Les calottes glaciaires sont de larges masses de glace qui reposent sur la terre et couvrent la majeure partie du paysage sous‑jacent. Si des affleurements rocheux apparaissent dans la région centrale d’une grande masse de glace, la région est plutôt appelée « champ de glace ». Lorsqu’une calotte glaciaire est d’une superficie supérieure à 50 000 km², on l’appelle « inlandsis ». Au Canada, les plus grandes calottes glaciaires se trouvent dans l’archipel Arctique. La calotte glaciaire Agassiz sur l’île d’Ellesmere en est un exemple. Les effets du changement climatique sur les calottes glaciaires sont de plus en plus marqués, l’élévation des températures les amenant à rétrécir à des vitesses jamais atteintes.
Description
Habituellement, les calottes glaciaires sont plus épaisses au centre et s’écoulent vers l’extérieur à partir d’un dôme central. Au fur et à mesure que la glace se déplace à partir de ce dôme central, elle érode le substrat rocheux sous‑jacent pour former, après plusieurs milliers d’années, une vallée. La glace à proximité des limites de la calotte glaciaire peut se retrouver emprisonnée dans ces vallées taillées dans le roc, formant un type de glacier que l’on appelle « glacier émissaire ». Une série de glaciers émissaires, se déplaçant habituellement plus rapidement que la partie intérieure de la calotte glaciaire, drainent alors la glace du centre de cette calotte.
Si la région au sommet d’une calotte glaciaire ne couvre pas la terre sous‑jacente, des collines ou des montagnes formant le substrat rocheux (appelées nunataks) affleurent. Dans ce cas, la calotte glaciaire est appelée « champ de glace ».
Les calottes glaciaires, les champs de glace et les glaciers influent sur le cycle de l’eau annuel dans de nombreuses régions montagneuses, comme les Rocheuses canadiennes. Ils agissent comme une éponge et stockent les précipitations qui tombent en hiver sous forme de neige pour les relâcher graduellement en été lors de la fonte des neiges et de la glace. Ce phénomène fournit une source d’eau importante pour les écosystèmes et pour l’irrigation des cultures dans des zones aval telles que l’Alberta et la Saskatchewan aux périodes les plus chaudes de l’année lorsque, souvent, il ne pleut pas suffisamment localement pour répondre à la demande en eau.
Formation des calottes glaciaires
Une calotte glaciaire se forme lorsqu’une région reçoit, durant une année, plus de neige qu’elle n’en perd. Le sommet de la calotte glaciaire, là où se rassemble la majorité des neiges de l’année, est appelé « zone d’accumulation ». Dans cette région, les anciennes couches de neige s’enfoncent dans la terre sous le poids des chutes de neige subséquentes. La couche de neige voit alors sa densité s’accroître et, après environ un an, forme ce que l’on appelle un névé, c’est‑à‑dire une neige devenue granuleuse et dense. Ce névé se transforme ensuite lui‑même en glace de glacier au fur et à mesure qu’il s’enfonce à une profondeur d’environ 40 m.
On appelle la partie la moins en altitude d’une calotte glaciaire « zone d’ablation ». C’est à partir de cette zone que la majorité de la glace est perdue chaque année en quantité supérieure à la neige accumulée. Dans la plupart des cas, ces pertes de glace surviennent en raison de la fonte; toutefois, il arrive parfois qu’elles se produisent lorsque des icebergs vêlent ou se brisent dans un océan ou dans un lac. Les flux de glace provenant de la zone d’accumulation constituent la source principale de glace de la zone d’ablation.
Calottes glaciaires et champs de glace canadiens
Les calottes glaciaires et les champs de glace les plus importants au Canada se trouvent dans l’archipel Arctique canadien où ils s’étendent sur une superficie totale de plus de 100 000 km². L’île d’Ellesmere abrite par exemple la calotte glaciaire Agassiz, le champ de glace Prince‑de‑Galles et le champ de glace du nord de l’île Ellesmere, chacun d’entre eux dépassant 19 000 km². On trouve d’autres calottes glaciaires et champs de glace étendus sur les îles Axel Heiberg, Devon et de Baffin. La glace de certains d’entre eux peut atteindre 1 km d’épaisseur et dépasser 100 000 ans d’âge. Dans l’Arctique canadien, de nombreuses calottes glaciaires ont une forme asymétrique. Du côté océanique, les chutes de neige sont assez importantes, entraînant une accumulation rapide de glace et donc un déplacement également plus rapide de celle‑ci. En conséquence, les glaciers émissaires, taillés en profondeur dans le substratum environnant, s’écoulent rapidement, jusqu’à un kilomètre par an, et achèvent souvent leur course dans l’océan. En revanche, du côté tourné vers les terres le plus éloigné de l’océan, les chutes de neige sont généralement moindres, entraînant un déplacement plus lent des glaciers émissaires, seulement quelques dizaines de mètres par an, qui terminent souvent leur parcours sous forme de larges lobes terrestres.
On trouve également de nombreux champs de glace dans les chaînes de montagnes de l’Ouest canadien. Le plus connu est sans doute le champ de glace Columbia qui constitue une attraction touristique majeure à proximité de la route entre Banff et Jasper. Il s’agit, avec ses 230 km2 de superficie, de la plus vaste masse de glace des montagnes Rocheuses drainée par plusieurs glaciers émissaires, dont les glaciers Athabasca et Saskatchewan. Dans ses parties supérieures, il atteint une épaisseur d’au moins 365 m; toutefois, celle de ses glaciers émissaires ne dépasse généralement pas 100 à 150 m. Environ 4 m de glace fondent à partir de la surface de la partie inférieure du glacier Athabasca chaque été, une quantité supérieure à celle apportée en remplacement par l’écoulement glaciaire amont. Il en résulte un recul durable du glacier, qui a perdu environ la moitié de son volume et a reculé de plus de 1,5 km au cours des 125 dernières années.
Inlandsis
Lorsque les calottes glaciaires dépassent une superficie de 50 000 km², on les appelle des « inlandsis ». Aujourd’hui, il n’en subsiste que deux, celui du Groenland et celui de l’Antarctique. Pendant la dernière grande glaciation, qui a atteint son point maximum il y a quelque 20 000 ans, de grandes nappes glaciaires recouvraient la majeure partie de l’est (inlandsis laurentidien) et de l’ouest (inlandsis de la Cordillère) du Canada, ainsi que le nord de l’Europe (inlandsis eurasien). Aujourd’hui, l’inlandsis de l’Antarctique couvre une superficie de près de 14 millions de km2 pour une épaisseur maximale d’environ 4,8 km. S’il venait à fondre, le niveau de la mer augmenterait, à l’échelle de la planète, d’environ 60 m.
L’inlandsis groenlandais a une superficie de 1,7 million de km2 pour une épaisseur maximale d’environ 3,3 km et sa fonte complète ferait monter le niveau des mers d’environ 6 m. Ses glaciers émissaires se déplacent à des vitesses allant jusqu’à 10 km par an ou plus, et la plupart reculent rapidement depuis les années 1990. Les glaciers de l’ouest du Groenland sont la principale source des icebergs que l’on voit dans les eaux canadiennes, les calottes glaciaires et les champs de glace de l’île Devon et de l’île d’Ellesmere en constituant d’autres sources importantes. Ces icebergs peuvent s’avérer dangereux pour les cargos et pour les plateformes pétrolières en mer, notamment dans la zone des Grands Bancs, au large de Terre‑Neuve.
Changement climatique
Le changement climatique a un effet marqué sur les calottes glaciaires. Dans un climat stable, la surface d’une calotte glaciaire ne change pas beaucoup d’une année sur l’autre, la glace s’écoulant de la zone d’accumulation équilibrant approximativement celle qui est perdue de la zone d’ablation. Toutefois, si les chutes de neige s’accroissent ou si les étés refroidissent, la glace commence à s’épaissir et, après quelques années, le front glaciaire avance. A l’inverse, des chutes de neige moins importantes ou des étés plus chauds provoquent un amincissement de la calotte glaciaire et, à terme, son recul. La vitesse de ces avances et de ces reculs dépend de la masse de glace : les grandes calottes glaciaires peuvent prendre des centaines d’années pour se modifier, alors qu’une telle évolution est possible en quelques années seulement pour de petits glaciers. Toutefois, au Canada, pratiquement tous les glaciers et toutes les calottes glaciaires ont reculé de façon spectaculaire au cours des dernières décennies en raison du réchauffement climatique.
Traditionnellement, la façon la plus répandue pour déterminer la santé d’une calotte glaciaire ou d’un glacier consiste à mesurer la variation de sa hauteur à l’aide de piquets enfoncés dans la surface de la glace. En mesurant tous les ans ces piquets, on peut obtenir des renseignements sur les parties de la glace qui gagnent ou qui perdent de la masse au fil du temps. Des mesures de ce type ont montré que la taille de la plupart des calottes glaciaires de l’Arctique canadien n’avait pas évolué jusqu’à la fin des années 1980. Cependant, depuis cette date, on a observé qu’elles avaient une tendance de plus en plus marquée à perdre plus de masse qu’elles n’en gagnent. Par exemple, de 2005 à 2009, la perte de masse moyenne dans les îles de la Reine‑Élisabeth était près de cinq fois supérieure à la moyenne de 1963 à 2004. Cette tendance, essentiellement attribuée à des étés plus chauds, a été confirmée par des mesures récentes par avion et par satellite.
Témoignage du passé
En prélevant des carottes au cœur des calottes glaciaires et des inlandsis, on obtient un relevé continu des chutes de neige passées et de l’évolution du climat. Il arrive que l’on puisse distinguer et compter les couches annuelles. Lorsque c’est impossible, on peut dater la glace par d’autres moyens, par exemple en repérant des couches distinctes causées par des éruptions volcaniques. Les carottes glaciaires prélevées au Groenland, dans l’Antarctique et dans l’Arctique canadien fournissent les données les plus détaillées que l’on puisse obtenir sur les températures atmosphériques du passé, permettant de remonter dans certains cas jusqu’à plus de 150 000 ans au Groenland, et plus de 800 000 ans en Antarctique. Les bulles d’air dans la glace contiennent des échantillons de l’atmosphère à l’époque où la glace s’est formée à partir de neige, permettant ainsi de mesurer les concentrations passées de gaz à effet de serre tels que le dioxyde de carbone et le méthane. La concentration de dioxyde de carbone avant l’ère industrielle, vers 1750, n’était que de 280 parties par million (ppm), contre près de 400 ppm aujourd’hui, tandis que celle de méthane a plus que doublé au cours des 150 dernières années.
Outre le fait qu’elles aident à mesurer le changement climatique, les carottes de glace s’avèrent précieuses dans le cadre d’études sur la pollution, les concentrations préindustrielles d’oligo‑éléments tels que le plomb et le mercure pouvant être comparées à celles d’aujourd’hui. Les essais nucléaires des années 60, ainsi que l’accident de Tchernobyl en 1986 et celui de la centrale de Fukushima Daiichi en 2011, ont produit des couches radioactives détectables dans les chutes de neige et les carottes de glace.