Richard Bedford Bennett, 1er vicomte Bennett de Mickleham, Calgary et Hopewell, homme d’affaires, avocat, politicien, philanthrope, premier ministre du Canada du 7 août 1930 au 23 octobre 1935 (né le 3 juillet 1870 à Hopewell Hill, Nouveau-Brunswick; mort le 26 juin 1947 à Mickleham, Angleterre). R.B. Bennett est surtout connu pour sa réponse, extrêmement critiquée, à la crise des années 1930, ainsi que pour les camps de secours pour les chômeurs et la marche sur Ottawa et l’émeute de Regina. Néanmoins, il a aussi créé la Banque du Canada, la Commission canadienne du blé et la Commission canadienne de la radiodiffusion, qui deviendra plus tard CBC/Radio-Canada. Il a aussi supervisé la signature du Statut de Westminster par le Canada. Pour son service pendant la Deuxième Guerre mondiale, il est nommé à la Chambre des lords britannique et devient vicomte Bennett de Mickleham, Calgary et Hopewell.
Jeunesse
Richard Bedford Bennett naît dans la minuscule communauté de Hopewell Hill, au Nouveau-Brunswick, en juillet 1870. Sa famille a déjà prospéré dans l’industrie de la construction navale, mais à l’époque de sa naissance, elle est réduite à la pauvreté.
Jeune homme sérieux et lecteur insatiable, Richard Bennett est un élève exceptionnel, avec une mémoire prodigieuse. Il termine l’école secondaire à 15 ans, et un an plus tard, il enseigne à l’école. À 18 ans, il est principal. Quand l’école est fermée, il travaille dans des bureaux d’avocats. Il quitte l’enseignement pour s’inscrire à l’école de droit de l’Université Dalhousie. Le sénateur conservateur James A. Lougheed lui offre un poste dans son cabinet de Calgary. Richard Bennett négocie une entente de partenariat, créant le cabinet Lougheed Bennett. En janvier 1897, Richard Bennett déménage dans l’Ouest.
Cabinet de droit et succès dans les affaires
Richard Bennett excelle dans le droit des sociétés. Parmi les clients de son cabinet on retrouve le Chemin de fer du Canadien Pacifique et la Compagnie de la Baie d’Hudson. Lui et son ami d’enfance Max Aitkin (futur lord Beaverbrook) collaborent également dans plusieurs entreprises fructueuses, dont l’achat d’actions, la spéculation foncière et l’achat et la fusion de petites compagnies. Richard Bennett devient président d’une foule d’entreprises et siège au conseil de beaucoup d’autres.
Avant d’avoir 40 ans, Richard Bennett est multimillionaire. Il vit dans l’hôtel Palliser à Calgary. Il ne fume pas et de boit pas d’alcool. Il fréquente plusieurs femmes mais ne se marie jamais. Il commence à se consacrer à la philanthropie, ce qu’il poursuivra toute sa vie, donnant généreusement aux hôpitaux, aux organismes caritatifs et aux personnes dans le besoin.
Début de carrière politique
Richard Bennett a obtenu son diplôme de l’école de droit en 1893 et a été élu au conseil municipal de Chatham en 1896. Ses ambitions politiques sont ravivées à Calgary en 1898, quand il remporte l’élection à l’assemblée des Territoires-du-Nord-Ouest. Son aptitude à parler rapidement, sans préparation et de manière persuasive lui vaut le surnom de « Bonfire Bennett ». L’Alberta devient une province en 1905 et Richard Bennett devient le premier chef de son parti conservateur.
En 1911, Richard Bennett entre en politique fédérale après avoir été élu député conservateur de Calgary. À son grand désappointement, le premier ministre Robert Borden ne le nomme pas au cabinet. Néanmoins, il se fait un nom par lui-même en tant que bon travailleur et orateur persuasif. Entre autres, il travaille afin de mettre au jour la corruption qui règne au Canadian Northern Railway. Toutefois, insatisfait de son rôle d’arrière-ban, il ne se présente pas à l’élection suivante, en 1917.
Chef du Parti conservateur
En 1921, le premier ministreArthur Meighen nomme Richard Bennett ministre de la Justice. Cependant, Bennett échoue à remporter un siège à l’élection suivante, par seulement 16 votes. En 1925, il devient député fédéral de Calgary West. En 1926, il devient ministre des Finances, ministre de l’intérieur par intérim, ministre des Mines par intérim et surintendant général des Affaires indiennes par intérim. En octobre 1927, Arthur Meighen ayant démissionné après la défaite de son éphémère gouvernement, Richard Bennett devient chef national du Parti conservateur et chef de l’opposition.
Richard Bennett travaille fort pour unifier le parti, accroître sa base et regarnir ses coffres, donnant personnellement 1,1 million de dollars au parti en trois ans après être devenu chef. À l’élection de 1930, les Canadiens votent au milieu des premiers mois de la dévastation économique et sociale de la Grande dépression. Le premier ministre libéralWilliam Lyon Mackenzie King soutient qu’il laisserait le marché réparer la catastrophe, qui s’aggrave. Richard
Bennett promet de lutter vigoureusement pour créer des emplois, aider les millions de chômeurs et réintégrer le Canada dans le marché mondial. En juillet 1930, les conservateurs remportent une nette majorité et Richard Bennett devient premier ministre.
Premier ministre
Le gouvernement de Richard Bennett lance plusieurs initiatives pour aider les Canadiens touchés par les effets de la crise économique. La Loi de 1930 pour remédier au chômage crée des emplois en débloquant 20 millions de dollars pour des travaux publics. À cela vient s’ajouter ultérieurement la Loi remédiant au chômage et aidant à l’agriculture, 1931 qui prévoit d’autres constructions d’infrastructures et un secours direct pour les cultivateurs et les chômeurs. Les fermiers de l’Ouest ont été ruinés par un effondrement des prix, une sécheresse et une invasion de criquets. Le gouvernement Bennett facilite le crédit pour les cultivateurs avec la Loi d'arrangement entre cultivateurs et créanciers. En 1935, le gouvernement Bennett crée la Commission canadienne du blé, qui stabilise les prix et aide les cultivateurs à vendre leur blé à l’étranger. Pour stimuler le commerce, Bennett convoque une Conférence impériale sur l’économie à Ottawa. (Voir Conférences coloniales et impériales.) Celle-ci a pour résultat un accroissement de 60 % des biens canadiens vendus en Grande-Bretagne et la signature d’accords commerciaux bilatéraux avec les autres nations.
À cette époque, les banques à charte contrôlent les taux d’intérêts, la valeur du dollar canadien sur les marchés mondiaux et la quantité de monnaie en circulation. Ils impriment même leur propre devise. Richard Bennett met sur pied une commission royale, une première étape vers la création de la Banque du Canada. Celle-ci finira par assumer tous les pouvoirs des banques à charte. Celles-ci combattent l’idée, mais Richard Bennett persévère. La Loi sur la Banque du Canada entre en vigueur en 1934 et la Banque est ouverte en 1935. Elle obtiendra plus tard le mandat légal de contrôler la politique monétaire du Canada indépendamment du gouvernement fédéral.
Richard Bennett craint que la culture canadienne ne soit submergée par celle des États-Unis, particulièrement en ce qui a trait à la puissance culturelle de l’heure : la radio. En 1932, son gouvernement crée la Commission canadienne de la radiodiffusion, qui régule la diffusion radiophonique afin d’assurer davantage de contenu canadien. Elle institue également un réseau radiophonique national, de propriété publique, dont le mandat est de présenter une vision canadienne aux Canadiens. En 1936, celui-ci devient CBC/Radio-Canada. (Voir aussi Création de la Société Radio-Canada.)
En 1930, Richard Bennett représente le Canada à la Conférence impériale où est ébauché le Statut de Westminster. Ce document représente une étape importante vers l’indépendance du Canada, car il établit que la Grande Bretagne ne créera plus de législations applicables dans une de ses colonies. (Voir aussiLe Statut de Westminster : la déclaration d'indépendance du Canada.)
Toutefois, pendant le mandat de Richard Bennett, la crise économique s’aggrave. Il a promis des actions énergiques pour combattre les effets du ralentissement économique, mais une fois au pouvoir il a du mal à développer un programme cohérent. Son instinct pour les affaires ne sert pas toujours ses intérêts politiques. Son initiative pour obtenir des tarifs préférentiels de l’Empire britannique apporte un certain soulagement à l’économie canadienne, mais cela est insuffisant. Vers 1933, le nadir de la crise économique, Richard Bennett apparaît indécis et inefficace. Il devient une cible intarissable de blagues : on surnomme « chars à Bennett » les automobiles tirées par des chevaux parce que leurs propriétaires n’ont plus les moyens d’acheter de l’essence.
Vers 1934, Richard Bennett est de plus en plus isolé et est fortement contesté à la fois dans son parti et dans tout le pays. Malgré tout, il est souvent touché par les lettres que des Canadiens lui envoient pour lui faire part de leurs difficultés. Il répond régulièrement par des mots personnels, glissant souvent un peu d’argent dans les enveloppes.
Camps de secours pour les chômeurs et émeutes de Regina
En 1932, plusieurs maires et premiers ministres demandent à Richard Bennett de faire quelque chose pour les milliers de jeunes chômeurs qui vagabondent dans les villes et les villages. En octobre, Richard Bennett crée des camps de secours pour les chômeurs. Les jeunes hommes y trouve de la nourriture et un hébergement et travaillent à couper des arbres, construire des routes ou d’autres tâches manuelles. Mais les travailleurs des camps ne reçoivent que 0,20 $ par jour, pour une semaine de travail de 44 heures, ce que beaucoup jugent insuffisant.
Au printemps 1935, des grèves dans plusieurs camps donnent lieu à des manifestations qui s’étirent pendant des mois à Vancouver. Le 3 juin, un millier d’hommes quittent la Colombie-Britannique à bord de trains afin d’aller négocier directement avec le premier ministre. Richard Bennett est convaincu que cette marche sur Ottawa a été organisée par des communistes (la Workers’ Unity League, qui a organisé les manifestations, est affiliée au mouvement communiste international) et, par conséquent, représente une menace pour la loi et l’ordre. Il ordonne donc qu’elle soit stoppée. Le 1er juillet, la GRC attaque les marcheurs à Regina, bien que les dirigeants aient décidé de mettre fin à la marche. L’émeute qui s’ensuit fait de nombreux blessés et entraîne la mort d’un policier et d’un manifestant. Richard Bennett est durement critiqué pour sa réaction à la marche.
Le « New Deal de Bennett »
En janvier 1935, en prévision de l’élection fédérale qui doit se tenir plus tard dans l’année, Richard Bennett fait cinq discours à la radio. Il affirme que la crise économique prouve que le capitalisme a échoué et qu’une intervention accrue de l’État est devenue nécessaire. Il propose de créer ou d’améliorer des services sociaux administrés par le gouvernement fédéral, dont une assurance chômage, une assurance santé, un régime de pensions. Certains critiques reprochent à Richard Bennett son ton, d’autres ses idées. Bien que ces projets soient conformes aux convictions et aux politiques qu’il promeut depuis des années, certains disent qu’il ne fait que copier le New Deal du président américain Franklin Roosevelt. Ils ridiculisent ses discours en évoquant le « New Deal de Bennett ».
Les Canadiens se rendent aux urnes le 14 octobre 1935. Un ministre du cabinet Bennett, Henry Herbert Stevens, a quitté le Parti conservateur et fondé le Parti de la reconstruction. Bien que le parti ne remporte qu’un siège, celui de Henry Stevens lui-même en Colombie-Britannique, il a présenté des candidats dans 172 des 245 circonscriptions et obtenu des votes qui, autrement, seraient sans doute allés aux conservateurs. D’autres nouveaux partis, comme la Cooperative Commonwealth Federation (CCF) et le Crédit social, contribuent aussi à diviser le vote dans plusieurs circonscriptions. Le Parti libéral obtient 171 sièges, bien que son pourcentage des votes soit très proche de ce qu’il était en 1930. Les conservateurs de Bennett n’obtiennent que 39 sièges. Les autres parties en prennent 35.
Chef de l’Opposition
Richard Bennett a subi une crise cardiaque en mars 1935 et est personnellement dévasté par sa défaite électorale. Néanmoins, il se montre efficace en tant que chef de l’Opposition. Excellant dans les débats parlementaires, il est à la Chambre des communes presque tous les jours et adresse au gouvernement des questions cinglantes. Il travaille aussi à la reconstruction du Parti conservateur. Il quitte son poste de chef du Parti conservateur en mars 1938 pour des raisons de santé. Robert Manion lui succède à la tête du parti lors du congrès à la direction de juillet.
Vicomté
Richard Bennett réalise son vieux rêve de vivre en Angleterre en achetant Juniper Hill, une propriété de 94 acres dans le Surrey. Elle est située tout près de la résidence de son vieil ami lord Beaverbook, qui s’est installé en Angleterre quelques années auparavant. Après avoir vécu dans l’hôtel Palliser à Calgary, et à l’hôtel Château Laurier à Ottawa, c’est la première fois que Richard Bennett possède une maison.
En Angleterre, Richard Bennett fait de nombreuses allocutions et siège sur différents conseils. Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, lord Beaverbook est nommé ministre de la production aéronautique. Richard Bennett l’assiste, organisant la construction des avions et des aéroports. Pour son service dans l’effort de guerre, le premier ministre britannique Winston Churchill le nomme à la Chambre des lords; il devient ainsi vicomte Bennett de Mickleham, Calgary et Hopewell. Le premier ministreMackenzie King, rival politique de Richard Bennett, accepte d’exempter celui-ci de l’ancienne politique canadienne qui interdit de telles nominations.
Vers 1947, la santé de Richard Bennett décline. En mars, il vend presque tous ses investissements. Il fait de généreuses donations à des organismes caritatifs, des églises, des écoles et des bourses d’études canadiens, tout particulièrement à l’Université Dalhousie et l’Université Mount Allison. Le 26 juin 1947, Richard Bennett succombe à une crise cardiaque en prenant un bain chaud. Il est le seul premier ministre canadien à être enterré hors du Canada.
Voir aussi Chronologie : Élections et premiers ministres fédéraux.