Cancer
Terme regroupant plus de 100 maladies, peut-être jusqu'à 200, caractérisées par une croissance anormale des cellules. C'est la seconde cause en importance de décès au Canada et, chez les enfants de moins de 15 ans, la deuxième cause de mortalité après les accidents. Environ un Canadien sur quatre mourra des suites d'un cancer. Les hommes sont légèrement plus touchés que les femmes. D'après les taux d'incidence actuels, environ 40 % des femmes et 45 % des hommes contractent une forme de cancer. Le cancer est plus courant chez les Canadiens plus âgés; la majorité des nouveaux cas et la plupart des décès causés par le cancer survenant chez les gens de plus de 70 ans. Toutefois, du fait du perfectionnement des tests de dépistage et des traitements, plus de la moitié de toutes les personnes atteintes du cancer survivent.
Certains types de cancer, comme celui du poumon, sont plus fréquents depuis les années 1940; d'autres, comme le cancer du sein chez les femmes, conservent plus ou moins la même incidence; d'autres encore, comme les cancers de l'estomac, de la vessie et du rectum, sont en recul. Le cancer du poumon, qui est le plus évitable, est celui qui affiche le taux de mortalité le plus élevé. Du fait du TABAGISME, son incidence a considérablement augmenté chez les jeunes femmes, et il est maintenant plus fréquent que le cancer du sein. Son incidence est en baisse dans la population masculine canadienne, alors qu'elle ne fait que se stabiliser dans le cas des femmes.
Le cancer colorectal constitue la deuxième cause des décès attribuables au cancer au Canada. Le cancer du sein est en troisième position, mais il demeure la première cause de décès chez les femmes. Le cancer de la prostate est la forme la plus fréquente de cancer chez les hommes, bien que moins d'hommes en meurent grâce au perfectionnement des méthodes de dépistage et de traitement. En termes de taux de mortalité, selon l'Institut national du cancer du Canada, les autres formes de cancer sont, dans l'ordre, les cancers du pancréas, des voies urinaires, de l'utérus et de la bouche, suivis de la leucémie et des cancers des ovaires et de la peau. Ce dernier est en fait le plus fréquent, mais sous ses formes courantes, il se traite facilement et n'est généralement pas mortel.
Causes de cancer
Le corps humain est constitué de milliards de cellules de différents types qui, normalement, se reproduisent à un rythme suffisant pour compenser la perte cellulaire physiologique. Si les cellules se multiplient de manière anarchique, il se développe une tumeur (aussi appelée néoplasme). Il existe deux grands types de tumeurs : les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes. Dans une tumeur bénigne (non cancéreuse), les cellules se multiplient, mais demeurent groupées; les tissus avoisinants forment souvent un tissu fibreux, appelé « capsule », qui les sépare de la tumeur. Les tumeurs bénignes se traitent avec succès par la chirurgie. Les tumeurs malignes (cancéreuses) peuvent être localement envahissantes; c'est-à-dire que les cellules se répandent dans les tissus avoisinants en étendant leurs tentacules explorateurs. Ces tumeurs potentiellement graves se situent souvent au niveau de la peau et peuvent être traitées efficacement par radiation ou la chirurgie.
Les tumeurs malignes peuvent aussi être métastatiques. Ce sont les tumeurs les plus dévastatrices, car elles envahissent l'organisme en se disséminant par voie sanguine ou par d'autres liquides organiques. Les « semences » ainsi disséminées, appelées métastases, créent de nouvelles tumeurs, appelées tumeurs secondaires. On croyait autrefois que la dissémination de la tumeur ne se faisait qu'à partir d'une certaine taille et que, si on l'éliminait avant qu'elle n'atteigne cette taille, le patient pouvait guérir. Malheureusement, on sait aujourd'hui que les tumeurs métastatiques surviennent bien avant d'être détectées.
La cause fondamentale de cette transformation maligne est encore inconnue, mais la récente découverte des oncogènes (gènes du cancer) représente une étape importante dans la compréhension de la maladie. Ces gènes très répandus font partie du patrimoine génétique normal lorsqu'ils sont inactifs. Leur structure a été soigneusement préservée au cours de l'évolution, ce qui démontre leur importante fonction auxiliaire dans la croissance des cellules normales. Ils peuvent être activés et transformés soit par des virus spécifiques, soit par des mutations mineures pouvant être induites par une radiation ou une exposition à certains produits chimiques. Ils peuvent également être activés par duplication ou par fixation à différents chromosomes. Il semblerait qu'il faille que plusieurs circonstances d'ordre génétique (au moins deux) soient réunies pour qu'il y ait une mutation (voir GÉNÉTIQUE; VIRUS). Les oncogènes semblent contenir le code pour un grand nombre de petites molécules appelées facteurs de croissance, ce qui stimule une croissance anormale. On peut donc considérer le cancer comme une anomalie de croissance et de développement cellulaires.
Bien qu'on ne puisse pas encore expliquer au niveau moléculaire la cause du cancer chez l'humain, des études épidémiologiques ont montré la pertinence clinique des risques liés à l'environnement, aux habitudes sociales et aux facteurs génétiques. Du fait de l'évolution généralement lente du cancer, il est difficile d'analyser avec précision le rôle de ces facteurs; toutefois, environ 80 % des cancers humains seraient liés d'une façon ou d'une autre à ces facteurs environnementaux et pourraient être prévenus. Deux tiers des cancers peuvent être évités en s'abstenant de fumer et en modifiant ses habitudes alimentaires. On a associé à l'apparition du cancer des centaines de produits chimiques, notamment des agents de conservation ou des additifs ajoutés aux denrées alimentaires, de même que divers médicaments et la radiation. Environ 40 % des cancers seraient liés directement ou indirectement à l'usage de la cigarette. Chez plusieurs espèces animales (mammifères, poulets, poissons et grenouilles), le cancer est provoqué par des virus, mais, chez l'humain, ce type de cancer ne représente que 5 % des cas. Par exemple, un certain nombre de types spécifiques du papillomavirus sont impliqués dans le développement du cancer du col de l'utérus.
Manifestations cliniques du cancer
Le dépistage et le diagnostic précoces sont importants pour guérir ou prolonger la vie des patients, surtout dans le cas des cancers les plus courants. Le test de Papanicolaou (Pap) a fait baisser les taux d'incidence et de mortalité pour le cancer envahissant du col de l'utérus. L'Institut national du Cancer du Canada, qui finance la recherche sur le cancer au Canada conjointement avec le Conseil de recherches médicales, étudie présentement, en collaboration avec différents organismes canadiens, l'efficacité des programmes de prévention du cancer du sein par l'auto-examen et la mammographie; chaque année, plus de 90 % des nouveaux cas de cancer du sein sont détectés par les patientes elles-mêmes.
La liste « Seven Steps to Health » (Les sept règles de santé) est offerte par la SOCIÉTÉ CANADIENNE DU CANCER pour encourager à adopter un mode de vie sain et à consulter un médecin pour une détection précoce des cancers de la peau, du sein, du larynx, du poumon ainsi que des voies génito-urinaires et gastro-intestinales. Les symptômes peuvent être un changement dans les habitudes d'élimination intestinale ou urinaire, une plaie qui ne guérit pas, des pertes ou des saignements inhabituels, un épaississement ou une masse dans le sein ou une autre partie du corps, une mauvaise digestion ou des difficultés à avaler, un changement évident de l'aspect d'une verrue ou d'un grain de beauté, une toux ou un enrouement persistants. Étant donné que le cancer s'attaque à n'importe quel tissu et n'importe quelle partie du corps, ses manifestations cliniques varient considérablement, et il est même souvent asymptomatique pendant une longue période avant d'être détecté. L'examen des tissus ou des cellules par un anatomopathologiste demeure la principale méthode de diagnostic.
Principes thérapeutiques
Dans le traitement du cancer, on présume que toute cellule maligne doit être détruite, excisée ou neutralisée. On ne sait cependant pas si, pour qu'un traitement soit efficace, il faut éliminer toutes les cellules cancéreuses ou s'il suffit de réduire leur nombre à un niveau où les défenses naturelles du patient peuvent parvenir à les maîtriser. On connaît à ce jour cinq types de traitement : la chirurgie, la radiothérapie, l'hormonothérapie, la chimiothérapie et l'immunothérapie. Le cancer n'étant pas une maladie unique, mais plutôt un grand nombre de maladies différentes, il faut parfois combiner les traitements; la combinaison varie considérablement selon le type de tumeur.
Les tumeurs solides et localisées sont traitées par chirurgie et radiothérapie. Le cancer métastatique demande un traitement systémique comme la chimiothérapie (utilisation de médicaments anticancéreux), soit dès le départ, soit comme traitement adjuvant. Dans les cas de tumeurs malignes se propageant par le sang, la chimiothérapie est souvent le traitement initial. La chimiothérapie réduit habituellement de façon spectaculaire la dimension de la tumeur.
Une cinquantaine de médicaments, employés seuls ou en combinaison, servent au traitement chimique du cancer. Leur action sur les cellules cancéreuses varie. Bien qu'ils s'attaquent de façon sélective aux cellules tumorales, ils affectent parfois les tissus sains à reproduction rapide, ce qui provoque des effets secondaires comme la diminution des globules sanguins dans l'appareil circulatoire, la chute des cheveux et des troubles intestinaux.
Les tumeurs du sein, de la prostate et de la muqueuse utérine peuvent réagir à l'hormonothérapie. Certains types d'hormones, comme les œstrogènes, ont la propriété de se fixer à des récepteurs spécifiques des cellules tumorales. Les cancers du sein et de la prostate peuvent être soignés par l'ablation des sources hormonales qui stimulent ou permettent la croissance tumorale. Ils peuvent aussi être traités par l'administration d'œstrogènes, d'androgènes, de progestérone, de glucocorticoïdes ou d'autres peptides hypophysaires susceptibles d'inhiber cette croissance.
La nouvelle compréhension de la façon dont le système immunitaire défend le corps humain a renouvelé l'intérêt pour l'utilisation de l'immunothérapie comme traitement adjuvant à la chirurgie, à la chimiothérapie ou à la radiothérapie. Pour que l'immunothérapie soit efficace, il faut pouvoir distinguer les cellules cancéreuses des cellules normales. Les chercheurs ont exploré deux méthodes pour cibler et détruire les cellules cancéreuses à l'aide d'anticorps monoclonaux (protéines sélectionnées ou conçues pour reconnaître un type spécifique de cellule et s'y fixer). La première approche consiste à marquer les cellules cancéreuses que les lymphocytes du système immunitaire doivent détruire. La seconde approche utilise les anticorps comme véhicules pour administrer des doses létales de médicaments directement dans les cellules cancéreuses.
On s'intéresse présentement beaucoup à l'utilisation de produits biologiques ou issus de la biotechnologie comme les interférons, les interleukines, les vaccins et les inhibiteurs de l'angiogenèse (substances qui empêchent la formation des vaisseaux sanguins qui nourrissent une tumeur) pour traiter le cancer. Ce sont des substances sécrétées par des cellules du système immunitaire et qui ont été mises à la disposition des chercheurs grâce aux récentes découvertes en génie génétique. On peut les utiliser seules ou combinées à des cellules immunitaires du patient (cellules LAK ou cellules tueuses activées par les lymphokines) activées en laboratoire et réadministrées ensuite au patient. L'excision chirurgicale demeure le principal traitement, en particulier dans les cas où le cancer peut être diagnostiqué au tout début et totalement éliminé. Le chirurgien est limité par l'emplacement et l'étendue de la tumeur plutôt que par son type.
Des radiations ionisantes de divers types et sources énergétiques sont aussi utilisées pour détruire des groupes localisés de cellules cancéreuses. Tout comme avec la chirurgie, on obtient de meilleurs résultats dans le cas de tumeurs relativement petites décelées avant leur dissémination locale ou dans les tissus avoisinants ou dans l'organisme au complet. La tolérance des tissus normaux avoisinants détermine la quantité de radiation à administrer. Même si les mécanismes précis de ce traitement restent à déterminer, on sait déjà que la radiation détruit les cellules en entravant leur mécanisme génétique par l'ionisation des molécules d'eau. On utilise des unités d'irradiation au cobalt et, plus récemment, on a utilisé des accélérateurs linéaires d'électrons informatisés; des recherches sont présentement menées sur les neutrons et les particules atomiques. On emploie aussi certains médicaments pour sensibiliser les tissus cancéreux aux radiations. Les patients sont généralement informés des avantages et des risques de ce type de traitement.
Nouveautés en matière de recherche et de traitement
Les chercheurs canadiens participent à différents projets visant à améliorer la compréhension des mécanismes génétiques sous-jacents au cancer, à perfectionner les outils de dépistage et à élaborer de nouvelles techniques de traitement.
De récentes recherches canadiennes sur les causes génétiques du médulloblastome, cancer du cervelet qui est le cancer du cerveau le plus courant chez les enfants, ont révélé huit gènes qui, une fois qu'ils ont muté, participent au développement du cancer. La recherche a démontré que lorsque ces gènes fonctionnent normalement, leur rôle est de fabriquer la protéine qui aide à réguler la croissance du cerveau en développement. Lorsque les gènes mutent, les cellules du cerveau se reproduisent de manière anarchique et entraînent un cancer. L'étude constitue un important progrès dans la compréhension des causes génétiques du cancer. Les tumeurs cérébrales sont une cause majeure de décès par cancer chez les enfants.
Les nouvelles RECHERCHES SUR LES CELLULES SOUCHES au Canada ont permis de découvrir une méthode pour fabriquer du sang à partir de cellules souches humaines. Pour la première fois, les chercheurs ont établi le rôle d'une voie particulière de signalisation cellulaire dans l'amorce de la spécialisation des cellules souches en cellules sanguines; cette voie organiserait les cellules souches de telle sorte qu'elles puissent réagir à des signaux leur indiquant en quoi se transformer. Cette découverte prometteuse pourrait aider à concevoir un moyen de régénérer le système sanguin des patients, notamment ceux qui sont atteints de leucémie ou qui suivent des traitements oncologiques qui détruisent indirectement les systèmes sanguin et immunitaire.
Les chercheurs canadiens qui participent à une vaste étude internationale sur le cancer colorectal ont aidé à repérer quatre nouveaux gènes associés à ce cancer. Cette découverte porte à dix le nombre total de gènes connus liés à ce cancer fréquent. Ces marqueurs génétiques pourraient grandement améliorer le dépistage, qui reste l'une des meilleures méthodes de prévention du cancer. Cette découverte est également essentielle pour repérer plus rapidement les personnes à risque de cancer colorectal ainsi que pour améliorer la compréhension des risques de cancer et de son développement subséquent. Le cancer colorectal est la deuxième cause de décès par cancer au Canada.
Une vaste étude technique internationale a récemment suggéré qu'une méthode uniformisée de traitement du cancer n'était peut-être pas la meilleure approche. Selon l'étude, dirigée par un chercheur canadien, il se pourrait que la chimiothérapie ne profite pas à un petit pourcentage des patients atteints d'un cancer du côlon. Ce groupe est atteint d'une variante génétique spécifique de ce cancer qui ne réagit pas normalement à la chimiothérapie. La chimiothérapie pourrait en fait nuire à ces patients. Une simple analyse sanguine peut révéler le type génétique du cancer du côlon. La recherche démontre que des traitements davantage personnalisés pourraient être plus bénéfiques à l'avenir.
Services d'aide aux cancéreux
Au cours de la dernière décennie, des établissements offrant des services d'aide aux cancéreux se sont transformés en centres complets, où l'on trouve la technologie de pointe nécessaire au diagnostic et au traitement du cancer, des services d'éducation et de consultation pour la population environnante ainsi que des programmes de recherche appliquée et fondamentale. En Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et dans les provinces maritimes, les services d'aide sont centralisés et, dans bien des provinces, les patients atteints de cancer doivent déclarer leur maladie.
Les cancéreux sont surtout traités comme patients externes, souvent même lorsqu'ils sont en phase terminale. Il est important que les personnes atteintes du cancer soient bien dirigées dès le début afin que leur cas soit analysé par des spécialistes de plusieurs disciplines; bien souvent, la seule chance de guérison est la première tentative de traitement. De nombreux services de soutien aux patients et à leur famille existent également partout au Canada grâce à la Société canadienne du cancer et à d'autres groupes communautaires.
Aspects psychosociaux du cancer
On a beaucoup écrit sur les aspects psychosociaux de la phase terminale du cancer, mais les patients qui survivent au cancer doivent aussi effectuer des ajustements psychologiques considérables pour accepter le diagnostic de cette maladie chronique et potentiellement mortelle. Même aujourd'hui, vivre avec le cancer signifie souvent être aux prises avec l'isolement social, dû notamment à la peur de la souffrance, au handicap physique, à la mutilation, à la déficience des fonctions corporelles, ainsi qu'à la perte de l'attractivité sexuelle et de l'estime de soi. On croit généralement qu'une fois le diagnostic établi, le patient est sans défense face aux assauts de la maladie. Cette idée fausse entretient le sentiment excessif de fatalité et de désespoir lié au terme « cancer ». Les chercheurs mettent actuellement au point une théorie biologique sur la résistance au cancer des cellules hôtes et cernent des mécanismes similaires à ceux qui permettent à l'organisme de résister aux infections. Il semble que certains facteurs tels que l'âge, le sexe, l'immunité, les hormones, la nutrition, ainsi que des facteurs psychologiques et probablement d'autres facteurs qui restent à définir, aient une influence sur la résistance au cancer et puissent aider à prévoir l'issue favorable ou défavorable, la réaction au traitement et, parfois, les longues périodes de rémission ou même les régressions spontanées de la maladie.