Son financement lui vient principalement de subventions régulières du gouvernement fédéral (présentement 60 % de son budget), mais aussi de revenus provenant de commanditaires, de la vente de publicité et de la vente d’émissions à d’autres pays. Bien qu’ayant des comptes à rendre au Parlement sur sa gestion d’ensemble, elle en est indépendante pour ses opérations courantes. Depuis sa création durant la crise des années 1930, elle essaie de procurer aux Canadiens un large éventail d’informations nationales et de divertissements d’excellente qualité, même si ses critiques continuent à insister auprès du gouvernement pour qu’il abolisse son financement de la société d’État et qu’il harmonise le champ d’action de tous les diffuseurs.
Fondation de la CBC/Radio-Canada
La constitution de la CBC/Radio-Canada en société d’État, le 2 novembre 1936, fait suite à deux expériences antérieures de radiodiffusion publique au Canada. Dans les années 1920, les Chemins de fer nationaux du Canada (CN) créent un réseau radiophonique comptant des stations à Ottawa, à Montréal, à Toronto, à Moncton et à Vancouver. Sa programmation se compose de concerts, d’opéras comiques, d’émissions scolaires et de drames historiques, mais ne compte toujours vers 1929 que trois heures en ondes par semaine à l’échelle nationale.
S’inspirant de
L’élément moteur au sein de
La crise économique retarde l’examen des recommandations de
Commission canadienne de la radiodiffusion (CCR)
En 1932, le gouvernement conservateur nouvellement élu de R. B. Bennett donne suite aux appels de la CRL en faisant voter la Loi canadienne sur la radiodiffusion. Il crée la Commission canadienne de la radiodiffusion (CCR), de propriété publique, et lui confère le mandat de diffuser des émissions dans toutes les régions habitées du pays.
La CCR hérite des installations radiophoniques détenues et établies à l’origine par le CN, et entreprend la diffusion de sa programmation anglaise et française, sous la houlette des commissaires Thomas Maher, Hector Charlesworth et du lieutenant-colonel W. Arthur Steel. Les stations privées, dont le sort repose entre les mains de la Commission, l’aident à diffuser certaines de ses émissions à l’échelle nationale, sans pour autant coopérer pleinement. Malgré tout, la CCR leur permet de poursuivre et même d’étendre leurs activités, au point qu’elles survivront à la Commission elle-même.
La CCR souffre de sous-financement, des incertitudes de son mandat, d’arrangements administratifs inappropriés et diffuse une série d’émissions politiques qui manquent de tact. La CRL continue cependant son travail de lobbying, de sorte que le gouvernement libéral de Mackenzie King se laisse convaincre de remplacer la CCR par une agence publique plus forte au lieu d’abandonner la radiodiffusion aux stations privées.
Loi canadienne sur la radiodiffusion (1936) et croissance initiale
En 1936,
De 1936 à 1958, la CBC/Radio-Canada est chapeautée par un conseil d’administration composé initialement de neuf membres non rémunérés et représentant les différentes régions du Canada. Ce conseil formule la politique générale de la société et réglemente les stations privées. Il a comme premier président Leonard W. Brockington, un avocat réputé de Winnipeg, auquel succède René Morin en 1939. En 1944, une modification à la Loi canadienne sur la radiodiffusion permet la nomination d’un président rémunéré à temps plein pour un mandat de trois ans. Le 14 novembre
Il incombe également à la Commission la responsabilité de nommer un directeur général et un directeur général adjoint responsables de la supervision des opérations courantes du diffuseur. C’est Gladstone Murray, né au Canada et alors directeur des relations publiques de la BBC, qui en est le premier directeur général.
La CBC/Radio-Canada commence ses activités avec 8 stations propres et 16 stations privées affiliées. Une enquête technique commandée par le conseil d’administration révèle que ce réseau n’atteint que la moitié des 11 millions de Canadiens, en milieu urbain pour
La même année, la CBC/Radio-Canada prend part à l’organisation d’une conférence nord-américaine à La Havane. Le Canada y reçoit, pour son usage exclusif, 6 canaux libres pour stations de 50 kW ou plus, 8 canaux pour stations de 0,25 à 50 kW et, en usage partagé, 41 canaux régionaux et 6 autres locaux. Soucieuse d’atteindre les régions éloignées, la société ajoute, en 1939, des émetteurs de 50 W en Saskatchewan et dans les Maritimes, et entame la construction d’émetteurs-relais à faible puissance en Colombie-Britannique, dans le Nord de l’ Ontario et dans certaines régions du Nouveau-Brunswick. Après la guerre, des stations additionnelles de 50 kW sont construites au Manitoba et en Alberta, tandis que la puissance de la station CJBC, sa tête de réseau de Toronto, augmente aussi à 50 kW.
Premières programmations
La programmation nationale progresse moins vite que le prolongement du réseau. La CBC/Radio-Canada commence par emprunter largement des émissions de divertissement, de musique dite sérieuse et de causeries produites aux États-Unis et au Royaume-Uni.
À la suite d’un sondage sur la programmation destiné à évaluer l’étendue des talents canadiens et à savoir où ils se trouvent, le diffuseur met progressivement en ondes ses propres productions, notamment The Happy Gang, des émissions agricoles régionales et le National Farm Radio Forum,de Harry Boyle, destinée à un pays encore largement rural (voir Tribune radiophonique agricole), des émissions conformes aux intérêts des auditrices comme Femina et les causeries matinales animées quotidiennement par une équipe d’animatrices, des émissions sportives, dont la diffusion des matchs de hockey de la LNH, le samedi soir, animées par Foster Hewitt, des émissions pour enfants, telles que Just Mary, de Mary Grannan, de même qu’une ample couverture d’événements tels que le couronnement du roi George VI et de la reine Élisabeth en 1937 et leur visite royale au Canada en 1939. Un réseau séparé de langue française voit le jour avec la production d’émissions dans cinq régions, soit en Colombie-Britannique, dans les Prairies, en Ontario, au Québec et dans les Maritimes.
Avec le déclenchement de la guerre, la CBC/Radio-Canada crée un service outre-mer qui relaie les rapports de correspondants de guerre tels que Matthew Halton et Marcel Ouimet. Le 1 er janvier 1941, le diffuseur cesse de s’alimenter aux bulletins d’information de la Presse canadienne et crée son service des nouvelles, sous la direction de Dan McArthur. Le traitement objectif des nouvelles à son journal national, transmis par la voix de Charles Jenning (père de Peter Jennings, qui a longtemps animé le bulletin de nouvelles de la chaîne ABC), puis par celle de Lorne Greene (la célèbre voix du destin), assure rapidement au service des nouvelles de la CBC/Radio-Canada une réputation d’impartialité et d’intégrité.
Pendant la guerre, la société crée son Radio-Collège au Québec et lance en 1942 ses émissions musicales éducatives. En 1944, le réseau anglais se scinde en deux, le réseau du Dominion (une station mère et 34 stations affiliées) et le réseau transcanadien (6 stations CBC et 28 stations affiliées). À la fin de la guerre, en 1945, la société crée, de concert avec le gouvernement, un service international multilingue (1945) qui deviendra Radio-Canada International. Ce service enregistre ses émissions aux studios de la rue Crescent, à Montréal, et à Sackville, au Nouveau-Brunswick, et les achemine d’abord par voie terrestre, puis outre-mer, par ondes hertziennes.
Dans sa programmation, la radio de la CBC/Radio-Canada n’attache d’abord que peu d’importance aux émissions d’affaires publiques. Cependant, son président, Leonard Brockington, décide, peu avant la fin de son mandat, de renverser la vapeur en publiant un livre blanc sur la diffusion d’émissions politiques et de nature controversée. Ce document, adopté par le conseil d’administration en juillet 1939, confirme l’intention du diffuseur de présenter une variété d’opinions sur des sujets controversés et de s’abstenir de vendre du temps d’antenne pour la diffusion d’opinions personnelles.
Cependant, le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale amène le gouvernement à faire pression sur la CBC/Radio-Canada pour qu’elle abandonne ses émissions d’affaires publiques. Le directeur général Gladstone Murray rejette les propositions du département des causeries d’organiser des forums sur des sujets reliés à la guerre. Il opte pour la retransmission d’émissions de la BBC et pour des émissions animées par un personnage coloré, capable de mobiliser les gens pour l’effort de guerre. Toutefois, il finit par approuver un programme de discussions appelé Citizens All, sous réserve qu’il approuve lui-même la liste des participants et les thèmes abordés.
Il faut attendre le départ de Gladstone Murray et son remplacement par J. S. Thomson, en août 1942, pour que commencent à porter fruit les efforts du département des causeries afin de faire une place aux discussions sérieuses sur des sujets d’intérêt public. À la fin du mandat d’un an de J. S. Thomson, ce département a fait la preuve du rôle démocratique que peut jouer la diffusion des affaires publiques grâce au lancement d’émissions telles que Weekend Review, National Labour Forum, CBC Discussion Club et la populaire émission Of Things to Come - An Inquiry into the Post-War World. Cette dernière émission, dirigée par l’auteur Morley Callaghan, se transforme ensuite et devient le populaire Citizen’s Forum, qui se déroule devant un parterre d’auditeurs et qui existera toujours à l’époque de la télévision.
Dramatiques au Canada
L’expansion de la programmation des affaires publiques après la guerre s’accompagne d’émissions artistiques telles que Critically Speaking et d’une augmentation significative du nombre de productions dramatiques canadiennes. En 1940, la CBC/Radio-Canada introduit l’émission Canadian Theatre of the Air, et, en 1944, Andrew Allan entreprend sa série Stage, qui remporte un grand succès.
C’est cependant dans la première période d’après-guerre que se situe l’âge d’or des dramatiques radiophoniques canadiennes. On assiste à la formation d’une compagnie de répertoire dont font partie de jeunes acteurs canadiens et au lancement d’un important programme de formation de jeunes auteurs. La saison 1947-1948 met à l’affiche 320 productions dramatiques de langue anglaise, dont 97 % par des auteurs canadiens. En plus d’Andrew Allan, des producteurs tels qu’Esse Ljungh, Rupert Caplan et Fletcher Markle sont les pionniers de la programmation axée sur le théâtre et du répertoire dit sérieux en Amérique du Nord.
Cependant, à ce moment, les jours des dramatiques radiophoniques sont déjà comptés, car les Canadiens font de plus en plus pression pour obtenir la télévision, qui est disponible aux États-Unis depuis la fin de la guerre. Au point de départ, la CBC /Radio-Canada et le gouvernement fédéral choisissent la voie de la prudence par rapport à ce nouveau moyen de communication très coûteux. Le Dr Augustin Frigon, un ancien membre de la Commission Aird et directeur du réseau français avant de succéder, en 1943, à J. S. Thomson à titre de directeur général, laisse entendre, en 1946, au comité parlementaire sur la radio que ce serait une erreur d’encourager l’introduction de la télévision au Canada sans un soutien financier suffisant et en prenant dès lors le risque que des émissions peu satisfaisantes donnent dès le départ une mauvaise impression de ce nouveau moyen de communication.
Si Augustin Frigon refuse de se laisser emporter dans une action prématurée, le président du conseil d’administration, Davidson Dunton, discute avec l’Association canadienne des radiodiffuseurs de l’idée voulant que les dirigeants de la CBC/Radio-Canada et des stations privées entreprennent de se former dans le domaine de la télévision aux studios de la société à Montréal et à Toronto.
Avènement de la télévision
La principale impulsion pour passer à l’action au sein même de la CBC/Radio-Canada vient, en 1947, du Rapport sur la télévision , dont le maître d’œuvre est Joseph-Alphonse Ouimet, l’ingénieur en chef adjoint de la société. À Montréal, dès le début des années 1930, celui-ci construit son système de télévision et essaie de le commercialiser. On nomme Joseph-Alphonse Ouimet « coordonnateur de la télévision » avant qu’il remplace Augustin Frigon comme directeur général. À cet homme, dont on peut dire qu’il est le personnage le plus important de l’histoire de la radiodiffusion canadienne, revient une bonne partie du crédit pour l’introduction rapide et l’essor de la télévision au Canada, dès l’instant où le gouvernement finit par décider d’aller de l’avant et d’allouer à la télévision les fonds obtenus par l’imposition d’une taxe d’accise sur les téléviseurs.
Lors de son introduction sur la chaîne CBFT de Montréal, le 6 septembre 1952, et deux jours par semaine sur la chaîne CBLT de Toronto, la télévision n’atteint que 26 % de la population. Mais en 1954, ce chiffre passe à 60 %, et le Canada se classe au deuxième rang mondial comme producteur d’émissions de télévision en direct. Entre-temps, des stations de télévision sont fondées à Ottawa, à Vancouver, à Winnipeg et à Halifax pendant que des stations privées affiliées font leur apparition sur les écrans d’autres villes. En 1957, les deux chaînes de la CBC/Radio-Canada, anglaise et française, diffusaient jusqu’à 10 heures par jour et touchaient 85 % de la population en combinant leurs propres stations et celles du secteur privé qui leur étaient affiliées.
L’avènement de la télévision créera des problèmes majeurs pour la radio du diffuseur. Celle-ci voit sa part de marché s’effriter avec l’émigration de talents et de fonds vers le nouveau média. Elle perd aussi une partie importante de ses revenus commerciaux et de sa capacité d’offrir des émissions de divertissement américaines. Obligée de concurrencer les présentations d’informations locales et celles de la musique américaine, la radio de la CBC/Radio-Canada se démoralise progressivement et perd contact avec son auditoire canadien.
Dans les années 1960, quelques pas sont franchis pour reconquérir la fidélité de la clientèle grâce à quelques nouvelles émissions sur l’actualité, à l’augmentation des dramatiques canadiennes et de musique dite sérieuse. Il faudra cependant attendre le début des années 1970 pour la voir mener une révolution qui en fait la fierté de la société.
En 1970, à la suite d’une étude exhaustive faite à son sujet la même année, elle modifie profondément ses priorités en déplaçant des ressources importantes de sa programmation du soir (période où domine la télévision) vers la matinée et l’après-midi. Elle élabore des émissions locales d’information, conçoit une programmation en bloc et renforce les nouvelles nationales et d’actualité par l’introduction d’émissions telles que This Country in the Morning et As It Happens. En même temps, le potentiel de la radio MF est enfin exploité sérieusement, après deux décennies de tâtonnements. En 1975, un réseau stéréo MF est inauguré, alors que disparaissent les messages publicitaires sur les chaînes MA et MF.
En 1974, année où est accrue la couverture des chaînes MA et MF par l’entremise du programme de rayonnement accéléré, il en résulte l’émergence de deux réseaux offrant deux types bien distincts d’émissions : le réseau MA se concentre sur les nouvelles, l’information, les divertissements légers et les affaires publiques à l’échelle locale, tandis que le réseau MF met l’accent sur la musique classique, les dramatiques, les documentaires, les arts et la culture.
Pendant la même période, la télévision de la CBC/Radio-Canada s’adapte moins bien à ses problèmes particuliers. Durant les années 1950, une nouvelle génération de producteurs met toute son énergie, son enthousiasme et sa créativité à relever le défi que constitue la création d’émissions pour le nouveau média qu’est la télévision. Des personnages tels que Ross McLean, Norman Campbell, Bob Allen, Jean-Paul Fugère, Sydney Newman et Mario Prizek produisent un ensemble impressionnant d’émissions d’information et de divertissement, parmi lesquels on peut citer Tabloid, G.E. Showcase, La Famille Plouffe, Front Page Challenge, Festival, Don Messer’s Jubilee (voir Don Messer), Les Idées en marche et Cross Canada Hit Parade.
La remarquable performance de la société au cours des années 1950 n’enlève cependant pas aux Canadiens le désir d’écouter les émissions américaines de divertissement. Ils attendent du diffuseur qu’en plus de produire des émissions canadiennes, elle leur relaie des émissions populaires américaines, surtout dans les régions où les ménages ne peuvent capter les signaux des stations américaines sur leurs antennes de toit.
Plus tard, l’arrivée du câble et des satellites dispensera dorénavant la CBC/Radio-Canada de devoir retransmettre des émissions américaines. Cependant, la télévision du diffuseur dépendra alors énormément de la programmation américaine. Ce processus est enclenché à la fin des années 1950, lorsque la télévision en direct débouche sur la production à grands frais de séries dramatiques et de comédies filmées à l’avance pouvant être visionnées à répétition. Voilà le diffuseur prise dans un cercle vicieux, dans la mesure où elle doit présenter une programmation populaire américaine si elle veut encaisser les revenus nécessaires à sa production d’émissions comparables. En outre, l’attribution d’une licence à la chaîne CTV, en 1961, oblige en fait la CBC/Radio-Canada à diffuser des émissions américaines pour attirer des téléspectateurs vers ses propres émissions, par l’intermédiaire de ce qu’on appelle le « facteur d’héritage ».
Durant les années 1960, la société met à l’affiche de nouveaux téléromans tels que Wojeck et Quentin Durgens MP, de Ronald Weyman, des émissions d’information stimulantes telles que This Hour Has Seven Days, Man Alive et The Nature of Things, et des émissions pour enfants favorites depuis longtemps comme Mr. Dressup, The Friendly Giant et Chez Hélène.
Néanmoins, le fait de compter en permanence sur une proportion relativement élevée d’émissions américaines expose de plus en plus la CBC/Radio-Canada aux accusations de ne pas remplir le mandat qui lui a été conféré en vertu de la Loi canadienne sur la radiodiffusion. C’est pourquoi, entre les exercices 1967-1968 et 1973-1974, la société réagit au flot grandissant des critiques du public en augmentant le contenu canadien des émissions de télévision, qui passe de 52 % à environ 68 %. Elle met à l’horaire de nouvelles émissions canadiennes, dont Marketplace, The Beachcombers, Performance et The Fifth Estate.
Pendant la même période, la société s’efforce d’améliorer l’équilibre entre la programmation du réseau national et celle des réseaux régionaux, et d’accroître son efficacité en regroupant, par une formule de consolidation, les réseaux anglais, français et régionaux en deux divisions administratives, la Division des services anglais, avec son quartier général à Toronto, et la Division des services français, dont le quartier général est à Montréal.
D’autres mesures de consolidation seront ensuite prises, ce qui facilitera la canadianisation de la programmation télévisuelle. De 1983-1984 à 1985-1986, par exemple, le contenu canadien passe de 74 % à 77 % au réseau anglais de la télévision publique et de 69 % à 79 % au réseau français. Malheureusement, les réductions draconiennes qu’impose le gouvernement de Brian Mulroney au budget de la CBC/Radio-Canada, au milieu des années 1980, renvoient aux calendes grecques le rêve d’éliminer la programmation étrangère et la publicité de la télévision du diffuseur.
Programmation télévisuelle
Depuis longtemps, la CBC/Radio-Canada met en vedette des célébrités internationales. Le premier film dans lequel joue l’acteur Jim Carrey, Introducing... Janet (1983), est produit pour la télévision du diffuseur. Alex Trebek y anime Music Hop (1963-1964) et Reach for the Top (1966-1973) avant d’animer l’émission Jeopardy! aux États-Unis. L’acteur Michael J. Fox amorce sa carrière d’acteur à la CBC/Radio-Canada dans les émissions The Beachcombers (1972), The Magic Lie (1977) et Leo and Me (1978). La série documentaire The Nature of Things, animée par David Suzuki, scientifique spécialiste de l’environnement de renommée mondiale, est l’une des émissions les plus acclamées par la critique de l’histoire de la télévision canadienne.
Au fil des ans, la division des sports de la CBC/Radio-Canada se place comme l’un des producteurs importants d’émissions sportives au pays, particulièrement par son émission populaire Hockey Night in Canada (1952-…). En qualité de diffuseur des Olympiques au Canada, la société présente également des événements internationaux pour la télévision et la radio à l’échelle nationale non sans controverse, puisque divers groupes critiquent l’utilisation des fonds publics pour miser sur l’un des événements sportifs les plus populaires du monde.
Au fil des ans, on compte parmi les émissions originales de la télévision de la CBC/Radio-Canada les émissions pour enfants Maggie Muggins (1955-1962), The Friendly Giant (1958-1985), Chez Hélène (1959-1973), Mr. Dressup (1967-1996) (voir Ernest Coombs) et Under the Umbrella Tree (1986-1993); les émissions pour adolescents The Kids of Degrassi Street (1979-1984), Degrassi Junior High (1987-1989), Degrassi High (1989-1991), The Rez (1996-1998) et Edgemont (2001-2005); les émissions de musique et de variétés Country Hoedown (1956-1965), Don Messer’s Jubilee (1959-1969) (voir Don Messer), Singalong Jubilee (1961-1974), The Tommy Hunter Show (1965-1992) (voir Tommy Hunter), The Irish Rovers (1971-1978) (voir Irish Rovers), Good Rockin’ Tonite (1983-1993), Video Hits (1984-1993) et Rita and Friends (1994-1997) (voir Rita MacNeil); les émissions de sketch comiques The Wayne and Shuster Show (voir Wayne and Shuster), Royal Canadian Air Farce (1993-2012), SCTV (1976-1984), CODCO (1987-1992), The Kids in the Hall (1988-1994), This Hour Has 22 Minutes (1992-…) et The Rick Mercer Report (2004-..) (voir Rick Mercer); les comédies de situation King of Kensington (1975-1980), Hangin’ In (1981-1987), The Red Green Show (1991-2006) (voir Steve Smith), The Newsroom (1996-1997 et 2003-2005) (voir Ken Finkleman), Made in Canada (1998-2003), Twitch City (1998-2000) et Little Mosque on the Prairie (2007-2012); les jeux télévisés comme Front Page Challenge (1957-1995), Reach for the Top (1961-1985), This Is the Law (1971-1976) et Smart Ask! (2001-2004).
La programmation comprend aussi les revues d’actualité Take Thirty (1962-1984), This Hour has Seven Days (1964-1966), Midday (1985-2000), Adrienne Clarkson Presents (1988-1999) (voir Adrienne Clarkson) et Undercurrents (1994-2001); les émissions d’affaires publiques Marketplace (1972-…), The Watson Report (1975-1981) (voir Patrick Watson), The Fifth Estate (1975-…), The Journal (1982-1992), Venture (1985-2007) et Street Cents (1989-2006); les émissions reflétant la culture canadienne Images of Canada (1972-1976), On the Road Again (1987-2007), Life and Times (1996-2007) et Canada: A People’s History (2000-2001); les émissions pour la famille The Beachcombers (1972-1990), Danger Bay (1985-1990), Spirit Bay (1984-1986), Road to Avonlea (1990-1996), North of 60 (1992-1997), Wind At My Back (1996-2001) et Heartland (2007-…); les émissions dramatiques Quentin Durgens, M.P. (1965-1969), Wojek (1966-1968), Lance et Compte (1986-1989), Street Legal (1987-1994), Da Vinci’s Inquest (1998-2005), This is Wonderland (2004-2006), Intelligence (2006-2007), The Tudors (2007-2010) et Being Erica (2009-2011); les miniséries Anne of Green Gables (1985) et Les Plouffe (1980); les téléréalités The Greatest Canadian (2004), Dragons’ Den (2006-…) et Battle of the Blades (2009-…).
Programmation actuelle
La programmation actuelle de la CBC/Radio-Canada comprend des émissions qui sont rediffusées autour du monde et par les 82 stations de radio et les 27 stations de télévision exploitées par le diffuseur au Canada en date de 2011. Tant à la télévision qu’à la radio, la programmation en heures de grande écoute comprend plus de 80 % de contenu canadien. Aussi, dans l’ensemble de sa grille horaire, le contenu diffusé par la radio de la société est canadien à 99 %.
L’une des émissions les plus populaires du diffuseur est Q, une émission culturelle animée par Jian Ghomeshi. Q est diffusée à travers le monde et est largement distribuée aux États-Unis par Public Radio International. Créée en 2007, l’émission détient le record de popularité pour une émission du matin à la radio de la CBC/Radio-Canada. Il s’agit aussi de l’émission d’affaires publiques la plus écoutée au Canada.
Parmi les autres émissions, on compte As It Happens, qui couvre les nouvelles et les affaires publiques, Definitely Not the Opera, qui raconte la culture populaire, The Sunday Edition, en ondes depuis longtemps les fins de semaine, Wiretap et The Debaters, qui présentent des sketchs humoristiques, Cross Country Checkup, une tribune téléphonique nationale, The Vinyl Café, avec le conteur de renommée internationale Stuart McLean, et The Current, une émission d’affaires publiques animée par la journaliste primée Anna Maria Tremonti.
La société exploite ICI Musique ainsi que CBC Music, une plateforme de musique digitale gratuite à partir de laquelle les usagers peuvent écouter de la musique en ligne et avoir accès au contenu de CBC Radio 2 et CBC Radio 3. Le service vise à mettre en valeur le talent canadien et la musique internationale, et fait la promotion des interprètes et des compositeurs canadiens. Le premier CBC Music Festival a eu lieu en 2013.
Outre les émissions de télévision et de radio, CBC News est un organisme de presse d’envergure qui diffuse des nouvelles chaque heure à la radio, qui chapeaute des émissions d’information télévisées et qui exploite un site Web de nouvelles. La CBC /Radio-Canada compte 14 bureaux à l’étranger qui contribuent à sa couverture journalistique de l’actualité internationale. La société détient et exploite la chaîne d’information en continu CBC News Network (lancée d’abord sous le nom de « CBC Newsworld »). Elle est financée en grande partie par les redevances d’abonnement et d’autres revenus commerciaux. Elle arrive première au chapitre des cotes d’écoute parmi les chaînes d’information similaires au Canada. The National, le bulletin quotidien de nouvelles de fin de soirée animé par Peter Mansbridge , est une émission phare de la CBC. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes exige que les chaînes d’information de la télévision du diffuseur soient offertes à tous les abonnés canadiens à la télévision par câble ou par satellite.
Partout au pays, les grilles horaires comprennent des émissions locales, y compris des nouvelles régionales à la télévision, à la radio et en ligne. CBC News Online couvre l’actualité régionale, nationale et internationale, et les sports, les sciences et les arts. Une bonne partie des reportages sont accompagnés de clips télévisés ou de baladodiffusions. CBC Aboriginal diffuse en ligne des reportages de partout au Canada qui sont d’intérêt pour les Autochtones.
Perte des fonctions de réglementation
Au cours des dernières décennies, la CBC/Radio-Canada a connu des succès populaires. Toutefois, sa présence culturelle est en déclin depuis les années 1980. On peut dire que la société voit s’aggraver certains de ses problèmes du fait qu’elle n’exerce plus le rôle de réglementation que lui avait confié la Loi canadienne sur la radiodiffusion, en 1936. À l’origine, la CBC/Radio-Canada se voit accorder un répit grâce aux efforts fournis par les diffuseurs privés pour éliminer sa fonction de réglementation lorsque la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, lettres et sciences au Canada (1949-1951), présidée par Vincent Massey, ne se laisse pas persuader par le vieil argument de l’Association canadienne des radiodiffuseurs selon lequel le diffuseur ne devrait pas être à la fois et en même temps concurrente, régulatrice, procureure, jury et juge.
Par contre, la Commission royale d’enquête sur la radio et la télévision, que préside Robert Fowler, prête en 1955-1956 une oreille plus sympathique aux aspirations des radiodiffuseurs privés. Sa recommandation favorable à la création d’un organisme séparé de réglementation se concrétise avec l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur la radiodiffusion, que fait voter le gouvernement conservateur de John Diefenbaker en 1958. Cette loi enlève à la CBC/Radio-Canada la tâche de réglementer le système de radiodiffusion pour la confier à un organisme indépendant, le Conseil d’administration de la radiodiffusion (BGR).
Au même moment, le Conseil d’administration de la société est remplacé par un conseil d’administration, composé de 15 personnes, tandis que la principale responsabilité de diriger la CBC/Radio-Canada revient à un président nommé par le gouvernement fédéral. Le BGR cédera par la suite la place, en 1968, au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sans que ne soit remis en question le principe d’un organisme de réglementation séparé.
Le retrait de la fonction de réglementation du mandat du diffuseur était sans doute inévitable. Il lui permet en tout cas de se consacrer à sa tâche principale, qui est d’offrir à la population canadienne une programmation radiophonique et télévisuelle d’excellente qualité. Il réduit cependant la capacité des hommes qui se sont succédé au poste de président de la CBC/Radio-Canada, soit Joseph-Alphonse Ouimet (1958-1967), George Davidson (1968-1972), Laurent Picard (1972-1975), A. W. (Al) Johnson (1975-1982), Pierre Juneau (1982-1989), W. T. Armstrong (1989), Gérard Veilleux (1989-1994), Anthony S. Manera (1994-1995), Perrin Beatty (1995-1999), Robert Rabinovitch (1999-2007) et Hubert Lacroix (2008-…), d’influencer l’environnement dans lequel doit fonctionner la société.
Soumise aux principes de l’économie de marché, la CBC/Radio-Canada ne peut empêcher l’entrée de réseaux rivaux spécialisés dans la programmation étrangère. Elle ne peut rien faire pour garantir à la programmation canadienne l’apport de fonds en provenance d’une câblodistribution en rapide expansion et relayant des émissions étrangères. Enfin, elle assiste impuissante au drainage par la télévision payante des maigres ressources disponibles au bénéfice des diffuseurs plus riches. Elle ne peut pas obtenir pour elle-même un deuxième canal de langue anglaise et un deuxième de langue française pour accroître sa part de spectateurs, bien qu’elle obtienne, en 1989, un canal de nouvelles continues de langue anglaise et le canal RDI de langue française en 1995.
Financement public
Malgré les fréquentes critiques portant sur sa lourde bureaucratie, des études montrent qu’en matière d’efficacité et de productivité, la CBC/Radio-Canada supporte aisément la comparaison avec les organismes publics et privés de radiodiffusion partout dans le monde. Dans le rapport du Groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion, coprésidé par Gerald Lewis Caplan et Florian Sauvageau en 1986, de nombreux intervenants appuient le diffuseur public, mais ni le gouvernement de Brian Mulroney ni celui de Jean Chrétien ne donnent suite aux recommandations. La société fait l’objet d’autres études en 1995, notamment le rapport du président de la CBC /Radio-Canada (mis en veilleuse) et un rapport du Comité de la radiodiffusion de la Chambre des communes. Aucune de ces revues ou études ne semble destinée à préciser les objectifs souvent contradictoires établis pour la société, ni à résoudre ses difficultés financières persistantes.
On cite souvent les coupes budgétaires opérées pendant l’ère Jean Chrétien-Paul Martin comme facteur ayant entraîné 2 400 mises à pied au diffuseur. Au cours des années 1990, une série de compressions budgétaires a réduit le budget annuel du diffuseur de plusieurs centaines de millions de dollars, de sorte qu’en 1999, la CBC/Radio-Canada ne reçoit plus que 748 millions de dollars du gouvernement fédéral. Lors de l’année financière 2011-2012, le gouvernement fédéral finance la société de 1,1 milliard de dollars. De plus, ses revenus publicitaires et autres s’élèvent à 689 millions de dollars. Cette année-là, les dépenses du diffuseur s’élèvent à 1,8 milliard de dollars.
La CBC/Radio-Canada continue à unir et à diviser le pays de la même façon. Au printemps 2012, lorsque le gouvernement conservateur de Stephen Harper réduit le financement du diffuseur de 10 %, le public canadien accueille la décision tant de façon favorable que défavorable. Le budget prévoit des compressions de 115 millions de dollars au budget de la société, échelonnées sur trois ans.
Bien que certains perçoivent la CBC/Radio-Canada comme une utilisation non nécessaire des fonds publics et une déformation du marché de la diffusion, d’autres la considèrent comme la seule source de nouvelles et d’autres informations dans bien des régions éloignées du Canada et comme un important promoteur des arts. En 2012, lors d’un débat sur l’importance du financement fédéral pour un diffuseur public, certains avancent que le diffuseur n’a plus sa place dans un marché numérique, où les consommateurs ont accès à un large éventail de choix. Ils suggèrent que l’auditoire de la CBC /Radio-Canada paie directement pour le service, et non tous les contribuables. Par contre, beaucoup d’autres sont d’avis que le diffuseur joue un rôle crucial en tant que productrice et payeuse unique de contenu canadien et qu’elle est d’une importance majeure dans les régions éloignées du Canada, ce qui justifie favorablement l’utilisation des fonds publics. Une étude commandée par la radio de la CBC /Radio-Canada en 2011 démontre que chaque dollar dépensé par le diffuseur crée des retombées économiques de quatre dollars. En 2011, la société compte 8600 employés.
Une étude commandée par la CBC/Radio-Canada en 2011 révèle que, parmi 18 pays occidentaux, le Canada se situe au 16e rang en matière de cotisations versées par les contribuables pour financer la radiodiffusion publique. Au Canada, le niveau de financement par habitant, qui s’élève à 34 $ par personne, est 60 % moins élevé que la moyenne de 87 $ et n’est supérieur qu’à ceux des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. En Norvège, pays où le niveau de financement est le plus élevé, le diffuseur public reçoit l’équivalent de 164 $ par habitant.
Malgré le coût par habitant relativement peu élevé de la CBC/Radio-Canada, le financement public fédéral du diffuseur public et son existence même suscitent de nombreux débats. Les accusations de gaspillage sont souvent invoquées pour justifier de mettre fin au financement de la société. Parmi les dépenses qu’ils jugent superflues, les opposants à la CBC /Radio-Canada allèguent que les employés du diffuseur, comme tous ceux qui travaillent dans la fonction publique, ont un taux d’absentéisme plus élevé que ceux qui travaillent dans le secteur privé.
Divers regroupements ont été mis sur pied au cours des dernières décennies pour soutenir le financement public de la CBC/Radio-Canada ou pour s’y opposer. De nombreuses pétitions ont circulé pour la « libérer » (de la présumée ingérence politique) ou pour la « sauver » de coupes budgétaires que beaucoup considèrent comme idéologiques. À l’opposé, des campagnes dénonçant que le diffuseur « jette de l’argent par les fenêtres » ou cherchant à mettre en lumière le présumé gaspillage d’argent s’attirent de nombreux partisans.
Ce débat est loin de s’essouffler. Néanmoins, il pousse la société à constamment redéfinir le rôle important qu’elle a à jouer dans le tissu social du Canada. Entre-temps, la CBC/Radio-Canada a annoncé son intention d’accroître davantage son contenu canadien et sa présence en régions éloignées, tout en multipliant les plateformes numériques et en ligne et en respectant les contraintes budgétaires.
(Voir aussi Radiodiffusion et télédiffusion, Politique culturelle, Communications, Théâtre de langue anglaise à la radio, Dramatiques de langue anglaise à la télévision)