Les
premiers bouddhistes arrivés au Canada étaient probablement des ouvriers japonais
ou chinois
venus travailler sur les chemins de fer ou dans les mines au 19e siècle.
Cependant, ce sont les Canadiens d’origine japonaise qui ont établi le
bouddhisme en tant qu’institution dans ce pays. En 2006, le Parlement du Canada
a voté à l’unanimité pour faire de Sa Sainteté le Dalaï-Lama un citoyen
canadien d’honneur. Lors de l’Enquête auprès des ménages de 2011, 366 830 Canadiens
ont rapporté s’identifier en tant que bouddhiste.
Qu’est-ce que le bouddhisme ?
Le bouddhisme est un enseignement transformateur qui englobe divers systèmes de philosophie (prajna), de méditation (samadhi) et d’éthique (sila). Bien que le bouddhisme soit souvent classé comme étant une importante religion mondiale, cette classification est contestée par certains érudits. Ceci vient du fait que Bouddha n’est pas un dieu, le nirvana (l’objectif bouddhiste) n’est pas un paradis, et Bouddha ne peut sauver qui que ce soit à travers la religion parce qu’il n’y a pas d’âme à sauver. Le but ultime est de se libérer du cycle de la souffrance (samsara).
Origines
Le bouddhisme fait son apparition en Inde vers 500 avant Jésus-Christ grâce à un prince du clan des Sakya, Siddhârtha Gautama, plus tard connu sous les noms de « Gautama le Bouddha » et de « Shakyamuni ». Il est considéré comme un réintroducteur et non comme un fondateur. Bien que certains récits de sa vie soient plus élaborés que d’autres, les hagiographies conservées en sanskrit, en pali, en chinois, en tibétain et autres langues bouddhiques conviennent que Siddhartha naît dans le jardin de Lumbini (actuellement le Népal), atteint l’éveil à Bodh Gaya (Inde), commence à enseigner tout près de Bénarès (Varanasi) et entre dans le nirvana complet (meurt) à Kusinagara (Kasia, Inde). Le nirvana est souvent décrit comme un état ; il s’agit toutefois d’une série d’états, allant de l’éveil à un état complètement, parfaitement éveillé.
À l’âge de 29 ans, Siddhartha renonce à sa vie princière pour chercher l’éveil. Après six ans de vie ascétique, il abandonne cette démarche et, suivant la voie du milieu, il devient Bouddha l’Éveillé (du sanskrit bodhi, « éveillé » ou « illuminé »). Il reconnaît le principe d’interdépendance de tous les phénomènes selon lequel tout est impermanent (anitya), tout finit par devenir insatisfaisant (duhkha), rien n’a de nature permanente en soi (anâtman) et, lorsque l’attachement aux projections mentales calculées et artificielles s’éteint (nirvana), la paix (santi) est acquise. Ainsi, devenir un bouddha ne veut pas dire devenir divin.
Les bouddhistes croient qu’il existe de nombreux bouddhas, dans le passé, dans le futur et actuellement sur la Terre : un bouddha est un être qui a pris conscience du monde qui l’entoure tel qu’il est, et de la place qu’il y occupe. Les bouddhistes reconnaissent aussi l’existence d’autres planètes et d’autres niveaux d’existence peuplés d’autres gens avec leurs propres bouddhas, car la vérité du bouddhisme est universelle. Le bouddha est celui qui prend conscience que rien, même son âme, n’a une essence immuable. Désireux de partager le système de soutien (dharma) dérivé de son introspection, Bouddha Gautama enseigne la Voie du milieu (la modération en toute chose) et les quatre nobles vérités : la souffrance existe ; la souffrance est causée par les désirs ; puisque les désirs peuvent être causés, ils peuvent cesser. Or, il y a huit manières de mettre fin aux désirs (vues, pensées, paroles, actions, et mode de vie corrects, effort, vigilance et concentration). Les deux marchands qu’il rencontre après son éveil et les cinq moines qui l’ont accompagné avant son éveil deviennent les premiers disciples bouddhistes (sangha). Shakyamuni poursuit son enseignement empreint de compassion durant 45 ans.
Après son nirvana complété survient un schisme qui engendre plusieurs sectes différentes. Au cours des siècles, deux traditions distinctes émergent : celle des adeptes déterminés à imiter les exercices spirituels qui ont mené Gautama à l’illumination (p. ex., le système theravada) et ceux qui s’intéressent à l’expérience de l’illumination et de la compassion (p. ex., le système mahayana).
Le système theravada fonde sa philosophie, sa méditation et sa morale sur des manuscrits Pali recueillis par les bouddhistes de l’Inde et du Sri Lanka. Ce système se répand en Birmanie, au Sri Lanka, au Cambodge, en Thaïlande et dans d’autres pays de l’Asie du Sud-Est. On dispose actuellement de canons complets en pali (ancienne langue de l’Inde), en chinois et en tibétain. Durant les 150 dernières années, on a multiplié les efforts pour traduire de nombreux textes du Tripitaka en langues européennes.
La tradition mahayana fonde sa philosophie, sa méditation et sa morale sur les textes sanskrits du nord de l’Inde. Elle se propage en Corée, au Viêtnam, au Japon et dans d’autres pays de l’Asie orientale en passant par l’Asie centrale et la Chine. À partir de la Chine et de l’Inde, elle gagne le Tibet, et ensuite la Mongolie. Tout en se disséminant, chacune des traditions se modifie pour s’adapter à la langue, à la culture, aux coutumes et à la mentalité du nouveau pays, sans pour autant perdre l’essence de son message. De plus, certains enseignements bouddhistes influencent divers nouveaux mouvements religieux ou s’y intègrent.
Le bouddhisme se dote souvent d’une structure organisationnelle ayant une portée à la fois spirituelle et culturelle et conçue pour satisfaire à toutes les exigences prévues par la Loi sur les sociétés pour la constitution en corporation. L’adhésion est généralement ouverte à tous, quoique la plupart des sociétés bouddhistes exigent la fidélité à Bouddha, au dharma et à la sangha, selon le sens donné par chaque société à ces termes. Le Bouddha est considéré comme une manifestation de l’état d’éveil ou comme un modèle terrestre, parfois même comme les deux.
Histoire et traditions
Le dharma (littéralement « système de soutien ») est l’enseignement et le principe directeur. La sangha est, pour les uns, une communauté de moines ayant reçu l’ordination et, pour les autres, une communauté composée de moines et de laïcs. Certaines sociétés exigent que les laïcs fassent le vœu de s’abstenir des trois actes physiques suivants : enlever la vie, prendre ce qui n’a pas été donné, et se complaire dans la sensualité avec excès ; des quatre actes de discours suivants : mensonge, médisance, propos stupides et paroles acerbes ; des trois actes mentaux suivants : égoïsme, méchanceté et vues erronées..
Le bouddhisme est un système décentralisé. Chaque société est dirigée par un chef dont le titre change selon les groupes : bhikksu (moine), lama (enseignant), sensei (enseignant/directeur spirituel), roshi (conseiller spirituel), oya (ministre), geshe (maître) ou tulku (manifestation physique). Dans certains groupes, le directeur agit comme travailleur social, professeur de langues étrangères ou conseiller familial, tout en s’efforçant de transmettre à sa communauté une certaine connaissance du dharma. Ces groupes entretenant généralement d’étroites relations avec la culture d’origine servent de lien avec le pays d’origine et de pont avec le pays d’adoption. Dans d’autres groupes, en particulier dans ceux dont les membres souhaitent consacrer leur vie à la méditation, le chef supervise et guide la croissance spirituelle des membres. Les membres de ce type de groupe doivent accepter de suivre fidèlement les directives du chef qui sont fondées sur ses longues années de pratique.
Célébration
Bien que, pour les bouddhistes, le dimanche n’ait pas de signification religieuse, on le réserve aux pratiques spirituelles comme dans la culture canadienne, parce qu’il est difficile au Canada de participer à de telles activités pendant la semaine. Les jours de célébration sont le jour de l’An (parfois déterminé par les calendriers chinois ou tibétain), le jour du Nirvana ou du Parinirvana, le jour du Wesak (pleine lune d’avril-mai) ou le Hana-Matsuri (festival des fleurs, le 8 avril), le jour du Fondateur, le jour de l’Association, le jour de la Compassion (Bodhi), le jour de l’Anniversaire spécial et la veille du jour de l’An. Chaque groupe désigne les jours de célébration conformément à la tradition bouddhique de son pays d’origine.
Certains bouddhistes célèbrent aussi des événements particuliers de la vie : la naissance, l’attribution d’un nom, la confirmation ou l’ordination, le mariage et le décès selon les coutumes en usage dans chaque culture mère. On attribue à ces événements une signification rituelle parce qu’ils se prêtent particulièrement bien à une réflexion sur le principe de l’interdépendance ou de « phénomènes en relation dépendante ». Les cérémonies associées aux techniques de méditation touchent notamment les activités quotidiennes, comme manger, se raser et se laver.
Histoire du bouddhisme au Canada
Les ouvriers japonais et chinois venus au Canada pour travailler sur les chemins de fer et dans les mines sont les premiers bouddhistes arrivés au pays (voirChemin de fer du Canadien Pacifique). Cependant, les premiers bouddhistes ne semblent pas avoir établi d’activité traçable.
Jôdô-Shinshû japonais
Les Canadiens d’origine japonaise ont d’abord établi le bouddhisme institutionnalisé vers la fin des années 1800, en se rassemblant généralement au domicile des membres du groupe. Les adeptes de la tradition Jôdô-Shinshû ont probablement habité en Colombie-Britannique au début des années 1889, lorsque le premier consulat japonais y a été établi. Toutefois, la première assemblée de bouddhisme japonais répertoriée au Canada a lieu à Vancouver en 1904, lorsque 14 bouddhistes se réunissent pour faire la requête d’un ministre du culte au temple Honpa Honganji, à Kyoto au Japon (le temple mère de ce culte Jôdô-Shinshû).
En octobre 1905, le révérend Senju Sasaki, premier ministre du culte résident, arrive et commence à enseigner. En décembre de la même année, le premier temple bouddhiste au Canada est établi dans une chambre louée à l’hôtel Ishikawa Ryokan, à Vancouver. En 1906, le temple est instauré dans une maison de Vancouver par les adeptes de l’école japonaise Jôdô-Shinshû.
Le saviez-vous?
L’école japonaise Jôdô-Shinshû a éventuellement formé la plus importante organisation bouddhiste au Canada, avec de nombreux temples et dojos en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Québec. Le temple resté en activité le plus longtemps se trouvait dans le sud de l’Alberta. Certains temples ont fermé leurs portes, cependant, incluant le célèbre temple du sud de l’Alberta.
Dès 1926, le temple mère de Kyoto envoie sept ministres du culte dans la région de Vancouver. En 1941, on compte onze ministres pour les seize temples de la Colombie-Britannique. Le premier temple établi en Alberta est inauguré en 1929 et, à partir de la fin des années 1940, le sud de l’Alberta joue un rôle sans cesse croissant dans le bouddhisme au Canada. De 1904 à 1932, l’administration est assurée depuis San Francisco. L’Alberta et la Colombie-Britannique sont reliées à l’État de Washington pour former un district du nord-ouest du Pacifique. En 1932, la section canadienne devient indépendante et, jusqu’à l’évacuation de 1942, les temples sont dirigés par un surintendant ministériel.
Impact de la Deuxième Guerre mondiale et internement des Canadiens d’origine japonaise
Durant la Deuxième Guerre mondiale, l’internement des Canadiens d’origine japonaise et leur déportation de la Colombie-Britannique éradiquent presque entièrement le bouddhisme japonais et le bouddhisme institutionnel au Canada.
De nombreux Canadiens d’origine japonaise sont déportés en Alberta, ce qui a pour résultat de faire de cette province le haut lieu du bouddhisme au Canada. Comme le souligne Terry Watada dans Bukkyo Tozen, « Si le Jôdô-Shinshû a survécu à sa quasi-éradication, c’est grâce à l’exil dans le sud de l’Alberta des Canadiens d’origine japonaise de la Colombie-Britannique. » C’est aussi pour cette raison que l’Alberta devient le berceau des études universitaires sur le bouddhisme en Amérique du Nord.
Grâce à la levée de la loi sur les mesures de guerre en 1949, les Japonais recouvrent la liberté de circulation partout au Canada. Certains bouddhistes japonais retournent en Colombie-Britannique, beaucoup restent en Alberta et d’autres s’installent dans d’autres régions.
Après la Deuxième Guerre mondiale
Une conférence nationale de bouddhistes japonais a lieu en 1955, à Toronto, et de cette réunion naissent les Buddhist Temples of Canada (anciennement les Buddhist Churches of Canada [BCC]). Les temples membres des Buddhist Temples of Canada adhèrent à l’interprétation du Bouddha-Dharma selon Shinran (1173-1262), le fondateur du bouddhisme Jôdô-Shinshû, qui prône le principe de l’interdépendance de toutes choses comme base de la libération individuelle. Shinra veut comprendre le dharma en se plaçant du point de vue de sa propre existence. C’est ainsi qu’il conçoit l’enseignement du Nembutsu (la récitation de « Namu Amida Butsu » : nom de Bouddha Amitâbha) qu’il recommande comme moyen pour exprimer la gratitude et la joie éprouvées dans la prise de conscience de la nature interdépendante de l’existence humaine.
En 1956, six ministres du culte desservent dix-huit assemblées comptant 3500 membres ; en 1987, un évêque dirige onze ministres responsables de dix-huit assemblées, dont la plupart se trouvent dans les régions de Vancouver, de Toronto et du sud de l’Alberta.
Établi à Vancouver en 1992, Wat Yanviriya est le premier temple Thaï bouddhiste au Canada. En 1995, on compte dix-huit temples membres des Buddhist Temples of Canada et deux temples affiliés, le plus petit à Rosemary, en Alberta, et le plus grand à Toronto. L’administration centrale est à Vancouver. L’évêque Susumu Kyojo Ikuta, fils du Révérend Shinjo Ikuta, un ministre du culte pionnier, déménage au Canada alors qu’il est enfant, mais retourne au Japon pour obtenir un doctorat en études bouddhistes. Il revient au Canada, plus précisément à Calgary, et en 1998, il est élu directeur des Buddhist Temples of Canada, devenant ainsi la première personne élevée au Canada à occuper cette fonction. Il conserve ce poste jusqu’en 2008.
En 1975, les Buddhist Temples of Canada adoptent l’anglais ainsi que la procédure parlementaire dans leurs assemblées, ce qui permet aux délégués plus jeunes qui parlent moins bien le japonais de participer aux assemblées nationales. La plupart des temples utilisent l’anglais comme principale langue de communication, mais on chante encore les textes en japonais et certaines conférences sont données en japonais. Bon nombre de temples ont maintenant une population diversifiée composée de membres à la fois japonais, Canadiens d’origine japonaise et non japonais.
Ch'an/Zen
En Chine, au 6e siècle, le Ch'an/Zen devient une école bouddhiste distincte lorsque Bouddha-dharma, un moine indien qui a voyagé en Chine, insiste sur l’observation directe de la nature originelle de l’esprit. Au cours de la première moitié du 20e siècle, le bouddhisme Ch'an/Zen en Amérique du Nord est habituellement associé à la culture japonaise. Mais avec la fondation d’autres temples chinois et coréens vers la fin du siècle, ce n’est plus le cas. La Zen Lotus Society (maintenant Society of Compassionate Wisdom), « un monastère laïc », est constituée en 1980 sous la direction de Samu Sunim (Sunim est un titre honorifique), un moine zen coréen qui arrive à Montréal en 1968 et qui s’installe à Toronto en 1970. Kwangok Sunim, une religieuse coréenne immigrée au Canada en 1976, fonde le Bulgwang-Sa (Buddha Light Temple) à Toronto.
Le Sōtō Zen est transmis de la Chine au Japon par Dogen au 13e siècle. Au moment de sa constitution en juin 1979, L’Edmonton Buddhist Priory entretient des liens spirituels étroits avec l’école zen soto du Japon : il maintient ses liens avec le Order of Buddhist Contemplatives et pratique la tradition Serene Reflection Meditation, appelée Ts’ao-Tung Ch'an en Chine et Sōtō Zen au Japon.
Des centres Ch'an/zen sont fondés partout au Canada, dont le Victoria Zen Centre, le Zen Centre de Vancouver, le Zen Buddhist Temple de Toronto, l’Ontario Zen Centre, le Centre zen de Montréal et beaucoup d’autres. Les préceptes Ch'an/zen font en outre partie intégrante de la tradition de nombreux temples chinois, coréens et vietnamiens.
Par ailleurs, on trouve plusieurs nouvelles religions bouddhistes japonaises au Canada. La Reiyukai (association pour l’amitié spirituelle), association progressiste et hautement organisée, est fondée au Japon par Kakutara Kubo (1892-1944). En 60 ans, cette association laïque multiplie les centres partout dans le monde. La Reiyukai encourage les membres à connaître et à développer leur dimension intérieure par le senzo-kuyo (soin désintéressé des aînés) et le michibiki (partage des expériences personnelles avec ceux qui ne connaissent pas l’enseignement reiyukai). Le siège social de l’association au Canada est la Reiyukai Society of Canada, à Vancouver.
Un autre groupe, la Soka Kyoiku Gakkai (association éducative pour la création de valeurs), rebaptisée Soka Gakkai en 1946, est créé dans le but de promouvoir la paix au sein de l’humanité en apportant aux personnes le bonheur et l’harmonie. Les membres de cet organisme laïc utilisent le shakubuku (« briser et soumettre ») pour propager la doctrine selon laquelle toute personne est déjà un bouddha. L’initiateur de cette méthode est Nichiren (1222-1282), fondateur de la tradition bouddhiste japonaise Nichiren. L’association canadienne Nichiren Sho-shu est fondée à Toronto en 1961.
Un temple chinois bouddhiste traditionnel, l’Universal Buddhist Temple, fondé en 1986 à Vancouver, comprend une communauté essentiellement chinoise. On y pratique un bouddhisme inspiré de Terre pure, de Tch'an, de T’ien-t’ai et de Hua-Yen et à fortes tendances confucéennes légèrement teintées de spiritualité populaire chinoise. Ce groupe étudie, entre autres, la méditation et la parapsychologie. Le temple de l’International Buddhist Society de Richmond, de style chinois traditionnel, est terminé en 1983. Le Jôdô-Shinshû est une école japonaise de la Terre pure qui met l’accent sur une doctrine de soumission au Bouddha Amita au lieu des activités de compassion, de méditations ou de chants religieux comme la Terre pure chinoise contemporaine. Un être peut renaître dans la Terre pure d’Amita dans sa prochaine vie.
Dans les années 1970 et 1980, à la suite de la réduction des réglementations concernant les mesures d’exclusion en matière d’immigration, les perspectives d’immigration augmentent pour les Asiatiques, les Chinois et les Vietnamiens, et ils arrivent au Canada en nombre croissant et établissent des temples dans la plupart des provinces. Parmi eux figurent le Temple Cham Shan (1979, Thornhill, Ontario), l’International Buddhist Society Temple (1983, Richmond, en Colombie-Britannique) et le Gold Buddha Monastery (1984, Vancouver). Le Vénérable Tien Quan recueille des fonds pendant plus de dix ans afin de construire le Temple Prajna à Calgary. Bien que certains groupes tels que les Coréens, les Thaïlandais, les Sri Lankais et les Birmans arrivent en petit nombre, ils établissent eux aussi des temples. Par exemple, le Temple bouddhiste zen de Toronto est fondé par des disciples du moine coréen Samu Sunim, le Bulgwang - sa à Toronto est fondé en 1976 par une religieuse coréenne Kwangok Sunim et, à Montréal, le temple Wat Thepbandol est établi afin de servir la communauté laotienne. Bon nombre des temples ont une double fonction, ils servent d’établissements bouddhistes et de centres communautaires.
Bouddhisme tibétain
Le bouddhisme tibétain s’est développé à partir du bouddhisme indien tardif. Le bouddhisme mahayana se pratique de deux façons : le véhicule des Perfections et le Vajrayana (« véhicule de la Foudre »). Le bouddhisme tibétain suit cette dernière méthode. Le bouddhisme est introduit au Tibet vers 650 après Jésus-Christ et s’y épanouit. Les Tibétains établissent quatre écoles principales basées sur leur lignée, l’intérêt particulier et les textes préférés. En 1959, le 14e Dalaï-Lama, chef temporel du pays, fuit l’invasion de l’armée chinoise communiste et se réfugie en Inde, suivi de quelque 100 000 moines, religieuses, lamas et laïcs. Le Canada est l’un des premiers pays à offrir une terre d’accueil aux personnes fuyant l’oppression de leur propre pays.
Avant que le Tibet devienne une « région autonome » de la République populaire de Chine, quatre écoles principales de bouddhisme tibétain y évoluent (Gelugpa, Sakyapa, Nyingmapa et Kargyupa). Ce sont celles des Kargyupa et des Gelugpa qui sont le mieux représentées au Canada. Le centre Shambhala International, l’un des plus importants (Kargyupa), s’établit à Halifax, et les Gelugpa fondent le Gaden Choling à Toronto en 1980. Après avoir fondé beaucoup de centres partout au Canada, le Vénérable Kalu Rinpoche fonde le premier centre de retraite à Salt Spring Island, en Colombie-Britannique.
L’une des caractéristiques uniques du bouddhisme tibétain est l’institution du tulku. Un tulku est un bouddha, un bodhisattva ou un grand maître du passé, qui s’incarne volontairement en être humain afin d’enseigner aux autres et de les aider. Bien des tulku ont été membres du gouvernement tibétain et ont dirigé des monastères en tant que supérieurs. Ils portent ordinairement le titre de Rinpoche, qui signifie « précieux enseignant ».
Le premier lama à venir au Canada est le Vénérable Gyaltrul Rinpoche, un lama de la tradition Palyul de l’École Nyingma du bouddhisme tibétain. Il accompagne le premier groupe de Tibétains devant s’établir à Winnipeg et, en 1972, le Dalaï-Lama lui demande d’aider au processus d’installation. Après avoir travaillé pendant plusieurs années au Canada, Sa Sainteté Dudjom Rinpoche, directeur de l’école Nyingma, lui demande de servir en tant que supérieur de plusieurs temples de la côte ouest des États-Unis, où il déménage.
Sa Sainteté Karmapa dirige l’école Kargyu. Karmapa désigne « celui qui accomplit l’œuvre du Bouddha » et la lignée Karmapa est la plus ancienne branche tulku au Tibet. Le 16e Karmapa meurt à Chicago en 1981 et est remplacé par Orgyen Trinley Dorje.
La Marpa Gompa Meditation Society, fondée en 1979 à Calgary, est l’une des sociétés qui étudient, pratiquent et transmettent l’enseignement de l’ordre Kargyu du bouddhisme tibétain. Son directeur officiel, Karma Tinley Rinpoche, est le fondateur du Mikyo Dorje Institute de Toronto et du centre de méditation Khampo Gangra Drubgyudling. Il existe d’autres centres Kargyu à St Catharines, à Toronto, à Montréal et à Burnaby.
De nombreux centres de méditation ont été créés sous la direction du Vénérable Chogyam Trungpa (décédé en 1987). Ses centres, disséminés partout au Canada, se distinguent facilement par le nom Dharmadhatu. Ses membres, essentiellement kargyupa (disciples de Kargyu), pratiquent la méditation selon cette tradition.
Au Gaden Choling Mahayana Buddhist Meditation Centre de Toronto, fondé en 1980, les membres pratiquent les exercices de méditation et apprennent la philosophie Gelugpa du Lama Tsongkapa (un des quatre ordres du bouddhisme tibétain). Il y a des centres affiliés au Gaden Choling à Vancouver et à Nelson, en Colombie-Britannique ainsi qu’à Thunder Bay, en Ontario. Le Temple bouddhiste tibétain (Chang Chub Cho Ling), établi à Longueuil, au Québec, en 1980 afin de préserver la tradition gelupga, déménage plus tard à Montréal.
La Victoria Buddhist Society et l’association Shâkya Thubten Kunga Choling perpétuent la lignée shakya (un autre des quatre principaux ordres bouddhistes tibétains). Le Shâkya-Lama Tashi Namgyal enseigne avec l’aide d’un interprète ; il dirige régulièrement des séances de méditation et des cérémonies de louange (pujâ). Deux des « nouvelles » écoles de bouddhisme japonais sont établies au Canada. La première, Reiyukai (Société de l’Amitié spirituelle), dont le siège social est à Vancouver, est basée sur le bouddhisme, mais se voit plutôt comme un organisme humanitaire. La Soka Gakkai, basée sur la tradition Nichiren, tient des centres dans la plupart des grandes villes du Canada.
Les autres groupes bouddhistes comprennent la International Buddhist Foundation, établie en 1982 afin d’encourager l’étude et la recherche sur le bouddhisme, et la Toronto Buddhist Federation, aussi établie en 1982, quelque temps après un rassemblement de bouddhistes s’apprêtant à participer à une conférence sur la paix, à Toronto. Les associations membres de cette fédération, qui ne peuvent être que des organismes de charité bouddhistes enregistrés, se composent de pratiquants de nombreux pays : Birmanie, Cambodge, Canada, Chine, Inde, Japon, Corée, Laos, Sri Lanka, Thaïlande, Tibet, États-Unis et Viêtnam. Comme la ville de Toronto, d’autres grandes régions métropolitaines créent des organismes ombrelles.
Orientation anti-pouvoir du bouddhisme nord-américain
La forte orientation « anti-institutionnalisation » est l’un des aspects remarquables du bouddhisme nord-américain. Cette particularité, doublée de la traditionnelle décentralisation des temples bouddhistes, place le bouddhisme canadien dans une situation intéressante. Il existe de nombreux petits groupes (dont on ignore le nombre) qui refusent d’être associés à une institution quelconque. Ils peuvent se réunir chez un membre pour méditer ou chanter des textes. Ce sont en quelque sorte des confréries. Il y a aussi un grand nombre de personnes qui pratiquent de manière autonome, refusant de se joindre à un temple ou à un groupe. Elles visitent différents temples et participent, à l’occasion, à des activités de groupe.
La plupart des Asiatiques ne croient pas qu’il faut être bouddhiste à l’exclusion de toute autre confession. En Chine, à Taiwan, à Hong Kong ou ailleurs, la plupart des gens sont à la fois bouddhistes, confucianistes et taoïstes. La majorité des Japonais sont bouddhistes, confucianistes et shintoïstes. Le taoïsme et le shintoïsme se rapprochent davantage de la conception occidentale de « religion » ; par conséquent, ils ne partagent pas les préoccupations du bouddhisme, mais traitent plutôt des relations humaines avec les dieux, du ciel et des rites religieux. Le confucianisme traite des préoccupations d’ordre social. Le bouddhisme, en tant qu’enseignement transformateur, traite du cycle de la souffrance et de la cessation de ce cycle. Du point de vue bouddhiste, on peut être à la fois bouddhiste et chrétien.
Organisations bouddhistes du Canada
Les organisations bouddhistes du Canada sont habituellement issues de la culture d’origine des adhérents. Toutefois, les temples ne sont pas exclusifs. Tous les temples accueillent les personnes intéressées à devenir membre, mais chaque groupe a ses propres caractéristiques.
Par exemple :
Le Mahavihara de Toronto (centre bouddhiste) fondé en 1978 est le premier temple theravada au Canada. Il perpétue la tradition établie au Mahavihara à Anuradhapura, au Sri Lanka. Le gouvernement sri-lankais, par l’intermédiaire de son Haut-commissariat à Ottawa, offre des dons pour les besoins essentiels des résidents bhikkhus (en Sanskrit, bhikshu). Il y a aussi le Toronto Maha Vihara Buddhist Meditation Centre et l’Association bouddhiste d’Ottawa qui sont d’origine sri-lankaise.
À Vancouver, la Theravada Buddhist Society, la Dhamma (en Sanskrit, Dharma), est consacrée au développement personnel par l’entremise de la vie morale, Vipassana (en Sanskrit, Vipashyana « perception »), de la méditation et de l’étude méthodique de la philosophie abhidhamma (en Sanskrit, abhidharma) qu’on retrouve dans les textes bouddhistes du Pali canon. De nombreux groupes qui suivent la tradition Pali font également la promotion de l’enseignement et de la pratique bouddhiste à travers la méditation et les retraites.
La mission Ambedkar, fondée en 1979 à Scarborough, suit la philosophie spirituelle et sociale du Dr Ambedkar, qui est passé de la caste des intouchables pour devenir l’un des chefs bouddhistes les plus respectés de l’Inde. La société fait la promotion de la justice sociale, de la paix et de la compréhension. Aujourd’hui, l’adhésion est ouverte à tous, bien que le groupe ait été initialement créé pour aider les Asiatiques vivant au Canada.
Avec la seconde tradition, le mahayana, s’est développé la doctrine Bodhisattva (ceux qui sont formés pour être bouddhas), qui inclut l’idée que le bouddha historique était une manifestation de l’état d’éveil. Les organisations bouddhistes mahayanas ont été les premières au Canada et peuvent être classées selon le pays d’origine du groupe source.
Bourse d’études bouddhistes dans les universités canadiennes
Le saviez-vous?
En raison de l’environnement dynamique bouddhiste du sud de l’Alberta avant et après la Deuxième Guerre mondiale, cette région est devenue le berceau des études sur le bouddhisme moderne en Amérique du Nord. Ce sont les activités des adeptes de la tradition Jôdô-Shinshû et des treize temples fondés à cette époque dans le sud de l’Alberta qui créent cet environnement favorable.
De cette concentration de bouddhistes japonais dans le sud de l’Alberta émergent deux personnalités importantes pour le domaine des études bouddhistes. Richard Robinson (1926-1970) de Calgary, obtient d’abord un baccalauréat à l’Université de l’Alberta, puis un doctorat en études bouddhistes à l’Université de London. Pendant qu’il est à London, il étudie avec de nombreux érudits bouddhistes de cette époque, dont Edward Conze et David Snellgrove. En 1961, Richard Robinson devient employé à l’université de Madison, au Wisconsin, et se donne la mission personnelle d’y fonder le premier programme d’études sur le bouddhisme en Amérique du Nord. Le professeur Richard Robinson est, de son vivant, un chercheur et un bouddhiste de renommée internationale et il reçoit plusieurs prix au cours de sa carrière.
En 1929, le révérend Shinjo Nagatomi vient au Canada pour occuper un poste de ministre du culte au Raymond Buddhist Temple, en Alberta. Son jeune fils, Masatoshi, y fréquente l’école primaire. Au milieu des années 1930, la famille retourne au Japon, où Masatoshi termine ses études. Après avoir reçu son doctorat, Shinjo Nagatomi est engagé, dans les années 1960, à l’Université de Harvard. Il fonde, dans cette célèbre institution, le deuxième programme d’études bouddhistes. Avec le temps, son programme en vient à rivaliser avec celui de Wisconsin-Madison, et à éventuellement le surpasser au cours des dernières années. Par ailleurs, Shinjo Nagatomi apporte également une contribution exceptionnelle à l’enrichissement des études bouddhistes avant sa retraite, au milieu des années 1990.
Leslie Kawamura est le fils du révérend Kawamura, et il grandit dans le sud de l’Alberta. Pendant son enfance, il est habitué à voir des gens comme Richard Robinson venir visiter son père. Après ses études secondaires en Alberta, il obtient un baccalauréat au San Francisco State College, une maîtrise ès arts à l’Université Ryukoku, ainsi qu’une seconde maîtrise à l’Université de Kyoto. Il termine son doctorat à l’Université de la Saskatchewan, où enseigne le célèbre spécialiste des études bouddhiques H.V. Guenther. En 1976, il commence à enseigner le bouddhisme à l’Université de Calgary, et continue à développer et à élaborer le programme.
Durant la seconde moitié du 20e siècle, les universités canadiennes offrent des postes de professeurs à plusieurs universitaires de renommée internationale, dont Leon Hurvitz à l’Université de la Colombie-Britannique, Herbert V. Guenther et Julian Pas à l’Université de la Saskatchewan, A.K. Warder à l’Université de Toronto et Jan Yün-Hua à l’Université McMaster.