La
Commission royale sur les peuples autochtones est une Commission royale d’enquête qui a été mise sur pied en
1991 après la crise d’Oka. Le rapport de la Commission, qui
synthétise les résultats de vastes travaux de recherche et de consultation
communautaire, dresse un tableau général des relations historiques et contemporaines
entre les peuples
autochtones et non autochtones du Canada. Le rapport introduit plusieurs
recommandations dont la plupart ne seront jamais pleinement appliquées. Il
reste cependant un document important pour l’étude des peuples autochtones au
Canada grâce à sa portée et à la profondeur des travaux de recherche discutés.
Création de la Commission
La
Commission royale sur les peuples autochtones a été créée après la crise d’Oka de l’été 1990. Elle s’inscrit dans
une série d’initiatives du gouvernement
fédéral visant à apporter une réponse aux problèmes mis de l’avant durant
la crise. Le cadre de référence (le mandat) de la Commission a été élaboré à la
suite des consultations dirigées par l’ancien juge en chef Brian Dickson auprès de groupes autochtones
nationaux et régionaux, de plusieurs leaders autochtones dans divers domaines,
d’hommes politiques fédéraux et provinciaux, ainsi que divers experts. Après
réception du rapport du juge Brian Dickson, le gouvernement fédéral décrète la formation d’une commission
le 26 août 1991. Celle-ci a pour mandat d’étudier l’évolution des
relations entre les peuples autochtones, le gouvernement du Canada et la
société canadienne dans son ensemble. Le juge Brian Dickson identifie 16 points
nécessitant une attention spéciale.
Membres
Conformément
à la recommandation de l’ancien juge en chef Brian Dickson, quatre commissaires
sur les sept nommés sont d’origine autochtone et trois ne sont pas autochtones.
Georges Erasmus, ancien chef national de l’Assemblée des Premières Nations, et le juge René Dussault de la
Cour d’appel du Québec agissent comme coprésidents. Parmi les autres membres de
la Commission, on peut citer Viola Robinson, ancienne présidente du Conseil
national des Autochtones du Canada (aujourd’hui le Congrès
des Peuples autochtones); Mary Sillett, ancienne présidente de
l’Association nationale des femmes inuites de
Paukuutit et vice-présidente d’Inuit Tapirisat Canada; Paul Chartrand, avocat métis et
directeur du département des Études amérindiennes de l’Université
du Manitoba; Bertha Wilson, ancienne juge de la Cour
suprême du Canada; et Allan Blakeney, ex-premier
ministre de la Saskatchewan.
Allan Blakeney, qui démissionne en avril 1993, est remplacé par le
professeur Peter Meekison, politicologue de l’Université
de l’Alberta et ancien sous-ministre des Affaires fédérales et
intergouvernementales de l’Alberta.
Mandat et consultations
Le vaste
mandat de Commission est transcrit dans un programme de recherche étendu et
complexe. Des consultations concernant l’élaboration du plan de recherche sont
menées avec plusieurs groupes autochtones. Le plan de recherche intégré, publié
en 1993, se fonde sur quatre grands thèmes : gouvernance, territoire et
économie, société et culture, et le Nord. Ces
thèmes sont abordés sous quatre angles différents : l’histoire, les
femmes, les jeunes et les perspectives urbaines. La coordination de la recherche
relève de deux codirecteurs. La Commission visite plusieurs communautés
autochtones dans tout le Canada et entend les mémoires de plus de 2 000 personnes
au cours des audiences publiques. Elle commande aussi plus de 350 rapports
de recherche.
Le rapport et ses
recommandations
Le rapport
est diffusé le 21 novembre 1996, à l’issue d’une cérémonie spéciale
tenue à Hull
(au Québec).
Il comprend cinq volumes : Volume 1 – Un passé, un avenir; Volume 2
– Une relation à redéfinir (2 parties); Volume 3 – Vers
un ressourcement; Volume 4 – Perspectives et réalités;
et Volume 5 – Vingt ans d’action soutenue pour le renouveau.
La
principale conclusion du rapport est la nécessité d’une restructuration
complète des relations entre les peuples autochtones et les peuples non autochtones
du Canada. Parmi les recommandations plus générales, on note la proposition de
promulguer une nouvelle Proclamation royale, ce qui exigerait du gouvernement
qu’il s’engage à respecter une série de nouveaux principes d’éthique visant à
protéger la relation entre les peuples autochtones et l’État. Cette nouvelle
relation permettrait de reconnaître et de respecter la culture des peuples
autochtones, leurs valeurs, leurs origines et leur droit à l’autodétermination.
La mise en œuvre d’un grand nombre des recommandations préconisées par la
Commission royale aurait nécessité une modification de la Constitution.
Gouvernance
autochtone
Quant au
thème portant sur la gouvernance autochtone, la Commission a examiné divers
modèles d’autodétermination et d’autonomie gouvernementale ainsi que les enjeux connexes
concernant la compétence pour chacun des trois groupes autochtones (Premières Nations, Inuit et Métis), y compris ceux qui vivent dans
les centres urbains. Elle conclut que les gouvernements autochtones de demain
devraient concentrer leurs efforts sur les nations autochtones plutôt que sur
des communautés individuelles. Elle estime que sur l’ensemble du Canada, entre
60 et 80 nations autochtones pourraient être candidates à l’autonomie
gouvernementale. La Commission propose en outre l’établissement d’un parlement
autochtone où siégeraient des représentants autochtones qui conseilleraient le Parlement
sur les questions touchant ces peuples.
Territoire
et économie
Les
recommandations relatives au thème « Territoire et économie »
soulignent l’importance de donner aux peuples autochtones des terres et des
ressources adéquates, ainsi que le besoin d’accroître de façon significative le
territoire des Premières
Nations dans le Sud du Canada. Une des recommandations vise à créer un
tribunal indépendant chargé des questions relatives aux territoires et
aux traités pour assurer la supervision
des négociations entre les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones
sur les questions territoriales. Les gouvernements autochtones sont encouragés
à créer des institutions économiques qui reflètent les valeurs culturelles et
doivent pouvoir répondre de leurs actes, tout en étant à l’abri de toute
ingérence politique. (Voir aussi : Territoire
autochtone; Autochtones :
conditions économiques.)
Questions
sociales et culturelles
Sous le
thème « Société et culture », la Commission propose notamment
l’adoption de stratégies en matière de santé et de guérison, l’établissement
d’une université internationale pour les peuples autochtones, la mise au point de
programmes éducatifs pour appuyer l’autonomie
gouvernementale autochtone et l’instauration de campagnes d’éducation
populaire visant à promouvoir une plus grande sensibilisation aux réalités
culturelles autochtones chez les non-Autochtones. (Voir aussi : Santé
des Autochtones au Canada; Condition
sociale des Autochtones au Canada; Éducation
des Autochtones au Canada.)
Les conclusions
et recommandations de la Commission concernant « le Nord »
sont axées sur le besoin d’offrir aux peuples autochtones la possibilité de
participer au développement politique et culturel en cours. (Voir aussi : Nunavut; Le Nunavut et la Confédération.)
La
Commission recommande également diverses actions immédiates, comme la tenue
d’une conférence des premiers ministres dans les six mois suivant la
parution du rapport et une augmentation majeure des dépenses consacrées aux
programmes autochtones, dont le budget atteindra 1,5 à 2 milliards de
dollars par année sur une période de 15 ans, afin de répondre aux besoins
les plus pressants en matière de santé, d’éducation, d’emploi et de logement.
La Commission propose qu’un nouveau ministère fédéral des Relations autochtones
soit créé pour aider les groupes autochtones à opérer la transition vers l’autonomie
gouvernementale et souhaite le maintien en place d’un ministère des
Programmes indiens et inuits afin d’assurer les services usuels aux communautés
qui ne sont pas prêtes à effectuer ces changements.
Réponse du gouvernement
Après la
publication du rapport, le gouvernement
fédéral s’engage à l’étudier, y compris les recommandations proposées. Le
gouvernement fédéral ne convoque cependant pas une conférence des premiers
ministres dans les six mois qui suivent la publication du rapport, comme l’a
pourtant recommandé la Commission. Au lieu de ça, il opte pour la publication
d’un long document d’information dans lequel il décrit les objectifs atteints
depuis 1993. Lorsque le gouvernement fédéral répond officiellement à la
Commission le 7 janvier 1998, il fait état de sa préférence pour des
approches non constitutionnelles dans le traitement de plusieurs enjeux
mentionnés dans le rapport. Dans sa réponse, le gouvernement fédéral expose ses
quatre objectifs : le renouvellement des partenariats, le renforcement de
la gouvernance autochtone, la mise en place d’une nouvelle relation fiscale et
la prestation d’un soutien assurant la solidité des communautés, des peuples et
des économies. Le gouvernement fédéral publie une déclaration de réconciliation
dans laquelle il exprime son profond regret pour les erreurs commises dans le
passé et sa volonté de tirer les leçons de cette expérience. (Voir aussi Reconciliation
in Canada.) Cette déclaration est accompagnée d’un engagement à verser 350 millions
de dollars pour le soutien aux services de guérison communautaires, en
particulier ceux qui traitent les victimes des abus perpétrés dans les pensionnats. Les gouvernements provinciaux
n’articulent aucune réponse détaillée, considérant que le rapport est
l’aboutissement d’une initiative purement fédérale.
Effets et importance
Les
gouvernements fédéral et provinciaux reconnaissent l’utilité des initiatives
concrètes conçues pour résoudre les problèmes d’ordre social ou économique et
se disent prêts à les soutenir, mais ils n’ont démontré qu’un faible intérêt
pour les discussions portant sur les aspects constitutionnels des enjeux
touchant les peuples et les communautés autochtones. Le rapport de la
Commission royale sur les peuples autochtones offre une perspective autochtone
sur l’histoire du Canada et sur le rôle que les peuples autochtones canadiens
devraient être amenés à jouer dans la société contemporaine. La portée des
recommandations formulées dépasse de loin celle envisagée par n’importe quelle
autre Commission royale, y compris les grandes commissions telles que la Commission royale d’enquête sur le
bilinguisme et le biculturalisme et la Commission royale sur l’union
économique et les perspectives de développement du Canada. Les difficultés liées à une
modification de la constitution ou la simple réticence à envisager de tels
changements font qu’à long terme, ce rapport restera essentiellement la
synthèse d’un important travail de recherche plutôt qu’un véritable plan
directeur facilitant le changement.