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Canadiens d’origine arménienne

La République d’Arménie d’aujourd’hui a été créée en 1991 et ne comprend qu’une petite partie du territoire qu’était l’Arménie ancienne. La migration arménienne vers le Canada a commencé vers la fin du 19e siècle. Le recensement de 2016 fait état de 63 810 personnes d’origine arménienne au Canada (34 560 de réponses uniques et 29 250 de réponses multiples).

Des enfants arméniens
Ferme des garçons en provenance de l'Arménie, 1925, Georgetown, Ontario

Immigration et peuplement

Première vague : jusqu’à la Première Guerre mondiale 
 La migration arménienne vers le Canada commence avec des étudiants, des marchands et des agriculteurs, dont la plupart proviennent de territoires occupés par les Turcs, de 1880 à 1890. En 1914, environ 2000 Arméniens, la plupart des hommes de régions rurales, arrivent au Canada et s’installent surtout dans le sud de l’Ontario.

Ils fuient les persécutions de la majorité musulmane en Turquie et viennent travailler dans les ferronneries afin de trouver l’argent nécessaire à la reconstruction de leurs propriétés détruites au cours des massacres et des massacres périodiques approuvés par l’État. Plusieurs d’entre eux trouvent du travail au sein des communautés de l’Ontario, dans les usines de Brantford, de Hamilton et de St. Catharines. Pour certains, le marché du travail devient le point de départ de la création d’entreprises commerciales ou artisanales.

Deuxième vague : de 1919 aux années 1950 
De 1915 à 1922, plus de 1,5 million d’Arméniens périssent dans la foulée de la politique de génocide pratiquée par le gouvernement turc. Les Arméniens du Canada essaient de faciliter la migration au pays des survivants, mais les restrictions canadiennes relatives à l’immigration, dont celle qui consiste à classer les Arméniens dans le groupe des Asiatiques, les bloquent tous, à l’exception de 1500 survivants (voir Politique d’immigration canadienne).

La plupart de ces réfugiés sont des femmes et des enfants. Ils forment un groupe beaucoup plus hétérogène que leurs prédécesseurs. Leur arrivée redonne de la vitalité à la communauté arménienne, menant ainsi à la création d’enclaves arméniennes très unies à Brantford, à St. Catharines, à Hamilton, à Galt, à Guelph, à Windsor, à Toronto (Ontario) et à Montréal (Québec). Au cours des années 1920, l’accent mis sur la survie nationale et la reconstitution des familles mène à l’appui des mariages endogames, c’est-à-dire des mariages au sein d’un même groupe social ou ethnique. Certaines activités commerciales prennent de l’expansion, surtout le commerce du tapis d’Orient.

Parmi les nouveaux venus se trouvent les « garçons de Georgetown », un groupe d’une centaine d’orphelins que fait venir l’Armenian Relief Association of Canada dans les années 1920 pour les installer dans une ferme achetée à leur intention près de Georgetown, en Ontario. Quand l’Église unie du Canada prend possession de la ferme en 1928, les orphelins sont dispersés chez des fermiers ontariens soit comme enfants en famille d’accueil, soit comme ouvriers agricoles.

Troisième vague : des années 1950 aux années 1990 
L’instabilité au Moyen-Orient, la libéralisation des lois sur l’immigration et la décision de ne plus classer les Arméniens dans le groupe des Asiatiques génèrent un flot d’immigrants arméniens au Canada (années 1950 et 1960). Ils viennent surtout des centres urbains des pays du Moyen-Orient et de la Méditerranée, où ils ont trouvé refuge après le génocide, et s’installent pour la plupart à Montréal et à Toronto. À Montréal, leur quartier se déplace de l’avenue du Parc vers Ville Saint-Laurent et Laval. À Toronto, les Arméniens sont dispersés dans toute la ville, mais ils ont édifié des structures communautaires dans le nord-est de la région métropolitaine.

Religion

L’Arménie est le premier pays à adopter le christianisme comme religion d’État. La majorité des Arméniens du Canada appartiennent à l’Église nationale apostolique d’Arménie, une église autocéphale dont l’archevêché est à Echmiadzin, en Arménie. En 1930, les Arméniens construisent leur première église, Saint-Grégoire-l’Illuminateur, à St. Catharines, en Ontario. Après la mainmise communiste sur l’Arménie en 1920 et l’assujettissement d’Echmiadzin, de nombreux Arméniens anticommunistes de la diaspora se séparent de l’Église mère et se tournent vers l’autorité religieuse de l’évêché de Cilicie, à Beyrouth, au Liban. L’appartenance politique est le seul différend qui sépare les deux groupes. Après l’indépendance de l’Arménie et l’élection du patriarche Karekin II de Cilicie au patriarcat de l’archevêché, il existe désormais un espoir de réunification des deux Églises.

Comme pour l’Église apostolique, l’arménien est la langue de l’Église catholique romaine d’Arménie. En 1983, des Arméniens catholiques de Montréal construisent leur première église, Notre-Dame-de-Nareg. Avec l’Église de Toronto (1993), elle relève de l’exarque chargé des Arméniens catholiques romains de l’Amérique du Nord (New York) qui, lui, relève finalement de l’autorité du pape, à Rome.

En 1960, les évangéliques de Montréal et de Toronto fondent leurs premières Églises. Même si certaines congrégations évangéliques sont affiliées à l’Église unie du Canada, elles sont autonomes et les services sont célébrés en langue arménienne vernaculaire.

Politique

La Fédération révolutionnaire arménienne (Tashnag) (établie à Brantford en 1902-1904) constitue la principale force nationaliste au Canada depuis près de 100 ans. Elle est aujourd’hui une des plus grandes organisations politiques au pays. Le parti démocrate libéral arménien (Ramgavar), conservateur et proéglise, est un autre groupe politique important. Il voit le jour à Montréal en 1963 et compte des divisions à Toronto et à Vancouver. Le parti social-démocrate Hunchagian met sur pied des divisions au Canada avant 1914, mais succombe sous les attaques communistes dans les années 1920. Il est réanimé par un petit groupe à Montréal et à Toronto en 1979-1980.

Éducation

Afin d’améliorer leur niveau d’apprentissage, les pionniers arméniens organisent des classes de lecture au Canada. Ils mettent aussi sur pied des écoles arméniennes d’appoint afin d’offrir à leurs enfants une connaissance rudimentaire de la langue et de la culture arméniennes. Puis ils construisent des écoles à Montréal et à Toronto. Des églises arméniennes gèrent des écoles du dimanche subventionnées par l’état où l’on enseigne l’arménien (voir Langues immigrantes au Canada). Lors du recensement de 2016, 35 790 personnes ont déclaré l’arménien comme étant leur langue maternelle (première langue apprise).

Culture

Le génocide et la peur de l’extinction complète de la nation incitent les Arméniens à redoubler d’efforts pour préserver leur héritage ethnique au Canada. Dans la culture canado-arménienne, l’accent est mis sur le génocide, en raison surtout du refus persistant du gouvernement turc de le reconnaître. Chaque année, les Arméniens se rassemblent pour rendre hommage à ceux qui ont perdu la vie dans le génocide.  

Les associations culturelles et les journaux arméniens, y compris de nombreux bulletins et les hebdomadaires trilingues, Abaka, « Avenir » (Ramgavar, fondé à Montréal en 1975) et Horizon (Tashnag, fondé à Montréal en 1979) jouent un rôle important dans la préservation de la culture et de la langue, tout comme les chorales, le théâtre, les concerts, les événements littéraires, la musique, la danse, les festins nationaux et les pique-niques. Les talents d’un grand nombre d’artistes exceptionnels d’origine arménienne sont reconnus sur la scène culturelle canadienne, notamment ceux d’Atom Egoyan, le jeune lauréat producteur de films (voir aussi Ararat), et du photographe Michael Torosian.

Associations de bienfaisance, sociétés sportives et groupes de jeunes

Une filiale de l’Armenian Relief Society (ARS) est créée à Brantford en 1910. Le principal objectif de l’ARS est de venir en aide aux Arméniens démunis et d’améliorer la culture et l’éducation arméniennes. L’objectif de l’Armenian General Benevolent Union (AGBU) est semblable et, depuis sa renaissance au Canada dans les années 1970, il contribue à renforcer la vie communautaire arménienne. La plupart des institutions et des organisations ont des programmes axés sur le sport et les jeunes, y compris les scouts et les guides.

Depuis plus de 100 ans, les Arméniens du Canada poursuivent deux buts : améliorer le sort de leur communauté au Canada et aider leur mère patrie. Les troubles dans les républiques d’Arménie et de Karabakh rallient la communauté. Le tremblement de terre de 1988, le blocus de l’Azerbaïdjan en 1989 et de la Turquie, la guerre qui se prolonge depuis 1988 contre l’Azerbaïdjan pour la conquête de l’enclave arménienne du Nagorny-Karabakh ainsi que l’indépendance acquise en 1991 déclenchent de multiples activités destinées à apporter de l’aide, preuves de la diversité et du dynamisme de la communauté canado-arménienne.