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Danse et médias

C'est peut-être à la Toronto Industrial Exhibition en 1896 que les Canadiens ont un premier contact avec la danse par le biais d'un média. Dans le cadre d'une présentation, le cinématographe des frères Lumière projette des images de Loïe Fuller interprétant sa Danse serpentine.
kain, karen
Karen Kain dansant dans la production \u00ab Giselle \u00bb du Ballet national du Canada, chorégraphiée par Peter White, télévisée dans cet extrait de la série \u00ab Musicamera \u00bb du réseau anglais de Radio-Canada, le 10 novembre 1976. On aperçoit Frank Augustyn en arrière-plan (avec la permission du réseau de télévision de la Société Radio-Canada/Ballet national du Canada).

Danse et médias

La DANSEa su se rapprocher des médias de masse, très présents dans la culture canadienne. Bien entendu, rien n'est comparable à l'effet magique d'une représentation sur scène, mais il reste que les médias contribuent à mieux faire connaître et comprendre cet art d'interprétation. Le cinéma et la télévision jouent aussi un rôle important dans la promotion de la danse, d'où un public de plus en plus nombreux et la naissance de films sur le sujet. Enfin, grâce aux technologies vidéo et informatique, il est possible de créer des œuvres de danse et de les conserver.

C'est peut-être à la Toronto Industrial Exhibition en 1896 que les Canadiens ont un premier contact avec la danse par le biais d'un média. Dans le cadre d'une présentation, le cinématographe des frères Lumière projette des images de Loïe Fuller interprétant sa Danse serpentine. Poursuivant cette relation avec le cinéma, les danseurs présentent des numéros de divertissement avant et entre les séances de projection. Même Boris VOLKOFF, qui immigre de la Russie et contribue à donner au ballet canadien un statut professionnel, se fait embaucher comme danseur de divertissement au Uptown Theatre de Toronto au début des années 1930. Dans la même veine, les danseurs d'Hylda Davies présentent des numéros, notamment Ship Ahoy, avant la projection de films au Capital Theatre de Halifax.

Avènement de la télévision

La télévision, dans les années 1950, réussit à mettre la danse à la portée d'un public bien plus large que ne le fait la salle de cinéma. Le réseau anglais de la Société Radio-Canada (SRC) présente des numéros de danse dans le cadre d'émissions de variétés comme The Big Revue et L'heure du concert, signées par le compositeur Pierre MERCURE, et On the Spot, General Electric Show Time, Folio et Mr. Showbusiness, réalisées par le célèbre Jack Arthur de Toronto.

Ludmilla CHIRIAEFF et sa compagnie, Les Ballets Chiriaeff de Montréal (qui deviendra plus tard LES GRANDS BALLETS CANADIENS), profitent de l'essor de la télévision où ils se produisent plus de 300 fois en trois ans. Ce média sert aussi les intérêts des chorégraphes de Montréal qui y trouvent un moyen de répondre à la demande des artistes québécois pour une programmation artistique dans laquelle ils peuvent se produire. Les artistes du Canada anglais doivent faire face à la concurrence de leurs homologues américains dont la présence est constamment recherchée par des émissions comme Folio. De nombreux Canadiens ont également la chance de paraître au petit écran, dont Blanche et Alan LUND, Brian MACDONALD et Olivia Wyatt, qui dansent dans la troupe de danse d'Aincourt, Carlu Carter, Victor Duret et Bill McGrath du ROYAL WINNIPEG BALLET, Ruth CARSE et Sydney Vousden ainsi que Willy Blok Hanson. Le groupe de Hanson est invité plusieurs fois à participer aux émissions The Big Revue, On the Spot et Folio. Dans le cadre de l'émission On the Spot, on diffuse un court métrage de 15 minutes réalisé par l'OFFICE NATIONAL DU FILM (ONF) qui comporte des séquences sur la Willy Blok Hanson Fine Arts Academy. Folio, à son tour, présente un film du ballet de Hanson pour lequel il s'est inspiré du roman MARIA CHAPDELAINE, de Louis HÉMON. D'autres chorégraphies, dont Lady from the Sea d'Elizabeth Leese et Dark Vision d'Yone Kvietys, sont également à l'affiche dans le cadre d'émissions spéciales télévisées.

Au cours des années 1950 et 1960, le réseau anglais de la SRC enregistre nombre de ballets et de comédies musicales. Il rend ainsi la danse accessible à un plus grand public et fournit du travail à un nombre croissant de danseurs professionnels au Canada. Le producteur-réalisateur Norman CAMPBELL et la danseuse-chorégraphe Gladys Forrester sont des pionniers importants de leur époque. Cette dernière, surnommée Mighty Mouse par Campbell, collabore avec lui à de nombreuses réalisations, dont The Pirates of Penzance, H.M.S. Pinafore, Patience et The Mikado. Le réseau anglais de la SRC et le BALLET NATIONAL DU CANADA coproduisent quelques œuvres, notamment Roméo et Juliette (1965), qui met en vedette Earl KRAUL et Veronica TENNANT, Cendrillon (1968), dont les prises au ralenti et les trucs photographiques permettent à Campbell de gagner un Emmy, et La Belle au bois dormant (1972), interprété par Rudolph Nureyev et Veronica Tennant, filmé par six caméras et également récipiendaire d'un Emmy. D'autres réalisations importantes de Campbell sont le Lac des Cygnes, Giselle et Casse-Noisette, exécutées par le Ballet national du Canada, ainsi que deux émissions sur Karen KAIN et un gala en l'honneur d'Erik BRUHN.

Après un effacement du milieu de la danse dans les années 1970 et 1980, la création en 1995 de Bravo!, une division du grand réseau CHUM-City de Moses ZNAIMER, améliore le temps d'antenne consacré à la danse à la fin du 20e siècle. Sa programmation propose aussi à l'occasion des longs métrages sur des artistes, des comédies musicales hollywoodiennes, des films de danse et des portraits de danseurs et de chorégraphes. La danse fait aussi l'objet de reportages dans l'émission d'information culturelle Arts and Minds de Bravo!.

Au 21e siècle, la danse connaît à la télévision un regain de popularité sans pareil depuis les années 1950. En 2005, les producteurs Nigel Lythgoe et Simon Fuller lancent aux États-Unis le concours de danse télévisé So You Think You Can Dance. Cette émission diffusée dans le monde entier crée un tel engouement que des versions télévisées de ce concours sont lancées dans plusieurs pays, notamment en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Grèce, en Afrique du Sud, au Canada et au Royaume-Uni. Produite par Sandra Faire et Trisa Dayot grâce à la collaboration de DanseTV Productions Inc et de CTV, la version canadienne de So You Think You Can Dance est l'émission qui, à sa première saison, connaît le plus de succès sur le réseau CTV. Elle est ensuite produite chaque saison et connaît une popularité grandissante. Un grand nombre de participants de cette émission poursuivent ensuite des carrières professionnelles dans le milieu de la danse.

La réalisation de films sur la danse

Les cinéastes canadiens réalisent de nombreux documentaires sur la danse et films d'interprétation, en collaboration surtout avec l'ONF. Le dessinateur d'animation Norman MCLAREN met à l'essai diverses méthodes pour filmer la danse. Dans Pas de deux (1968), les danseurs Margaret Mercier et Vincent WARREN des Grands Ballets Canadiens sont vêtus de blanc et filmés sur fond noir : l'éclairage latéral en contre-jour accentue les contrastes et transforme les danseurs en silhouettes lumineuses. Certaines images sont exposées jusqu'à 11 fois puis superposées, ce qui créé un effet saisissant. Dans Ballet Adagio (1972), McLaren filme et projette les images des danseurs Anna Marie et David Holmes quatre fois plus lentement qu'à la normale. En 1978, Denis Poulin utilises des techniques expérimentales lors de la création de Ni scène, ni coulisses, un film de l'ONF de style psychédélique, chorégraphié par Martine Époque et mettant en vedette les danseurs Michèle Febvre, Paul-André Fortier et Solange Paquette de la compagnie LE GROUPE NOUVELLE AIRE.

L'ONF réalise de nombreux films documentaires sur la danse. Gala (1982), l'enregistrement de la représentation de huit compagnies de danse canadiennes donnée au CENTRE NATIONAL DES ARTS à Ottawa, retrace avec brio les plus belles chorégraphies de l'époque au Canada, For the Love of Dance se glisse dans les coulisses de ces sept compagnies, Flamenco at 5.15 (1983) présente un cours de flamenco à l'ÉCOLE NATIONALE DE BALLET et Dance of the Warrior (2001), mis en scène par Marie Brodeur, présente des danses de guerre de six continents. Le court métrage de l'ONF Vistas: Dancers of the Grass (2009) fait découvrir la danse du cerceau traditionnelle dans une animation réalisée à l'aide de prises de vue image par image.

Grâce à certains documentaires, qui combinent les œuvres présentées sur scène avec des entrevues et des séquences de répétitions, la danse devient plus qu'un simple art d'interprétation. En 1986, Moze Mossanen réalise une série de six émissions, The Dancemakers, dans laquelle l'animatrice Veronica Tennant fait pleins feux sur la carrière de chorégraphes canadiens contemporains tels que Danny GROSSMAN, Christopher HOUSE et Ginette LAURIN. Après la diffusion de ces émissions d'une demi-heure au réseau anglais de la SRC et sur TV Ontario, la maison d'archivage et d'édition de Toronto DANCE COLLECTION DANSE s'occupe de les mettre à la disposition du public et des écoles. Elles sont par la suite transférées dans un format DVD qui offre en prime une entrevue avec Mossanen et une présentation numérique de photographies réalisées par Cylla von Tiedemann dans le cadre du tournage. Ces émissions contiennent des archives visuelles de grande valeur qui sont aujourd'hui considérées comme des documents de référence majeurs de la chorégraphie canadienne, notamment Endangered Species de Grossman, Sacra Conversazione de David Earle et In Paradisium de James Kudelka. Le film innovateur Emotional Logic: William Douglas Transformed, de Lisa Cochrane, remporte un vif succès en 1995, un an seulement avant que le chorégraphe ne succombe au sida (voir William DOUGLAS).

En 1995, Frank AUGUSTYN commence sa série télévisée Footnotes: The Classics of Ballet, qui comprend 20 demi-heures de documentaires sur des sujets comme les ballets classiques, les représentations de gala, le danseur masculin ainsi que des portraits de personnalités de la danse comme l'impresario Serge Diaghilev. La production soutenue de films documentaires, dont le film largement diffusé de David Langer sur les ballerines Karen Kain et Veronica Tennant ainsi que Betty Oliphant: A Life in Dance (2000) de Gil Gauvreau, rehausse l'image des danseurs canadiens. Les cinéastes montréalais Philip Szporer et Marlene Millar produisent Moments in Motion/Au fil du mouvement (2004), un film qui dresse le portrait de sept chorégraphes canadiens de la relève provenant de divers milieux culturels, et Byron Chief-Moon: Grey Horse Rider (2007), un film primé qui présente une étude du processus de survie culturelle d'un artiste autochtone.

En signant la version vidéo musicale de Blue Snake (1986), œuvre du chorégraphe Robert DESROSIERS, l'entreprise torontoise Rhombus Media ouvre la voie aux cinéastes de danse indépendants. Il en résulte une succession de vidéos de danse primés destinés à la diffusion internationale dont Le Dortoir (1991), une adaptation de François GIRARD d'après une mise en scène de Gilles Maheu, qui se déroule dans un dortoir de couvent, The Sorceress (1993), une œuvre fantaisiste qui met en vedette Kiri Te Kanawa chantant des arias tirés d'opéras de Händel entrecoupés de danses baroques créés par l'Opéra Atelier, Satie and Suzanne (1994) où Veronica Tennant interprète le rôle de Suzanne Valadon aux côtés d'artistes du CIRQUE DU SOLEIL dans un spectacle évoquant le Paris du début du 20<sup>e<sup> siècle de Satie. S'ajoutent à la liste Falling Down Stairs (1995), une chronique sur la collaboration intense entre le violoncelliste Yo-Yo Ma et le chorégraphe Mark Morris pendant une année, Les Quatre Saisons (2000) et The Firebird (2004), d'exaltantes chorégraphies de James KUDELKA interprétées par le Ballet national du Canada.

Une entreprise du même genre à Montréal, Agent Orange/Ciné Qua Non, réalise aussi plusieurs films de réputation internationale dont Lalala Human Sex Duo No 1 (1987) et Le Petit Musée de Vélasquez (1994), des collaborations de Bernar Hébert et du chorégraphe postmoderniste Édouard LOCK, mettant en vedette une danseuse dynamique, Louise LECAVALIER. Bernar Hébert dirige aussi une version filmée de Déluge/Night of the Flood (1996), de Ginette Laurin. Parmi ses nombreuses productions, Ciné Qua Non coproduit Sanctum (1996), en collaboration avec la cinéaste Lisa Cochrane de Halifax. Ce documentaire traite de la vie et du travail de la danseuse et chorégraphe Peggy BAKER et du musicien et compositeur Ahmed Hassan. Il présente des entrevues et des moments de la vie du couple ainsi que leur travail en studio. Édouard Lock réalise l'adaptation cinématographique de sa pièce Amelia (2004), qui remporte deux PRIX GÉMEAUX

La chorégraphe cinéaste Laura Taler réalise plus d'une dizaine de films de danse présentés en salle et diffusés dans le monde entier. Elle remporte deux prix Cinedance : l'un pour The Village Trilogy (1995) qui, par ses images, évoque l'immigration de sa propre famille en provenance de Roumanie et l'autre pour Heartland (1997), un documentaire émouvant sur la carrière du danseur et chorégraphe Bill Coleman, un homme sans prétention. Laura Taler, en collaboration avec Mark Hammond, réalise un troisième film intitulé Dances for a Small Screen (1997). Divisée en trois parties, chacune portant sur un réalisateur différent, soit Taler, Mossanen et Nick de Pencier, l'œuvre montre ces derniers en train de filmer les chorégraphes contemporains Tedd Robinson, José NAVAS, Noam Gagnon et Dana Gingras. Taler crée Uniglory (2008), une installation vidéo à six canaux présentée à l'Institute for Cultural Inquiry de Berlin.

Une fois à la retraite du Ballet national du Canada, la danseuse Victoria Tennant anime sa propre série télévisée sur les arts et réalise des émissions spéciales de danse pour le réseau anglais de la SRC. Notons, entre autres, l'émission-bénéfice au profit du sida, le 1994 AIDS Benefit Salute to Dancers for Life, qui met en vedette des compagnies de danse réputées et des danseurs chorégraphes indépendants venant de partout au pays. Elle continue de réaliser des documentaires et des films sur la danse, notamment deux émissions spéciales sur les danseuses, Margie Gillis : Wild Hearts in Strange Times (1996) et Karen Kain: Dancing in the Moment (1998), pour lesquelles elle se voit attribuer un Emmy Award international. Elle reçoit aussi des bourses de Bravo!FACT pour ses documentaires Words Fail (2000), dont la chorégraphie est réalisée et interprétée par Peggy Baker, et Song of Songs (1999), avec Tennant comme chorégraphe et les danseurs de ballet Jaimie Tapper et Johan Persson. L'adaptation cinématographique d'une heure de son spectacle Shadow Pleasures (2004), écrite et commentée par Michael Ondaatje, remporte un grand nombre de prix et est l'inspiration du court métrage The Cinnamon Peeler, une chorégraphie de Tennant inspiré d'un poème d'Ondaatje. Son documentaire Tour de Force (2006) rend hommage à la fondatrice du Ballet national du Canada, Celia FRANCA. Un autre de ses documentaires, Vida y Danza - Life and Dance (2008), dresse le portrait de Lizt Alfonzo, chorégraphe de Danza Cuba, une compagnie de danse composée exclusivement de femmes.

Depuis 1991, l'ancien danseur Mark Adam se forge aussi une carrière dans le milieu des films de danse. Parmi ses nombreux projets, on compte sa collaboration avec le danseur et chorégraphe Allen Kaeja pour une série de films sur les œuvres prenantes de Kaeja, avec l'holocauste comme trame de fond, dont Witnessed (1997), Sarah (1999), Zummel (1999) et Old Country (2004). Il réalise aussi des versions filmées de spectacles, entre autres Pingo Slink (1997) de Christopher House et Nerd (2001) de Kate Alton. Mark Adam réalise l'adaptation cinématographique d'une chorégraphie d'avant-garde de Victor Quijada lors de la réalisation de Hasta La Proxima (2003), un film inspiré des attaques du 11 septembre 2001, aux États-Unis.

La compagnie de danse torontoise Kaeja d'Dance, dirigée par Allan et Karen Kaeja, réalise, dans le cadre d'une collaboration des directeurs Mark Adam et Allen Kaeja, Asylum of Spoons (2005), un film dramatique de danse traitant d'une famille excentrique. Allen Kaeja, inspiré et conseillé par le grand réalisateur britannique de films de danse David Hinton, développe une approche personnalisée de la réalisation et écrit par la suite un ouvrage sur le transfert de l'œuvre de la scène au grand écran. À la Ryerson University, il monte le premier cours pratique de film de danse au Canada, qu'il commence à enseigner en 2007. Selon Kaeja, le film de danse est en plein essor grâce à l'engouement suscité par des ateliers comme Dance for the Camera de Victoria, en Colombie-Britannique, et d'autres ateliers offerts dans un grand nombre de pays. Des millions d'utilisateurs de téléphones cellulaires ont aujourd'hui accès aux technologies de la caméra vidéo à haute définition et aux logiciels de montage, ce qui a un effet direct sur la popularisation du film de danse.

De plus en plus de chorégraphes se spécialisent dans plusieurs disciplines, alternant le film et la danse et s'occupant tant de la direction que de la chorégraphie. Notons, entre autres, The Sinking (1997) d'Anne Troake ainsi que Soap Opera (1998) et Terrain (1999) de Michael Downing, récompensé par un prix Cinedance. Downing réalise de nombreux films de danse, tenant à la fois les rôles de directeur, de chorégraphe et de danseur. Son film Sporting Life (1999), qui analyse les questions de la violence et de l'agression, remporte deux nominations pour le prix Dora Mavor Moore dans la catégorie Nouvelle meilleure chorégraphie. L'acteur et danseur Michael Greyeyes, qui fait l'objet d'un documentaire intitulé He Who Dreams: Michael Greyeyes on the Powwow Trail (1997), chorégraphie et coproduit Triptych (2007), un court métrage qui explore par la danse l'impact émotionnel des pensionnats canadiens. Nicole Mion, de Calgary, crée à la fois pour la scène et l'écran. Elle réalise des œuvres primées, entre autres des vidéoclips et des films de danse, dont Porcelain Tattoo (2003).

Le Moving Pictures Festival of Dance on Film and Video est une des principales vitrines pour les films sur la danse au Canada et à l'étranger de 1991 à 2006. Ce festival est basé à Toronto et dirigé par la curatrice Kathleen Smith et il effectue des tournées dans les grandes villes canadiennes. De nos jours, le Festival Danse Canada, le Banff Centre et bon nombre de festivals et événements aux quatre coins du pays offrent des films de danse dans leur programmation. De plus, le Canada est dans la compétition avec les autres pays lors des sélections des films présentés dans les festivals internationaux de films de danse et des événements organisés par l'industrie des médias.

Même si Bravo! diffuse surtout des émissions provenant de sources extérieures, le programme Bravo!FACT (Foundation to Assist Canadian Talent) contribue grandement à la réalisation de courts métrages originaux qui incorporent des beaux-arts. Cette fondation encourage la création d'œuvres d'art, stimule l'intérêt du public pour ces œuvres et favorise la reconnaissance de l'art et des artistes canadiens grâce à la diffusion de courts métrages par Bravo!FACT. Des milliers de projets peuvent ainsi voir le jour depuis 1995, y compris de nombreux films de danse d'une durée de moins de six minutes réalisés par Veronica Tennant, Mark Adam et bien d'autres : Firedance (2001) de Drew Mullin, mettant en vedette la danseuse kathak Joanna Das ainsi que la danseuse de flamenco Esmerelda Enrique; Flock of Flyers (2001) d'Isabelle Barsive, qui présente la chorégraphie humoristique et clownesque de David Danzon, de Sylvie Bouchard et de leur compagnie Corpus.

Parfois, plusieurs courts métrages sont réunis pour former un film, comme Rings of Saturn (2001) de Mose Mossanen, chorégraphié par Robert DESROSIERS et acclamé par la critique. Sur le thème de l'amour à sens unique, les cinq vignettes de Rings of Saturn finissent par former un tout grâce à un narrateur et à une trame narrative traditionnelle. Diffusée sur Bravo!, Rings of Saturn intéresse aussi la SRC qui la présente en 2002. Grâce à la diversité des films de Bravo!FACT, les réalisateurs et les chorégraphes canadiens sont davantage représentés lors de festivals, d'événements et d'émissions spéciales sur d'autres chaînes. Les cinéastes de danse canadiens du 21<sup>e<sup> siècle sont hautement appréciés dans le monde entier, principalement grâce à ces mesures d'encouragement ainsi qu'à la diffusion mondiale et à la distribution croissante de leurs œuvres sur Internet.

Les applications informatiques

Le Canada fait maintenant figure de pionnier en matière d'applications informatiques interactives dans le domaine de la danse. Les deuxième et troisième conférences internationales de la danse et de la technologie ont lieu à l'Université Simon Fraser (1993) et à l'Université York (1995). Des techniciens en informatique, de concert avec des danseurs et des pédagogues, mettent au point des logiciels pour faciliter la création, l'enseignement, la notation, l'archivage et la promotion de la danse. Conçu au début des années 1980 par le professeur Thomas Calvert et la danseuse et informaticienne Thecla Schiphorst de l'Université Simon Fraser, le logiciel Life Forms permet de créer des simulations informatiques des mouvements du corps humain. Les chorégraphes ou les professeurs peuvent travailler directement à l'écran et perfectionner certains mouvements avant de les faire exécuter aux danseurs, ce qui leur épargne le stress physique des mouvements répétés. Rhonda Ryman, une ancienne professeure à l'Université de Waterloo, développe DanceForms, une nouvelle version du logiciel Life Forms spécifiquement adapté pour la danse. Ryman et la professeure Nadia Potts utilisent dans leur livre des images de simulations informatiques du nouveau programme pour illustrer des exercices autrefois enseignés par Betty Oliphant, la directrice fondatrice de l'École nationale de ballet. Ryman utilise les logiciels d'animation Life Forms et DanceForms pour créer plusieurs bibliothèques de contenus novateurs, dont Ballet Moves, qui contient plus d'une centaine de positions et de mouvements pouvant être utilisés au besoin dans le cadre de projets d'enseignement ou de création. En collaboration avec le Computer Graphics Lab de l'Université de Waterloo, Ryman développe également MacBenesh, un programme qui crée, vérifie, mémorise, recherche et modifie des partitions de ballet écrites en notations Benesh. Ce logiciel est utilisé comme outil complémentaire du logiciel de conception américaine LabanWriter pour l'enregistrement de danse à l'aide de Labanotation.

La technologie de capture de mouvements est utilisée dans le domaine de la danse à des fins d'archivage et de création. À l'avant-garde de la création chorégraphique, Martine Époque et Denis Poulin lancent L'ARTech en 1999 pour la recherche à la fois artistique et scientifique. Ensemble, ils inventent la « technochorégraphie », qu'ils utilisent pour créer des chorégraphies numériques, dont Nobody Dance et Le Sacre du printemps. Ils décrivent leurs travaux comme étant la recherche des manifestations du corps humain « dans la signature numérique de ses mouvements ». Ils affirment également que « puisqu'il est dénué des références corporelles traditionnelles, ce type nouveau d'œuvre magnifie l'ampleur des mouvements de danse et l'expression dynamique ».

En 1990, les professeurs Mary Jane Warner et Norma Sue Fisher-Stitt de l'Université York entreprennent un projet pilote afin d'explorer les possibilités d'intégrer la technologie de HyperCard à un didacticiel sur l'histoire de la danse. À partir du ballet de Gweneth LLOYD, Shadow on the Prairie, elles montent un didacticiel interactif offrant à l'usager des renseignements sur le Royal Winnipeg Ballet, sur sa cofondatrice, Gweneth Lloyd, sur Arnold SPOHR, directeur artistique pendant 30 ans ainsi que sur le ballet lui-même. On y trouve du texte, des images fixes et des liens qui permettent à l'usager de cliquer sur des mots en caractère gras pour obtenir plus d'information, des questions qui mettent au défi les connaissances de l'usager et enfin des extraits vidéo et sonores du film Shadow on the Prairie réalisé par l'ONF. La nature interactive du didacticiel motive l'apprentissage puisque l'usager doit participer activement et faire des choix afin d'avancer dans la leçon.

Eddie Kastrau, un danseur de la DANNY GROSSMAN DANCE COMPANY, invente Performance History Database (PHD) en 1994. L'idée lui vient après avoir éprouvé de nombreuses difficultés à retrouver des pièces précises du répertoire dans la collection de bandes vidéo de Grossman. Il s'attaque d'abord au catalogage des danses de la compagnie enregistrées sur bande-vidéo. À mesure qu'il ajoute au contenu, il modifie la base de données pour en faciliter l'utilisation. Sur les conseils d'administrateurs torontois dans le secteur de la danse, il intègre au logiciel une multitude de renseignements se rattachant aux représentations : dates, lieux, heures, distribution, fréquentation, commanditaires, répertoire, danseurs, reportages des médias, catalogues de bandes-vidéo et droits d'auteurs. Le logiciel permet aussi de stocker des séquences d'archives et des photographies. La plupart des grandes compagnies modernes de danse l'utilisent.

Dance Collection Danse (DCD) a recours à la méthode de l'archivage électronique depuis de nombreuses années. Grâce au balayage d'images, on réussit à conserver des photographies, des coupures, des programmes et des artefacts relatant l'histoire de la danse au Canada, bien au-delà de la vie utile du matériel original. DCD met également sur pied la Base de données intégrée de danse canadienne (BIDC) pour le catalogage de ses collections. Ce logiciel de gestion de collections est destiné aux artistes et aux compagnies qui veulent cataloguer leurs collections d'archives dans le cadre du Grassroots Archiving Strategy de DCD. Les dossiers créés par les artistes et les compagnies dans la BIDC peuvent être téléchargés sur le site web de DCD, créant ainsi une base de données nationale. DCD utilise également Internet comme outil efficace de diffusion de l'histoire canadienne de la danse par le biais d'expositions virtuelles contenant des textes, des images et des fichiers audio.

Internet et les médias sociaux

L'utilisation d'Internet comme outil de commercialisation est sans doute la dernière innovation des compagnies de danse. Un grand nombre de compagnies utilisent Internet pour faire la promotion de leur prochain spectacle ou de leur nouvelle chorégraphie pour solliciter des dons ou tout simplement pour tenir leur public au courant de leurs activités. Le magazine Dance Current utilise Internet pour offrir du contenu en supplément de la version imprimée, notamment des comptes rendus et des entrevues. Le magazine rend un service précieux au milieu de la danse en diffusant le calendrier Destination Dance/Danse performance. Les compagnies de danse peuvent y télécharger des informations concernant leurs spectacles et le public peut accéder à une base de données contenant des renseignements pertinents sur les spectacles ainsi que les artistes à l'affiche, la date et l'endroit des représentations. Dance Passport, lancé par Julye Huggins en 2008 avec le concours du Dance Umbrella of Ontario et soutenu depuis 2009 par Dance Current, un vidéoblogue en ligne qui fait la promotion de la danse au Canada, présente des artistes du milieu et des activités qui ont lieu sur la scène canadienne.

Le site Internet YouTube, lancé en 2005, améliore en peu de temps l'accès du public aux archives de danse. Beaucoup d'artistes et de compagnies utilisent maintenant YouTube en même temps que leurs propres sites pour promouvoir leurs activités à l'aide de vidéoclips. La séquence vidéo de rassemblements éclair (danse préchorégraphiée exécutée dans un espace public) est un autre phénomène de la culture populaire largement diffusé sur YouTube. Ce type de prestation s'ouvre généralement avec deux danseurs rapidement rejoints par plusieurs autres danseurs jusqu'au moment où le groupe de danseurs atteint son paroxysme et forme un « rassemblement » qui exécutent la chorégraphie. La trame musicale est généralement entendue par tout le monde dans les environs. Les niveaux d'habileté des danseurs prenant part à ses « rassemblements » varient du simple amateur de danse au danseur professionnel hautement qualifié. Ces prestations urbaines sont souvent enregistrées et se « propagent » rapidement sur Internet.

Les médias sociaux (Facebook, Twitter, Flickr et autres sites de réseautage) sont aujourd'hui très utilisés par les danseurs et les compagnies pour promouvoir leurs activités.