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Chef Joe Capilano

Le chef Joe Capilano (S7ápelek) (né en 1854 sur le territoire ancestral de la nation Squamish en Colombie-Britannique; décédé le 10 mars 1910 à Yekw’ts, en Colombie-Britannique) était membre de la nation Squamish et est devenu l’un des chefs autochtones les plus influents de la Colombie-Britannique à partir de la fin du 19e siècle. Il doit en partie son ascension à ce rôle prestigieux aux encouragements de l’évêque catholique, qui a reconnu la dévotion de S7ápelek à sa foi et ses remarquables qualités d’orateur et de leader. Successeur désigné du chef Láwa Capilano, Joe S7ápelek est devenu mieux connu sous le nom de chef Joe Capilano et a consacré le reste de sa vie à défendre la reconnaissance des droits des Autochtones par le gouvernement canadien.

Jeunesse

Né au sein de la Première Nation Squamish vers 1854, Joseph S7ápelek, également connu sous le nom de chef Joseph (Joe) Capilano et Hyas Joe, est surtout connu comme un militant dévoué pour les droits et les titres autochtones (voir aussi Revendications territoriales des Autochtones au Canada) et un défenseur du maintien des cultures autochtones. On sait peu de choses sur les débuts de la vie de S7ápelek dans le village de Yekw’ts, sur la rivière Upper Squamish. Lors d’un mariage catholique, immédiatement après son baptême en 1872, S7ápelek épouse la veuve Mary Agnes Líxwelut, née à Potlatch Creek dans la baie Howe, mais vivant alors également aux abords de la rivière Squamish. Le couple aura au moins 10 enfants au cours de sa longue union, dont beaucoup décéderont toutefois avant de parvenir à l’âge adulte.

Un recensement de 1876 indique que la famille vit alors toujours à Squamish, où S7ápelek subvient aux besoins de sa famille grâce à la pêche et à la chasse traditionnelles. La famille ne tarde cependant pas à déménager dans la réserve indienne Mission à Burrard Inlet, où le recensement canadien de 1881 inscrit S7ápelek comme étant un ouvrier, travaillant probablement à la scierie de Moodyville.

Déménagement dans la réserve indienne de Capilano

Dans les années 1890, S7ápelek et sa famille grandissante vivent dans la réserve Capilano, la communauté de Xwemélch’estn nommée par les colonisateurs en l’honneur du célèbre chef Kiapalánexw. On raconte que l’évêque catholique, Paul Durieu, encourage alors le déménagement de S7ápelek dans cette réserve afin que le fidèle converti puisse persuader les habitants de renoncer au message des missionnaires méthodistes et d’adhérer plutôt aux enseignements catholiques.

Rôle de chef

Au décès, en avril 1895, du chef de la communauté de Capilano, Láwa Kiapalánexw (un descendant direct du célèbre leader), il n’y a pas de successeur clair et la communauté reconnaît Joe S7ápelek comme chef. La correspondance historique préservée jusqu’à nos jours indique qu’en 1897, le « chef Joe Kapilano » met sur pied une équipe de travail pour ériger une église catholique dans la réserve, la main-d’œuvre étant constituée de résidents. Le ministère des Affaires indiennes fournit quant à lui sucre et farine aux bénévoles. Les qualités de chef et d’orateur de S7ápelek, ainsi que le statut de son épouse en tant que membre de la famille de l’ancien chef Kiapalánexw, lui valent un respect et une influence considérables parmi les Premières Nations.

Militantisme

Début 1906, S7ápelek se joint à d’autres chefs autochtones du littoral et de l’intérieur de la Colombie-Britannique à Cowichan pour discuter de revendications territoriales et de plaintes entourant les règlements de pêche et de chasse. Les chefs décident qu’à l’été 1906, avec les fonds recueillis dans les communautés, trois chefs de la Colombie-Britannique dirigés par S7ápelek, maintenant appelé chef Joe Capilano, se rendront en Grande-Bretagne pour exposer leurs doléances au monarque. Les membres de la famille Kiapalánexw conviennent que pour cette visite, le chef Capilano devra porter le nom le plus honorable, soit Kiapalánexw.

Les Britanniques n’accordent pas d’entrevue au groupe dirigé par le chef Capilano de leur propre initiative. Le surintendant général des Affaires indiennes, Frank Oliver, écrit au Haut Commissaire du Canada pour l’informer que les chefs ont fait escale à Ottawa en route vers l’Angleterre, où ils ont l’intention de présenter leurs hommages au roi, et qu’ils cherchent à obtenir une lettre de recommandation. Frank Oliver indique que les chefs, avec ce voyage, ont pour objectif « d’exprimer personnellement leur allégeance à Sa Très Gracieuse Majesté et leur affection pour la regrettée reine qu’ils aimaient comme une mère et dont ils continuent à porter le deuil ».

En août 1906, les chefs arrivent à Londres. Le secrétaire d’État aux Colonies, lord Elgin, envoie un télégramme confidentiel au gouverneur général du Canada, le comte Grey, lui demandant de « consulter [le] premier ministre et de déterminer le caractère approprié de cette rencontre avec Sa Majesté  ». Le comte Grey donne son aval à la rencontre, avec toutefois un bémol : en cas de grief, « Sa Majesté n’a aucun contrôle sur les terres de la Colombie-Britannique ». Ainsi, le chef Capilano et sa délégation obtiennent effectivement une audience de 15 minutes avec le roi le 14 août 1906, mais sans aucun résultat tangible. Une pétition était parue dans les journaux de la Colombie-Britannique en juillet 1906; au moins un compte rendu tiré d’un journal britannique relate que le chef Capilano a bien présenté cette pétition au roi, même si la plupart des récits de la visite laissent entendre que le chef Capilano a présenté un exposé oral à Sa Majesté, sans toutefois présenter la pétition.

Après l’audience des chefs de la Colombie-Britannique avec le roi, un journaliste du London Daily News adresse au chef Capilano une question très directe : « Le Roi a-t-il accédé à votre requête? » En réponse, le chef Capilano se serait contenté de secouer gravement la tête.

Au printemps suivant, les chefs donnent suite à leur visite en soumettant deux pétitions, qu’ils envoient directement au roi. Encore une fois, lord Elgin cherche à obtenir auprès du gouverneur général du Canada, le comte Grey, les observations de ses ministres sur la question et leur suggestion quant à la réponse à donner aux chefs par le roi Edward VII. Le secrétaire d’État, cette fois-ci encore, écrit au comte Grey au sujet des pétitions des chefs, l’informant que Sa Majesté n’entreprendrait aucune démarche au nom des requérants autochtones, car la question doit être portée devant le ministère des Affaires indiennes du Canada (voir aussi Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada).

L’échec relatif de la délégation de 1906 n’atténue en rien les passions de ceux qui appuient la pétition. Le chef Capilano, après sa visite à Londres, réalise une tournée de la province pour informer les Premières Nations de sa rencontre avec le roi. Ces rencontres, ainsi que la visite de la délégation au roi, mettent réellement le gouvernement canadien dans l’embarras. Les journaux locaux qualifient le chef Capilano d’agitateur et de fauteur de troubles, un journaliste allant même jusqu’à le décrire comme une menace qui « enflamme les esprits » chez les Premières Nations par ses « propos explosifs ». Il n’en demeure pas moins que la délégation de 1906 et la pétition de Cowichan qui s’ensuit en 1909 exercent une pression politique considérable sur les gouvernements provincial et fédéral, ce qui débouche finalement sur la création de la Commission royale mixte sur les affaires indiennes de la Colombie-Britannique (1913-1916), mieux connue sous le nom de Commission royale McKenna-McBride.

Collaboration avec la poétesse Pauline Johnson

Pendant son séjour à Londres en 1906, le chef Capilano fait la rencontre de la poétesse et artiste canadienne Pauline Johnson, connue sous son nom mohawk (Kanyen’kehà:ka), Tekahionwake. Ils se retrouvent à Vancouver en 1909, et leur amitié mène Pauline Johnson à inclure 12 ou 13 légendes squamish librement éditées et racontées par le chef Capilano dans sa publication de 1911 intitulée Legends of Vancouver. Le chef Capilano décède un an avant la publication de cette version romancée de ses histoires. Ainsi que le déclare Ralph Maud dans son enquête sur les mythographes de la Colombie-Britannique, « il y a lieu de se demander s’il aurait effectivement reconnu ces histoires comme les siennes ».

Souvenirs précieux

Le chef Capilano revient de Londres avec des photographies de la défunte reine Victoria et une photo autographiée du roi Edward et de la reine Alexandra, ainsi qu’un souverain en argent à l’effigie de la reine Victoria. Ces objets deviendront des biens familiaux précieux, sauvés des flammes plusieurs années plus tard par la veuve du chef Capilano, Lixwelut, qui se souvient de la rencontre de son mari avec le roi comme du « moment le plus marquant de sa vie ». La veste en peau de daim portée lors de la visite du chef Capilano est transmise à son fils, le chef Mathias Joe, qui la revêt lorsqu’il assiste au couronnement du roi George en 1937. La couverture salish colorée, que l’on peut également apercevoir dans les photographies de la délégation du chef Capilano de 1906, fait partie des collections du Musée canadien de l’histoire dans les années 1920. En 2009, la couverture historique est prêtée au centre culturel Squamish-Lil’wat de Whistler pour y être exposée.

Influence

Bien que le chef Capilano n’obtienne aucun résultat immédiat après sa rencontre avec le roi Edward VII, cette dernière aura une grande influence sur les chefs autochtones qui lui succéderont. L’arrière-petit-fils du chef Capilano, le chef Joseph Mathias de la nation Squamish, l’un des dirigeants autochtones les plus respectés au Canada au 20e siècle, devient vice-chef de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et membre d’un groupe de travail qui préconise la mise sur pied de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Le chef Joe Mathias s’éteint le 10 mars 2000, soit 90 ans jour pour jour après le décès de son illustre ancêtre, le chef Capilano, en 1910.