Indian Horse (2012; trad. Cheval Indien) est le sixième roman de l’auteur ojibwé Richard Wagamese. Se déroulant dans le nord de l’Ontario à la fin des années1950 et au début des années1960, l’histoire raconte la vie de Saul Indian Horse (Saul Cheval Indien, dans la version française), qui fait usage de son talent exceptionnel en hockey sur glace pour tenter d’échapper aux souvenirs de son passage troublant dans un pensionnat indien. Bien qu’il connaisse un certain succès comme hockeyeur, il est incapable de se défaire de son identité d’« Indien» ou de son traumatisme. En 2013, Cheval Indien devient l’un des finalistes du concours Canada Reads de la CBC, lors duquel il remporte le prix du Choix du public.Il est également sélectionné par le programme First Nation Communities Read en 2013-2014 et remporte le prix Burt pour la littérature des Premières Nations, des Inuits et des Métis, décerné par l’Organisation canadienne pour l’éducation au service du développement (CODE). En 2017, une adaptation de Cheval Indien arrive au grand écran. Celle-ci, récipiendaire de plusieurs prix, est écrite par Dennis Foon et réalisée par Stephen S. Campanelli.
Contexte
Cheval Indien est le sixième des sept romans de Richard Wagamese. L’auteur est également à l’origine de cinq ouvrages documentaires et d’un recueil de poésie. Il a aussi travaillé comme journaliste. Richard Wagamese prend plus de temps qu’à l’habitude pour écrire Cheval Indien, soit plus de trois ans et demi, ce qu’il attribue au «bagage émotionnel» du livre. Bien qu’il n’ait pas lui-même fréquenté de pensionnat indien, il a souffert du traumatisme résiduel des générations antérieures: sa mère, ses tantes et ses oncles en sont tous des survivants.
Lors d’une entrevue pour le journal Calgary Herald en 2012, Richard Wagamese affirme avoir voulu écrire un livre sur le hockey «sur fond très, très flou de pensionnat indien». L’histoire évolue cependant pour se concentrer essentiellement sur les pensionnats. L’auteur affirme avoir rédigé l’œuvre avec les propos clairs et directs d’un journaliste pour «faire la lumière sur l’histoire sombre des pensionnats indiens de manière appropriée, sans trop de dénigrement, de colère ou de paroles creuses par rapport au processus global».
Résumé
Le roman commence avec un homme ojibwé qui lutte contre l’alcoolisme et se retrouve dans un centre de traitement nommé Aube nouvelle après sa dernière beuverie. Nommé Saul Cheval Indien, il est descendant du clan du Poisson des Ojibwés du Nord, ou Anishinaabeg. On lui conseille de raconter aux autres son histoire pour trouver la paix, mais il est incapable de le faire ouvertement. On lui permet donc de l’écrire, pour qu’il puisse «tourner la page».
Saul commence son récit avec son grand-père Shabogeesick et la manière dont il obtient le nom de Cheval Indien. Il raconte ensuite son enfance, en débutant avec de bien sombres propos: «Tout ce que je savais d’Indien est mort à l’hiver1961, celui de mes huit ans.» C’est cette année-là que Saul est amené au pensionnat indien St. Jerome.
Les pensionnats indiens occupent son enfance avant même qu’il n’en fréquente un. Ses parents, qui en sont des survivants, se tournent vers l’alcool pour gérer leurs propres traumatismes. Sa sœur est quant à elle emportée avant qu’il ne soit né et son frère, Benjamin, est arraché à la famille après plusieurs années à se cacher des autorités gouvernementales. Benjamin réussit à s’échapper, mais son retour dans la famille est terni par une maladie que Saul identifiera plus tard comme étant la tuberculose.
Suivant les conseils de Naomi, grand-mère de Saul et matriarche de la famille, Saul et son entourage s’enfoncent dans la forêt, vers le lac de Dieu. Au décès de Benjamin, les parents de Saul quittent le campement après un désaccord avec Naomi à propos de l’enterrement du garçon. Ce passage met en lumière la rupture intergénérationnelle qui existe entre les survivants des pensionnats indiens et leurs aînés. Saul ne verra plus jamais ses parents. Il se rappelle: «Je vois le canot à bord duquel le cadavre de mon frère a glissé entre les cairns de pierres avant de disparaître à tout jamais.»
Après un éprouvant voyage pour sortir de la forêt, Saul est séparé des bras glacés de sa grand-mère décédée et est directement envoyé à St. Jerome. Il comprend rapidement que l’école n’est pas conçue pour aider les jeunes Autochtones à réussir, mais plutôt pour briser l’esprit des élèves et pour les séparer physiquement et émotionnellement de leur culture. Il y est témoin de châtiments corporels quotidiens et d’autres punitions humiliantes. Il apprend à craindre la «Sœur de fer», l’endroit où les élèves désobéissants sont envoyés pour souvent ne jamais en revenir. Plusieurs de ses camarades de classe finissent enterrés dans la «Cour des Indiens», dans des tombes sans nom. Selon Saul, c’est réellement «l’enfer sur terre».
Le jeune homme trouve finalement un peu de réconfort dans le hockey après qu’un jeune prêtre au cœur apparemment bon, le père Leboutilier, initie les jeunes de l’école au sport. Bien qu’il soit jugé trop jeune pour jouer, Saul devient responsable de l’entretien de la glace. Il effectue sa tâche le matin, avant l’entraînement des autres garçons, puis en profite pour s’entraîner lui-même à patiner et à tirer au but avec des crottes de cheval gelées en guise de rondelles. Il devient rapidement évident aux yeux du père Leboutilier et du personnel de l’école que Saul est un athlète doué, ce qui lui permet de jouer avec les garçons plus vieux. Il réussit plus tard à se tailler une place dans une équipe de la ville, mais c’est le racismequi l’en chasse: les garçons et leurs parents «sont d’avis que ce sport leur appartient». Saul doit également, plus tard, apprendre à gérer le traumatisme d’avoir été agressé sexuellement par le père Leboutilier.
Saul est plus tard repêché par les Orignaux, une équipe de Manitouwadge qui affronte d’autres équipes basées dans les réserves du nord de l’Ontario (voir aussi Réserves en Ontario). L’entraîneur de l’équipe, Fred Kelly, et sa femme, Martha, sont eux aussi des survivants de St. Jerome et deviennent les tuteurs de Saul. Le garçon réussit à créer des liens avec ses nouveaux coéquipiers, et surtout avec le capitaine de l’équipe, Virgil. Son jeu améliore le niveau de l’équipe et amène les jeunes à jouer dans des villes de ressources primaires, où ils sont confrontés à nouveau à la discrimination. Saul commence alors à craindre que l’équipe et lui ne perdent leur sens de la camaraderie et du plaisir avec la montée de l’agressivité lors des matchs.
Au départ, Saul refuse de participer aux bagarres, même lorsqu’il est fortement encouragé à se défendre, car il craint de perdre le bonheur que lui apporte le sport. Pendant qu’il joue à Toronto, il devient la caricature médiatique du hockeyeur «indien» et riposte en jouant de manière plus agressive. Il abandonne définitivement le hockey lorsqu’il perd de vue la joie initiale qu’il ressentait en y jouant.
Après un bref retour à Manitouwadge, Saul décide de partir seul de son côté et traverse le pays en acceptant de petits emplois ici et là. Il remplace le hockey par l’alcool, une nouvelle façon d’éviter d’affronter son passé. Au centre Aube nouvelle, il comprend qu’il doit faire face à sa souffrance s’il veut guérir.
Thèmes
Un thème important du roman, comme dans la plupart des romans de Robert Wagamese, est la force que peut conférer le fait de raconter son histoire. Saul se voit forcé de raconter sa vie pour affronter les démons de son passé. Dans sa quête vers la sobriété, Saul réfléchit: «Il arrive que les fantômes s’attardent. Ils planent dans les recoins les plus obscurs et se manifestent au moment où on s’y attend le moins, réaffirment l’emprise qu’ils exerçaient sur vous de leur vivant. Je n’avais aucune envie d’être hanté. Je vivais ainsi depuis trop longtemps déjà.»
Dans le roman, Saul utilise le hockey pour se protéger contre la déportation culturelle qui, peu à peu, efface son identité. Il en vient à croire qu’un match lui permet de se relever et il s’y consacre entièrement pour «s’éloigner davantage de l’horreur». James Grainger, critique de la revue Quill & Quire, remarque: «Saul est aussi une allégorie d’un grand drame spirituel rempli de traumatismes, d’endurance et de guérison, et ce, pour l’individu comme pour la communauté.» L’histoire de Saul l’amène à réfléchir sur lui-même et, ultimement, à s’accepter.
Prix
Cheval Indien est l’œuvre la plus reconnue de Richard Wagamese. Le roman a été applaudi pour son exploration sentimentale, crue et réaliste des thèmes de l’héritage et du traumatisme. Il est au nombre des 100meilleurs livres de 2012 selon le Globe and Mail. En 2013, le roman devient l’un des finalistes du concours Canada Reads de la CBC, où il est défendu par Carol Huynh, et lors duquel il remporte le prix du Choix du public. La même année, Cheval Indien est sélectionné par le programme First Nation Communities Read et gagne le prix Burt pour la littérature des Premières Nations, des Inuits et des Métis, décerné par l’Organisation canadienne pour l’éducation au service du développement (CODE).
Adaptation cinématographique
Une adaptation du roman, écrite par Dennis Foon et réalisée par Stephen S. Campanelli, est diffusée en première au Festival international du film de Toronto en 2017. Le film est produit par Christine Haebler, Trish Dolman et Paula Devonshire, et les producteurs délégués sont Roger Frappier et Clint Eastwood. Ce dernier accepte le rôle de producteur délégué lorsque Stephen S. Campanelli, un de ses caméramans réguliers depuis 24 ans, lui présente le film. Il est alors choqué à la fois par l’horreur du système des pensionnats indiens au Canada et par le manque de connaissance du public à son sujet.
Le film met en vedette Sladen Peltier (Saul enfant), Forrest Goodluck (Saul adolescent) et Ajuawak Kapashesit (Saul adulte). Richard Wagamese, qui rend l’âme avant la sortie du long métrage, déclare sur le site Web du film: «Les producteurs ont pris le temps d’amener de nouveaux acteurs autochtones inconnus à l’écran. Les 52rôles parlés autochtones témoignent de leur dévouement envers l’intégrité de l’histoire. Je suis fier d’avoir travaillé avec eux sur ce projet indispensable.»
Edna Manitowabi, qui incarne la grand-mère de Saul, Naomi, est elle aussi une survivante des pensionnats indiens. Elle confie à la CBC que c’est la raison principale pour laquelle elle accepte de participer au film: «J’avais la sensation très, très forte que nous devions raconter notre histoire, qu’on ne pouvait nous empêcher d’en parler et que c’était la manière de remettre notre peuple sur pied.»
Le film est mis en nomination pour plusieurs prix. Il remporte le prix du public dans plusieurs festivals internationaux du film, comme à Calgary, à Vancouver et dans plusieurs autres festivals du Canada et des États-Unis. Sladen Peltier reçoit une nomination pour un
Prix Écrans canadiens pour la meilleure performance par un acteur dans un rôle de soutien. Cheval Indien devient le film canadien en anglais le plus rentable de 2018, avec des revenus au box-office canadien de 1,69 million de dollars. Le film est cependant critiqué pour avoir été produit par des cinéastes blancs et non des artistes autochtones, même si c’est Richard Wagamese lui-même qui choisit Stephen Campanelli et les producteurs du film au détriment de cinéastes autochtones ayant eux aussi proposé leurs services.