Débuts
Barbara Howard est la benjamine d’une famille de cinq enfants. Son père, Samuel Howard, est un immigrant des États-Unis et sa mère, Catherine « Cassie » (née Scurry), quitte Winnipeg et s’installe à Vancouver à un jeune âge. Hiram Thomas Scurry, le grand-père de Barbara Howard, possède un salon de barbier au 25 Abbott Street, à Gastown. Selon la rumeur, lorsqu’un feu ravage tout Vancouver en juin 1886, il court jusqu’au port de la baie Burrard avec, sur son dos, sa chaise de barbier, pour la sauver des flammes.
Barbara Howard, son frère, Charles, et ses sœurs, Melba, Goldvine et Priscilla, grandissent au coin de la 10e Avenue et de la rue Nanaimo, dans l’est de Vancouver, sur « une grosse colline avec une vue magnifique ». La famille fréquente l’ Église unie et est active dans sa communauté. Après le décès de Samuel Howard en 1929, alors que Barbara Howard n’a que huit ans, la famille est soutenue par le frère de Cassie, qui finance l’éducation de Barbara Howard quelques années plus tard.
Même très jeune, Barbara Howard est rapide. Elle remporte le championnat de l’école primaire Laura Secord. Adolescente, alors qu’elle fréquente l’école secondaire Britannia, elle se classe parmi les sprinteuses les plus rapides au pays. En septembre 1937, âgée de 17 ans, elle fait les essais de l’Ouest canadien pour participer aux Jeux de l’Empire britannique. Elle prend ses adversaires par surprise en courant 100 verges en seulement 11,2 secondes (soit un dixième de seconde plus rapidement que le record des Jeux de l’Empire britannique) et bat des sprinteuses plus connues, telles Lillian Palmer et Mary Frizzell. Sa performance retient l’attention de la presse nationale, et l’ancienne sprinteuse Bobbie Rosenfeld, du Globe and Mail, la qualifie de l’un des « meilleurs espoirs » des Jeux : « Barbara Howard, la sprinteuse de couleur de Vancouver, me plaît beaucoup. On dit sur la côte qu’elle est rapide comme l’éclair, et ses statistiques le confirment. » En octobre, elle est sélectionnée pour faire partie de l’équipe canadienne qui participera aux Jeux de l’Empire britannique de Sydney, en Australie, en février 1938.
LE SAVIEZ-VOUS?
Dans les années 1930, les publications comprennent souvent des termes comme « de couleur » pour faire référence aux gens dont la peau est plus foncée, surtout ceux d’ascendance africaine.
Chouchoute des médias à Sydney, en Australie
Barbara Howard et ses coéquipières passent 28 jours sur le paquebot Aorangi et arrivent en Australie à la mi-janvier. Le 18 janvier, le journal The Sydney Morning Herald annonce l’arrivée de l’équipe et remarque particulièrement Barbara.
Avec ses yeux foncés, son enthousiasme et sa figure athlétique, elle incarne la vitesse même. Comme plusieurs personnes de sa race, elle est une sprinteuse très talentueuse. Déjà très appréciée, elle gagne en popularité lorsque M. J.H. Dunningham, le ministre responsable des célébrations, la met au défi, à la blague, de courir contre lui un sprint de 100 verges et qu’elle répond rapidement : « Oh! Mais je suis trop jeune pour votre ligue. » Personne n’apprécie plus cette réponse que M. Dunningham.
Selon le Herald (20 janvier), « Barbara provoquait des émeutes partout où elle passait. La foule se pressant pour avoir son autographe était sans pareil. » L’Australian Women’s Weekly (27 janvier), de son côté, déclare que la « grande » Barbara Howard est la « fille la plus populaire de l’équipe canadienne ». L’athlète reçoit beaucoup de cadeaux de ses admirateurs australiens, dont un koala en peluche qu’elle conserve encore passés ses 90 ans. Même son état de santé fait les manchettes : le 27 janvier, le Newcastle Sun rapporte qu’elle « a été soudainement frappée d’un grave rhume lors de son entraînement de la veille. »
Lorsque Barbara Howard revient au pays, Bobbie Rosenfeld écrit un commentaire sur la fascination qu’elle a suscitée chez les Australiens dans sa chronique du Globe and Mail, « Feminine Sports Reel » : « Barbara Howard, la sprinteuse de couleur de Colombie-Britannique, a causé tout un émoi chez les Australiens lors des Jeux de l’Empire. Elle était apparemment un phénomène nouveau, étant à la une de tous les journaux. Les athlètes de couleur sont rares là-bas... Les photographes et les chasseurs d’autographes la suivaient partout. » Quelques décennies plus tard, Barbara Howard réagit à ces remarques. « C’était excitant, mais je n’avais pas saisi à quel point j’étais une nouveauté. À l’époque, l’Australie ne permettait pas aux étrangers de s’y établir et, parce qu’il y avait très peu de personnes noires, j’étais assez spéciale. »
Sur le podium aux Jeux de l’Empire britannique
Dépassée par toute l’attention qu’on lui porte, Barbara Howard n’est pas au sommet de sa forme lorsque vient son sprint de 100 verges : elle termine sixième (sa coéquipière de Toronto, Jeanette Dolson, remporte le bronze). Barbara Howard est dévastée. « Je croyais avoir déçu le Canada en entier, se rappelle-t-elle quelques années plus tard. J’avais honte de ne pas avoir de médaille d’or à mon retour au pays. » Elle ramène toutefois une médaille d’argent et une de bronze. Avec Jeannette Dolson, Aileen Meagher, d’Halifax, et Violet Montgomery, de Winnipeg, elle remporte l’argent au relais de 440 verges et le bronze au relais de 660 verges. En tant que l’une des meilleures sprinteuses du Canada, Barbara Howard espère participer aux Jeux olympiques suivants, mais ses rêves sont brisés lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale et que sont annulés les Jeux de 1940 et de 1944.
Enseignement
Après les Jeux de l’Empire, Barbara Howard retourne aux études. Déterminée à devenir enseignante, elle étudie en enseignement à l’école normale grâce au soutien financier de son oncle. (Elle s’inscrit par la suite à l’Université de la Colombie-Britannique et reçoit un baccalauréat en enseignement en 1959.) Peu après avoir terminé ses études à l’école normale, elle décroche un poste d’enseignante dans une école de Port Alberni. « Je croyais avoir eu mon premier emploi à Alberni parce que j’avais envoyé des CV, dit-elle en 2014. Ça ne m’avait jamais traversé l’esprit que personne n’embauchait d’enseignant noir. Environ 10 ans plus tard, j’ai découvert que le directeur de l’école normale avait une si bonne opinion de moi grâce à mes efforts acharnés qu’il a soulevé des montagnes pour que je puisse avoir le poste. »
En 1941, Barbara Howard retourne à Vancouver, où elle trouve du travail comme suppléante. Lorsqu’on lui demande si elle accepterait d’enseigner l’éducation physique à une classe de garçons de l’école Strathcona, elle accepte. Le directeur, épaté par son enseignement, ne tarde pas à lui offrir un poste à temps plein. Elle devient ainsi la première personne d'une minorité visible embauchée par le Conseil scolaire de Vancouver.
Barbara Howard enseigne par la suite aux écoles primaires Hastings, Henry Hudson et Trafalgar. À Trafalgar, elle enseigne à des enfants doués qui performent mal à l’école. Plusieurs d’entre eux en viennent à décrocher des diplômes d’études supérieures et gardent contact avec elle. Après 43 ans d’enseignement (dont 14 en éducation physique), Barbara Howard prend sa retraite en 1984.
Engagement communautaire et caritatif
En tant que jeune enseignante à Alberni, Barbara Howard s’implique dans le programme Canadian Girls in Training (CGIT), mis en place par le YWCA et plusieurs groupes protestants du Canada. Dans une entrevue réalisée en 2014 pour Seniors’ Stories, un projet du Vancouver Community Network, elle raconte son expérience de bénévolat pour CGIT, qui inclut notamment des visites aux camps d’internement de Japonais, ouverts pendant la Deuxième Guerre mondiale.
En 1942, quand j’étais probablement encore à Strathcona [l’école primaire], j’allais à l’église Grandview Trinity United, située sur Victoria Drive. Il y avait beaucoup de Japonais à l’Église unie de Richmond, et ils venaient souvent à nos danses... Quand ils ont été internés à Hastings Park, notre groupe de jeunes a organisé des danses et des spectacles pour eux. Ils nous ont informés de leur déportation dans les terres intérieures et nous sommes allés à la gare pour les voir partir et les saluer. Je m’en souviens encore très bien. Certains sont partis pour l’Ontario, d’autres pour Tashme, un camp près de Hope.
En tant que meneuse pour CGIT, je suis allée à Tashme pour faire un camp CGIT avec eux. C’était en bas d’une grande colline, et j’ai pu les voir courir vers le bus pour m’accueillir, le sourire aux lèvres, me saluant de la main... J’ai dû donner mes empreintes digitales pour entrer et suivre d’autres procédures de la sorte. À l’Action de grâce, je suis retournée au camp. Les maisons n’étaient même pas alignées, c’était un peu comme des fermes. Étant Japonais, ils installaient des bacs à fleurs pour embellir l’endroit… que la GRC détruisait par la suite. C’était affreux!
Barbara Howard demeure active dans sa communauté après sa retraite. Elle est bénévole pour l’Église unie et pour le Confederation Centre de Burnaby.
Prix et distinctions
- Prix décerné à une femme remarquable, Vancouver Park Board (2010)
- Temple de la renommée des sports de Burnaby (2011)
- British Columbia Sports Hall of Fame (2012)
- Panthéon des sports canadiens (2015)