Audition, perte d'
Tous les Canadiens peu importe l'âge, le sexe, l'origine ethnique, le lieu de résidence, la formation scolaire ou le statut socio-économique peuvent être touchés par la perte d'audition. Ils ont tous des besoins sociaux, émotionnels, éducationnels et de réadaptation très différents, il faut donc leur fournir des services, des aides techniques et divers programmes.
Évaluation de l'audition
L'audition est mesurée en unités appelées décibels (dB) qui indiquent l'intensité d'un son. Par exemple, une conversation s'élève en moyenne à 60 dB, tandis que le bruit de la circulation d'une ville se situe à environ 80 dB en moyenne. Une exposition prolongée à un son de plus de 85 dB, comme le bruit produit par une tondeuse à gazon, un camion à ordures ou une motocyclette, peuvent provoquer des dommages auditifs. Un groupe de musique rock émet généralement des sons de 110 dB, suffisants pour causer des dommages au bout de 15 minutes si on ne se protège pas les oreilles. Une exposition d'une durée prolongée à des sons de cette intensité peut entraîner une perte d'audition temporaire; une exposition fréquente peut provoquer une perte d'audition permanente. Le bruit d'un moteur à réaction ou d'un coup de feu dépasse le seuil de la douleur (125 dB). (Voir BRUIT.)
Habituellement, c'est un audiologiste ou un audiométriste qui effectue l'évaluation de l'audition d'une personne. Il porte alors les résultats en dB sur un graphique appelé audiogramme qui est un enregistrement du domaine des fréquences audibles de la personne. Quelqu'un dont l'audiogramme se situe dans les limites de la normale peut entendre des sons à partir de 25 dB d'intensité. Si les sons doivent être plus intenses pour qu'ils soient perçus, on estime que cette personne a subi une perte d'audition (techniquement, cependant, ce terme ne décrit pas parfaitement une personne qui est sourde de naissance car elle n'a pas réellement « perdu » d'acuité auditive). « Perte d'audition » est donc le terme général pour décrire tous les degrés de sensibilité auditive réduite.
Terminologie
La terminologie utilisée pour décrire les gens atteints de perte d'audition a fait l'objet d'une attention particulière ces dernières années. Les Sourds ne se considèrent pas comme des personnes handicapées mais comme des membres d'une communauté culturelle distincte, la communauté des sourds (voir CULTURE DES SOURDS); ils n'approuvent pas l'usage de termes comme déficience auditive et surdité. La distinction se manifeste parfois en caractères d'imprimerie : « sourd » pour désigner les troubles de l'audition et « Sourd » pour les membres de la communauté.
Les professionnels de la santé distinguent les niveaux de perte d'audition au moyen de termes spécifiques (légère, modérée, grave, profonde), et croient que chaque type de perte d'audition entraîne des conséquences différentes pour la vie d'une personne. Par exemple, une perte auditive légère (0 à 30 dB) peut n'avoir qu'un effet minime sur l'aptitude de cette personne à communiquer de façon orale, alors qu'une perte profonde (plus de 90 dB) peut rendre les sons à peu près inaudibles et la communication orale improbable, voire impossible. De la même façon, les personnes atteintes de divers degrés de perte d'audition sont désignées différemment. Par exemple, une personne atteinte d'une perte auditive grave ou profonde est qualifiée de sourde, alors que quelqu'un souffrant d'une perte d'audition légère à modérée est habituellement désignée comme malentendante ou dure d'oreille. Ces étiquettes ont évolué avec le temps. Dans les années 1800 et au début des années 1900, une personne aujourd'hui désignée comme « sourde » était appelée « muette ». Des étiquettes comme « sourd-muet » ne sont plus acceptables.
La perte d'audition se divise en deux grandes catégories : surdité de transmission et surdité de perception neurosensorielle. L'oreille comprend trois parties : l'oreille externe, l'oreille moyenne et l'oreille interne. Si la perte d'audition est due à un obstacle à la transmission des sons dans l'oreille externe et l'oreille moyenne vers l'oreille interne, il s'agit alors de surdité de transmission. Certains troubles cependant, affectent les cellules sensorielles de l'oreille interne. Dans ce cas, la personne est atteinte de surdité cochléaire qui peut affecter la réception d'un son de même que la compréhension d'un message parlé. Finalement, si un trouble affecte le nerf auditif lui-même, la personne souffre alors de surdité rétrocochléaire. Comme il est habituellement difficile de distinguer entre surdité cochléaire et rétrocochléaire, le terme surdité « neurosensorielle » est souvent utilisé. Les prothèses auditives peuvent être utiles aux gens qui souffrent de surdité de transmission. Dans de nombreux cas, elles ne sont cependant pas utiles aux personnes atteintes de surdité rétrocochléaire, car le son lui-même est amplifié et peut alors être détecté mais il reste encore assourdi et déformé et il n'est donc pas facilement discernable.
La perte d'audition peut être soit prélinguistique (elle a eu lieu avant l'apprentissage de la langue parlée) soit postlinguistique (elle a eu lieu après l'apprentissage de la langue parlée). L'utilisation de ces deux termes est fautive lorsqu'ils sont employés pour signifier que la surdité peut compromettre l'aptitude à apprendre une langue, ce qui n'est pas le cas (à preuve, les sourds qui ont appris un langage gestuel). C'est dans les domaines de l'apprentissage d'un langage et du choix d'un langage que les médecins, les éducateurs, les parents d'enfants sourds ou malentendants et les personnes sourdes elles-mêmes ont entretenu les plus vifs débats (surtout parce que le choix d'une langue à des conséquences sur l'efficacité des méthodes d'éducation des enfants sourds et malentendants). Les désaccords à ce sujet existent depuis des siècles et se manifestent surtout dans les philosophies relatives aux méthodes d'enseignement aux enfants sourds. Les adeptes de l'approche orale interdisent souvent toute utilisation d'un langage gestuel, alors que ceux qui favorisent une approche mimique encouragent l'utilisation d'un langage gestuel dans un but pédagogique et comme aide à la communication. Ces désaccords persistent encore de nos jours.
L'effet que peut avoir la surdité sur la vie d'une personne dépend de nombreux facteurs : le degré de perte d'audition (que l'on évalue à l'aide d'un audiogramme), le type de surdité, et l'âge auquel l'audition a été affectée. Les décisions prises par la famille ainsi que les attitudes de la collectivité dans laquelle vit une personne déterminent aussi l'influence de la perte d'audition sur sa vie.
Causes de la perte d'audition
Divers facteurs peuvent influencer l'audition à différents stades du développement d'une personne : des causes génétiques (c'est-à-dire héréditaires) ou environnementales (p. ex. des infections virales, notamment le virus de la rubéole et le cytomégalovirus [CMV]) peuvent entraîner une perte d'audition congénitale (à la naissance ou avant celle-ci). Il existe d'autres facteurs tels que la prématurité, surtout accompagnée d'une insuffisance de poids à la naissance; les médicaments, les drogues ou l'alcool ingérés par la mère au cours de la grossesse; une lésion au cours de l'accouchement; une carence en oxygène, etc. Les causes de la perte d'audition fortuite (qui a lieu après la naissance) comprennent entre autres : l'exposition au bruit; les tumeurs; les infections (surtout celles de l'oreille moyenne, comme dans l'otite moyenne, ou des méninges recouvrant la moelle épinière et le cerveau, comme dans la méningite spinale); certains médicaments; la malnutrition; les blessures (à la tête surtout); les maladies (comme le diabète sucré, le dérèglement de la thyroïde ou les maladies rénales et vasculaires); et le processus de vieillissement (sénescence auriculaire). Les acouphènes (bourdonnements d'oreille) surviennent aussi avec une fréquence élevée chez les personnes âgées.
Les épidémies ont eu une influence importante sur l'incidence de la perte d'audition chez les Canadiens. Au cours des années 50 et 60, par exemple, des flambées de rubéole et de rougeole ont provoqué l'augmentation du nombre de naissances d'enfants atteints de pertes d'audition graves à profondes (en même temps que des troubles physiques, cognitifs et émotionnels additionnels dans certains cas). Cette augmentation d'enfants sourds et malentendants appelée parfois « explosion due à la rubéole » a eu pour conséquence une croissance des besoins en programmes éducatifs et en services.
Des vaccins visant à prévenir de semblables épidémies ont été mis au point et ont réduit le nombre d'enfants dont la perte d'audition résulte d'une infection au virus de la rubéole. Toutefois, d'autres virus comme le cytomégalovirus (CMV) ont pris sa place. Beaucoup de ces MALADIES causent également des troubles physiques, émotionnels et cognitifs qui peuvent nuire à la vie de la personne atteinte. Les dispensateurs de soins font donc face à des besoins d'une complexité croissante. La pauvreté, la malnutrition et la disponibilité des soins de santé peuvent aussi avoir une incidence non négligeable sur le nombre de personnes qui ont subi une perte d'audition. Il existe également une corrélation entre l'âge et la qualité de l'audition, un élément de plus à prendre en considération pour les dispensateurs de soins, notamment dans la détermination de l'incidence de la perte d'audition (à la fois sur l'individu et sur la collectivité). De nos jours, la proportion de gens âgés augmente, en raison de l'amélioration des soins de santé (qui a entraîné une diminution des taux de mortalité), et à cause de l'explosion démographique des années 40 et 50. De ce fait, l'incidence de la perte d'audition chez les personnes âgées augmente elle aussi (voir VIEILLISSEMENT).
Statistiques
Il est difficile de déterminer le nombre de Canadiens atteints de perte d'audition. Ni l'évaluation de l'audition, ni la déclaration des épreuves auditives ne sont obligatoires. Pour compliquer davantage la situation, les statisticiens, les professionnels de la santé et les démographes ne s'entendent pas sur les variables nécessaires permettant d'inclure un cas dans les différentes catégories de perte d'audition. De 1784 à 1951, le recensement national comportait des questions sur la surdité mais les réponses constituaient des cas isolés et variaient selon l'interprétation du répondant. Souvent les rapports de recensement combinaient des réponses de personnes sourdes et de personnes aveugles ce qui offrait peu de renseignements sur le nombre réel de Canadiens atteints de perte d'audition. En 1983, l'Enquête sur la santé et l'incapacité au Canada entreprend de recueillir des renseignements sur les gens atteints de diverses invalidités, mais encore une fois, les rapports regroupent souvent les diverses incapacités. Toutefois, de nombreux membres de la culture des sourds ne se considèrent pas comme « handicapés » et refusent alors d'être inclus dans une enquête sur un groupe souffrant d'incapacité physique. Malgré le manque de statistiques, la plupart des professionnels qui dispensent les services aux sourds, aux malentendants et aux sourds postlinguistiques s'entendent pour dire que l'âge où se produit la perte d'audition constitue un des facteurs les plus importants pour déterminer les besoins éducatifs, sociaux et médicaux ainsi que les besoins de réadaptation.
Une étude récente menée par des chercheurs de l'U. McGill à Montréal a permis de mieux comprendre les enfants sourds et malentendants. Au cours d'une période de dix ans couvrant la fin des années 70 et le début des années 80, une vaste base de données démographiques, concernant 8000 enfants, a été constituée. Le rapport a été publié en 1987 sous le titre Study of Deaf Children in Canada. Un autre rapport nous a fourni les données sur les AUTOCHTONES sourds du Canada vivant dans les régions septentrionales du pays.
Des études menées aux États-Unis indiquent l'existence d'une relation entre l'âge et la perte d'audition. Un rapport américain de 1989 indique qu'après 65 ans, les gens sont sept fois plus susceptibles d'être atteints de perte d'audition qu'avant cet âge. La possibilité de subir une perte d'audition augmente avec l'âge. Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de connaître des problèmes d'audition, mais l'écart entre les sexes diminue avec l'âge. Il y a une différence considérable entre les besoins et les préoccupations des personnes âgées qui ont été sourdes pendant toute leur vie ou presque (et qui ont utilisé un langage gestuel comme langue première) et ceux qui ont subi une perte d'audition pour la première fois à un âge avancé. Par exemple, les interprètes gestuels peuvent s'avérer utiles au premier groupe mais pas à l'autre.
Technologie et surdité
La technologie rend service aux personnes atteintes de perte d'audition grâce aux dispositifs techniques pour malentendants : prothèses auditives, systèmes à cadre de basse fréquence, systèmes FM et combinés de téléphone à amplification, implants cochléaires (considérés comme inappropriés par beaucoup de membres de la communauté des sourds, surtout lorsqu'ils sont utilisés sur de jeunes enfants), dispositifs d'avertissement visuels ou tactiles, sous-titrage d'émissions télévisées et d'enregistrements magnétoscopiques et sous-titrage en temps réel d'émissions télédiffusées en direct, téléscripteurs pour malentendants et systèmes de relais téléphoniques ainsi que prise de notes informatisée pour les réunions et les salles de classe. Toute cette technologie n'est toutefois pas nécessairement appropriée à chaque personne atteinte de perte d'audition.
Incidence sur les individus et la société
Il existe des différences notables entre les services requis pour satisfaire les besoins et les préoccupations des sourds, des malentendants, des individus devenus sourds en bas âge ou en vieillissant et les personnes âgées qui ont été sourdes toute leur vie ou presque. Des études américaines ont montré, par exemple, que les personnes âgées atteintes de perte d'audition souffrent également de plus grandes restrictions dans leurs activités quotidiennes que les autres aînés. Le débat sur la meilleure approche à adopter dans l'éducation des enfants sourds se poursuit et demeure l'objet des recherches qui apportent un éclairage nouveau sur l'acquisition et l'apprentissage d'une langue. L'influence de facteurs environnementaux (comme le bruit, les maladies et les blessures à la tête) sur la perte d'audition doit également être envisagée. Les attitudes de la société vis-à-vis des gens sourds et l'influence personnelle que peut avoir la perte d'audition sur un individu constituent également des sujets d'intérêt. Tous ces facteurs exercent des pressions supplémentaires sur la formation et le financement des individus et des groupes qui dispensent des services aux Canadiens atteints de pertes d'audition.