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L’affaire Baltej Dhillon

En 1991, Baltej Singh Dhillon devient le premier membre de la Gendarmerie royale du Canada à être autorisé – dans le cadre de sa religion, le sikhisme– à porter le turban au lieu du chapeau ou du stetson traditionnellement porté par les membres de la GRC . La requête de Baltej Dhillon demandant que la GRC modifie son règlement afférent à l’uniforme a déclenché un débat national sur les accommodements religieux au Canada.
Baltej Singh Dhillon

Religion et code vestimentaire

Baltej Dhillon est né et a grandi en Malaisie. Il a émigré en Colombie-Britannique en 1983, à l’âge de 16 ans. Une fois ses études secondaires terminées, il étudie la criminologie. Bien qu’il formule d’abord le vœu de devenir avocat, il décide d’essayer d’intégrer la GRC après avoir passé du temps dans l’un de ses détachements, à Surrey, en Colombie-Britannique, en tant que traducteur bénévole pour les immigrants asiatiques. (Voir Canadiens de l'Asie du Sud.)

Baltej Dhillon présente sa demande d’admission à la GRC en 1988. Il satisfait aux critères d’admission, mais il refuse de se soumettre au code vestimentaire alors en vigueur au sein de la GRC, qui interdit notamment le port d’un turban et exige que le visage soit entièrement rasé. En tant que sikh, Baltej Dhillon doit porter la barbe et le turban comme le dictent ses coutumes religieuses.

Campagne pour le changement

Au lieu d’abandonner son rêve – devenir membre de la GRC – ou d’aller à l’encontre de ses convictions religieuses, Baltej Dhillon chercha à faire évoluer la politique de la GRC concernant l’uniforme.

L’uniforme de la GRC avait déjà été modifié dans le passé. En 1974, les jupes et les talons ont ainsi été introduits pour s’adapter à la présence d’officières. En 1987, la GRC adopte des politiques d’action positive visant à recruter des membres des minorités visibles. L’année suivante, en réponse à la demande de Baltej Dhillon, le commissaire de la GRC recommande d’éliminer l’interdiction du port de la barbe et du turban au sein du corps de police.

Le cas est controversé et fait naître un vif débat ainsi que plusieurs manifestations d'un bout à l'autre du pays. Un grand nombre de critiques pensent que la tradition canadienne est sacrifiée au bénéfice des besoins des immigrants. D’autres font valoir que le port du turban pourrait mettre en danger l’officier – en engendrant une baisse de son autorité ou en fournissant à un assaillant le moyen de l’étrangler. En Alberta, un militant anti-turban produit et vend des milliers de calendriers ridiculisant diverses modifications de l’uniforme de la GRC pour des raisons ethniques ou religieuses.

De leur côté, ceux en faveur du changement déclarent que la Chartre des droits et libertés garantit aux Canadiens leur liberté religieuse et les protège contre toute discrimination basée sur la religion ou la race.

En mars 1990, le gouvernement progressiste-conservateur du premier ministre Brian Mulroney annonce plusieurs changements au code vestimentaire de la GRC, notamment l’introduction de pantalons pour les officières et la possibilité de porter la barbe et le turban pour les Sikhs.

« J’espère pouvoir me consacrer dorénavant à mon objectif professionnel de devenir un officier de la GRC », confie alors Baltej Dhillon à la CBC. « Je ne vais plus buter contre cet obstacle qui m’empêchait à la fois de pratiquer ma religion et de servir mon pays, le Canada, comme officier de la Gendarmerie royale ».

Carrière distinguée au sein de la police

Baltej Dhillon débute sa formation de policier au sein de la GRC à Regina et la termine en 1991.

Plusieurs critiques, y compris certaines municipalités dans l’Ouest du Canada qui ont passé un contrat avec la GRC pour des services de police municipale, condamnent la décision du gouvernement. D’autres intentent des actions en justice contre la décision. En 1996, la Commission canadienne des droits de la personne, la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada maintiendront cependant chacune la décision du gouvernement.

Baltej Dhillon fera une longue carrière au sein de la GRC. Il servira comme officier au sein du petit détachement de la GRC à Quesnel, en Colombie-Britannique, travaillera à Surrey en tant que spécialiste des interrogatoires et des tests polygraphiques, et participera à l’enquête sur l’attentat à la bombe sur l’avion d’Air India en 1985. En 2016, il est inspecteur chargé du programme « Préparation et interventions opérationnelles  » de la force. Dhillon prend sa retraite de la GRC en 2019, mais il continue à travailler dans les forces de l’ordre. Il devient membre de l'Unité des forces spéciales combinées de la Colombie-Britannique, une opération antigang.

Une version antérieure de cet article a été publiée sur le site Web Asie/Canada d’Historica Canada.