L’hiver de la faim est une grave crise alimentaire qui a eu lieu aux Pays-Bas en 1944-1945, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Au moment où le pays est libéré par les forces canadiennes et alliées en mai 1945, environ 20 000 Néerlandais sont morts de la famine. La libération s’accompagne d’un afflux de nourriture et d’autres provisions pour la population affamée. Le rôle joué par le Canada dans la libération des Pays-Bas a permis d’établir une relation durable entre les deux pays.
Contexte
En mai 1940, les forces allemandes défont l’armée néerlandaise et occupent les Pays-Bas. La famille royale néerlandaise s’enfuit en Grande-Bretagne et forme un gouvernement en exil. (Voir aussi Princesse Margriet des Pays-Bas.) En son absence, les Allemands instituent un gouvernement civil responsable devant le Reich. Les occupants allemands ont le soutien de certains Néerlandais, notamment des membres du Nationaal Socialistische Beweging (NSB), un parti fasciste néerlandais fondé en 1931. Cependant, d’autres résistent, sabotant les voies ferrées et les lignes téléphoniques, collectant des renseignements et cachant des Juifs néerlandais et des aviateurs alliés dont l’avion a été abattu.
Le 6 juin 1944, les forces alliées débarquent en Normandie et commencent leur campagne pour libérer la France, la Belgique et les Pays-Bas de l’occupation allemande. (Voir Le Canada au jour J; Le jour J et la bataille de Normandie.) À la mi-septembre, les Alliés lancent l’opération Market Garden, une campagne massive visant à sécuriser les ponts sur les rivières Mass/Meuse, Waal et Rhin. Si les Alliés s’emparent de ces ponts, ils pourront contourner les défenses allemandes de la ligne Siegfried et avancer vers Berlin.
En septembre 1944, les cheminots néerlandais se mettent en grève dans tout le pays. La grève est déclenchée par le gouvernement néerlandais en exil. L’espoir est qu’en arrêtant les trains, ils pourront aider l’avance alliée en empêchant les renforts allemands d’atteindre la zone. L’opération Market Garden, cependant, se solde par un échec. Bien que le sud des Pays-Bas soit libéré, la plus grande partie du pays reste sous contrôle allemand.
Hiver de la faim, 1944-1945
En représailles à la grève des chemins de fer, le Reichskommissar allemand pour les Pays-Bas impose un embargo sur tout le transport de marchandises intérieur. Cela rend presque impossible le transport de denrées alimentaires des fermes du nord-est vers la population majoritairement urbaine de l’ouest du pays. Bien que l’embargo ne dure que six semaines, il perturbe gravement le système de transport des denrées alimentaires. La grève a lieu à un moment désastreux, puisque les récoltes n’ont pas encore été faites en septembre. Même après le rétablissement du transport intérieur, les producteurs et les distributeurs conservent leurs denrées alimentaires de peur que les Allemands ne les confisquent. De plus, jusqu’en février 1945, les températures glaciales rendent très difficile le transport des approvisionnements par le réseau hydrographique du pays. L’ensemble de ces facteurs provoque une grave pénurie alimentaire dans la partie occidentale des Pays-Bas. Environ 4,3 millions de personnes vivent dans cette région, dont 2,6 millions dans des zones urbaines (dont Rotterdam, Amsterdam et La Haye).
Selon l’historienne néerlandaise Ingrid de Zwarte, la nourriture devient si rare dans l’ouest des Pays-Bas qu’en février 1945, les rations officielles dans la région tombent à 340 kcal par personne, par jour. Face à une telle pénurie de nourriture, certaines personnes doivent se résoudre à manger des animaux domestiques, de la nourriture normalement réservée aux animaux (comme la betterave à sucre) et des bulbes de fleurs. Les citoyens affamés font de longs voyages dans le nord-est agraire pour acheter de la nourriture directement aux agriculteurs. Le marché noir est florissant. À titre d’exemple, le prix du pain sur le marché noir est 210 fois supérieur au prix officiel. La situation est si mauvaise que 40 000 à 50 000 enfants sont évacués vers le nord-est. Lorsque les Pays-Bas sont finalement libérés en mai 1945, environ 20 000 personnes ont succombé à la famine.
Libération des Pays-Bas
Alors que la population néerlandaise meurt de faim, les forces alliées se battent pour libérer le pays. En octobre et novembre 1944, la Première armée canadienne mène une série de batailles féroces pour nettoyer les rives de l’Escaut entre la mer du Nord et le port d’Anvers. En novembre, l’estuaire de l’Escaut est sécurisé et des convois de cargos alliés commencent à arriver au port. L’avance alliée reprend en février 1945, avec une vaste offensive pour repousser l’ennemi au-delà du Rhin. (Voir Bataille du Rhin.)
En avril 1945, les Alliés ont traversé le Rhin et poussent vers l’Allemagne. La Première Armée canadienne reçoit l’ordre de débarrasser les Pays-Bas des forces allemandes restantes. À la fin d’avril, les Allemands sont repoussés vers ce qui est connu sous le nom de ligne Grebbe. Le 28 avril, ils acceptent une trêve qui permet la livraison de nourriture à la population affamée derrière la ligne Grebbe. Le jour suivant, les bombardiers alliés y larguent 510 tonnes de nourriture. Quelques jours plus tard, le 2 mai, les Canadiens commencent à transporter 1 000 tonnes de nourriture dans la région par les routes. Les Néerlandais affamés sont ainsi soulagés. L’occupation — et la guerre en Europe — touche à sa fin. (Voir Jour de la Victoire en Europe).
Importance
Environ 20 000 Néerlandais meurent pendant l’hiver de la faim de 1944-1945, et des millions d’autres sont touchés. La famine a également de graves conséquences à long terme. Les femmes enceintes, par exemple, sont particulièrement vulnérables. Des études montrent que les enfants qui étaient in utero pendant l’hiver de la faim ont tendance à avoir des taux plus élevés de cholestérol LDL et de triglycérides plus tard dans leur vie et des taux plus élevés d’obésité, de diabète et de schizophrénie.
La libération des Pays-Bas a apporté un soulagement à la population néerlandaise affamée. Cependant, la campagne a coûté cher aux Alliés. Plus de 7 600 Canadiens ont perdu la vie pendant les neuf mois qu’a duré la libération du pays. Ce sacrifice a néanmoins permis d’établir une relation durable entre les deux pays.