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C.R.A.Z.Y.

C.R.A.Z.Y. raconte l’histoire du passage à l’âge adulte d’un jeune Montréalais et de l’affirmation de son homosexualité pendant la Révolution tranquille, une période de bouleversement social au Québec. Débordant d’une énergie brute et marqué par la sincérité de son interprétation, le film obtient un immense succès critique et commercial. Il remporte dix prix Génie et douze prix Jutra (aujourd’hui les prix Iris) — notamment, lors des deux cérémonies, dans les catégories Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur scénario ainsi que dans plusieurs catégories d’interprétation — ainsi que la Bobine d’or et le Billet d’or en tant que film ayant réalisé les meilleures recettes nationales au guichet, respectivement au Canada et au Québec. Il a été inscrit, en 2015, dans la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps à l’occasion d’une enquête menée par le Festival international du film de Toronto (TIFF), et classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien lors d’un sondage similaire mené en 2016.
(de gauche \u00e0 droite) Marc-André Grondin, Michel C\u00f4té et Jean-Marc Vallée en présentant C.R.A.Z.Y. \u00e0 Barcelone, 3 August 2006.

Contexte

Dans la foulée de la réussite de son premier long métrage, Liste noire, en 1995, le réalisateur Jean-Marc Vallée se montre découragé par le peu d’intérêt des projets qu’on lui propose. Il se lance alors dans la rédaction d’un scénario conjointement avec son ami François Boulay qui lui propose une idée basée sur sa propre expérience de jeune homme homosexuel ayant grandi au Québec durant les années 1960 et 1970. Pour l’écriture du scénario, Jean-Marc Vallée et François Boulay s’appuient sur leurs propres souvenirs d’enfance; toutefois, Jean-Marc Vallée souhaitant soumettre le projet à des producteurs d’Hollywood, l’histoire est, dans un premier temps, axée sur une famille catholique de Boston. Michel Côté, qui faisait partie de la distribution de Liste noire, convainc le réalisateur de situer le film au Québec et de tourner en français, un objectif ambitieux qui prendra de nombreuses années pour se réaliser. Jean-Marc Vallée, qui a une vision extrêmement claire du ton et du style qu’il souhaite obtenir, décide de différer la perception de sa rémunération de réalisateur et de coproducteur, pour un montant d’environ 600 000 $, afin de pouvoir intégrer au budget du film de 6,5 millions de dollars les coûts substantiels des droits des morceaux musicaux auxquels il aspire.

Synopsis

Dans une banlieue ouvrière de Montréal, Zach, interprété enfant par Émile Vallée et adolescent par Marc-André Grondin, est le quatrième de cinq frères élevés par Gervais, un père très directif joué par Michel Côté, et par Laurianne, une mère un peu dévote jouée par Danielle Proulx. La mère pense que son fils chéri, né le même jour que le Christ, est doté de pouvoirs de guérison magiques et qu’il est destiné à de grandes choses. Zach, quant à lui, tente simplement de survivre dans l’univers de foire d’empoigne dans lequel se débattent les frères, dont les prénoms forment l’anagramme du titre, tout en essayant d’assumer son homosexualité et de se concilier les bonnes grâces de son père qu’il aime profondément. Zach part jusqu’à Jérusalem afin de « trouver » l’amour et le respect de son père en cherchant le réconfort dans la musique de David Bowie, des Pink Floyd et des Rolling Stones.

Analyse

Réalisé avec beaucoup de verve et d’honnêteté par Jean-Marc Vallée, C.R.A.Z.Y. est un drame introspectif doux-amer débordant d’humour. S’appuyant sur un scénario à la nostalgie séduisante, sur une interprétation de très grande qualité, sur une bande-son exceptionnelle et sur une direction assurée, cette œuvre à la fois épique, intime ainsi que personnelle et parlant au plus grand nombre réussit l’exploit assez rare de combiner, dans un même film, divertissement réussi, facilité d’accès et chronique de la vie quotidienne au Canada.

Réception critique et commerciale

C.R.A.Z.Y. est un succès critique et commercial tant au Canada qu’à l’étranger, particulièrement en France où il fait plus de 400 000 entrées, le film y étant projeté avec des sous-titres en français pour faciliter la compréhension du joual par les spectateurs. C.R.A.Z.Y. rapporte près de 6 millions de dollars pour sa diffusion en salle au Canada et décroche la Bobine d’or des prix Génie et le Billet d’or des prix Jutra en tant que film ayant réalisé les recettes nationales au guichet les plus importantes, respectivement au Canada et au Québec. Il remporte également, deux années de suite, le prix Jutra (aujourd’hui le prix Iris) du film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec.

Le Hollywood Reporter en parle comme d’un « récit du passage à l’âge adulte débordant d’énergie » tandis que Rick Groen, du Globe and Mail, écrit : « Il s’agit d’un film d’une richesse incroyable, grouillant d’une énergie débordante qui, avec une vitalité brutale, hurle et murmure, va droit au but et vagabonde, tout en fascinant et en frustrant le spectateur. » Susan Walker, du Toronto Star, libelle ainsi sa critique : « Le sujet du film est peut-être profond et les conflits familiaux qu’il décrit sont probablement assez graves, il n’en demeure pas moins que Jean-Marc Vallée laisse son récit prendre de l’ampleur en ne se départissant jamais de son ton délicatement satirique et d’un humour authentique. » Le Miami Herald fait écho à ce sentiment, décrivant le film comme « un divertissement désarmant et plein de fougue qui, tout en racontant une histoire familiale somme toute banale, donne l’impression au spectateur qu’il assiste à quelque chose de totalement nouveau, et ce, grâce à un art particulièrement accompli de la mise en scène, à un humour aiguisé et intelligent et à une compréhension profonde des hauts et des bas des liens familiaux ».

L’hebdomadaire parisien L’Obs fait l’éloge de « personnages joliment croqués par des interprètes remarquables », tandis que Le Figaroscope parle du film comme d’une « comédie tendre pleine d’émotion ». Le Devoir évoque « une œuvre ambitieuse et magique […] dans laquelle on peut lire […] la courbe sismique d’un pays en mutation », tandis que le magazine français Première juge « […] qu’au-delà de la simple réussite artistique, C.R.A.Z.Y développe des thèmes fondamentaux (filiation, sexualité, tolérance) qui débordent de la fiction pour nous questionner personnellement ».

Distinctions et héritage

C.R.A.Z.Y. est l’un des films québécois les plus populaires de tous les temps. Outre dix prix Génie et douze prix Jutra (aujourd’hui les prix Iris), il remporte le prix du Meilleur long métrage canadien au Festival international du film de Toronto (TIFF) et est sélectionné comme représentant officiel du Canada pour les Oscars dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère. Un DVD de collection comprenant trois documentaires sur les coulisses du tournage sort en 2007. Le film a été inscrit, en 2015, dans la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps à l’occasion d’une enquête menée par le TIFF. En 2016, le film est classé parmi 150 œuvres essentielles de l’histoire du cinéma canadien dans le cadre d’un sondage auprès de 200 professionnels des médias mené par le TIFF, Bibliothèque et Archives Canada, la Cinémathèque québécoise et la Cinematheque de Vancouver en prévision des célébrations entourant le 150e anniversaire du Canada en 2017.

Voir aussi : Cinéma québécois; Longs métrages canadiens.

Distinctions

Prix Génie 2005

Meilleure direction artistique (Patrice Vermette)

Meilleurs costumes (Ginette Magny)

Meilleur réalisateur (Jean-Marc Vallée)

Meilleur montage (Paul Jutras)

Meilleur son (Daniel Bisson, Yvon Benoît, Bernard Gariépy Strobl, Luc Boudrias)

Meilleur montage sonore (Mira Mailhot, Jean-François Sauvé, Simon Meilleur, Mireille Morin, Martin Pinsonnault)

Meilleur film (Pierre Even, Jean-Marc Vallée)

Meilleur scénario original (François Boulay, Jean-Marc Vallée)

Meilleur acteur dans un rôle principal (Michel Côté)

Meilleure actrice dans un second rôle (Danielle Proulx)

La Bobine d’or (Pierre Even, Jean-Marc Vallée)

Prix Jutra 2006

Meilleure coiffure (Réjean Goderre)

Meilleur maquillage (Micheline Trépanier)

Meilleurs costumes (Ginette Magny)

Meilleur montage (Paul Jutras)

Meilleur son (Daniel Bisson, Yvon Benoît, Martin Pinsonnault, Jean-François Sauvé, Mira Mailhot, Simon Meilleur, Mireille Morin, Bernard Gariépy Strobl, Luc Boudrias)

Meilleure direction artistique (Patrice Vermette)

Meilleur acteur dans un second rôle (Michel Côté)

Meilleure actrice dans un second rôle (Danielle Proulx)

Meilleur acteur (Marc-André Grondin)

Meilleur réalisateur (Jean-Marc Vallée)

Meilleur film (Pierre Even, Jean-Marc Vallée)

Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec (Jean-Marc Vallée)

Billet d’or (Pierre Even)

Autres

Meilleur long métrage canadien, Festival international du film de Toronto (2005)

Prix du public, Atlantic Film Festival (2005)

Prix du public, AFI Film Festival (2005)

Meilleure direction artistique (Patrice Vermette), Festival international de cinéma de Gijón (2005)

Meilleur réalisateur (Jean-Marc Vallée), Festival international de cinéma de Gijón (2005)

Meilleur scénario (François Boulay, Jean-Marc Vallée), Festival international de cinéma de Gijón (2005)

Prix spécial du jury de la jeunesse, Meilleur long métrage, Festival international de cinéma de Gijón (2005)

Prix spécial du jury, Festival international de cinéma de Marrakech (2005)

Meilleur film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2006)

Meilleur acteur dans un rôle principal dans un film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2006)

Meilleur acteur dans un second rôle dans un film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2006)

Meilleure actrice dans un second rôle dans un film canadien, Vancouver Film Critics Circle (2006)

Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec, Prix Jutra (2007)