Il y a plus d’un siècle, les francophones de l’Ontario se sont dotés d’un organisme qui a revendiqué et défendu leurs droits dans presque toutes les sphères d’activités : éducation, arts et culture, économie, santé et services juridiques. L’histoire de la représentation franco-ontarienne est celle d’une communauté à la fois profondément enracinée dans sa province et résolument ouverte aux nouveaux arrivants, peu importe leurs origines.
Le « Grand Congrès des Canadiens français de l’Ontario »
Les 18, 19 et 20 janvier 1910, au Monument national d’Ottawa, 1 200 délégués, représentant les 210 000 francophones de l’Ontario, se réunissent pour étudier l’état de l’éducation en langue française, pour donner une direction sage, ferme et uniforme aux efforts de toute une communauté et pour former bloc devant l’opinion publique.Cependant les assises de 1910 ne constituent pas le premier congrès patriotique à se tenir en Ontario. En effet, le 25 juin 1883, une première assemblée avait réuni les Sociétés Saint-Jean-Baptiste de l’Ontario à Windsor.
Lors de la dernière journée du « Grand Congrès des Canadiens français de l’Ontario », les délégués jettent les bases du premier organisme de défense des droits de la minorité d’expression française dans cette province. Les statuts du nouvel organisme précisent qu’il s’appelle Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario (ACFEO), que son objectif est « la juste revendication de tous les droits des Canadiens français d’Ontario et l’infatigable surveillance de leurs intérêts », et que ses membres sont « toute personne d’origine française, résidant dans la province d’Ontario ».
Premier combat : la question de l’éducation en français
Le congrès de 1910 est un « Congrès d’éducation » et l’organisme qui en est issu est une « Association d’éducation ». Bien qu’on parle souvent d’éducation dans son sens le plus large, il n’en demeure pas moins que c’est la question des écoles bilingues qui est la préoccupation majeure des délégués en 1910. C’est d’ailleurs le cheval de bataille de la nouvelle Association d’éducation pendant de nombreuses années. Et pour cause, le 25 juin 1912, le gouvernement ontarien de James Pliny Whitney rend publique la « circulaire d’instruction no 17 » concernant la langue d’enseignement dans les écoles bilingues (celui-ci limite aux deux premières années du primaire l’usage du français comme langue d’enseignement et de communication). Ce tristement célèbre Règlement 17 est la goutte qui fait déborder le vase pour les Franco-Ontariens. L’ACFEO proteste énergiquement et la résistance s’organise sur-le-champ. Elle s’étend à toutes les régions de la province et s’intensifie d’année en année, atteignant un sommet en 1916. Des allègements sont apportés, mais il faut attendre jusqu’en 1927 pour que le Règlement 17 soit abandonné à la suite des recommandations de la commission Scott-Merchant-Côté. Dans les faits, il n’est jamais abrogé, mais tombe en désuétude en 1944, faute d’avoir été reconduit dans les statuts de la province de l’Ontario (voir aussi Question des écoles de l’Ontario; Écoles séparées).
Évolution de l’organisme et de ses priorités
Bien que l’ACFEO ne soit pas un organisme religieux, son président Ernest Désormeaux aime répéter qu’il y a400 000 Franco-Ontariens (en 1940) qui « luttent pour la conservation de leur foi par la conservation de leur langue ». Dix ans plus tard, le président Gaston Vincent profite de la fête de la Saint-Jean-Baptiste pour indiquer que « la Providence exige l’offrande totale de notre langue non point pour que nous la détruisions, mais pour que nous la fassions servir à la gloire de Dieu ». Ce lien étroit entre le catholicisme et la langue française est un fondement du nationalisme canadien-français véhiculé à l’époque.
En 1969, sous la présidence de Roger N. Séguin, l’organisme change de nom, laisse tomber le mot « éducation » et devient tout simplement l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO). On entend s’intéresser à d’autres dossiers, dont l’économie. Dès le début des années 1960, Séguin est le premier leader de l’organisme à avoir abordé les questions du pouvoir d’achat et du contrôle de l’épargne par les Franco-Ontariens.
À la fin des années 1970, les préoccupations des leaders franco-ontariens touchent un vaste éventail de sujets. L’éducation demeure toujours d’actualité – surtout à la suite des diverses crises scolaires qui secouent la province –, mais il y a aussi les services en français offerts par le gouvernement de l’Ontario et par la Société Radio-Canada. Dans un discours prononcé lors de la Rencontre des peuples francophones, à Québec en 1979, la présidente Jeannine Séguin fait clairement remarquer que le Nord-Ouest de la province n’est pas desservi par la radio et/ou la télévision française de Radio-Canada et qu’il ne faut donc pas s’étonner du haut taux d’assimilation dans cette région (voir Radio-Canada : souvent l’unique voix de la francophonie canadienne).
Avec la montée du nationalisme québécois, il arrive parfois que les Canadiens français de la diaspora soient oubliés, voire moins bien considérés. René Lévesque qualifie les francophones de l’Ouest canadien de « dead ducks » lors d’une émission de Twenty Million Questions à CBC en 1968 et le romancier Yves Beauchemin parle de « cadavres encore chauds » lors de la Commission Bélanger-Campeau sur l’avenir du Québec en 1990. De tels propos ne sont pas de nature à réduire les tensions entre Québécois et Francophones hors Québec. Lors du référendum du Québec de 1980 et de nouveau lors de celui de 1995 (voir Référendum du Québec de 1995), l’ACFO ne milite pas activement dans le camp du « Non », mais son allégeance fédéraliste est bien connue. Elle estime que le Québec est le bastion de la francophonie canadienne et que les minorités en sont les avant-postes. Sa position est celle d’un Québec fort dans un Canada uni.
Représentation actuelle
En 2004, l’Association canadienne-française de l’Ontario devient l’Association des communautés franco-ontariennes, puis l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) en 2006. Ce dernier changement de nom s’effectue pour respecter une nouvelle réalité, à savoir que les francophones de l’Ontario ne constituent plus un bloc monolithique. Les nouveaux immigrants enrichissent désormais la communauté de souche et leur arrivée occasionne de nouveaux défis du point de vue de l’accueil, de l’accompagnement et de l’intégration.
Héritage et défis
Depuis la création de cet organisme en 1910, la dynamique de l’Ontario français a constamment évolué. Aussi, les revendications de l’AFO ont changées et ont pris des formes de plus en plus sophistiquées au fil du temps. Les leaders franco-ontariens ont d’abord enfourché un seul cheval de bataille – l’accès à une éducation en français –, puis ont mené un combat plus large pour embrasser d’autres domaines tels que la justice et la santé. Bien que l’éducation n’ait jamais été une cause gagnée à 100 %, il est maintenant question en Ontario de tout un éventail de programmes et de services offerts en français à une population désormais pluriculturelle.
Voir également Drapeau Franco-Ontarien; Bilinguisme.
Présidents et Présidentes |
Durée du mandat |
Napoléon-Antoine Belcourt Charles-Siméon-Omer Boudreault Alphonse-Télesphore Charron Philippe Landry Napoléon-Antoine Belcourt Samuel Genest Léon-Calixte Raymond Paul-Émile Rochon Adélard Chartrand Ernest Désormeaux Gaston Vincent Aimé Arvisais Roger N. Séguin Ryan Paquette Omer Deslauriers Jean-Louis Boudreau Gisèle Richer Jeannine Séguin Yves Saint-Denis André Cloutier Serge Plouffe Jacques Marchand (intérim) Rolande Faucher Jean Tanguay André J. Lalonde Tréva Cousineau Alcide Gour Jean-Marc Aubin Jean Poirier André Thibert (intérim) Simon Lalande Mariette Carrier-Fraser Denis Vaillancourt |
1910-1912 1912-1914 1914-1915 1915-1919 1919-1932 1932-1933 1933-1934 1934-1938 1938-1944 1944-1953 1953-1959 1959-1963 1963-1971 1971-1972 1972-1974 1974-1976 1976-1978 1978-1980 1980-1982 1982-1984 1984-1987 1987-1988 1988-1990 1990-1994 1994-1997 1997-1999 1999-2000 2001-2004 2004-2005 2005 2005-2006 2006-2010 2010- |