Censure
La censure est l'exercice d'un contrôle préalable par le gouvernement sur ce qui peut être imprimé, publié, représenté ou diffusé. Peu après l'invention de la presse typographique, la COURONNE d'Angleterre adopta diverses formes de censure. Le droit d'impression était assujetti à l'obtention d'un permis spécial et ce contrôle était renforcé par des infractions relatives à la presse et régi par la loi de 1662 intitulée Licensing Act. En 1695, lorsque la Chambre des communes refusa de renouveler cette loi (non pas tant par souci de la liberté d'expression que pour toute une série de raisons liées aux restrictions commerciales, aux fouilles et perquisitions des domiciles, etc.), la censure préalable de la presse prit fin, sauf en temps de guerre. Depuis lors, la liberté de la presse consiste « à n'imposer aucune contrainte préalable à la publication et ne consiste pas en une immunité contre la sanction après publication d'informations emportant infraction à la loi ».
Premières tentatives
Toutefois, la censure peut être pratiquée de façon clandestine. L'une des premières tentatives de bâillonner la publication a été le recours délibéré à la fiscalité pour brider la diffusion. Le droit de timbre introduit en Angleterre en 1712 (et qui a duré jusqu'en 1855) obligeait les journaux à acheter et à apposer des timbres, de sorte qu'en augmentant le prix des timbres le prix des journaux pouvait être augmenté au-delà du pouvoir d'achat de tous, à l'exception des lecteurs fortunés. La censure peut aussi prendre la forme du harcèlement et de l'intimidation. À l'époque du maccarthysme aux États-Unis, la Cour suprême des États-Unis, dans l'arrêt US c. Rumely, a fait la mise en garde suivante : « Par le harcèlement effectué au moyen d'audiences, d'enquêtes, de rapports et d'assignations à témoigner, le gouvernement maintient une épée de Damoclès sur la liberté d'expression et sur la presse ».
D'autres formes de censure sont aussi utilisées comme des pressions de la part des annonceurs et des décisions des journaux eux-mêmes, particulièrement dans les cas où il n'y a ni concurrence ni d'autres sources d'information. Au Canada, la concentration de la propriété des organes de presse a amené la Commission royale sur les quotidiens (1980) à faire cette mise en garde : le problème crucial touchant la liberté de la presse au Canada « réside dans une concentration abusive de la propriété au sein de l'industrie du quotidien au Canada. [...] Le pouvoir, et un pouvoir qui n'a aucun compte à rendre, est concentré dans trop peu de mains ».
Selon le Code criminel du Canada, commet une infraction quiconque se sert de la poste aux fins de transmettre « quelque chose d'obscène, indécent, immoral ou injurieux et grossier » (voir OBSCÉNITÉ), alors que la Loi sur les postes prévoit l'interruption du service dans ce cas. Par ailleurs, le Tarif des douanes interdit d'importer de la littérature « de nature à fomenter la trahison ou la sédition, ou ayant un caractère immoral ou obscène ». Dans l'affaire Little Sisters Book and Art Emporium (1996), la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que l'application du Tarif des douanes par les fonctionnaires des douanes était « insatisfaisante et viciée », se traduisant par la saisie arbitraire et irrégulière de documents pour homosexuels et lesbiennes à la frontière canadienne. Les documents qui font la promotion de la haine contre des groupes déterminés peuvent aussi être saisis à la frontière, alors que la Loi canadienne sur les droits de la personne autorise le dépôt d'une ordonnance de ne pas autoriser l'utilisation du téléphone pour communiquer des messages haineux (voir Canada [Commission canadienne des droits] c. Taylor [1990]).
Censure cinématographique
Les plus célèbres tentatives de censure faites par les provinces sont les diverses lois provinciales sur la CENSURE CINÉMATOGRAPHIQUE. Dans l'affaire Nova Scotia Board of Censors c. McNeil, la Cour suprême du Canada a statué qu'une loi provinciale créant une commission de surveillance du cinéma disposant du pouvoir d'interdire la projection de films était de compétence provinciale en dépit de la compétence fédérale en matière criminelle pour déterminer ce qui a un caractère « obscène ». En revanche, dans l'affaire Ontario Film and Video Appreciation Society (1984), la Cour d'appel de l'Ontario a statué que l'article premier de la Charte canadienne, qui exige que les limites aux droits et libertés que garantit la Charte doivent être « prescrites par la loi », exige que les pouvoirs de censure soient expressément prescrits.
D'autres tentatives de censure faites par les provinces ont connu beaucoup moins de succès. En Alberta, suivant la loi de 1937 intitulée Press Act to Ensure the Publication of Accurate News and Information, les journaux pouvaient être contraints de dévoiler leurs sources d'information et d'imprimer des déclarations du gouvernement pour rectifier des articles déjà publiés. De l'avis de trois des six juges de la Cour suprême qui avaient entendu la cause, le projet de loi constituait une violation de la liberté de la presse et du droit de discussion publique, qui ne pouvaient être aliénés que par le Parlement en vertu de son pouvoir en matière de DROIT CRIMINEL . Dans l'affaire Switzman c. Elbling (l'affaire de la LOI DU CADENAS), qui portait sur une loi adoptée par le Québec en 1937 intitulée Loi protégeant la province contre la propagande communiste, laquelle rendait illégale l'utilisation d'une maison pour propager le communisme, la Cour suprême a déclaré que, puisqu'il s'agissait d'une loi ayant trait au droit criminel, elle relevait donc de la compétence fédérale.
Diverses formes de censure
Pour les personnes ou les groupes qui n'ont pas les moyens d'imprimer des journaux ou de publier des annonces, ou qui pourraient ne pas avoir l'occasion de le faire, la surveillance de la distribution de feuillets ou de tracts ou même d'affiches constitue une forme de censure. Cette forme de censure est pratiquée sous le couvert d'arrêtés municipaux réglementant l'utilisation des rues, des trottoirs et des parcs. Ces arrêtés assujettissent habituellement la distribution de pamphlets à l'approbation préalable de la police ou de fonctionnaires municipaux (voir SAUMUR C. LA VILLE DE QUÉBEC).
Dans l'affaire Procureur général du Canada c. Dupond, la Cour suprême du Canada a statué qu'une ordonnance municipale interdisant « la tenue de toute assemblée, tout défilé et tout attroupement dans le domaine public de la Ville de Montréal pour une période de 30 jours » était valide, parce qu'elle visait « une matière de nature purement locale ». Les municipalités doivent elles aussi se conformer aux exigences de la Charte canadienne. Dans l'affaire Ramsden c. Peterborough (1995), la Cour suprême du Canada a statué qu'un règlement municipal qui interdisait la pose d'affiches sur des poteaux électriques constituait une limite déraisonnable à la liberté d'expression. La Cour a reconnu que la pose d'affiches constitue un mécanisme traditionnellement utilisé par les particuliers et les groupes démunis qui n'ont pas les ressources financières pour avoir accès aux formes plus normales de communication médiatique telles que la presse et la radio. Elle a étendu l'exigence qui prescrit aux gouvernements de ne pas limiter arbitrairement l'accès aux propriétés publiques à des fins d'expression pour englober les aéroports appartenant au gouvernement fédéral (voir Comité pour la République du Canada c. Canada [1991]).
La censure pratiquée sous le régime de la LOI SUR LES SECRETS OFFICIELS (1970) couvre essentiellement deux activités distinctes, même si elles sont plutôt semblables : l'espionnage et la communication illicite de renseignements du gouvernement, ou les fuites (article 4.3). Selon cette disposition, « si une personne reçoit [...] un renseignement, sachant ou ayant des motifs raisonnables de croire, au moment où elle le reçoit, que [...] le renseignement lui est communiqué contrairement à la présente loi, cette personne commet une infraction à la présente loi, à moins qu'elle ne prouve que la communication à elle faite [...] du renseignement était contraire à son désir ».
Au Canada, depuis la Deuxième Guerre mondiale, cet article n'a été invoqué que deux fois pour engager des poursuites. Cependant, un récent exemple au Royaume-Uni illustre comment la censure peut être utilisée sous le régime de la Loi sur les secrets officiels. En 1987, la Chambre des lords a maintenu l'interdiction de l'ouvrage Spycatcher de Peter Wright pour le motif que l'auteur avait violé son serment sous le régime de cette loi en tentant de publier ce livre qui racontait ses activités dans les services secrets britanniques appelés MI5 (Attorney-General c. Guardian Newspapers Ltd.).