Enfance et rapport avec la nature
Boucar Diouf est né à Fatick, dans l’ancien royaume du Sine, un territoire de l’ouest du Sénégal majoritairement peuplé par la communauté ethnique des Sérères. Il est le sixième enfant d’une fratrie constituée de trois filles et six garçons. Sa mère N’Dew Diouf contribue toutefois à l’éducation d’une trentaine d’enfants puisque le père, Amath, est polygame et a quatre épouses et de nombreux descendants.
Amath Diouf est agriculteur. Il assure l’autosuffisance alimentaire du foyer grâce à l’agriculture extensive (à champs ouverts). Ainsi, le travail de la terre permet aux Diouf de produire des arachides et des haricots nains de même que de cultiver des plantes comme le papyrus.
Durant toute son enfance, Boucar arpente la savane africaine en s’acquittant de son rôle de berger. Il guide et surveille l’élevage de zébus, chèvres, moutons et autres animaux appartenant à la famille en les menant aux pâturages. Il développe ainsi une relation particulière avec la faune et la flore, de même qu’avec les baobabs. L’un d’entre eux, que la famille a affectueusement nommé Mpak Yaye (« La mère »), exerce sur lui une fascination qui l’amène à s’intéresser à la biologie. C’est à l’ombre de cet arbre sacré que le jeune homme se recueille et se retrouve. Il lui arrive en outre régulièrement d’exposer ses préoccupations aux troupeaux de vaches, qui deviennent en quelque sorte son premier public, et de consolider les leçons apprises à l’école en les récitant aux baobabs. Le petit Boucar a alors l’intime conviction d’être compris et écouté.
Formation universitaire au Sénégal
Le père, qui est analphabète, répète souvent que « les illettrés sont les aveugles des temps modernes ». Afin d’inciter ses enfants à s’instruire, il les fait travailler dans les champs d’arachides, de façon à ce qu’ils considèrent l’école comme de véritables vacances. Plusieurs d’entre eux choisiront d’ailleurs de faire des études supérieures. C’est le cas de Boucar, qui à l’âge de 15 ans entre à la Faculté des sciences de l’Université Cheikh Anta Diop (anciennement appelée Université de Dakar). Il y obtient par la suite sa maîtrise ainsi qu’une attestation d’études approfondies en biologie végétale.
Le Sénégal étant un pays côtier, les sciences de la mer le passionnent également. Il décroche une bourse de recherches doctorales et décide de poursuivre ses études au Québec, dans le programme d’océanographie de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Départ pour le Québec et découverte d’une nouvelle culture
En 1991, après avoir suivi au Sénégal des cours sur la société et la culture québécoises, Boucar Diouf arrive au Québec. Lorsqu’il y pose les pieds pour la toute première fois, vêtu de sa Djellaba, le jeune Africain récite une prière traditionnelle que son grand-père lui a recommandé d’adresser à sa nouvelle terre d’accueil : « Je vous salue respectueusement et j’implore un pacte de non-agression, car je suis venu en paix. »
En dépit d’un premier « choc thermique » en découvrant l’hiver, une saison qui lui était totalement inconnue, il réussit à s’adapter à la vie et aux coutumes du Québec, sauf peut-être en ce qui a trait à la nourriture. Peu de temps après son arrivée, il est invité à manger en famille des plats typiquement québécois. Il découvre alors une tradition culinaire très différente de la sienne qui le rend nostalgique des mets cuisinés à base d’épices fermentées comme la soumbala, originaire d’Afrique de l’Ouest et reconnue pour son odeur puissante.
Enseignement à l’Université du Québec à Rimouski et débuts en humour
Après cinq années de recherche à l’UQAR, Boucar Diouf obtient son doctorat en océanographie, qui porte sur les facteurs de résistance au froid de l’éperlan arc-en-ciel. Comme beaucoup de jeunes chercheurs, il se questionne sur les applications pratiques de ses travaux et sur son avenir, d’autant plus qu’il vient d’un pays où la température atteint le plus souvent les 40 degrés à l’ombre.
C’est le professeur Pierre Blier qui lui offre sa première chance d’enseigner. Pendant huit ans, de 1998 à 2006, Boucar obtient plusieurs charges de cours à l’UQAR dans différentes matières comme la physiologie humaine, la génétique, la biologie adaptative et structurale et le métabolisme énergétique.
Le jeune enseignant a un don pour vulgariser la science et la rendre accessible et ludique pour ses étudiants. Ceux-ci apprécient tellement ses exposés qu’ils l’encouragent à s’inscrire à un concours dans le cadre du festival Juste pour rire. Boucar, qui adore les défis, accepte et prépare un numéro humoristique sur le thème des différences culturelles et de sa propre expérience en tant qu’immigrant. En 2005, il est sacré Révélation de l’année au festival Grand Rire de Québec, ce qui l’incite à présenter d’autres spectacles et à poursuivre dans le domaine de l’humour (voir Humoristes francophones) tout en continuant d’enseigner.
Humour et médias
Comme il obtient un succès grandissant sur scène, La Presse et Radio-Canada le remarquent. Il devient chroniqueur aux émissions La fosse aux lionnes, à la télévision de Radio-Canada, et Bazzo, à Télé-Québec. Pendant six ans, il coanime aussi l’émission estivale Des kiwis et des hommes aux côtés de Francis Reddy. À la radio, il anime notamment L’accent c’est les autres, Mon premier Noël au Canada et La nature selon Boucar, où il traite de sujets liés à la sociologie de l’intégration.
L’Africain considère son immigration au Québec comme sa seconde naissance. Amoureux de sa terre d’accueil tout en vouant un attachement profond à son passé et à ses origines, il pose sur la société québécoise un regard bien à lui, à la fois coloré et poétique. Maniant avec humour la langue française, il partage généreusement avec son public les enseignements de son grand-père et de la nature. C’est ainsi qu’il se plaît à citer l’une des pensées que lui a inspiré le baobab familial : « Pendant que nos racines se chamaillent dans le sol, il arrive que nos feuillages, nos branches et nos fruits se touchent, s’entremêlent et s’embrassent dans les hauteurs. C’est le signe annonciateur d’un début d’harmonie dans une société multiculturelle » (Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres, 2015).
La science occupe également une place centrale dans ses projets et lorsqu’il présente un monologue, il le fait comme s’il donnait un cours de sciences. Ainsi, dans le cadre de son spectacle « Pour une raison X ou Y » (2013), qui obtient deux nominations au Gala Les Olivier, il présente de façon décontractée des notions de psychologie de la sexualité. Tout au long du spectacle, il explique la fécondité, la naissance ainsi que les changements qu’apporte un enfant au sein d’un couple. Il relate aussi des moments de sa vie personnelle comme sa rencontre avec sa femme, originaire de la Gaspésie, et les questionnements de son fils au sujet des mystères de l’existence humaine.
Après avoir présenté les spectacles « L’Africassée » (2010), « D’hiver cités » (2011), « Pour une raison X ou Y… » (2013) au Québec et dans la francophonie canadienne, l’humoriste aborde son sujet de prédilection, la biologie marine, dans « Magtogoek ou le chemin qui marche » (2017), en référence au nom que les Algonquins ont donné au fleuve Saint-Laurent.
Toujours très attaché à la région du Bas-Saint-Laurent, où il a passé 15 ans de sa vie, Boucar Diouf habite aujourd’hui à Longueuil avec sa femme et ses deux enfants. Il y poursuit de nombreux projets professionnels, dont l’écriture de livres et de spectacles.
Publications
Sous l’arbre à palabres, mon grand-père disait (2007)
La commission Boucar pour un raccommodement raisonnable (2008)
Le brunissement des baleines blanches (2011)
Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres (2015)
Boucar disait… Pour une raison X ou Y (2017)
Prix et distinctions
- Prix Révélation, festival Grand Rire de Québec (2005)
- Prix Jacques-Couture pour la promotion du rapprochement interculturel, ministère de l’Immigration du Québec (2006)
- Prix Nez d’or Coup de cœur (pour son travail exceptionnel d’animation au gala Humour du monde), festival Grand Rire de Québec (2011)
- Mérite du français en éducation, Association québécoise des professeurs de français (2011)
- Prix Charles-Biddle, ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion en partenariat avec Culture pour tous (2013)
- Prix Pierre-Dansereau, Association des biologistes du Québec (2014)
- Chevalier de l’Ordre national du Québec (2016)
- Prix d’excellence des diplômés de l’UQAR (2016)