Enfance, éducation et temps de guerre
Vincent Massey naît à Toronto le 20 février 1887 dans l’une des plus riches familles de la ville. Fils de Chester D. Massey et Anna Vincent, il est également le petit-fils de Hart Massey, qui a fait de la société de matériel agricole Massey-Harris (maintenant Massey Ferguson) une multinationale. Vincent Massey est également le frère de l’acteur Raymond Massey.
Vincent Massey fréquente le St. Andrew’s College, à Aurora, en Ontario. Il étudie ensuite à l’Université de Toronto et au Balliol College, de l’Université d’Oxford, où il obtient une maîtrise en histoire. Ses premières années en Angleterre lui laissent un amour indéfectible pour les traditions et l’établissement britanniques. Il finit d’ailleurs par être connu pour son élégant accent oxfordien et ses vêtements taillés à Londres. Bien plus tard, dans un portrait publié dans le magazine Life, Lord Salisbury note : « Vincent Massey est un véritable gentilhomme, mais il nous fait tous nous sentir un peu comme des sauvages. »
À son retour au Canada, Vincent Massey enseigne l’histoire au Victoria College, de l’Université de Toronto, de 1913 à 1915. En 1907, il s’enrôle dans la milice du régiment des Queen’s Own Rifles of Canada. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, en 1914, il est nommé officier de District militaire no 12 à Regina, en Saskatchewan. Au cours de la guerre, il ne quitte pas le pays, mais travaille plutôt avec le Corps-école des officiers, puis, en 1918, pour le comité de guerre du Cabinet fédéral.
Le 4 juin 1915, il épouse Alice Parkin. De leur union naissent deux fils : Lionel et Hart.
Grâce à l’argent hérité de son grand-père, Vincent Massey aide à financer la Hart House : un centre pour étudiants à l’Université de Toronto nommé en l’honneur de son grand-père. Après la guerre, il s’implique comme acteur et metteur en scène au Hart House Theatre. En 1918, avec l’aide d’autres membres de sa famille, il crée la Fondation Massey, qui amasse une importante collection d’œuvres d’art — devenant la première fiducie d’arts du Canada — et soutient de nouveaux projets artistiques et architecturaux.
Diplomatie et politique fédérale
Vincent Massey est président de l’entreprise familiale, Massey-Harris, de 1921 à 1925. Cette année-là, il se joint au Cabinet du premier ministre William Lyon Mackenzie King en tant que ministre sans portefeuille. Il ne réussit toutefois pas à s’emparer d’un siège au Parlement aux élections d’octobre 1925. En 1926, William Lyon Mackenzie King fait de Vincent Massey le premier des ministres représentant le Canada aux États-Unis. Ce mandat fait également de lui le premier envoyé diplomatique du Canada à jouir de lettres de créance complètes dans une capitale étrangère. Il défend ce mandat jusqu’en 1930.
En 1935, William Lyon Mackenzie King nomme Vincent Massey haut-commissaire en Grande-Bretagne, une poste qu’il occupe jusqu’en 1946. Ce dernier est plus habile dans les aspects sociaux de la diplomatie que dans les laborieuses négociations bilatérales. Malgré tout, il a accès aux plus hautes sphères du gouvernement britannique. À Londres, il est également délégué canadien à la Société des Nations en 1936, fiduciaire de la Galerie nationale et de la Tate Galerie de 1941 à 1945, et président de la Tate Galerie de 1943 à 1945. Afin de remercier Vincent Massey de sa contribution en Grande-Bretagne, le roi George VI le nomme compagnon d’honneur en 1946, un ordre se limitant au roi et à 65 autres personnes.
Commission Massey
De retour au Canada, Vincent Massey est chancelier de l’Université de Toronto de 1947 à 1953 et président du Musée des beaux-arts du Canada de 1948 à 1952. En 1949, le premier ministre Louis St-Laurent le nomme à la tête de la très influente Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences (aussi appelée Commission Massey), un poste tout indiqué pour ce grand mécène des arts. La Commission tient 114 audiences publiques partout au Canada et reçoit 462 soumissions formelles. Dans son rapport de 1951, Vincent Massey recommande la création du Conseil des arts du Canada, établi en 1957, et jette les bases pour la création de la Bibliothèque nationale du Canada. La promotion qu’il fait pour un festival national des arts mène à la création du Centre national des Arts.
Premier gouverneur général canadien
Le 1er février 1952, on annonce officiellement la nomination de Vincent Massey au poste de gouverneur général. Il devient ce faisant le premier Canadien né au Canada à obtenir ce mandat et succède à 17 sujets britanniques depuis la Confédération. Son élection suscite les critiques des traditionalistes, qui s’inquiètent du fait qu’un représentant de la reine soit né au Canada et ne provienne pas de la noblesse. Depuis Vincent Massey, toutefois, tous les gouverneurs généraux sont des citoyens canadiens.
Cinq jours après l’annonce, le roi George VI décède. Vincent Massey devient ainsi le premier représentant canadien de la reine Elizabeth II. Par respect pour le roi défunt, les célébrations de son investiture sont extrêmement limitées, le 28 février 1952.
À titre de gouverneur général, Vincent Massey dit tirer son inspiration de son prédécesseur, John Buchan (aussi connu sous le nom Lord Tweedsmuir), un homme qu’il « admire grandement » et de qui il a « beaucoup appris ». L’amour de Vincent Massey pour les grandes manières britanniques est particulièrement flagrant en 1953, lorsqu’il réinstaure l’utilisation du chariot d’État dans le cadre des célébrations à Ottawa du couronnement de la reine Elizabeth II. Le chariot le transporte jusqu’à la colline Parlementaire, où il présente le discours du couronnement de la reine, diffusé partout sur la planète depuis Londres. Le chariot continue d’être utilisé pour les cérémonies marquant l’ouverture d’une nouvelle session parlementaire et les visites d’État officielles. Afin de commémorer le couronnement de la reine, Vincent Massey donne des cuillères d’argent à tous les enfants canadiens nés le même jour, soit le 2 juin 1953.
Puisque la femme de Vincent Massey est décédée en 1950, 18 mois avant la nomination de son mari comme gouverneur général, c’est sa bru, Lilias, qui agit à titre d’hôtesse à Rideau Hall lorsqu’il est en fonction.
Mandat de gouverneur général
Le mandat de gouverneur général de Vincent Massey est étendu à deux reprises : la première fois par Louis St-Laurent, la deuxième fois par le premier ministre John Diefenbaker. Au cours de ses fonctions, il promeut l’unité et l’identité canadiennes et salue la diversité culturelle du pays. Il souligne également l’importance d’apprendre l’anglais et le français, quelques décennies avant que le bilinguisme devienne une politique officielle du gouvernement fédéral.
La plus grande ambition de Vincent Massey est de créer un système d’honneur canadien. Bien que cela n’arrive pas au cours de son mandat, ses efforts aident à mettre en branle la création de l’Ordre du Canada, en 1967. Il en est d’ailleurs l’un des premiers compagnons (C.C.) en 1967, seulement quelques mois avant sa mort.
En 1953, Vincent Massey fonde les Médailles du Gouverneur général en architecture. En 1959, il crée la Médaille Massey, décernée par la Société géographique royale du Canada, récompensant les contributions exceptionnelles à l’exploration, au développement ou à la description de la géographie du Canada.
Vincent Massey croit fermement que les arts peuvent aider le Canada à affirmer sa souveraineté. Il instaure les fins de semaine écrivaines à Rideau Hall afin de promouvoir une identité littéraire canadienne. Dans la biographie The Imperial Canadian, de Claude Bissell, on affirme que « Plus que tout autre Canadien, [Vincent Massey] est à l’origine du premier grand mouvement des arts et des lettres de la périphérie de l’intérêt national vers son centre. C’est une réalisation remarquable. »
Vincent Massey voyage en canot et en traîneau au Canada lorsque des moyens de transport plus conventionnels ne lui permettent pas d’atteindre sa destination. Il visite fréquemment l’Arctique, se rendant notamment à la baie de Frobisher (maintenant Iqaluit), sur l’île de Baffin et dans le hameau arctique de Hall Beach.
Parmi les cérémonies les plus inusitées célébrées par Vincent Massey, on compte son discours de la fête du Dominion de 1958 (maintenant Fête du Canada), au cours duquel il a commémoré la première diffusion télévisée de la CBC.
Vincent Massey accueille la reine Elizabeth II et le prince Philip à Ottawa à l’occasion de trois visites royales. Il les invite d’ailleurs à demeurer dans son domaine privé, Batterwood House, près de Port Hope, en Ontario, lorsque le couple est en tournée canadienne. Il est également l’hôte de plusieurs dirigeants étrangers, dont le président américain Dwight D. Eisenhower en 1953, qui l’invite à Washington, D.C. pour prononcer un discours au Congrès le 4 mai 1954.
Retraite
Le 15 septembre 1959, Vincent Massey prend sa retraite et déménage à Batterwood House. Il continue toutefois d’assurer la présidence de la Fondation Massey, comme il l’a fait depuis 1926.
De nos jours, sa mémoire est commémorée par le Collège Massey, de l’Université de Toronto, nommé en son honneur, et par l’influente série de conférences Massey, créées en 1961.
Dans son livre On Being Canadian, Vincent Massey note : « J’ai foi en le Canada, avec de la fierté pour son passé, de la conviction pour son présent et de l’espoir pour son avenir. » Il écrit et publie également deux autres ouvrages : What’s Past is Prologue (1959) et Confederation on the March (1965).
Il décède le 30 décembre 1967 lors d’une visite à Londres. Après des funérailles nationales, il est enterré dans un cimetière anglican près de sa demeure, à Port Hope.