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Chemin de fer contemporain

Dans les quatre décennies qui suivent la Deuxième Guerre mondiale, les deux plus grandes compagnies de chemin de fer du Canada deviennent d'importants conglomérats comptant parmi les plus grandes sociétés commerciales du pays.

Chemin de fer contemporain

Dans les quatre décennies qui suivent la Deuxième Guerre mondiale, les deux plus grandes compagnies de chemin de fer du Canada deviennent d'importants conglomérats comptant parmi les plus grandes sociétés commerciales du pays. En 1985, le Canadien Pacifique (CP) tire de ses activités ferroviaires 22 p. 100 de ses recettes, qui s'établissent à 15 milliards de dollars au total (mais représentent 79 p. 100 de ses revenus nets). L'actif ferroviaire net du CP est de 3,5 milliards de dollars sur un total de 12,8 milliards. En 1986, le Canadien National (CN) enregistre des recettes de 4,7 milliards de dollars, dont 89 p. 100 proviennent de ses activités ferroviaires. La moitié du demi-milliard d'actif du CN est liée au chemin de fer. On peut attribuer au CP et au CN réunis 82 p. 100 du commerce ferroviaire canadien, le reste étant réparti entre 30 transporteurs régionaux ou locaux. Le CP et le CN possèdent tous deux de surcroît des filiales américaines, d'importantes entreprises de camionnage et beaucoup d'autres investissements.

De façon générale le réseau ferroviaire reste, dans les années 80, très semblable à ce qu'il était dans les années 40, quoique bon nombre de chemins de fer indépendants aient été absorbés par les réseaux du CP et du CN. En 1985, sa longueur totale atteint 95 670 km au lieu de 90 221 km, en 1945. Plusieurs milliers de kilomètres de lignes secondaires à faible densité de trafic sont mises hors service, mais on construit également beaucoup de nouvelles lignes, particulièrement dans le Nord du Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Plusieurs voies de desserte sont construites au cours des années 50 et 60. La Pacific Great Eastern (devenue le BRITISH COLUMBIA RAILWAY) mène sur plusieurs décennies un programme de développement pour desservir les régions minières et forestières du Nord de la Colombie-Britannique. Le CN construit le Chemin de fer du grand lac des Esclaves pour donner accès aux régions minières et forestières du Nord de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest. Le CHEMIN DE FER QUEBEC, NORTH SHORE AND LABRADOR est achevé en 1954 pour transporter à Sept-Îles le minerai de fer extrait de la région de Knob Lake, près de la frontière entre le Québec et le Labrador. De petits réseaux ferroviaires se constituent au milieu des années 80 pour exploiter des tronçons délaissés par les réseaux du CN et du CP.

Transport des voyageurs

L'importance accrue de l'AUTOMOBILE et de l'avion (voir AVIATION) amènent dans l'après-guerre une diminution de la proportion des voyageurs qui utilisent le train. En 1945, les chemins de fer transportent 55,4 millions de voyageurs (migrants journaliers compris), ce qui représente 20 p. 100 de leurs recettes. Dix ans plus tard, ces chiffres tombent à 27,2 millions et à moins de 10 p. 100 des recettes malgré les investissements consentis par les deux grandes compagnies pour le renouvellement de leur parc voyageurs. Le nombre de passagers transportés est de 23 millions en 1985. Cette diminution, conjuguée à l'inflation, cause des pertes sur presque tous les parcours de trains pour voyageurs.

Ce déclin est l'un des problèmes examinés par la Commission MacPherson, en 1959-1961. Faisant remarquer les avantages de l'automobile et de l'avion, la Commission d'enquête recommande d'abandonner les trains de voyageurs déficitaires et de subventionner les services pendant la période de transition. Cette recommandation est mise en oeuvre dans le cadre de la Loi nationale de 1967 sur les transports, qui prévoit que le gouvernement fédéral subventionnera 80 p. 100 des pertes encourues par les services voyageurs conservés dans l'intérêt public. Malgré ces dispositions, beaucoup de trains de voyageurs seront éliminés dans les années 60 et 70 et le nombre de gares desservies diminue progressivement à mesure que les trains se transforment en express ou en semi-express. Les compagnies de chemin de fer, et tout particulièrement le CN, font différentes tentatives durant cette période pour améliorer le service voyageurs, comme les tarifs réduits Bleu-blanc-rouge des années 60, mais sans succès notable. Malgré une certaine relance du trafic voyageurs, les subventions doivent être augmentées.

En 1977, une nouvelle étape est franchie avec la création de VIA RAIL CANADA INC., à une époque où les subventions annuelles au transport des passagers dépassent 200 millions de dollars. Cette société d'État assume la responsabilité de presque tous les trains de voyageurs en vertu d'un contrat avec le gouvernement fédéral. VIA Rail ne possède que les trains et n'emploie qu'une partie des effectifs. Il se procure les autres services au prix coûtant auprès des compagnies de chemin de fer. VIA Rail met en place un service amélioré et un nouveau matériel roulant, comme le train LRC (léger, rapide, confortable).

En 1986, on compte plus de 5,7 millions de voyageurs, mais il en coûte pourtant 12,7 millions de dollars au gouvernement. Malgré l'augmentation du trafic, le nombre de villes desservies diminue, en 1981, avec l'abandon de 20 p. 100 des lignes de VIA Rail. Un certain nombre de ces parcours seront rétablis au début de 1985. La plus grande partie des services ferroviaires voyageurs sont fournis dans le corridor Québec-Windsor, à forte densité de population. Le service transcontinental est assuré par deux voyages quotidiens entre Montréal et les Maritimes, un train quotidien reliant Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver, et un train reliant Winnipeg, Edmonton et Vancouver. Quelques services régionaux sont également fournis. Au milieu des années 80, VIA Rail entame une phase de modernisation en construisant ses propres installations d'entretien à Halifax, à Montréal, à Toronto, à Winnipeg et à Vancouver.

À la fin de 1987, presque tous les préposés à l'exploitation et à l'entretien et presque toutes les équipes de train du CN et du CP sont mutés à VIA Rail. La même année, VIA prend aussi livraison de la première de ses 50 nouvelles locomotives de 3000 HP et annonce un plan de modernisation de 190 de ses voitures à long parcours, vieilles de 30 ans. En 1967, GO Transit, organisme gouvernemental de l'Ontario, commence à faire rouler des trains de banlieue dans la région de Toronto en utilisant les voies du CN et du CP. Une expérience analogue débute à Montréal en 1984.

Transport des marchandises

Le fret (particulièrement les marchandises en vrac) devient le service ferroviaire le plus important. Exprimé en tonnes-kilomètres, le fret passe de 92,5 milliards en 1945 à 239,1 milliards en 1986. Les principales marchandises qui expliquent cette augmentation sont le minerai de fer (qui emprunte deux nouveaux chemins de fer, soit le Chemin de fer Quebec North Shore and Labrador et le Québec Cartier, dans le Nord du Québec), le charbon, le soufre et la potasse (dans l'Ouest du Canada). Les autres marchandises dont le volume de fret est important sont les céréales, les produits forestiers, les produits chimiques, le pétrole, les automobiles et les pièces d'automobile. Elles représentent ensemble plus de 75 p. 100 de toutes les expéditions canadiennes. Le transport de biens manufacturés de valeur n'augmente pas aussi rapidement que celui du vrac mais, contrairement à la croyance populaire, les chemins de fer n'ont pas perdu tout ce marché au profit du camionnage (voir CAMIONNAGE, INDUSTRIE DU). L'apparition du service intermodal (les conteneurs et les conteneurs rail-route) entraîne une recrudescence du transport des produits manufacturés par chemin de fer du début des années 70 au milieu des années 80.

Les chemins de fer se sont retirés du marché des « petits colis », le laissant à leurs filiales spécialisées dans le camionnage ou les messageries. Beaucoup d'expéditions par voie ferrée se font dans des rames de plusieurs wagons à chargement complet, dont beaucoup sont des trains-blocs. Les gares de manutention de la plupart des petites villes sont fermées et les embranchements à faible densité de trafic abandonnés. Un certain nombre de lignes secondaires déficitaires sont conservées dans l'intérêt public, le gouvernement fédéral en absorbant les pertes. Les versements à ce chapitre atteignent 176 millions de dollars en 1985, la majeure partie des pertes étant attribuable aux embranchements réservés au transport des grains. Dans les régions encore desservies par le chemin de fer, les commandes sont passées auprès d'un centre de manutention régional plutôt qu'auprès d'un agent local.

Des changements importants apparaissent dans la réglementation de la circulation des marchandises. À la suite des recommandations faites en 1961 par la Commission MacPherson, les tarifs de transport des marchandises par voie ferrée sont déréglementés aux termes de la Loi nationale de 1967 sur les transports. Plutôt que de demander à l'OFFICE NATIONAL DES TRANSPORTS la permission de modifier les tarifs, les chemins de fer sont libres de fixer les tarifs selon la concurrence, leur seule obligation étant de donner un préavis de 30 jours. Les autres transporteurs sont protégés contre une tarification abusive des chemins de fer par l'établissement d'un tarif minimum fixé en fonction du prix de revient. L'article n 23 de la Loi prévoit de plus le rejet de tout tarif « qui n'est pas dans l'intérêt public ». Le régime de réglementation de 1967 est le résultat d'une longue période de récriminations déclenchées par le cycle de l'inflation d'après guerre, les augmentations de salaires dans l'industrie ferroviaire et les hausses des tarifs du fret. À la fin des années 50, ce cycle fait des tarifs du transport des marchandises un véritable enjeu politique, qui atteint son point culminant lorsque le gouvernement fédéral impose une réduction des tarifs et le versement d'une subvention générale à l'été de 1959.

Après la déréglementation, les tarifs du fret n'augmentent pas beaucoup jusqu'à la période d'inflation et la crise du pétrole du milieu des années 70. Même à ce moment, les augmentations ne suivent pas l'augmentation du coût de la vie. Si l'on excepte le tarif céréalier du Nid-de-Corbeau et la brève poussée d'activité qui marque le début de la période inflationniste des années 70, le tarif du transport des marchandises par voie ferrée n'est plus le sujet de controverse qu'il a déjà été (voir CONVENTION DU NID-DE-CORBEAU).

En 1985, le nouveau gouvernement conservateur annonce des modifications majeures à la réglementation ferroviaire dans son livre blanc Aller sans entraves. Ces changements se concrétisent dans la Loi de 1987 sur les transports nationaux, qui remplace la Commission canadienne des transports par l'OFFICE NATIONAL DES TRANSPORTS, transférant également certains pouvoirs de la Commission à d'autres organismes. Dans l'ensemble, la nouvelle loi insiste davantage sur la concurrence au sein de l'industrie et reconnaît expressément le rôle des transports dans le développement économique régional. L'une des dispositions les plus controversées de la nouvelle réglementation est le prix de ligne concurrentiel, qui a pour effet de réduire les tarifs du fret pour plusieurs expéditeurs et, par conséquent, de réduire d'autant les revenus des chemins de fer.

Modernisation

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les chemins de fer connaissent une ère de modernisation et d'évolution technologique. Le premier pas le plus spectaculaire vers la modernisation est le passage de la vapeur à l'énergie électrique diesel. À cette époque, il y a bien une voie électrifiée à Montréal, mais en 1945, les 4400 locomotives fonctionnent presque toutes à la vapeur, bon nombre utilisant tout de même des chaudières à mazout plutôt qu'au charbon. La conversion au diesel-électrique débute à la fin des années 40. En 1950, 91 p. 100 des trains du Canada sont mus par des locomotives à vapeur. En 1960, ce pourcentage n'est plus que de 1,4.

La locomotive diesel est moins coûteuse à utiliser tout en étant plus puissante et plus souple. Dans les années 80, le gros du parc de locomotives est constitué d'engins de 3000 HP, qui peuvent parcourir de 800 à 1000 km sans ravitaillement. De plus longs convois entraînés par plusieurs locomotives peuvent être formés. La présence de chauffeurs de chaudières n'est plus nécessaire, et l'obligation de changer de locomotive ou de la ravitailler tous les 150 ou 200 km ne tient plus. Ces deux nouveautés affectent la main-d'oeuvre, dans les années 50, et causent le déclin de beaucoup de petites villes qui étaient des points de ravitaillement. Le convoi de marchandises typique des années 80 peut compter plus de 100 wagons tirés par 3 ou 4 locomotives ainsi qu'un personnel roulant de 4 personnes, et il ne fait pas d'arrêt entre les principaux centres.

Des changements apparaissent aussi dans les wagons de marchandises. Le wagon couvert de 40 pieds capable de transporter de 40 à 50 tonnes, qui a longtemps été la norme dans l'industrie, est remplacé par des wagons plus grands et des wagons spécialisés. Dans les années 80, le vrac est chargé pour une bonne part dans des wagons de 100 tonnes (91 tonnes métriques). Les chemins de fer possèdent un nombre croissant de trains-blocs spécialisés, qui sont transportés directement de l'expéditeur au destinataire sans manipulation intermédiaire. Entre 1945 et 1980, ces innovations permettent aux compagnies de chemin de fer d'accroître le volume de fret transporté tout en réduisant de 32 p. 100 le nombre d'employés nécessaires et en limitant l'augmentation des tarifs du fret à un niveau bien inférieur à celui de l'inflation.

Depuis 1940, d'autres nouveautés technologiques moins visibles sont aussi adoptées par les chemins de fer : le recours à une commande centralisée de la circulation, les radios et les micro-ondes pour le contrôle des trains, la métallurgie moderne et les rails sans soudure, la pose de rails par machines automatisées, l'identification automatique des wagons et l'utilisation des ordinateurs dans tous les domaines de l'industrie.