La conversion au système métrique est le processus qui a consisté à adopter des unités métriques, telles que le mètre, le kilogramme et le degré Celsius, comme unités de mesure au Canada, en abandonnant le système impérial britannique et ses unités telles que la verge, le gallon et la livre. Ce processus, qui s’est échelonné progressivement de 1970 au début des années 1980, a été rendu difficile par des interférences politiques et la résistance du public. Malgré cette conversion, de nombreux Canadiens expriment encore certaines mesures en unités impériales, notamment pour les hauteurs (pieds et pouces).
Contexte
Malgré la légalisation du système métrique d’abord au Canada par le premier ministre John A. Macdonald en 1871, le système impérial britannique (basé sur la verge, la livre, le gallon, etc.) est resté prédominant pendant longtemps. Dans les années 1960, la croissance technologique et la globalisation des marchés font ressortir le besoin croissant d’un système de mesure international. De plus, des unités de mesure telles que le gallon diffèrent entre les États-Unis et le Canada, alors que ces deux pays utilisent le système impérial. Après la publication d’un livre blanc en 1970, le Canada commence à passer progressivement du système impérial au système métrique.
Livre blanc de 1970 sur la conversion au système métrique
Dans les années qui précèdent 1970, un certain nombre d’associations canadiennes représentant divers groupes, tels les consommateurs, les enseignants ou les professionnels, font pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il adopte le système métrique.
Ils citent de nombreux bénéfices, outre les avantages commerciaux et la normalisation internationale. Les groupes de pression mettent de plus en exergue la simplicité du système métrique qui découle de sa nature décimale et l’absence d’une multitude d’unités qui nécessitent des facteurs de conversion. L’universalité des symboles métriques (quelle que soit la langue) et le côté pratique de n’avoir qu’une seule unité pour une quantité physique amélioreraient la communication.
En janvier 1970, le « Livre blanc sur la conversion au système métrique au Canada » présente les politiques du gouvernement canadien. Il établit qu’un seul système de mesure, fondé sur les unités métriques, devrait être utilisé pour toute mesure, y compris dans les lois. Dans la même lignée, la Loi sur les poids et mesures est modifiée au Parlement en 1971 afin de faire du Système international (SI), la toute dernière évolution du système métrique, l’usage courant au Canada. De plus, en 1971, le Parlement vote la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation, selon laquelle les étiquettes doivent indiquer des unités métriques sur la majorité des produits de consommation.
Mise en œuvre
Pour implanter la conversion au système métrique, le gouvernement met sur pied, en 1971, la Commission préparatoire, qui devient par la suite Commission du système métrique Canada. Le rôle de la Commission est d’assurer la planification et la coordination de la conversion dans tous les secteurs de l’économie canadienne et de transmettre à la population l’information sur la conversion au système métrique. Dès 1973, la commission organise une centaine de comités sectoriels, dont les membres appartiennent à des associations nationales ou à des organisations importantes, et qui représentent le milieu des affaires, l’industrie, les consommateurs, les travailleurs, la santé, l’éducation et le gouvernement. Chaque comité sectoriel a la charge de préparer un plan de conversion et de suivre son implantation. La commission se charge d’approuver les plans de conversion que chaque groupe met au point par consensus.
Établissement du système métrique
Le remplacement des unités impériales par les unités du SI sur tous les documents, les instruments de mesure, les procédés de fabrication, les produits et les emballages, implique une multitude de tâches. Le cadre technique pour ce changement est établi à partir de 2 séries de normes : le Système international d’unités (SI) et le Guide de familiarisation au système métrique, publié en 1973 par l’Association canadienne de normalisation et approuvé par le Conseil canadien des normes.
Une fois les unités SI appropriées choisies, les comités sectoriels débattent de l’aspect pratique de l’implantation. Chaque secteur détermine les politiques et les stratégies qui lui conviennent le mieux. Le choix entre la conversion en douceur (conversion arithmétique de mesures préexistantes) ou la conversion radicale (valeurs entières et rationnelles en unités métriques, même si cela demande de modifier le format d’un produit) pose un problème important. L’utilisation simultanée des deux systèmes (impérial et métrique) demeure un sujet de controverse. Pour certains secteurs qui dépendent des États-Unis pour de nombreuses pièces ou produits, cela impose des contraintes. Les efforts soutenus de l’industrie canadienne permettent de procéder à la conversion, sans problèmes importants. Toutefois, cela prend de deux à cinq ans de plus que prévu.
Il faut mettre au point des programmes de sensibilisation et de formation pour s’assurer que le public comprend et accepte le changement d’unités. Avec la coopération de toutes les provinces, les écoles se préparent à enseigner principalement le système métrique. Une série d’événements ayant trait à la conversion vers le système métrique met le public en contact avec des unités métriques simples. Des campagnes d’information importantes accompagnent chaque changement. Le premier changement a lieu dans le domaine des prévisions météorologiques : à partir du 1er avril 1975, la température n’est donnée qu’en degrés Celsius. Dès septembre 1975, les précipitations, sous forme de pluie ou de neige, sont calculées respectivement en millimètres et en centimètres. Le prochain changement important se produit en septembre 1977 : les panneaux de signalisation indiquent la distance en kilomètres et la vitesse en kilomètres/heure. Parallèlement apparaissent des voitures avec des compteurs de vitesse et des compteurs kilométriques gradués en unités métriques.
En janvier 1979, les stations-service commencent à vendre l’essence et le diesel au litre. En décembre 1980 (date limite d’utilisation des unités impériales), les commerces de meubles et de tissus doivent annoncer et vendre leurs produits au mètre et au centimètre uniquement.
La conversion des balances dans les épiceries provoque une controverse politique. Après la conversion complète de trois régions pilotes au cours de l’été 1979 (Kamloops, Peterborough et Sherbrooke), la conversion du reste du pays est retardée par le gouvernement conservateur minoritaire dirigé par Joe Clark. Elle reprend en janvier 1982 sous le gouvernement libéral de Pierre Trudeau. Les dates limites dépendent des régions et s’étendent jusqu’à décembre 1983. Après cette date, les épiceries ne doivent afficher les prix des produits qu’au kilogramme ou aux 100 grammes et vendre les produits selon le système métrique. La conversion touche quelque 35 000 épiceries au Canada. Petit à petit, les unités du système métrique deviennent la norme pour la plupart des produits et des services. Certains domaines de l’économie, comme l’immobilier, continuent néanmoins à résister à la conversion.
Législation sur la conversion au système métrique
La conversion au système métrique se fait sur une base volontaire dans bon nombre de secteurs, mais d’autres nécessitent l’intervention des gouvernements provinciaux et fédéral. Les règlements régissant l’utilisation des unités du système métrique pour les poids et mesures dans le commerce de détail sont établis et mis en application par le gouvernement, et ce, pour protéger les consommateurs et les détaillants contre les pratiques déloyales et éviter la confusion lors de la comparaison des produits.
Résistance de la part des politiciens et du public
Le gouvernement n’échappe pas à la critique pour l’imposition du système métrique et l’exclusion de l’ancien système. Ceux qui s’opposent à la conversion contestent les coûts d’une telle opération en pleine période d’inflation et de faiblesse économique, et dénoncent le danger de s’éloigner des pratiques américaines, ainsi que les méfaits de l’intrusion d’un système étranger de mesure sur notre héritage canadien basé sur le système impérial. Certains porteront même leur cause devant les tribunaux.
Parmi les voix qui s’élèvent pour résister à l’adoption du système métrique, un éditorial paraît dans le Toronto Sun. Le journal organise également une pétition qui recueille les noms de dizaines de milliers de Canadiens déclarant s’opposer à la conversion au système métrique.
Le débat est essentiellement partisan, le gouvernement libéral soutenant une conversion obligatoire tandis que de nombreux députés conservateurs s’y opposent. En 1982, Neil Fraser, vérificateur de l’impôt au ministère du Revenu national, est licencié de l’administration libérale pour s’être opposé publiquement à la conversion au système métrique.
L’incident du « planeur de Gimli » vient ajouter de l’eau au moulin des opposants : en 1983, le vol 143 d’Air Canada au départ de Montréal et à destination d’Edmonton doit effectuer un atterrissage d’urgence près de Gimli, dans le Manitoba, après s’être retrouvé à court de carburant. L’enquête montre que la panne sèche est due à un mauvais calcul en unité métrique du volume de carburant nécessaire pour le vol. Les réservoirs de l’avion ne contiennent que la moitié de la quantité de carburant nécessaire.
Le gouvernement conservateur de Brian Mulroney reste fidèle au système métrique, mais il permet aussi d’utiliser plus d’un système dans certains cas, notamment pour l’essence et le diesel, ainsi que dans l’ameublement. En 1985, certains petits commerces sont exemptés de l’installation obligatoire des balances métriques.