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Canadiens laotiens (Lao-Canadiens ou Canadiens d'origine laotienne)

L’immigration des Laotiens au Canada est relativement récente, elle remonte à la fin des années 1970. Après le retrait des troupes américaines du Viêt Nam en mars 1973, l’Asie du Sud-Est continentale (l’ancienne Indochine) est laissée à la merci des forces révolutionnaires de la région. En 1975, au terme d’une guerre civile qui a duré 20 ans, les communistes révolutionnaires du Pathet Lao (État du Laos) prennent le pouvoir, abolissent la monarchie et proclament la République démocratique populaire lao. À l’instar des populations du Viêt Nam et du Cambodge, les Laotiens voient leurs conditions de vie se détériorer. Les anciens cadres civils et militaires sont envoyés dans des camps de travail et leurs familles se voient refuser l’accès à l’emploi et à l’éducation. Ces conditions économiques difficiles, conjuguées au durcissement du régime communiste et aux violations des droits de la personne déclenchent un vaste mouvement migratoire dans la région. Les conditions périlleuses dans lesquelles cette migration s’effectue – comme les Vietnamiens, les Laotiens vont quitter leur pays sur des bateaux de fortune en empruntant d’abord le Mékong, puis la mer de Chine – valent aux réfugiés des pays de l’ancienne Indochine le surnom de « boat people » (réfugiés de la mer). De 1979 à 1982, le Canada accueille près de 8 000 Laotiens. Environ 20 % d’entre eux sont d’origine chinoise. Pris en charge par le gouvernement fédéral et des groupes privés de parrainage, ils sont réinstallés à divers endroits au Canada, mais ils se concentrent aujourd’hui au Québec et en Ontario. Lors du recensement de la population de 2016, 24 590 personnes ont déclaré avoir des origines laotiennes.

Présentation

La République démocratique populaire lao est un état socialiste de l’Asie du Sud-Est créé le 2 décembre 1975. Ce territoire faisait auparavant partie de ce que les Européens appelaient les « Indes orientales », une source importante d’approvisionnement en épices, soie et autres marchandises de traite depuis le 16ᵉ siècle.

La colonisation de l’Asie du Sud par la France commence par la conquête de Saïgon (aujourd’hui Hô Chi Minh-Ville, au Viêt Nam) en 1859. Cette première étape marque la création de l’Indochine française. La région intéresse beaucoup les Français, car le fleuve Mékong constitue la porte d’entrée pour la Chine. En 1886, la France signe une convention avec le royaume de Siam (Thaïlande), dont le Laos était alors vassal, afin de favoriser l’essor commercial, mais l’année suivante, elle revendique ce royaume, car il est tributaire du Viêt Nam, pays déjà sous contrôle français. En 1893, le Siam renonce, au profit de la France, à tous ses territoires situés à l’est du Mékong et tous les territoires laotiens sont regroupés pour ne former qu’une seule unité administrative. La France investit peu dans ses nouvelles colonies, le gouvernement colonial en place dispose d’un personnel restreint et la cour royale gère ses propres affaires pendant que les territoires sont administrés par les fonctionnaires vietnamiens. Afin de soustraire les Laotiens à l’influence siamoise pendant les années 1930 et 1940, une petite élite laotienne ayant reçu une éducation française défend l’utilisation de la langue laotienne, fait la promotion de la littérature de ce pays, est à l’origine de la rédaction des premiers livres d’histoire laotienne et instaure des instituts bouddhistes.

La Deuxième Guerre mondiale ébranle la suprématie française et renforce le sentiment nationaliste au Laos. Les Japonais occupent l’Indochine française au mois de mars 1945 et offrent certaines régions du Laos à la Thaïlande. Ils obligent le roi Sisavangvong du Laos à proclamer l’indépendance de son pays, mais en septembre 1945, au lendemain de la reddition japonaise, le roi décide de rétablir le protectorat français. Le premier ministre et vice-roi héréditaire, le prince Phetsarath, chef du mouvement d’indépendance nationale Lao Issara (Laos libre), proclame l’indépendance d’un Laos unifié le 7 octobre. Le roi destitue son premier ministre, mais un gouvernement provisoire crée une chambre des représentants qui, le 20 octobre, destitue à son tour le roi et place Phetsarath à la tête du gouvernement. Prisonnier dans son palais, le roi abdique le 10 novembre. Quelques semaines plus tard, à l’hiver 1946, les Français envahissent le Laos, reprennent les villes contrôlées par les indépendantistes et réinstallent le roi sur le trône à titre de monarque constitutionnel du Laos.

En avril 1946, les Français avalisent la monarchie constitutionnelle du Laos au sein d’une union française. Le Viêt Minh, une ligue luttant pour l’indépendance du Viêt Nam, lance une offensive contre le pouvoir français; le gouvernement français s’aperçoit alors qu’il doit alléger le fardeau colonial de la région s’il souhaite conserver son empire. Les membres du Lao Issara, dont les dirigeants avaient trouvé refuge au royaume de Siam, sont invités à prendre part à des négociations dont le but est de conférer au Laos une plus grande autonomie. Contrariés par les conditions imposées par la France pour proclamer l’indépendance de leur pays, les chefs du Lao Issara forgent une alliance avec le Viêt Minh qui, rapidement, s’implante dans les provinces du nord-est.

En 1953, le gouvernement français octroie la pleine souveraineté au Laos et au Cambodge et se retire de la région. En mai 1954, les Français subissent une écrasante défaite à Diên Biên Phu, au Viêt Nam, et entament des négociations de paix à la Conférence de Genève la même année. Les conditions de paix sont telles que la France met un terme à sa présence en Asie du Sud-Est.

Après avoir obtenu son indépendance, le Laos est en proie à la guerre civile qui prendra fin en 1975, année où la faction communiste prend le pouvoir. Le pays est aussi grandement touché par la guerre du Viêt Nam. Ces bouleversements, alliés à de mauvaises conditions économiques, poussent de nombreux Laotiens à émigrer à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et le Canada devient l’un des principaux pays de réinstallation pour les réfugiés laotiens (voir ​Réponse canadienne à la crise des réfugiés de la mer).

Histoire migratoire et établissement au Canada

Un petit nombre d’étudiants laotiens sont arrivés au Canada dans les années 1950 et 1960. Ils se sont établis en majorité au Québec avec leurs enfants après y avoir fait leurs études universitaires en français. La plupart d’entre eux bénéficiaient de bourses accordées dans le cadre du Plan de Colombo pour le développement économique coopératif; ce dernier visait à améliorer l’économie des nouveaux États de l’Asie du Sud et de l’Asie du Sud-Est et ainsi favoriser la stabilité de la région. Plusieurs de ces étudiants sont retournés dans leur pays d’origine, mais nombreux sont ceux qui ont préféré s’installer au Canada. Ces derniers ont trouvé rapidement un emploi dans le secteur professionnel et les trois quarts se sont établis dans la région de Montréal. En 1974, le Québec comptait environ 200 résidents d’origine laotienne.

Des réfugiés laotiens reçoivent de l
Des enfants laotiens au camp de Nong Khai, Thaïlande
Nombreux sont ces petits réfugiés qui arrivent malades et sous-alimentés au camp de Nong Khai.
Des réfugiés du Laos font preuve d
Des réfugiés laotiens gagnent des moyens de subsistance au camp de Nong Khai, Thaïlande
Tout en poursuivant ses efforts afin de favoriser la réinstallation des réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés propose des projets d'autosuffisance visant à réduire les coûts de soins et de maintenance en encourageant ceux qui vivent dans les centres à gagner leur vie.

La majorité des Laotiens arrivent au Canada après 1979. Ils s’inscrivent dans un vaste mouvement migratoire des populations des pays de l’Asie du Sud-Est continentale (Viêt Nam, Cambodge et Laos) qui vivent une crise humanitaire sans précédent. Comme plusieurs milliers de Vietnamiens, les Laotiens fuient leur pays sur des bateaux de fortune afin de rejoindre des camps du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Malaisie, aux Philippines, en Indonésie et à Hong Kong. Plus de 50 % d’entre eux viennent au Canada grâce à un tout nouveau programme de parrainage privé mis sur pied par le gouvernement. De 1979 à 1982, le Canada accueille 7 700 Laotiens dont environ 20 % sont d’origine chinoise.

Après 1982, le Canada favorise la réunification des familles (voir Immigration au Canada; Politique d’immigration canadienne). C’est ainsi que sont admis au Canada plus de la moitié des 1 500 Laotiens arrivés au pays de 1983 à 1986. D’autres arriveront dans les années suivantes, mais à partir des années 1990, l’accueil de réfugiés ou l’immigration en provenance du Laos ralentit de manière importante. En tout, le Canada aura accueilli près de 13 000 réfugiés originaires du Laos.

Le 13 novembre 1986, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la protection des réfugiés, le Canada reçoit la Médaille Nansen décernée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Cette distinction est acceptée au nom du peuple du Canada par la gouverneure générale Jeanne Sauvé. C’est l’unique fois où cet honneur a été décerné à une nation tout entière.

La gouverneure générale Jeanne Sauvé acceptant la Médaille Nansen, 1986
En 1986, la Médaille Nansen est décernée au peuple canadien en reconnaissance à sa contribution essentielle et constante à la protection des réfugiés, tant dans leur pays qu'à travers le monde.
La gouverneure générale Jeanne Sauvé acceptant la Médaille Nansen, 1986
En 1986, la Médaille Nansen est décernée au peuple canadien en reconnaissance à sa contribution essentielle et constante à la protection des réfugiés, tant dans leur pays qu'à travers le monde.\r\n
La Médaille Nansen
La Médaille Nansen du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est décernée annuellement afin de reconnaître l'engagement d'une personne ou d'une association ayant \u0153uvré auprès des réfugiés.

Bon nombre des réfugiés laotiens arrivés après 1974 se sont aussi installés au Québec (près de 27 % des Canadiens d'origine laotienne vivent à Montréal), tandis que d’autres sont allés en Ontario (notamment à Kitchener) ou ailleurs. Beaucoup d’entre eux ont reçu une éducation en français, ce qui a facilité leur transition, mais certains se sont heurtés à l’obstacle de la langue et ont été contraints d’occuper des postes d’ouvriers ou de spécialisation moyenne. Par ailleurs, l’absence de grandes communautés laotiennes au Canada a rendu les choses plus difficiles pour les nouveaux arrivants. En 2016, selon les données du recensement, le Canada comptait 24 590 personnes d’origine laotienne (réponses simples et multiples).

Vie sociale et culturelle

Au Canada, les Laotiens se fient les uns aux autres pour obtenir du soutien. Ils ont fondé leurs propres organisations religieuses et culturelles. Le bouddhisme theravâda constitue un lien collectif important; les communautés laotiennes ont édifié des temples à Montréal, à Toronto et à Winnipeg qui leur servent de lieu d’activités religieuses, culturelles et sociales.

Plusieurs associations laotiennes, la première fondée dans les années 1970, réunissent également des groupes de femmes et de jeunes, en plus de parrainer des initiatives culturelles et récréatives, comme des cours de langues, des activités artistiques et une ligue de soccer. La plupart des Lao-Canadiens vivent toujours dans des centres urbains et entretiennent des liens solides avec leur communauté.

Les relations entre le Canada et le Laos

Le Canada et le Laos entretiennent des relations diplomatiques depuis 1954. L’ambassade du Canada à Bangkok est accréditée auprès du Laos depuis 1974 et le Laos est représenté au Canada par l’ambassade de la République démocratique populaire lao à Washington. Les deux pays collaborent au sein de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), une organisation politique et économique, et font partie de l’Organisation internationale de la Francophonie, qui vise notamment à promouvoir la paix, la coopération et le développement durable. Le Programme canadien de bourses de la Francophonie soutient des étudiants laotiens qui souhaitent poursuivre leurs études en français dans une université canadienne.

La Convention d
Des mines antipersonnel retirées du sol au Cambodge (photo par Eric Nanya).

Sur le plan politique, le Canada continue d’encourager le Laos à améliorer les droits de la personne et la sécurité; il lui a de plus apporté un soutien financier pour l’élimination des mines terrestres non explosées et continue de l’encourager à adhérer à la Convention d’Ottawa (Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction).

Une version précédente de cet article a été publiée sur le site Asie/Canada d’Historica Canada.