Éditorial

Samuel de Champlain et la fondation de Québec

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

« Je suis arrivé là le 3 juillet, écrit Samuel de Champlain en 1608, alors que je cherchais un endroit où nous établir, mais je n'ai pu trouver aucun site plus convenable que la pointe de Québec. » Champlain met pied à terre et déploie le drapeau fleurdelisé, donnant naissance à la ville et, par le fait même, au Canada.

Jusque-là, toute l'aventure du « nouveau monde » n'avait apporté que deuil et déception à la France. De Cartier au sieur de Monts, les explorateurs avaient tous échoués dans leur tentative d'y imprimer leur marque.

Le cours de l'histoire va changer avec Champlain. Ce visionnaire rêve d'ajouter un grand territoire à la France et de l'enrichir par la traite des fourrures. Il rêve même d'y répandre la foi et de pénétrer les mystères de ce continent vaste et déconcertant. Il persuade le sieur de Monts de faire une croix sur ses aventures acadiennes et lui insuffle une nouvelle énergie pour une expédition à Québec. Il lui assure qu'il va lui-même s'établir sur le Saint-Laurent où les affaires et le commerce peuvent être beaucoup plus intéressants qu'en Acadie. De Monts obtient que son monopole de traite soit renouvelé, nomme Champlain gouverneur et demande aux charpentiers navals de Honfleur de modifier les navires pour le voyage au Canada.

Sur les ordres de de Monts, le Lévrier, commandé par Gravé du Pont, part faire du commerce à Tadoussac. Le Don de Dieu, commandé par Champlain, ira établir un poste à Québec. Le Lévrier quitte Honfleur le 13 avril 1608, atteint Cape St. Mary's (T.-N.) le 26 mai et Tadoussac le 3 juin. Là, Gravé du Pont manque d'être fait prisonnier par les Basques, des gens durs qui tournent en dérision sa demande de monopole commercial. Fin diplomate, Champlain, l'ayant rejoint, fait la paix avec les Basques, continue à remonter le Saint-Laurent et accoste au cap Diamant le 3 juillet.

Ses hommes abattent des noyers, creusent des fosses de sciage et transforment les billes en madriers. Leur « habitation », une ambitieuse structure à trois niveaux, ressemble à une Bastille en miniature. Une galerie extérieure la ceinture. Le bâtiment est orné d'un colombier que seuls les nobles sont autorisés à avoir en France. La structure est protégée par un fossé enjambé par un pont-levis qui mène à l'entrée principale. La plupart des matériaux sont façonnés sur place, mais les élégantes fenêtres vitrées proviennent de France.

Champlain fait construire, en 1608, son « Habitation », qui sert à la fois de fort et de logis, à l'emplacement actuel de la ville de Québec (avec la permission de la collection John Ross Robertson/Metropolitan Toronto Library).

Avant la fin des travaux, Champlain doit dompter une mutinerie. Plusieurs de ses hommes, furieux d'être exclus du partage des profits de la traite des fourrures, complotent de le tuer et d'aller retrouver les Basques. L'un des conspirateurs perd son sang-froid et vend la mèche. Champlain fait arrêter les cinq mutins, et un tribunal, réuni à la hâte, les déclare coupables. Le chef de bande, Jean Duval, est pendu et sa tête, exposée au sommet d'une pique; les autres sont renvoyés en France, fers aux pieds, pour subir leur peine.

Une fois la crise passée, le travail reprend en septembre et on commence à défricher et à semer du blé d'automne et du seigle. Tout est prêt à temps, mais le premier hiver est rude.

Le gel cinglant s'installe en octobre et la neige, dès la mi-novembre. Le scorbut fait son apparition : 18 hommes en sont atteints et 10 y succombent.

Quand le printemps finit par rompre la glace en avril 1609, il ne reste que huit des 24 hommes qui se sont installés à Québec pour l'hiver. Éternel optimiste, Champlain s'empresse de préparer une expédition contres les Iroquois.

De nos jours, il est mal vu de vanter les hauts faits des explorateurs européens. On tend plutôt à compatir avec les Premières Nations qui ont été « découvertes » et qui ont souffert des suites de l'invasion. De leur côté, les historiens débattent : l'histoire a-t-elle été écrite par les « grands hommes » ou la légende de Champlain s'est-elle tissée aux dépens de son collègue protestant, de Monts? Néanmoins, on aime à croire que certains êtres peuvent changer le cours de l'histoire et que ceux par qui les choses arrivent sont dignes d'admiration. Au Canada, Samuel de Champlain figurent certes parmi les plus remarquables d'entre eux. En fait, si l'on se fie à un poète américain, le Canada serait un pays pratiquement issu de son seul cerveau. À son avis, Champlain était un grand aventurier à l'énergie colossale, un des principaux colonisateurs du continent.

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