Depuis 1990, des Casques bleus provenant des Forces armées canadiennes (FAC) et des forces policières civiles, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ont servi en Haïti dans une foule de missions de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le but de ces missions est d’aider à éradiquer la violence interne et l’instabilité civile qui accablent le pays depuis des années, ainsi que de protéger les droits de la personne et de renforcer les systèmes judiciaire et policier.
Carte géographique de Haïti.
(avec la permission du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires/Wikimedia CC)
Contexte
Haïti est une nation caribéenne à l’est de Cuba. Elle occupe le tiers ouest de l’île d’Hispaniola, qu’elle partage avec la République dominicaine. Plus de 10 millions de personnes vivent en Haïti. La plupart sont des descendants d'esclaves africains s’étant révoltés contre leurs maîtres coloniaux français et ayant obtenu leur indépendance en 1804. Pendant la plus grande partie de son histoire, Haïti est rongée par des conflits internes, notamment des problèmes économiques, politiques et sociaux ainsi que des désastres naturels aux proportions catastrophiques. Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental.
Après des années d’instabilité politique dans la première moitié du 20e siècle, François Duvalier (surnommé « Papa Doc ») est élu président en 1957. Il établit rapidement un État policier et s’autoproclame président à vie. Sous le régime corrompu de Duvalier, Haïti s’isole à l’international et souffre grandement au point de vue économique. La corruption et le mépris des droits de la personne y sont également monnaie courante.
François « Papa Doc » Duvalier, président de Haïti (1968).
À la mort de François Duvalier, c’est Jean-Claude Duvalier (surnommé « Bébé Doc »), son fils, qui lui succède à la présidence. Il mène un train de vie opulent tandis que le peuple d’Haïti, largement sans emploi, vit dans des conditions précaires. La combinaison de pauvreté, de corruption, d’intimidation et d’oppression politique pousse la nation à se rebeller contre le régime. En 1986, Duvalier fils fuit vers la France.
Après une autre longue période d’instabilité, le réformiste populaire Jean-Bertrand Aristide est élu président. Il remporte 67 % des voies dans le cadre des toutes premières élections démocratiques du pays (tenues de novembre 1990 à février 1991). Les élections sont supervisées par le Groupe d’observateurs des Nations Unies pour la vérification des élections en Haïti (ONUVEH). Les FAC fournissent 11 des 65 membres du personnel qui supervisent les élections et leur sécurité.
En septembre 1991, le gouvernement d’Aristide est renversé par un coup d’État, en grande partie parce que ses réformes menacent l’élite militaire et commerciale. Le coup d’État donne lieu à des violences extrêmes et des violations des droits de la personne ciblant majoritairement les partisans d’Aristide.
Intervention de l’ONU
L’ONU répond au coup militaire en imposant des sanctions économiques. Toutefois, cette intervention exacerbe l’état financier déjà désastreux de la nation. Entre-temps, les efforts diplomatiques de l’ONU pour résoudre la crise et restaurer le gouvernement constitutionnel ne portent pas fruit. Conséquemment, le Conseil de sécurité de l’ONU impose à Haïti un embargo sur le pétrole et les armes en juin 1993. Ces sanctions sont levées lorsqu’un accord international est conclu pour résoudre la crise en Haïti.
Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA)
En septembre 1993, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise une mission de six mois en Haïti. La mission envoie près de 1300 policiers civils et membres du personnel de construction militaire pour aider à moderniser les forces armées haïtiennes et établir une nouvelle force policière. Le Canada contribue à hauteur de 500 membres des FAC, principalement des ingénieurs et des agents de la police civile.
Une petite équipe préparatoire est rapidement déployée en Haïti, mais lorsqu’un navire américain chargé d’autres soldats arrive le 11 octobre 1993, des civils armés lui interdisent l’accès. L’opération est interrompue et le Conseil de sécurité de l’ONU réimpose immédiatement son embargo sur le pétrole et les armes. Pour garantir l’efficacité de l’embargo, une force multinationale (FMN) impliquant 28 pays et composée de plusieurs navires de guerre commence ses opérations le 18 octobre.
Trois navires de guerre canadiens participent à l’embargo jusqu’à la mi-décembre 1993, jusqu’à ce qu’une série de navires seuls les relève un après l’autre de leurs fonctions. À la fin de l’embargo le 29 septembre 1994, les marins canadiens ont arraisonné de façon armée 1 388 navires et détourné 119 navires de leurs livraisons en Haïti.
En juillet 1994, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise la FMN à prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour ramener Aristide au pouvoir et permettre à la MINUHA de reprendre son rôle. Le 19 septembre, les éléments clés de la FMN arrivent au pays sans anicroche, et Aristide retrouve son rôle de président. Ce développement permet aussi à la MINUHA de reprendre ses activités.
En mars 1995, environ 500 membres des FAC se rendent en Haïti. Composé de personnel de soutien issu de l’aviation, du génie, du transport et de l’administration, ce groupe vise à offrir du soutien logistique et en matière de construction à la MINUHA. La contribution du Canada prend plus d’ampleur en mars 1996, lorsque le mandat de la mission est étendu de quatre mois et que la majorité du personnel est remplacée. Le nouveau contingent de 750 personnes inclut des soldats d’infanterie, des ingénieurs, des hélicoptères et du personnel logistique. La mission de l’ONU en Haïti prend fin en juin 1996.
Des Casques bleus canadiens et argentins patrouillent dans Les Gonaïves, en Haïti.
(avec la permission du ministère de la Défense nationale/Anciens combattants Canada)
Mission d’appui des Nations Unies en Haïti (MANUH)
En mai 1996, le gouvernement haïtien demande à l’ONU de poursuivre son rôle de maintien de la paix dans le pays pour aider la Police nationale d'Haïti et assurer la sécurité et la stabilité. Le Conseil de sécurité de l’ONU donne son accord et crée la Mission d’appui des Nations Unies en Haïti. Son mandat initial dure jusqu’en novembre 1996, avant d’être prolongé jusqu’en juillet 1997. Le contingent de 750 membres des FAC comprend des éléments de reconnaissance et de génie, des hélicoptères et du personnel de soutien. Le commandant de la force est le brigadier général canadien J.R.P. Daigle.
Mission de transition des Nations Unies en Haïti (MITNUH)
Le 30 juillet 1997, la MITNUH est créée en remplacement de la MANUH pour une période de quatre mois à la demande expresse de René Préval, le successeur d’Aristide. Le mandat de la mission est de continuer à aider le gouvernement haïtien à professionnaliser la Police nationale d'Haïti. Un total d’environ 1 200 militaires et de 230 policiers civils canadiens participent à cette mission.
À son apogée, la contribution du Canada atteint environ 650 militaires, soit des soldats d’infanterie, des pilotes d’hélicoptère et des troupes de soutien. En plus des tâches de patrouille et de protection, les soldats canadiens participent de près à plusieurs projets humanitaires. Le Canada fournit également le commandant de la force, le général Robin Gagnon.
Un membre des Forces armées canadiennes surveille Port-au-Prince, en Haïti, à bord d’un hélicoptère.
(avec la permission du ministère de la Défense nationale/Anciens combattants Canada)
Mission de police civile des Nations Unies (MIPONUH)
La MITNUH est suivie par la Mission de police civile des Nations Unies en Haïti (MIPONUH), active de décembre 1997 à mars 2000. La mission est composée de 300 agents de la police civile du Canada et de 10 autres pays, mais ne comporte aucune composante militaire de première ligne. Son rôle est de poursuivre le travail de professionnalisation de la Police nationale d'Haïti. Les FAC fournissent 6 véhicules blindés de transport de troupes (VBTT) et jusqu’à 11 instructeurs de conduite et membres du personnel d’entretien. Les VBTT sont exploités par la police civile argentine afin d’offrir un soutien rapide.
Force intérimaire multinationale (FIM)
Jean-Bertrand Aristide revient à la présidence en 2001, mais une révolte contre lui se propage rapidement dans tout le pays en février 2004, l’obligeant à partir. Le nouveau président intérimaire, Boniface Alexandre, demande donc l’appui de l’ ONU pour aider à rétablir la paix et la sécurité. Le Conseil de sécurité de l’ONU autorise immédiatement la création d’une Force intérimaire multinationale (FIM) pour 90 jours, dirigée par les États-Unis. Une fois l’ordre rétabli, une force de stabilisation devait suivre.
En mars, le Canada envoie 500 personnes en Haïti pour servir dans la FIM. Le contingent comprend de l’infanterie, des hélicoptères et du personnel de soutien. Lorsque l’ONU demande au Canada de prolonger sa contribution pendant la période de transition entre la FIM et une nouvelle mission de l’ONU, le Canada accepte le mandat.
Le Canada fournit également des officiers d’état-major au quartier général de la FIM dans la capitale de Port-au-Prince.
Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH)
La Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH) commence le 25 juin 2004. Cette mission comprend du personnel militaire et des policiers civils. Les troupes canadiennes en Haïti participent à des opérations de secours d’urgence à la suite de pluies torrentielles dans le sud-est du pays, tandis que des hélicoptères livrent de la nourriture, de l’eau et d’autres secours. Des soldats d’infanterie armés patrouillent également dans les rues des Gonaïves, de jour comme de nuit, pour en réduire le niveau de violence. Le contingent des FAC est de retour au Canada à la mi-août. Les premiers policiers civils canadiens sont envoyés en Haïti dès juillet 2004 dans le cadre de la contribution du Canada, qui envoie jusqu’à 100 agents de police par année.
En janvier 2010, un tremblement de terre majeur frappe Haïti, causant une dévastation généralisée et la mort de deux agents de la GRC. En réponse à un appel du gouvernement haïtien, les FAC mettent sur pied la Force opérationnelle interarmées en Haïti, qui comporte des composantes navale, terrestre et aérienne. Les effectifs de la force atteignent jusqu’à 2 050 personnes avant d’être graduellement réduits, puis coupés entièrement au début d’avril 2010.
De juin à novembre 2013, les FAC fournissent également à la mission un peloton de 34 membres. La MINUSTAH prend fin en octobre 2017.
Le Palais national haïtien (palais présidentiel), situé à Port-au-Prince, en Haïti, a été gravement endommagé par le tremblement de terre de 12 janvier 2010. Note: il s’agissait originellement d’une structure à deux étages; l’étage supérieur s’est complètement effondré.
Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH)
Des Casques bleus canadiens participent à la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) depuis octobre 2017 jusqu’au 15 octobre 2019. La mission est composée de personnel civil et de policiers, dont environ 25 agents canadiens. Son objectif est de promouvoir et de protéger les droits de la personne en Haïti, d’aider à développer davantage la Police nationale d'Haïti et de contribuer à renforcer les systèmes judiciaire et pénitentiaire.
Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH)
Depuis 2019, des agents de police canadiens s’impliquent auprès du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH). Cette mission politique a été établie par l’ONU le 25 juin 2019. Basé à Port-au-Prince, le BINUH œuvre à titre de conseiller auprès d’institutions d’État. Son mandat est de « renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance », de « préserver un environnement pacifique et stable » et de « protéger et promouvoir les droits humains ». Au 31 juillet 2023, deux agents de police canadiens travaillent pour le BINUH en Haïti.