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Convention d'Ottawa

La Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction – plus connue sous les noms de Convention d’Ottawa, Traité d’Ottawa ou de Traité d’interdiction des mines antipersonnel – résulte du leadership et de la coopération du Canada avec la Campagne internationale pour interdire les mines (ICBL). Au terme d’une campagne de sensibilisation amorcée en 1992 par six organisations non gouvernementales (ONG), 122 pays signent le Traité d’interdiction des mines antipersonnel à la deuxième Conférence d’Ottawa tenue en décembre 1997. C’est en octobre 1996, lors de la première Conférence d’Ottawa que le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lloyd Axworthy, avait lancé le processus d’Ottawa qui allait aboutir à la ratification de ce traité. Il s’agissait d’une démarche novatrice sans précédent ayant nécessité un partenariat stratégique entre des États, des ONG, des groupes internationaux et les Nations Unies.

Les mines antipersonnel dans le monde

Une mine antipersonnel est un engin conçu pour exploser à proximité ou au contact d’une personne. Peu coûteuses, les mines ont été largement employées depuis la Deuxième Guerre mondiale dans différents conflits, notamment la guerre du Viet Nam, la guerre de Corée et la guerre du golfe Persique. Pendant la guerre froide, de nombreux États en ont aussi disposé le long de leurs frontières.Laissées sur place, elles continuent à faire des victimes parmi les populations civiles même après le retrait des armées.

Les sapeurs G. Tennant et D. Fulton du Corps du Génie royal canadien, 9e Brigade d'infanterie canadienne, en train de déminer en Normandie, le 22 juin 1944. Image: Lieutenant Ken Bell Bell /Ministère de la Défense nationale/Bibliothèque et Archives Canada / PA-131409.
La Convention d
Des mines antipersonnel retirées du sol au Cambodge (photo par Eric Nanya).

À titre d’exemple, le Cambodge a plus de mines terrestres et de restes d’explosifs de guerre enfouis dans le sol que tout autre pays. Au terme de nombreuses années de guerre, le pays s’est retrouvé contaminé par les pièces d’artillerie non explosées. On estime à six millions le nombre de mines terrestres enfouies dans le sol, sans toutefois pouvoir les localiser, faute de dossiers fiables. En effet, la plupart du temps, les soldats qui installaient les mines ne consignaient pas leur emplacement. Le Cambodge est l’un des pays ayant le taux d’incapacité physique le plus élevé du monde. Depuis 1979, les mines ont tué ou blessé 65 000 Cambodgiennes et Cambodgiens. La moitié d’entre eux sont des enfants.

La mobilisation

En octobre 1992, six ONG ‒ Handicap International, Medico International, Human Rights Watch, Mines Advisory Group, Vietnam Veterans of America Foundation et Physicians for Human Rights ‒ lancent une campagne internationale pour l’interdiction des mines antipersonnel. Au cours de 1993, le Comité international de la Croix-Rouge et différentes ONG organisent plusieurs conférences et rencontres afin de réfléchir sur les meilleurs moyens de venir en aide aux victimes et d’établir une stratégie visant à élaborer une campagne internationale devant mener au bannissement des mines antipersonnel.

En décembre 1993, l’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution appelant au renouvellement de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques de 1980 ainsi qu’une autre résolution en faveur d’un moratoire sur l’exportation des mines antipersonnel. Des pays comme l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Irlande font campagne pour l’interdiction des mines antipersonnel, alors que d’autres comme l’Espagne, l’Argentine, l’Allemagne, Israël, la République tchèque et la Russie annoncent des moratoires sur leur exportation. De leur côté, l’Afrique du Sud en interdit l’exportation et le Cambodge, l’importation et l’installation.

Symbole des Nations-Unies
Logo/symbole des Nation Unies à l'entrée du Palais des Nations à Genève, en Suisse.

En mars 1995, la Belgique devient le premier pays à légiférer sur l’utilisation, la production, l’acquisition, la vente et le transfert des mines antipersonnel. Plusieurs pays européens emboitent le pas et détruisent leurs stocks de mines. À l’instar de la France et de la Suisse, le Canada annonce en janvier 1996, un moratoire sur l’utilisation, la production, le commerce et l’exportation des mines antipersonnel.

À l’échelon international, les discussions se poursuivent, mais rapidement il devient clair qu’il n’y a pas de consensus sur les mesures à prendre afin de lutter contre les mines antipersonnel. Lors de la Conférence de Vienne en septembre 1995, les pays ne s’entendent pas sur le renouvellement de la Convention de 1980 et quelques mois plus tard, en mai 1996, l’histoire se répète à l’occasion de la Conférence de Genève organisée par l’ONU. Bien que le Protocole II (Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs) annexé à la Convention de 1980 soit modifié et qu’il introduise une série de changements, il est loin d’interdire totalement les mines antipersonnel. Pourtant, une quarantaine d’États sont favorables à une telle interdiction. Ces pays, entre autres le Canada, dénoncent le fait que 57 pays préconisent la simple limitation des mines antipersonnel. À l’issue de la rencontre, la délégation canadienne est consciente que la mobilisation internationale pourrait s’essouffler. Aussi décide-t-elle de prendre le leadership et annonce qu’elle souhaite organiser, d’ici la fin de l’année 1996, une conférence réunissant les États favorables à une interdiction afin d’établir une stratégie visant à engager la communauté internationale à bannir l’utilisation, la production et la vente de mines antipersonnel.

Le processus d’Ottawa

Cette conférence se tient à Ottawa du 3 au 5 octobre 1996. Intitulée « Conférence internationale sur une stratégie : Vers l’interdiction complète des mines antipersonnel » (aussi appelée « Conférence d’Ottawa de 1996 » ou « première Conférence d’Ottawa »), elle réunit 50 pays participants, 24 observateurs, en plus de nombreuses organisations internationales. Bien qu’aucun document à proprement dit n’en résulte, la Conférence met en place le cadre général du processus d’Ottawa qui permettra de conclure un accord international juridiquement contraignant pour interdire les mines antipersonnel. En effet, lors de la séance de clôture de la Conférence, Lloyd Axworthy, alors ministre des Affaires étrangères, lance un appel à toutes les nations et les invite à revenir à Ottawa avant la fin de 1997 afin de signer une convention internationale visant à bannir les mines antipersonnel. Cette initiative canadienne reçoit l’appui du président du Comité international de la Croix-Rouge ainsi que du secrétaire général de l’ONU.

Dans les semaines qui suivent, un ballet diplomatique s’engage afin de réunir, en février 1997 à Vienne, des représentants de 111 pays pour discuter d’une première version du traité élaboré par le gouvernement autrichien. En juin de la même année, lors de la Conférence internationale de Bruxelles pour une interdiction complète des mines antipersonnel, 97 des 154 pays participants signent la « Déclaration de Bruxelles », qui doit accompagner la Convention. Ces pays insistent sur l’importance d’inclure les éléments suivants dans un traité d’interdiction des mines antipersonnel : 1) prohibition complète de l’emploi, du stockage et du transfert des mines antipersonnel; 2) destruction de toutes les mines antipersonnel, qu’elles proviennent des stocks ou du déminage; et 3) coopération et assistance internationales dans le cadre des opérations de déminage des pays touchés. Le texte final de la Convention est adopté à Oslo (Norvège) le 18 septembre 1997 à l’issue d’une conférence de trois semaines et ouvert à la signature les 3 et 4 décembre lors de la deuxième Conférence d’Ottawa.

Impacts et importance de la Convention d’Ottawa

Le processus d’Ottawa se termine donc là où il a débuté 14 mois plus tôt. Un total de 122 pays signent la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, laquelle entre en vigueur le 1er mars 1999. En 2017, 20 ans après son adoption, 162 pays ont ratifié la Convention d’Ottawa et 30 pays dont le territoire était autrefois largement miné sont aujourd’hui considérés comme étant sans mines antipersonnel. Néanmoins, plusieurs pays doivent encore effectuer un important travail de déminage, tandis que d’autres accusent un retard par rapport à leur échéancier. En 2015, on estimait que près de 18 morts ou blessures reliées à l’explosion de mines ou de restes d’explosifs de guerre surviennent chaque jour et que des activités de déminage sont encore nécessaires dans plus de 60 pays. Par ailleurs, en 2016, plus de 35 États n’avaient toujours pas adhéré à la Convention d’Ottawa. Parmi eux se trouvent certains des plus importants producteurs de mines du monde, notamment les États-Unis, la Chine et la Russie.

C’est la Campagne internationale pour interdire les mines (ICBL) qui surveille les progrès en matière de déminage. Les interventions sont effectuées par différents groupes, tant des ONG que des entreprises commerciales, entre autres, le Mines Advisory Group (MAG), HALO Trust, une fiducie enregistrée en Grande-Bretagne, et BACTEC, un groupe commercial participant au déminage et qui se spécialise dans le nettoyage des zones de guerre. Des Canadiens ont aussi mis sur pied la Fondation des mines terrestres du Canada qui, de 1999 à 2008, a réalisé 91 projets dans 13 pays, entrainé plusieurs chiens détecteurs de mines antipersonnel et amassé quatre millions de dollars lors de ses campagnes de financement. En 2014, les États signataires de la Convention d’Ottawa se sont donné comme cible d’éradiquer complètement les mines d’ici 2025.

En somme, la campagne menée par différentes ONG pour l’interdiction des mines antipersonnel est un bel exemple de mobilisation internationale sur un enjeu humanitaire, mais également du leadership canadien sur la scène mondiale dans la période qui a suivi la fin de la guerre froide. Le processus d’Ottawa marque quant à lui un changement dans la manière dont les ONG prennent part aux discussions diplomatiques. Alors qu’elles jouent traditionnellement un rôle consultatif, elles ont été parties prenantes des conférences et ont pu faire entendre leurs voix à la table des négociations.