais de deux chansons). »
Everything Now devient candidat pour le prix de musique Polaris de 2018 et reçoit une certification platine au Canada le 1er novembre 2017. Il reçoit une nomination aux Grammy pour le meilleur album alternatif et remporte le prix Juno de l’album de l’année et du rayonnement international.
Œuvres de bienfaisance
Butler et Chassagne participent de longue date aux activités de Partners in Health, une organisation caritative haïtienne qui a aussi laissé sa marque sur leur répertoire : « Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) », de l’album The Suburbs, porte le titre d’un livre écrit sur l’organisation. À partir de 2005, Arcade Fire lance la campagne « un dollar, un euro, une livre » grâce à laquelle une unité de la devise utilisée pour l’achat de chaque billet est donnée à l’organisation caritative. Au début de 2010, ils ont amassé 800 000 $. En 2010, le groupe loue ses droits d’auteur sur « Wake Up » pour la diffusion du Super Bowl à la condition que la NFL acquitte ses droits par un versement à Partners in Health. Chassagne aide également un organisme baptisé Kanpe (qui signifie « lève-toi » en créole haïtien) ayant pour mission de coordonner les activités des ONG en réponse au séisme qui frappe Haïti en 2010. Le groupe reçoit, en 2016, le prix humanitaire de la cérémonie des Juno pour sa collaboration avec des œuvres de bienfaisance et sa philanthropie.
Prix
Compositeur de l’année (2006)
Album alternatif de l’année (Neon Bible) (2008)
Compositeur de l’année (2011)
Album alternatif de l’année (The Suburbs) (2011)
Groupe de l’année (2011)
Album de l’année (The Suburbs) (2011)
Album alternatif de l’année (Reflektor) (2014)
Album de l’année (Reflektor) (2014)
Prix humanitaire (2016)
Rayonnement international (2018)
Album de l’année (Everything Now) (2018)
Autres
Nouvel album favori (Funeral), CASBY Awards (2005)
Nouvel artiste favori, CASBY Awards (2005)
Prix Vanguard, American Society of Composers, Authors and Publishers (2005)
Meilleur concert, Mojo Awards (2007)
Meilleur album international (Neon Bible), Meteor Music Awards (2008)
Meilleur groupe international alternatif/indie, NME Awards (2008)
Meilleur concert international alternatif/indie, NME Awards (2008)
Meilleur album (The Suburbs), NME Awards (2008)
Prix de musique Polaris (The Suburbs) (2011)
Meilleur album international (The Suburbs), BRIT Awards (2011)
Meilleur groupe international, BRIT Awards (2011)
Album de l’année (The Suburbs), prix Grammy (2011)
Groupe de l’année, Consequence of Sound (2013)