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Francis Marion Beynon

Francis (née Frances) Marion Beynon, journaliste, romancière, suffragette (née le 26 mai 1884 à Streetsville, en Ontario; décédée le 5 octobre 1951 à Winnipeg, au Manitoba). Francis Marion Beynon s’est rendue célèbre pour son courage en tant que pacifiste, pour ses vues ouvertement antireligieuses et pour ses positions antiracistes.
Francis Beynon
Francis Beynon (avec la permission des Archives du Manitoba, N13687).

Francis (née Frances) Marion Beynon, journaliste, romancière, suffragette (née le 26 mai 1884 à Streetsville, en Ontario; décédée le 5 octobre 1951 à Winnipeg, au Manitoba). Francis Marion Beynon s’est rendue célèbre pour son courage en tant que pacifiste, pour ses vues ouvertement antireligieuses et pour ses positions antiracistes.

Jeunesse

Née dans une famille d’agriculteurs, Francis Marion Beynon est l’avant‑dernière d’une fratrie de trois filles et quatre garçons. Méthodistes rigoureux, ses parents, Rebecca Manning Beynon et James Barnes Beynon, sont fermement décidés à imposer à leurs enfants un strict respect de leurs préceptes religieux. Trois des frères de Rebecca deviendront ministres méthodistes et elle‑même sera active au sein de la Woman’s Christian Temperance Union. Francis naît à Streetsville, en Ontario, où sa famille déménage dans les années 1870. En 1889, les Beynon décident d’émigrer vers l’Ouest à la recherche d’une vie meilleure et s’installent à Hartney, au Manitoba.

Francis se rapproche de sa sœur aînée Lillian dont elle subit également l’influence. Bien que toutes deux deviennent, par la suite, écrivaines et militantes féministes, elles auront un point de vue différent sur leur enfance et ne verront pas la religion de la même façon. Dans son roman autobiographique de 1919, Aleta Dey, Francis dépeint la religion du père et de la mère de son héroïne comme sombre et terrifiante : « Je crois que j’étais née pour être libre, mais mes parents, se servant de Dieu comme l’un de leurs principaux moyens pour m’effrayer, m’ont maintenue dans un état de servilité par la terreur. »

Début de carrière et militantisme

Francis Marion Beynon reçoit une formation d’enseignante, mais n’enseigne que brièvement près de Carman, au Manitoba. En 1908, elle abandonne sa carrière dans l’enseignement et déménage à Winnipeg où vit sa sœur Lillian. Elle travaille comme journaliste, puis trouve un emploi dans la publicité au sein de la Compagnie T. Eaton limitée et se retrouve aspirée dans le cercle des fréquentations de Lillian. Elle devient active au sein de la Manitoba Political Equality League (MPEL), un groupe que Lillian a contribué à fonder. Elle investit également beaucoup d’énergie dans un éphémère club littéraire qu’elle cofonde avec sa sœur, le Quill Club, et au sein de la succursale de Winnipeg du Canadian Women’s Press Club.

En 1912, Francis Beynon trouve un emploi de rédactrice et chroniqueuse pour le Grain Growers’ Guide. Durant les cinq années qu’elle passe dans ce journal, elle travaille pour les sections « The Country Homemakers » et « The Sunshine Guild ». Elle est également rédactrice d’une page du journal destinée aux enfants paraissant sous le nom de « Dixie Patton » et tient la chronique « Country Girl’s Ideas ». La section « Country Homemakers » est une page destinée aux femmes, similaire à la rubrique que tient Lillian dans le Weekly Free Press and Prairie Farmer, qui traite aussi bien du féminisme et du radicalisme que de recettes de cuisine. Comme elle l’écrit le 25 décembre 1912 : « La page pour les femmes dans les journaux de demain traitera, je l’espère, de questions d’intérêt très général sans qu’elles n’aient nécessairement un rapport particulier avec le sexe. »

En tant que membre de la MPEL, Francis Beynon prend part à la campagne, qui aura une issue positive, pour le droit de vote des femmes au Manitoba. Aux côtés d’autres personnalités de premier plan membres de ce mouvement, notamment Nellie McClung et E. Cora Hind, elle transmet au gouvernement de nombreuses pétitions en faveur du vote des femmes et monte sur scène à l’occasion d’un spectacle militant de 1914, un simulacre de parlement, joué au Walker Theatre à Winnipeg.

Lorsque le gouvernement libéral de Tobias Norris arrive au pouvoir au Manitoba en 1915, il promet de présenter un projet de loi pour le droit de vote des femmes, sous réserve qu’il soit appuyé par 17 000 signatures. En fait, la pétition lancée à l’occasion recueille plus de 40 000 signatures et les libéraux présentent le projet de loi devant l’Assemblée législative. Toutefois, Lillian Beynon découvre que, tel qu’il est formulé, le projet ne prévoit pas le droit des femmes à occuper des fonctions électives. Avant qu’il ne soit rendu public, Francis Beynon s’empresse de mobiliser l’Association des producteurs de grains du Manitoba, une organisation qui milite pour le droit de vote des femmes et qui est également un puissant soutien des libéraux. Le premier ministre accepte alors de modifier son projet de loi sous la menace d’une interruption du soutien financier accordé par l’association au Parti libéral.

Première Guerre mondiale

Lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, la plupart des suffragettes canadiennes se mobilisent pour le pays du mieux qu’elles peuvent. Elles se prononcent également en faveur de la Loi des électeurs militaires et de la Loi des élections en temps de guerre, deux textes législatifs introduits par le premier ministre canadien Robert Borden prévoyant l’émancipation, c’est‑à‑dire l’octroi du droit de vote, des femmes parentes de soldats servant outre‑mer, des veuves de guerre et des femmes qui servent elles‑mêmes dans l’armée. Toutefois, ces mêmes dispositions législatives privent de leurs droits civiques la plupart des hommes et des femmes nés dans un pays ennemi. Nellie McClung, la plus célèbre suffragette du Manitoba, manifeste, par exemple, son soutien aux lois sur les élections en temps de guerre et à l’effort de guerre. Francis Beynon, elle, s’y oppose.

Le 27 décembre 1916, elle dénonce ainsi, dans le Grain Growers’ Guide, « la tyrannie d’un gouvernement non représentatif et l’injustice qu’il y a à priver de ses droits une partie quelconque de la population en raison des hasards de la naissance ». La violence de la guerre l’horrifie et elle prend la plume pour défendre les hommes qui refusent d’y participer : « Il est pleinement légitime de se demander si la destruction d’armements n’a jamais guéri une nation de sa volonté de faire la guerre et de rechercher, sans relâche, la réponse à cette question. »

Les opinions pacifistes de Francis Beynon constituent peut‑être l’un des facteurs expliquant sa démission du Guide. Barbara Freeman écrit à ce sujet : « Il n’y a aucune preuve donnant à penser qu’elle a été congédiée ou qu’on la forcée à démissionner [...] pour autant qu’on puisse en juger, elle aurait plutôt parfaitement anticipé la suite fâcheuse des événements et pris la décision de démissionner pour ses propres raisons, dont certaines étaient indubitablement de nature politique et spirituelle. » Francis Beynon quitte Winnipeg en 1917 et part vivre à Brooklyn où elle rejoint sa sœur Lillian et le mari de cette dernière, Alfred Vernon Thomas.

Aleta Dey, maturité et dernières années

Francis Beynon publie un roman, Aleta Dey, en 1919. Bien qu’il s’agisse d’une fiction, cette œuvre est également autobiographique, en ce sens que de nombreux personnages et de nombreuses situations s’inspirent très directement de la vie de l’auteure. Aleta, la protagoniste principale du roman est, par exemple une adversaire déclarée de la guerre. Alors qu’elle prend part à une manifestation contre la guerre à Winnipeg, l’héroïne est tuée par un jeune proguerre.

Au cours des décennies suivantes où elle vit aux États‑Unis, Francis Beynon subvient à ses besoins en travaillant, pendant une courte période, en tant qu’employée de bureau pour une société de fiducie et en écrivant sous le pseudonyme de Ginty Beynon. Dans les années 1920, elle déménage à Greenwich Village, un quartier bohème de Manhattan, et devient rédactrice en chef de la publication mensuelle du Seamen’s Church Institute, The Lookout. Elle revient à Winnipeg en 1950 où elle décède l’année suivante.

Reconnaissance posthume

Lors de sa publication, Aleta Dey ne reçoit que peu d’attention. Cependant, il suscite un regain d’intérêt dans les années 1980 dans le cadre de la « deuxième vague » du féminisme. En 1988, les éditions féministes Virago rééditent le roman accompagné d’une introduction de l’historienne Anne Hicks. Depuis lors, on a redonné toute sa place à Francis Beynon en tant que l’une des figures majeures du mouvement pour le droit de vote des femmes au Manitoba et au Canada. Elle s’est rendue célèbre pour son courage en tant que pacifiste, pour ses vues ouvertement antireligieuses et pour son antiracisme. Au‑delà de la reconnaissance accordée à son auteure, Aleta Dey a également reçu récemment des critiques élogieuses. Le 3 juin 2014, l’émission Canada Writes de la CBC en parle comme d’un « grand roman de guerre canadien ». Wendy Lill fait de Francis Marion Beynon l’un des personnages de sa pièce de 1980 The Fighting Days, dans laquelle elle la présente comme une militante féministe et pacifiste plus courageuse et plus intransigeante que sa sœur Lillian.