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Programmes des travailleurs étrangers temporaires du Canada

Les programmes des travailleurs étrangers temporaires sont régis par le gouvernement fédéral. Ils permettent à des employeurs d’engager des citoyens étrangers, sur une base temporaire, pour combler leur manque de main-d’œuvre. Chaque province ou territoire possède ses propres politiques qui affectent l’administration des programmes. Le Canada emploie chaque année des milliers de travailleurs migrants pour renforcer son économie et soutenir des secteurs comme l’agriculture, les soins à domicile ou les emplois peu rémunérés. En 2014, 567 077 travailleurs migrants ont été engagés au Canada, et ils représentaient 12 % de la main-d’œuvre agricole du pays. On prévoit que la pénurie de travailleurs s’accroîtra, et le Conference Board of Canada envisage 113 800 emplois non comblés vers 2025.
Le travailleur agricole sur les fermes Sunshines, Aristeo Perez Garcia
Thamesville, Ontario – Le travailleur agricole sur les fermes Sunshines, Aristeo Perez Garcia (à gauche) cueille des concombres sous un soleil d'après-midi, mercredi le 27 juillet 2016.

À cause de l’isolement des travailleurs et de la nature temporaire de beaucoup de ces programmes, on a rapporté des cas d’abus et de violations des droits de la personne, concernant notamment le logement inadéquat, un mauvais accès aux soins de santé, l’impossibilité de négocier collectivement, la séparation des familles, des frais de recrutement illégaux, ainsi que des violences et des abus sexuels. À ce jour, le Canada n’a ni signé ni ratifié la Convention internationale des Nations unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le seul instrument international expressément conçu pour protéger les droits des travailleurs migrants.

Programmes des travailleurs étrangers temporaires au Canada

La migration temporaire internationale de travailleurs est définie comme le déplacement de personnes d’un pays à un autre afin de remplir un emploi durant une courte période. Il existe deux programmes de travailleurs migrants au Canada : le Programme de mobilité internationale (PMI) et le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).

Le PTET a été créé par le gouvernement fédéral en 1973 pour faciliter la croissance économique au Canada en répondant aux pénuries de travailleurs (voir Population active). Il permet aux employeurs d’engager des citoyens étrangers sur une base temporaire pour combler leur manque de main-d’œuvre. Le PTET diffère du PMI dans la mesure où les employeurs doivent déposer une Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) démontrant qu’aucun travailleur canadien ou résident permanent n’est disponible pour combler l’emploi.

Il existe actuellement quatre volets sous lesquels les employeurs peuvent faire une demande de PTET canadien : le volet haut salaire, le volet bas salaire, le volet de l’agriculture primaire, (incluant le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, ou PTAS) et le volet destiné à soutenir la résidence permanente. Depuis 2014, le Programme des aides familiaux résidants (PAFR) n’est plus un volet autonome, et les demandes d’EIMT sont évaluées pour les volets haut salaire et bas salaire.

Histoire des programmes des travailleurs étrangers temporaires au Canada

Les programmes de travailleurs étrangers peuvent être vus comme des ententes bilatérales particulières entre nations, telles le PTAS, apparu pour la première fois à la suite d’un accord avec la Jamaïque. Dans le cadre du PTAS, les travailleurs migrants n’ont pas le droit de rechercher un emploi hors de leur contrat de travail, ni demander le statut de résident permanent (voir citoyenneté).

Le PAFR est dominé par les travailleurs domestiques des Philippines et a été créé en 1992 pour répondre à la pénurie d’aides familiaux résidants au Canada. Ces derniers travaillent dans des maisons individuelles, et leur isolement fait en sorte qu’ils sont souvent dans l’impossibilité d’exercer leurs droits en vertu des normes minimales d’emploi des provinces (voir droit de l’emploi). Ce régime a rendu extrêmement difficile le calcul des heures supplémentaires, dans un environnement fortement dérégulé et invisible, et a donné lieu à un grand nombre d’allégations d’abus. Toutefois, contrairement aux travailleurs agricoles saisonniers, les travailleurs domestiques peuvent demander le statut de résidents permanents, après avoir occupé un emploi rémunéré pendant 24 mois à l’intérieur d’une période de quatre ans.

Un projet pilote (originalement appelé Projet pilote sur les travailleurs peu qualifiés) a été lancé en 2002 afin d’attirer plus de travailleurs peu qualifiés pour remplir des emplois dans les bureaux, les ventes, les services et le transport. Ces travailleurs, comme ceux qui bénéficient du PTAS, ne peuvent généralement demander le statut de résidents permanents au Canada, et bien qu’ils puissent être accompagnés de leurs épouses, celles-ci ne peuvent obtenir leur propre permis de travail au Canada, contrairement aux épouses qui accompagnent les immigrants hautement qualifiés (voir Immigration au Canada).

Cadres législatif et réglementaire

La migration au Canada est régie, au niveau fédéral, par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, promulguée en 2002 (voir Réfugiés). La Loi reconnaît cinq types de travailleurs migrants, dans sa catégorie immigration économique : (1) travailleurs sélectionnés pour l’immigration ayant reçu la résidence permanente, (2) visiteurs autorisés à travailler temporairement sans permis de travail, (3) travailleurs étrangers autorisés à travailler temporairement au Canada à condition d’obtenir un permis de travail d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), (4) travailleurs étrangers autorisés à travailler temporairement au Canada à condition d’obtenir à la fois une autorisation d’Emploi et Développement social Canada et un permis de travail d’IRCC, et (5) travailleurs migrants sans papiers. La Loi précise ces catégories et fournit une orientation limitée sur certains points de procédure. Elle investit aussi explicitement le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté de l’autorité d’émettre à sa discrétion des instructions spéciales aux fonctionnaires. IRCC fournit régulièrement des directives administratives qui établissent des réglementations spécifiques que doivent suivre les agents d’IRCC.

L’administration courante des programmes des travailleurs étrangers temporaires incombe aux provinces, dont les lois protègent les travailleurs en matière de santé et sécurité, de normes de travail et d’emploi, et de distribution des salaires. L’application de la loi, les quotas et les protections pour les travailleurs varient d’une province à l’autre.

Certains instruments juridiques internationaux régissent également la protection des droits des travailleurs étrangers temporaires. La Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille est le seul traité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui accorde des droits spécifiques aux travailleurs migrants. Beaucoup des droits inscrits dans cette Convention proviennent du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’Accord international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui ont tous deux été ratifiés par le Canada. Certains des droits inscrits dans la Convention sur les travailleurs migrants sont entièrement nouveaux et s’appliquent spécialement aux travailleurs migrants et à leurs familles. Bien que les droits inscrits dans les traités sur les droits de la personne s’appliquent en principe à tout être humain peu importe sa nationalité, il est rarement précisé qu’ils s’appliquent aux travailleurs migrants. Pour cette raison, la Convention constitue une interprétation plus précise des droits de la personne dans le cas des travailleurs migrants. Cependant, parmi les principaux traités portant sur les droits de la personne, la Convention sur les travailleurs migrants est celui qui a été le moins ratifié. En décembre 2017, seulement 51 pays l’avaient ratifié, soit un peu plus du quart des ratifications de la Convention relative aux droits des enfants de l’ONU, et moins d’un tiers des ratifications de la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU.

Violations des droits de la personne dans le cadre des programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada

Au Canada, les travailleurs migrants sont protégés par des instruments fédéraux comme la Charte des droits et libertés, et par diverses lois provinciales qui régissent la santé et à la sécurité au travail, les normes de travail et les droits de la personne. Il y a cependant des lacunes dans l’application de ces protections, et des violations des droits de la personne ont été rapportées dans tous les programmes des travailleurs étrangers temporaires : racisme, discrimination et contrats douteux empêchant les travailleurs d’établir des relations extérieures ou régissant leur comportement (comme l’obligation d’utiliser un déodorant). Les travailleurs migrants peuvent aussi subir des abus de la part de tiers recruteurs, qui exigent des milliers de dollars pour diverses requêtes et aides au long du processus, une pratique illégale au Manitoba, en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. Le fait d’être séparés de leur famille affecte aussi négativement le bien-être de beaucoup de travailleurs au Canada, et certains d’entre eux travaillent au Canada pendant des décennies sans avoir la possibilité d’obtenir le statut de résidents permanents.

En 2017, une enquête du Toronto Star a révélé qu’on rapportait toujours des cas de logement inadéquat, de manque d’accès aux soins de santé, de non-reconnaissance des heures supplémentaires ainsi que de violences et d’abus sexuels.

Les travailleurs migrants ont aussi tenté d’obtenir le droit de se syndiquer, une initiative menée par les travailleurs agricoles temporaires (voir Droit du travail). Toutefois, dans Ontario (Procureur général) c. Fraser, la Cour suprême du Canada a tranché que le chapitre 2(d) de la Charte des droits et libertés n’exigeait pas que les lois du travail incorporent un modèle particulier de négociation collective pour les travailleurs agricoles temporaires, retirant de facto aux travailleurs migrants la protection statutaire de leurs droits de travailleurs.

On rapporte aussi des cas où des travailleurs ont été rapatriés dans leur pays d’origine après avoir été blessés au travail. Les travailleurs migrants incapables de travailler en raison de maladie ou de blessure sont souvent congédiés et rapatriés dans leur pays d’origine, sans possibilité d’appel. Entre 2001 et 2011, 787 rapatriements pour raisons médicales ont eu lieu parmi les 170 315 travailleurs migrants agricoles de l’Ontario. Sur ces 787 rapatriements pour raisons médicales, 41,3 % étaient imputables à des raisons médicales ou chirurgicales, et 25,5 % à des blessures externes. D’autres catégories de travailleurs étrangers temporaires, comme les aides familiaux résidants, sont également sujettes au risque du rapatriement.

Bien que les travailleurs migrants doivent payer les impôts fédéral et provincial, leur accès aux programmes sociaux, tout comme aux soins médicaux, est fortement limité. Il est difficile pour les travailleurs migrants de profiter des services sociaux à cause des longues heures de travail, du manque de moyens de transport, de l’isolement, du manque de services dans les régions rurales, des différences de langue et de culture, de leur méconnaissance de l’aide et des services disponibles, ainsi que d’autres particularités de leur emploi. Dans certains cas, les employeurs empêchent les travailleurs de quitter leurs installations après le travail. Les travailleurs migrants contribuent également au Régime de pensions du Canada (RPC), ce qui leur donne théoriquement droit à une pension lorsqu’ils prennent leur retraite, à 65 ans. Cependant, la plupart des travailleurs migrants ne réclament pas leurs pensions faute de comprendre le fonctionnement du régime et la procédure à suivre. Quand ils réussissent à réclamer leur pension, le montant obtenu est extrêmement bas, car il leur est difficile d’accumuler un nombre d’heures suffisant.

Le Canada n’a pas ratifié la Convention des Nations unies sur les travailleurs migrants

Le Canada n’a pas signé et ratifié la Convention internationale des Nations unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le gouvernement fédéral n’a jamais précisé les raisons de ce refus, mais en 2006, une étude parrainée par l’UNESCO s’est penchée sur certains motifs de cette résistance. Par exemple, les parlementaires et les employés du gouvernement fédéral interrogés considéraient ces droits additionnels comme superflus, puisqu’ils sont déjà garantis par la Convention sur les réfugiés de 1951, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ou la Convention contre la torture. En outre, beaucoup pensaient que la Convention sur les travailleurs migrants a été établie en réponse à la nécessité de réglementer les travailleurs étrangers appelés pour répondre aux pénuries de travailleurs en Europe dans les années 1970 et 1980. L’approche de l’immigration qui sous-tend les programmes des travailleurs étrangers temporaires du Canada, croyaient-ils, est différente de ce modèle. Plutôt que d’obéir à des lois internationales, le Canada procède par des ententes bilatérales contractuelles entre États spécifiques.

La Convention sur les travailleurs migrants est aussi considérée comme très redondante, puisque les droits élémentaires sont déjà garantis à tous par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Les travailleurs migrants ne sont pas vus comme un groupe spécialement vulnérable, ayant besoin de protections spécifiques, puisqu’ils peuvent compter sur le PIDESC, le PIDCP, la Charte des droits et libertés et les lois provinciales sur la sécurité au travail. En outre, ratifier la Convention sur les travailleurs migrants rendrait nécessaire une restructuration drastique des programmes de travailleurs étrangers temporaires non qualifiés. Contrairement aux fonctionnaires du gouvernement fédéral, qui s’opposent directement à la Convention sur les travailleurs migrants, beaucoup de parlementaires interrogés lors de l’étude n’en avaient jamais entendu parler.

Toutefois, les violations des droits de la personne touchant des travailleurs migrants ont récemment bénéficié d’une grande couverture médiatique. C’est pourquoi le 21 mars 2016, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées a adopté une motion demandant une enquête sur le programme des travailleurs étrangers temporaires, et particulièrement le programme actuel et les moyens de l’améliorer.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a reproché au Comité de n’avoir pas recommandé qu’on donne à tous les travailleurs migrants la possibilité de demander la résidence permanente. Le NPD a aussi demandé que le gouvernement fournisse plus de ressources aux organisations qui défendent les droits des travailleurs migrants, qu’on leur accorde le droit de se syndiquer, que l’on s’assure que les règlements de santé et de sécurité sont appliqués et qu’ils reçoivent des soins de santé au Canada quand des blessures se produisent sur les lieux de travail, et qu’ils puissent bénéficier de l’assurance-chômage.

En décembre 2016, le gouvernement a transmis une courte réponse au comité, disant travailler à mettre en place des exigences de recrutement plus sévères pour les employés à bas salaire, afin que les travailleurs canadiens traditionnellement sous-représentés dans le marché du travail puissent avoir un meilleur accès aux emplois disponibles. Le gouvernement envisage en outre d’abolir la règle de la durée cumulative de quatre ans, de prolonger en 2017 l’exemption concernant la limite pour les industries saisonnières et de s’engager à développer des possibilités d’acquérir la résidence permanente pour les travailleurs migrants. Le 13 décembre 2016, la règle de la durée cumulative de quatre ans, qui interdit aux travailleurs migrants de travailler au Canada pendant quatre ans après avoir y travaillé pendant quatre ans, est abolie par le gouvernement fédéral.

Signification

Le Canada dépend fortement de son programme des travailleurs étrangers temporaires et emploie chaque année des milliers de travailleurs migrants. Bien que des mécanismes de protection existent à la fois aux niveaux fédéral et provincial, et que le Canada ne soit engagé à améliorer ses programmes des travailleurs étrangers temporaires, des abus continuent à être rapportés concernant les travailleurs étrangers temporaires. Beaucoup d’entre eux mènent une existence précaire, sans la moindre possibilité d’obtenir la résidence permanente.